Un vent sulfureux sembla s'insinuer dans la vaste pièce lorsque la conversation bascula sur un sujet un brin paillard. Du moins, à condition d'une interprétation outrancière de certains propos. Quoi qu'il eut tout aussi été fort probable que le flirt se soit instillé sans que je ne m'en fus mème rendu compte. Après tout, le courtisan consommé que je restais bien qu'ayant quitté la cour somptueuse mais néanmoins à présent décrépie de la capitale. Or, séduire faisait partie du devoir de ce beau parleur politique rompu à la diplomatie souple propice aux révélations en tout genre. Pourtant, devant le sourire quelque peu inquiétant de la Valyrienne puis l'ancrage de ses prunelles violettes dans les miennes je ne puis que me figurer avoir éventuellement percé une faille dans l'armure éprouvée de mon invitée. La surprise de sa franchise n'apparut cependant point sur mes traits. Et durant un laps de temps suffisant pour réciter une prière aux Sept ou tomber amoureux, je laissai mes yeux se perdre dans les siens non sans arborer un sourire en coin. "Je n'oserais nullement faire preuve d'une telle indélicatesse capitaine. Cela serait abuser de mon rang d'hote d'une part et je crains fort que votre blessure ne vous prive de ce genre de bataille d'autre part." 

Etais je séduisant au point d'intéresser une membre du parti Valyrien ? Quoi qu'il en soit, je ne considérais guère sérieusement sa proposition car étant déjà accaparé par une autre à laquelle corps et âme étaient enchainés, la tentation n'en fut point une. D'autant que cela me poserait un dilemme moral quant au fait de coucher avec l'ennemi. Enfin, l'ennemi l'envahisseur allié si je puis tourner cela d'une délicieuse ironie. Pareille proposition au cœur des appartements de feue mon épouse me poussait à croire que la veuve n'avait réellement pas froid aux yeux. "Nous partageons en effet plus en commun que vous et le reste du continent cela ne fait aucun doute. Une reine Rhoynar s'en est assuré il y a de cela bien longtemps. Vos cheveux d'argent vous vont en effet bien davantage." Finalement, c'est l'évocation de notre héritage d'outre détroit qui m'amena à m'imaginer qu'elle s'était faite une certaine idée des mœurs conjugaux de ma contrée. Ma barbe hirsute fut lissée d'un geste réconfortant avant que je ne me décide à vider le contenu de ma coupe ciselée. "Puisse les Dieux vous entendre ma chère." Sa dextre porte en toast en l'honneur de sa remarque et je m'incline respectueusement. Puis, je chapardai une nouvelle brioche nimbée de miel sur le plateau avant d'entamer sa lente exécution sans quitter la capitaine des yeux. "Voilà qui est bien parlé en effet. Ce une vaut bien d'insister autant qu'il se doit sur votre rang." 

Rien ne m'était aussi détestable que le roulis incertain et roublard du pont d'un navire. Ce qui pouvait je devais bien le confesser apparaitre comme relativement cocasse pour un seigneur disposant d'un port dans sa baie cependant la cote n'était point le seul élément caractéristique de mon fief puisque ce dernier était également montagnard. Or, je me sentais infiniment plus à l'aise au sommet d'une vallée qu'au milieu de la mer et de son sempiternel charivari détestable. Mon cadet Milo lui n'avait guère ce problème puisqu'il appréciait fort héroïquement le fracas de ces rouleaux compresseurs humides. Quand je clamais haut et fort que mon cadet n'était pas tout à fait sain d'esprit. "Disons que j'ai fait de cela l'un de mes objectifs de vie depuis mes premiers pas. Je souhaitais devenir la plus fine lame de la Principauté. Hélas, l'Epée du Matin Robert Dayne m'a ravi ce titre mais je pense compter parmi les plus chevronnés. C'est ainsi que l'on apprend le mieux m'a t'on dit. Les traitements de faveur pourrissent le fruit de l'apprentissage. J'imagine que cela a mème du s'avérer le contraire. On a rapporté des attaques sur les mers du continent. Nous autres sommes plus coutumiers des requins géants." Je me rapprochai d'elle en un élan spontané de sympathie mâtiné de bonne conscience et l'aidais à rajuster ses coussins dans son dos. 

"Voilà qui sera plus confortable. Eh bien mis à part des requins de taille impressionnantes j'ai bien peur d'ètre quelque peu modeste en récits." Un large sourire solaire illumina les traits tannés de mon facies à sa dernière demande. "Ma contrée est piquante à l'instar d'un scorpion dérangé au milieu du désert. Elle est profondément hostile envers les étrangers de part son climat aride parfois suffocant mais aussi ses étendues de sables ininterrompues au sein desquels il est si aisé de se perdre. Ses montagnes d'est en ouest sont telles des forteresses naturelles verrouillant nos terres comme si telle avait été la volonté des Dieux. Nos cotes sauvages et escarpées sont semblables à des crocs prêts à déchiqueter les navires trop téméraires pour leur propre bien. Cependant, derrière cela ma patrie est la plus belle terre du monde à mes yeux. Ses paysages sont somptueux dans un coucher du soleil flamboyant. Son charme est bien présent derrière le voile de sa rudesse. Aucune sensation ne saurait égaler celle de la brise du désert soufflant sur son visage. Dorne est une mère exigeante qui souhaite que ses enfants persévère pour pouvoir leur dévoiler ses plus beaux atours." 

Nos yeux perdus les uns dans les autres l'atmosphère pleine d'une tension soudainement aussi brulante que sensuelle sans mème que je ne puisse parvenir à me remémorer la manière dont nous avions glisser sur un chemin aussi abrupte me permet de me rendre compte de la beauté brutale de la capitaine du Fendeur des Mers. Jentys Cellarys n'était point affublée d'une beauté tempétueuse, envoutante, savante ou provocante. Non, elle était attirante comme une belle épée terriblement tentante mais o combien dangereuse. Belle comme une charge de cavalerie dans un flanc enfoncé. Belle comme un son de cor annonçant l'arrivée de renforts. Belle d'une beauté sauvage, implacable, mystique comme la cité perdue de son peuple. Le fait qu'elle soutienne sans ciller la moindre seconde mon regard de braise en dit long sur l'incendie s'étant déclaré de lui même en ces lieux chargés d'une douloureuse tristesse. 

C'est d'ailleurs ce point qui précisément me pousse à mettre un terme à cette ambiguïté incongrue. “En ce cas Lys doit s'avérer un paradis bien infernal. Un véritable berceau de la luxure et de la volupté qui ne pourrait que plaire à tout Dornien tant nous sommes portés sur les délices de l'existence. Vous dites vrai capitaine. L'on peut également jouer avec cela de bien des manières. Mais, vous avez la conclusion la plus adaptée. L'ombre de mon Ellayna plane encore en ces lieux du moins est ce ainsi que je le ressens dans ma chair.” Impossible dilemme que celui de tenter de déceler les pensées agitant cette tète bien plus compétente qu'elle ne souhaitait le faire paraitre. Car, Jentys Cellarys s'avérait bien loin de n'ètre qu'une vulgaire guerrière des mers au service de son tyran d'imperator. Elle était une multitude de choses faisant d'elle une exceptionnelle exception au sein de ce bas monde. 

Était elle en train de me jouer à l'instar d'un double solde disposant soudainement d'une veine de cocu à une table de jeu au sein d'une taverne ? Ou se laissait elle aller à une plaisante conversation charmante en compagnie de son odieux bienfaiteur par relâchement d'une existence parfois lourde à porter ? Ne pouvant me frayer un chemin dans sa caboche aussi aisément que je pourrais probablement le faire entre ses lèvres, je devrais me contenter de naviguer à l'instinct. “C'est le plus dur qui soit en effet. Car, il y aura toujours une multitude d'hommes pour caresser le même souhait. Il s'agit d'un défi perpétuel.” Mes doigts fouaillèrent les environs de sa nuque lorsque dans un élan de compassion je remis un brin d'ordre dans sa couche. Que l'on ne vienne point arguer que lord Moran Toland ne prenait pas soin de ses invités. Un sourire amusé éclaire mon facies facétieux suite à sa conclusion relative à la bonne étoile liant survie et absence de récits terribles regorgeant de face à face avec ce que la nature marine comptait de plus impitoyable. 

“L'on eut pu penser qu'il ne s'agissait que de simples légendes cependant les disparitions de bâtiments entérinent la réalité de ces monstres.” Un rire bruyant et sincère fuse hors de sa prison de chair au son de sa remarque finale. “Seulement un peu d'amour capitaine ! C'est que je n'ai pas été à la hauteur de mon sang Dornien. Je suis profondément amoureux de ma terre natale. Elle est à la fois ma mère et ma première amante. Je pourrais me perdre durant des heures en un dédale verbeux louant sa parfaite et complète magnificence. Oh, mais ne méprisez point le votre capitaine Cellarys. La majorité des hommes ne disposent point de domaines et doivent se contenter de servir sur celui d'un autre.” Suivant son regard sur le plateau, je me rends compte que je n'avais fait apporté que des sucreries. Me redressant pour rejoindre la porte, je mandais mon écuyer en faction devant la porte d'aller ordonner à une servante de nous emmener de quoi nous sustenter. Puis, une fois de retour à son chevet je pousse un soupir de circonstance. “Mes excuses dame Cellarys. J'ai omis le plat de résistance. J'ai fait mander celui-ci. Et si vous me parliez de votre propre domaine en attendant son arrivée.”

Sa remarque relative à l'amour immodéré d'un Dornien pour sa contrée me tire un sourire amusé. Elle semble finalement avoir assimilée que le plus patriote des westerosis était de loin le ressortissant de la Principauté. La chanson de l'épouse du Dornien me vient à l'esprit afin de l'aider à comprendre avec encore davantage de précision à quel point nous étions chauvins et sanglants vis à vis de cela. "Connaissez vous la chanson l'épouse du Dornien ? Celle-ci évoque la passion d'un étranger pour une femme de nos terres. Comment lui en vouloir celles ci sont si parfaites ? Seulement, la donzelle étant mariée l'époux bafoué abat son rival d'un coup de lame en plein cœur. Une douce ironie que de mourir de cette manière à cause de la passion. Quoi qu'il en soit. Cela signifie que les étrangers lorgnent depuis toujours sur nos richesses. Mais que cela ne manque jamais de mal finir pour eux." Je ne sais pas comment sera interprété ma modeste saillie à peine voilée à l'encontre de tous les envahisseurs et voisins de la Principauté et à dire vrai je m'en moque éperdument. 

Cette fois c'est avec un rire sincère aussi sonore que solaire que j'accueille sa plaisanterie sur sa propre situation. Cela me conforte également sur sa force de caractère faisant mon admiration car pour parvenir à faire preuve de cynisme sur une telle blessure il fallait avoir des épaules solides. "Il est vrai que cet incident regrettable nous prive d'un face à face de renom. Mais si vous êtes aussi redoutable que l'on ne le prétend peut être cela vaudrait il mieux pour moi." Sarcasme et cocasserie planent désormais sur cette somptueuse pièce tant chargée en souvenirs. "Mieux c'est comme vous dites capitaine. Les monstres sont faits pour effrayer les enfants turbulents et orner les livres de la Citadelle." Sa main semble se fermer d'une bien étrange manière comme si quelqu'un la lui tenait affectueusement. Les esprits accompagnent souvent les vivants dans plusieurs cultures. "Vous ètes une aristocratie de possessions plutot que de fief. Vous n'ètes pas tant attachés à un sol qu'à des biens en tout genre. J'apprécierais réellement contempler cette propriété. Oh, mon amour de mon pays ne me prive guère du gout du dépaysement." Milo avait exploré une partie de l'autre continent au sein des Puinés et son rejet des Valyriens n'en était que davantage tenace. Mais révéler cela serait une faute de tact. 

"Une superbe galère de guerre manœuvrée par cent hommes d'expérience terrifiant les mers au nom de Valyria. J'aimerais beaucoup le découvrir bien que je n'ai en rien le pied marin." Je l'avais d'ailleurs éventuellement déjà aperçu au cours d'une observation de mon port depuis la plus haute tour de la forteresse mais seulement de loin et de bien imprécise manière. "C'est une réputation bien lourde à porter que celle là. Mais c'est le lot de tout guerrier ou seigneur de guerre d'aspirer à semer la terreur la plus abjecte dans les coeurs ennemis. Vous ètes donc également charpentière de marine ?" Mon écuyer frappe à la porte avant de permettre à Lycinia d'entrer les bras chargés d'un plateau de mets salés en tout genre. Un sourire satisfait étire mes lippes lorsque je constate la présence d'un peu de mouton confit. "Je vous en prie dame Cellarys servez vous. J'espère que vous apprécierez la cuisine de Spectremont. Vous avez déjà rencontrée la princesse Nymeria il me semble. Comment la trouvez vous ?"

L'expression faciale de la Valyrienne vaut son pesant d'or tant elle doit lutter pour ne point se laisser aller à une pointe éminemment piquante de désapprobation. Sa remarque sarcastique s'avère de toute manière suffisamment éloquente pour me passer le message qu'elle n'est en rien dupe de mes avertissements à demi voilés. "Oh non capitaine. Vous souhaitez nous faire passer pour des rustres c'est cela ? Dorne à toute âme l'aimant avec sincérité et se pliant à ses us et coutumes. N'ai je pas souligné à quel point nous sommes accueillants." Mon attitude me rappelle la vipérine de la princesse Jaenyra lors de notre rencontre privée au Vieux Palais. La fille du tyran souhaitait se revendiquer des serpents alors que Dorne en était littéralement infestée et était bien souvent élevés en emblèmes. Ce fut comme faire face à quelqu'un se pensant plus retors que vous simplement en raison d'un statut supérieur. Grossière erreur d'estimation. "Et c'est ainsi qu'il convient d'aborder la chose martiale dame Cellarys. Tout donner dans chaque combat qu'importe les circonstances. Voilà ce qu'est le guerrier véritable." Sa situation tragique nous privait d'un affrontement d'anthologie et cela me chagrinait quelque peu. Je la pensais bien capable de me tenir au minimum tète voire de me pousser dans mes retranchements. Quant à me vaincre, il ne fallait guère pousser. Qu'importe si telle était la volonté des Sept alors cela arriverait un jour ou l'autre. Un grand rire vient adoucir l'ambiance de nouveau tendue en fusant hors de mes lippes avec une belle énergie. 

Un rire amical et bruyant témoignant du fait qu'en dépit des piques ou des menaces, je passe un excellent moment en sa compagnie. "Me prenez vous pour un fol suicidaire ? Qui souhaiterait affronter un léviathan de cent pieds de long. D'autant que je ne suis pas à l'aise sur les flots." Un soupir accueillit ma remarque sur la différence entre l'aristocratie de Westeros liée au sol et sa possession et celle de Valyria visiblement plus mobile et dont la puissance se mesurait en étalage de possessions en tout genre. "Moi même, je serais bien curieux de voir comment je m'y adapterai à votre mystérieux continent plus complexe que le notre mais également infiniment plus riche de cultures différentes." Son visage semble soudainement s'illuminer de nouveau lorsque j'évoque son cher navire et je me rends compte de la portée incroyable de son attachement envers cette galère de guerre. Quelque chose de viscéral et de profond que je ne peux m'empêcher de trouver admirable. Un sourire complice étire lentement mes lippes devant cela. 


"Quel dommage. J'aurais aimé rencontrer celui qui vous fait ainsi chavirer le cœur. Le considéreriez vous davantage comme votre enfant ou votre amant ?" Pique doucereuse mais néanmoins pleine de curiosité afin de tenter d'évaluer son rapport à son foyer mobile. "Je vois. L'imagination pour la destruction est un point commun à tous les hommes. J'ai moi même quelques idées de réformes martiales pour mon ban. Quant à la réputation, je suis d'accord avec vous." Elle achève sa tirade sur Nymeria d'un sourire ambivalent dans lequel je décèle de la fierté, de la félicité et un brin de moquerie. Mon propre sourire roué ne me quitte pas tandis que je lui réponds. "Le mouton confit est divin surtout accompagné de semoule aux légumes. Le tout garni d'épices brulantes a de quoi vous envoyer au paradis des papilles dame Cellarys. Ma chère amie est en effet une jeune femme brillante ayant à cœur l'intérêt de son peuple. Cela ne m'étonne guère qu'elle ait su voir votre valeur et vous ait offert ce présent. Votre sexe n'a aucune importance à Dorne. Quel effet vous ont fait les autres Dorniens que vous avez rencontré ? Que pensez vous de nous ?" Fais-je sans ambage tout en lui servant une riche assiette généreuse de ce plat typique de mes montagnes. 

Impossible de prendre dame Cellarys pour une vulgaire tanche à la capacité de réflexion d'individus fréquentant des bouges miteux pour s'y envoyer des cuites monumentales. Ca c'était de l'apanage de ses hommes. La veuve quant à elle semblait capable de danser une autre gigue bien plus complexe. Aussi, je me figure que mes petites allusions à notre sens du patriotisme chevillé au corps s'avérait aussi subtil qu'une maquerelle dans une ruelle mal famée de grande cité. "Remplacer les Dorniens serait de toute manière impossible car Dorne elle même ne saurait l'accepter. Quoi qu'il en soit, puissent les Sept permettre cette vision plaisante et porteuse d'espoir comme de prospérité. Ce compliment m'honore capitaine." Inutile de lui expliquer ce que j'entendais par Dorne elle même ne permettrait jamais une telle chose.  Qu'il s'agisse du soleil de plomb capable de faire mourir de soif ou rôtir dans une armure trop lourde, des serpents et des scorpions venimeux, des points d'eau limités et jalousement gardés, des tempêtes de sable capables d'engloutir une armée pour n'en régurgiter que les restes... 

La contrée se défendait seule contre les envahisseurs déployant des trésors d'hostilité afin de leur faire payer leur folle témérité. "Exactement dame Cellarys. Il s'agit de respect autant que d'honneur tant envers l'adversaire que soi." Qu'importe le camp dans lequel l'on se trouvait, un véritable guerrier ne pouvait qu'estimer le brave capable de venir lui faire face. L'étirement des lippes affiché par la flibustière m'apparait bien trop roublard pour s'avérer sincère. "Vous avez raison. Il faut posséder en soi une étincelle de folie pour se mesurer à la mort autant de fois." Mon regard se durcit et mon expression se fait plus sévère que l'attitude d'une septa prude devant un lieu de débauche à son évocation des fer nés. En dépit de nos points communs, nous avions été ennemis de ces marins émérites. Et, nos rencontres s'étaient avérées impitoyables. "Toutes ces choses sont vraies voire en deca de la réalité alors je pense qu'ils voudraient forcément. Votre humour est audacieux capitaine." D'ailleurs, c'est cette auto dérision qui me pousse à me dérider dans la foulée. "J'ai des parents ayant arpenté Essos. Un oncle, un cousin et un de mes cadets. Je pense que je tenterai l'aventure bien entouré." Son rire malicieux s'accompagne d'une lueur fière lorsqu'elle dégaine son épée et la qualifie d'amante. Je ris à mon tour face à cette manifestation guerrière. "Vous êtes donc de cette école ci. Celle de la relation physique du guerrier aux armes." 

Mes yeux la quittent pour se porter à mon ceinturon d'armes auquel pendent mon sabre et ma dague à la garde en forme de gueule de bouc des montagnes. Des armes superbes mais voilà ce qu'elles étaient des armes rien de plus. Je reporte mon attention sur elle suite à sa question aussi innocente qu'un soudard dans un bordel. "Eh bien quelques améliorations rien de plus. J'y pense depuis longtemps." Je souris de manière énigmatique face à la frustration causée par une telle réponse creuse. Alors qu'elle se saisit de son plat et l'hume je me sers à mon tour une belle quantité de mouton et des légumes en quantité. J'attaque ma pitance sans attendre qu'elle ne se décide à me répondre. Savourant le talent de mes cuisinières sans faire semblant, je me sustente élégamment. "Nous avons en effet des points communs cela ne fait aucun doute. Il s'agit de l'héritage de la reine Rhoynar Nymeria originaire des plaines de la Rhoyne. Deux exemples frappants que celui du bouge de boisson et du bordel. Je ne parle pas avec sarcasme. Ce sont les deux lieux au sein desquels les hommes s'expriment le plus librement. Que racontaient les dorniens s'étant étripés sous vos yeux ? Quels étaient les motifs de leur discorde ? Nous sommes un peuple querelleur de nature. Mais je suis curieux." 

Cette conversation un brin caustique était tout aussi pleine de faux semblants que le discours péroré par un faux jeton endetté jusqu'à l'os face à son créancier rendu impatient par une litanie d'errements tous plus ergoteurs les uns que les autres. Si la veuve n'avait point été l'une des chiennes de guerre du pouvoir en place nous maintenant sous un joug aussi rude que celui d'un bœuf utilisé au champ par une modeste famille de fermiers j'eus pu me montrer capable de souligner avec force d'exhortation et de figures de style pourquoi je considérais la simple présence Valyrienne sur mon sol comme une injure sans égale jetée à la figure de nos ancêtres. Hélas, je ne pourrais lui faire de l'effet quant à mes capacités oratoires à maudire la maison m'ayant contrainte par la menace à me parjurer envers ma maison suzeraine que je n'avais pas trahi. Refuser de répondre au ban relevant certes de l'offense cependant cela ne constituait guère une rupture de serment de féauté. La société féodale était source de ce genre de casus belli qui se réglaient bien souvent de la plus apaisée des manières. Je me contente donc de jouer dans cette tragique comédie le rôle qui est le mien d'un masque pédant par loyauté et amitié pour Nymeria. "Respect et honneur dans la bravoure si je puis me permettre."

De bien belles valeurs que celles ci... On croirait entendre un foutu Bieffois caqueter comme une cancanière. La vérité était bien plus crue que cela. Lorsque l'on se battait le seul objectif était de vaincre alors qu'importe les manières. Voilà comment pensait un Dornien. Ce qui expliquait nos démêlés avec nos arrogants voisins du nord. Un rire parvient pourtant à dissiper la tension naissante face à sa remarque mentionnant les Uller. "Exactement la maison Uller se coltine une sacrée réputation de dégénérés au sein de la Principauté. Mais, au vu de nos caractères enflammés c'est davantage un compliment qu'une opprobre. Ce serait une bonne devise tout à fait intimidante et à la hauteur de la réputation que vous avez su vous tailler à la force de votre poignet."

La devise de la maison Toland avait été les spectres hantent mais il y en avait une autre des ombres nait la lumière. Deux axiomes soulignant notre réputation d'esprits mauvais capables de frapper en plein cœur tous nos ennemis. Au sujet des fer nés, je n'avais de rancœur envers eux qu'en raison de leurs attaques car nous partagions énormément avec ces insulaires. Détestés et craints par leurs voisins, des guerriers habiles et audacieux, des tactiques de combat peu orthodoxes, le gout des excès de l'existence... Sa question suivante me contraint à maintenir le masque du courtisan en place pour des raisons de bienséance et de tact diplomatique.

En effet, ni vous ni eux ne seraient les bienvenus à Dorne. Mais à choisir, j'aurais préféré les insulaires car depuis la fin de la lignée Hoare ces derniers s'étaient libérés du désir d'hégémonie. Eux au moins, étaient de Westeros. "Je dois confesser que nous avons certainement plus en commun que les pillards des iles de Fer." Un sourire mielleux sur mes lippes sèches en raison de la chaleur je me contente de cet expédient verbeux. "C'est bien ce que l'on m'a rapporté en effet. Essos est pleine de mystères, de charmes mais également de dangers. On ne peut se figurer l'apprivoiser tout entier." Bien que je ne me targuais guère d'une relation aussi fusionnelle avec mes lames, je devais pourtant bel et bien reconnaitre que je me sentais dénudé et doublement veuf dépouillé de ces dernières. "L'école de ceux qui ne voient en elles que des outils indispensables certes mais de simples outils."

Je l'observe savourer la nourriture de mes cuisinières en me demandant à quoi ressemblerait son visage violacé et ses mains sur sa gorge à la recherche d'un souffle qui la fuyait obstinément ravagée par le poison le plus subtil qui soit. Me focalisant sur mon propre plat que je prends le temps d'apprécier à sa juste valeur, je me sustente en prenant pleinement mon temps tout en agrémentant ma dégustation de ces mets typiques de mes montagnes de coupe d'eau aux agrumes. Dorne est une contrée raffinée. Et les Valyriens y passent pour des barbares aussi peu subtils que des bandits de grand chemin dans une joaillerie. "Vous avez sauvé deux Dorniens de leurs propres élans. Vous nous appréciez quelque peu finalement. Je m'attendais à entendre parler de religion ou de politique. Mais hélas, rien d'aussi trivial et vulgaire que l'argent. Cela ne m'étonne pas que vous ayez appréciez Nymeria. Elle est douce, amicale, ouverte, et accueillante. Parlez moi de la nourriture d'Essos je vous prie. Que mangez vous ? Quels mets sont les plus réputés ? Y a t'il des spécialités particulières en fonction des villes ?"

L'atmosphère mi figue mi raisin empreinte d'une terrible ambivalence faite de courtoisie tout autant que de piques acérées semble s'être dissipée à l'instar d'un nuage sombre gonflé de promesses d'orage chassé vigoureusement par l'azur d'un ciel d'été. Il m'arrive d'être un bien méchant garçon relativement teigneux je dois le confesser. Seulement, si j'avais proposé à la Valyrienne de venir en ma demeure ce fut bien pour qu'elle se rétablisse avec davantage d'aisance que perdue au fin fond du port dans une bicoque indigne de son sang ou de son rang. Aussi, je décide de baisser les armes et de cesser de me montrer aussi malséant que le fol tentant de disputer un quartier de viande à une meute de loups affamés au milieu d'un rude hiver. Les Dorniens étaient bien des choses parfois complexes voire carrément paradoxales cependant si je n'avais point menti sur un point c'était bien que nous pouvions nous montrer parfaitement accueillants. 

Aussi, remisant dans un coin de mon esprit tortueux tous mes griefs à l'encontre d'une représentante de cette armée d'envahisseurs nous ayant fait plié par la menace considérable de deux monstres ailés, je tache de diluer mon fiel au fin fond de mes veines. Car après tout, si je n'avais point voulu subir les affres de ma sollicitude je n'avais qu'à ne point en manifester. Cela avait fait de moi un débiteur bien amer. Et nous nous trouvions à présent dans une situation terriblement cocasse au sein de laquelle l'objet de ma sollicitude se voyait aussi consciente que moi de nos duplicités respectives. Quoi qu'il en soit, l'apaisement relatif de cette tension politique à couper au couteau tant l'air avait semblé se gorger de sombres humeurs et intentions douteuses me soulage quelque peu. N'ayant que bien peu la coutume de devoir mener la guerilla dans mon propre foyer. Aussi, je prends le temps de savourer les mille nuances des épices et de la cuisson des aliments que je mache avec application en louant intérieurement les Sept de m'avoir doté de pareilles déesses derrière un fourneau. 

Si les bien nés entre autres patriciens dégustaient des mets plus délicats que ceux du reste du peuple il n'en restait pas moins que tous les cuisiniers ne se valaient pas et que d'autres semblaient posséder un véritable don inestimable là ou d'autres se contentaient d'ètre des travailleurs méthodiques. Je sens un sourire pointer le bout de sa musette sur mes lèvres devant son appréciation de cette recette typique de mes montagnes. Apprécier quelque chose d'aussi essentiel que de la bonne nourriture a tendance à rapprocher les gens à la condition sinequenone que le fossé les séparant ne soit point une vallée... “Si ces deux braves soulards en étaient prêts à en venir à la dague alors oui vous les avez bel et bien sauvé d'eux mèmes et de la bêtise qui s'empare souvent des esprits trop éméchés par une forte chaleur.” Le fait qu'elle semble vouloir nier la portée de son intervention ne m'étonne guère car je gage sans trop de risque pris qu'elle eut préférée me raconter comment elle avait trucidé en deux les deux hommes parce qu'ils la dérangeaient elle et ses soudards. 

Refuser de reconnaitre sa propre bonté me laisse de marbre. C'est une question que l'on règle seul à seul dans l'intimité de la rencontre avec son propre reflet. C'est à ce moment là que la conscience se fait aussi accusatrice que le tribunal religieux le plus déchainé et plus tranchante que la pointe effilée de la hache du bourreau. “Oh personne ne déteste jamais personne. Et pourtant nous nous entretuons allègrement pour des motifs parfois si futiles que cela en serait presque risible.” J'enfourne une nouvelle bouchée de mouton dans ma gueule barbue avant de lever les yeux au ciel d'aise face au déversement de plaisir sur mon palais. "De la betterave à sucre vous dites ? En soupe froide ? Pourquoi pas. Du vin vert pale ? Est il plus fort que le vin classique ? Le poivre me plait beaucoup. Y en a t'il plusieurs sortes ? La diversité d'Essos est proprement fascinante. Je pense que je redeviendrais aussi ébahi qu'un marmot devant autant de différences."

Tandis que je savoure mon plat à un rythme raisonnable, je remarque que la capitaine a repoussée son assiette devant elle et que son expression semble nouée. Une gorgée d'eau parfumée ne suffit semble t'il pas à la libérer de son souci. “Vous devez avoir mangé avec trop d'entrain pour votre fragile estomac. Six fois carrément ! Eh bien cette cité de Lys semble emporter vos faveurs. Cela ne me donne que davantage envie de l'explorer. Souhaitez vous que je mande le mestre pour qu'il vous apporte une potion contre les problèmes d'estomac ?” 

Finalement le miracle se produit sous mes yeux conciliateurs. La veuve finit par accepter sans le moindre ombrage le fait qu'elle ait effectué une bonne action envers deux autochtones en leur épargnant un trépas aussi stupide que le souverain se figurant pouvoir diriger sans souiller sa conscience dans le fleuve terrible de la culpabilité. Un sourire amusé ne tarde guère à apparaitre sur mon visage face à ce spectacle surprenant. "Je gage que cela a du vous faire bizarre de faire l'inverse de ce qui constitue votre mode de vie. Mais, c'est une bonne chose que de savoir faire ce qui est juste sans coup d'épée. C'est aussi cela être un guerrier à mes yeux." 

Son propos quant à l'orgueil des hommes fait de même l'unanimité de mon coté. Quand bien même, nous n'avons très certainement guère un point de vue similaire quant aux faits correspondants à ces mots plein de sagesse. En effet, nous ne trouverions jamais que nos camps respectifs agissaient par futilité et égo conducteurs de destruction vaine. C'était bien là que se situait le paradoxal dilemme. D'accords sur le fond mais point sur la forme. "Tant de sagesse nous honore capitaine." La conversation redevenue plaisante semble pousser la veuve à s'exprimer avec davantage d'entrain en dépit de ses quelques errances gastriques héritage logique de mois en mer à ne déguster rien de mieux que des mets aussi limités que peu ragoutants. Je constate qu'elle a néanmoins le bon réflexe de faire passer les bouchées initiales avec des rasades d'eau. De l'expérience en la matière ? 

Tentant d'imaginer les plats qu'elle me décrit, je ferme un instant les yeux afin d'imaginer avec plus d'acuité cette richesse culinaire d'outre détroit. "Je dois confesser n'avoir jamais gouté de soupe froide. Un cépage très fruité dites vous. Me voilà très pressé de me faire un avis sur celui-ci en ce cas. Rien que pour observer cette robe d'émeraude. Sucré à ce point ! Ah je vois un cru vicieux en ce cas. Le genre dont on ne se méfie pas assez et qui nous le fait regretter amèrement. J'ai déjà pu me faire une idée. Car mes parents en avaient ramené quelques grammes d'Essos. J'ai bien apprécié cette saveur particulière. Je crains fort que vous eûtes été déçu dame Cellarys. Mon expression ne dut pas être si cocasse que cela." 

Son léger rire s'élève dans l'air chaud de cette fin de journée avant qu'elle ne branle du chef pour dénier mon réflexe de faire appel à mon mestre en la matière. Rassuré, je cède à son avis. "C'est de ma faute capitaine. Au vu de votre état, j'aurais mieux fait de me montrer moins généreux sur la quantité. J'ai voulu que vous repreniez des forces sans réfléchir quant à votre état physique après tant de jours passés en mer. Mes excuses." Je me lève et viens déposer une main sur son front avec délicatesse. Puis, reprenant ma place je me remets à déguster mon plat paisiblement. "Vous n'avez plus de fièvre. C'est juste une question d'estomac. Souhaitez vous que je vous conte l'histoire de la forteresse le temps que cela se tasse et que vous puissiez reprendre ?"

L'éclat de lumière qui semble passer furtivement dans ses splendides prunelles améthystes dénote rudement avec ses discours précédents prônant une ode à la violence la plus sanguinaire. La pointe de bonté pure que je semble déceler dans ses deux billes oculaires me tire un drôle de sentiment à l'instar d'un chasseur découvrant une scène maternelle empreinte de douceur sans égale entre une louve et son petit. Quelque part, je ne suis pas surpris de constater cela chez la capitaine. Car, quand bien même elle avait démontrée à plusieurs reprises son insatiable soif de batailles et de faits d'armes, les quelques évocations de feue son époux avaient été aussi tendres que sincères. Or, je doutais qu'elle puisse me mentir avec un sujet si délicat. Ou du moins de se mentir à elle-même. "Je pense aussi que vous faites partie de ceux là. Ce sont là les véritables guerriers à mes yeux. Ceux conscients que tout ne doit pas se résoudre dans la violence." 

L'entrain plein de charme avec lequel elle se lance dans ses explications relatives à l'art culinaire de son continent d'origine s'avère profondément revigorant après la joute verbeuse aux allures de ballet se finissant en pugilat après quelques pas de danse au milieu de la grande salle. Aussi, je la laisse me décrire ces mets et ces boissons alcoolisées avec une belle énergie. Souriant face au spectacle de notre discussion redevenue apaisée. Il fallait convenir que nous étions quelques peu face à une relation en dent de scie. "Je risquerais de m'enivrer bien trop aisément hélas car j'ai une certaine appétence pour les bons crus. Veilleriez vous sur moi si nous étions tous deux en Essos et que je me trouvais un peu trop plein pour mon propre bien ? Vous êtes décidément terriblement disciplinée dame Cellarys. Si les Sept me le permettent alors qu'il en soit ainsi." 

Je sens une pointe de curiosité me piquer face à sa remarque. Elle ne se laissait donc jamais aller aux délices de l'ivresse ? Alors, certes cela pouvait parfois donner lieu à de bien cocasses situations mais cela s'avérait plaisant par moments au regard de l'altération de la conscience procurée par une cuite. "Faute partagée si vous voulez." Prenant note du déplaisir fugace s'imprimant sur ses traits suite à mon geste, je me raidis et me sermonne mentalement à ce sujet. Ce coté tactile m'était assez naturel envers certaines personnes. J'étais un Dornien. Son acceptation de ma proposition me permit de trouver une échappatoire à ce malaise naissant. "Je vais vous la conter dame capitaine. Mais avant cela je dois vous interroger. Croyez vous aux spectres ? Aux esprits ? Aux fantomes ?" 

Si l'ordre était une nécessité absolue afin de garantir prospérité, paix, sécurité et une foule d'autres bienfaits dont jouissaient les peuples sous l'égide de gouvernants compétents, il n'en demeurait pas moins un expédient pouvant parfois s'avérer notoirement couteux. Tout était comme toujours question de perspective. En effet, ce que l'un considérait comme acceptable au nom du respect de cet ordre pouvait s'avérer inconsidéré pour un autre. L'humain étant une mosaïque éclatée aux milliers de fragments en guise d'opinions. "Et cela s'avère déjà énorme. Tout le monde ne le fait pas." La discussion autour des richesses culinaires et viticoles de l'autre continent se révèle de manière bien surprenante notoirement animée tant égard à la passion que la veuve place dans son verbeux propos qu'à mes salves de questions successives témoignant de ma curiosité réelle. 

"Une chaperonne bien efficace en ce cas. Je ne crains donc véritablement rien sur vos terres. Dans le sang..." Je me doute bien que cela ait un rapport évident avec ses révélations quant à sa jeunesse éprouvante sur les terres hantées de Valyria. Un sourcil interrogateur ne tarde guère à se dresser sur mon facies tanné face à son aveu. "Je serais bien curieux d'entendre pareil récit !" La capitaine du fendeur des Mers se redresse quelque peu et cherche une position plus confortable suite à ma proposition de récit quant aux origines de la forteresse. "Jenny de Old Stones est une chanson riveraine. Le Conflans se situe à des milliers de lieues de Dorne capitaine. Vous possédez une belle culture générale néanmoins." 

Prenant une voix de conteur mi hypnotique mi murmurée, je plonge mes yeux clairs dans les prunelles améthystes de la convalescente avant de souffler. "Il y a plusieurs siècles avant notre ère un aventurier du nom de Tremor Toland fuyant une troupe ennemie se réfugia dans le cœur de la montagne. Blessé et isolé, il n'avait pas la moindre chance face à une telle bande de bandits fermement décidée à lui faire un sort. Peut être en le laissant cuire au soleil le corps enterré dans le sable. Tremor Toland était un grand guerrier mais hélas dans son état il n'avait que peu de chance de s'en sortir..." Me ménageant un effet de style empreint d'emphase, je guette sa réaction avant de reprendre...

La réponse de la Valyrienne au regard de mon compliment me prouvait qu'elle était belle et bien faite d'une autre trempe que celle du commun des mortels. En cela, nous nous ressemblions profondément en dépit de la litanie délétère de nos différences évidentes. Mon regard sur elle est teinté d'une pointe de respect sincère alors que je reprenais. "Ca dame Cellarys. Nous en sommes chacun les seuls juges..." En effet, qu'importe le domaine qu'importe la discipline concernée nous étions tous les seuls décideurs de la puissance de nos intentions sur une question donnée. Cela pouvait énormément différer d'un individu à l'autre dans des degrés de variation parfois tout aussi impressionnant que l'écart séparant le noble aigle du bas scorpion. Le libre arbitre ainsi que l'ambition personnelle étaient les deux seuls outils sur ce point. La légèreté de la suite de la conversation s'avéra aussi plaisante que bienvenue au regard des coups irréguliers dignes des feintes de mauvais garçon que  nous avions échangé sans faire semblant. 

Bien que ces tocades avaient été enrobées d'une dose non négligeable de courtoisie et d'expressions mielleuses, icelles n'en avaient pas été moins fielleuses pour autant. Un rire de connivence éclata hors de ma gorge suite à sa remarque quant à la manière dont elle me chaperonnerait si jamais nous maraudions ensemble en Essos. "Quel tableau mémorable serait ce là n'est ce pas ! La capitaine et le seigneur étranger dans une telle position. Nul doute que l'on s'en gausserait durant des générations. Vous êtes décidemment une personne de de devoir." Le pis était probablement le fait qu'elle était foncièrement capable de le faire et que si cela se produisait mon ego de lord en viendrait à frôler la surface du sol pour longtemps. Lorsqu'elle me répond vis à vis de ses cicatrices, je me mords intérieurement les lèvres. Voilà comment souiller une paix relative d'une curiosité mal placée à l'instar d'un mouchard au sein d'une capitale ennemie. Cependant, face à son sourire rieur je sens ma culpabilité se dissiper sans effort. "Certainement pour le mieux capitaine. Du moins, je le pense. Un capitaine n'abandonne pas son navire comme un roi n'abandonne pas son peuple un père ses enfants un amant sa compagne." 

L'expression de son visage suite à ma question sur sa croyance en les esprits des morts me fournit une réponse explicite. "Ah il est vrai que les marins adorent les tavernes et que ce sont des lieux réputés pour leur ambiance." Suite à mon effet typique des orateurs poseur de l'aristocratrie qu'importe son origine, je reprends sur le même ton de conteur au coin d'un feu. "Tremor Toland s'effondra au fin fond d'une caverne non sans noter avec stupéfaction que la roche semblait creusée en tunnels. A l'extérieur, les hommes s'impatientaient avides de sang et de vengeance. Le soleil s'était couché depuis des heures lorsque Tremor tomba dans les vapes en raison de ses plaies. Furieux, les pillards pénétrèrent dans la montagne. Lorsque le Toland se réveilla le lendemain ses plaies avaient été bandées et les cadavres des cinquante bandits tapissaient les lieux..." 

"Bien entendu. Nous et les Dieux. Nous à l'échelle des hommes et eux à l'échelle de l'éternité." Cela semblait tellement naturel à mes yeux que je n'avais pris la peine de citer les Sept dans ma remarque car en tant que fervent pratiquant de cette religion, j'avais parfois tendance à étendre mon point de vue sur celle ci à toutes mes réponses. Or, mon interlocutrice privilégiée n'était certainement pas croyante des Sept et peut être pas croyante du tout. Les divinités des Valyriennes étaient elles autre chose que le feu et les dragons ? Je me doute bien que la foi n'est pas sa tasse de rhum au regard de son expression lors de la prononciation de ces quelques mots. Mon rire rauque résonne une fois de plus à travers cette pièce si symbolique pour ma personne sans que je ne sois offensé par le son de ma propre joie. Cela représente une véritable nouveauté tant d'ordinaire, je considère toute manifestation sonore dans cette part de la forteresse comme un sacrilège à la mémoire de feue ma merveilleuse Ellayna. 

Je me figure trimballé comme une lady ayant fuguée pour aller danser la gigue sur la place du marché retourné à son propriétaire par un chevalier de la maison en question à cela près que je serais le paquet et que le chevalier serait une capitaine Valyrienne. Un fou rire fuse hors de mes lippes à l'image d'un carreau d'arbalète face à pareille vision improbable. "Si le résultat d'une telle débauche de boisson est semblable à ce que vous me décrivez alors je vous serais nécessairement reconnaissant de m'épargner pareil décadence." Le sujet de l'origine de certaines de ses cicatrices vient entacher cette goguenarde part de la conversation. "Votre second vous semble infiniment dévoué." Quant à la question des chants, je suis quelque peu surpris d'apprendre qu'elle les appréciait à leur juste valeur tant je l'aurais imaginé austère en raison de sa discipline. Un sourire vient se peindre de nouveau sur mes traits devant la perspective de la contempler en train de chantonner sur un quai.

"Décidemment, vous êtes comme une mère pour eux j'ai l'impression. Vous aimez cela n'est ce pas ? Cette ambiance débridée et délurée crée par la fraternité d'un équipage. Ne mentez pas." Je lui demanderai de me chanter quelque chose un peu plus tard mais pour l'heure, je me devais d'achever le récit de la fondation de ma forteresse. "Tremor ne sut jamais qui avait massacré les pillards ni qui lui avait sauvé la vie. Mais, remerciant les Dieux pour cela il décida de fonder les bases d'une forteresse au mur blanc entre les montagnes et la mer. La légende raconte qu'il allait offrir régulièrement des offrandes de sang au milieu des cavernes. Notre premier blason fut un spectre sur fond de sable. Notre devise des ombres naissent la lumière rappelle cette histoire."