La diatribe explicative mesurée de la capitaine sur son mode de vie m'apparaissant comme tout sauf recommandable pour le cavalier émérite que je suis ne fait que me conforter dans ma méfiance profonde à l'égard de cet élément tellement trompeur et changeant qu'est l'océan. Les chevaux détestaient la mer pour des raisons fort sages or en tant que maitres des étalons les plus fougueux du continent nous partagions pour une part des habitants de cette contrée une défiance envers les eaux calmes ou tumultueuses nous entourant. Repaires de monstrueux monstres marins dotés d'ailerons redoutables et de dents plus massives que les crocs d'un léopard. Fosse sans fin aux mystères infinis mais toujours source de malheur. Même le pays lui même semblait être en froid avec cet ennemi nous cernant de toute part.

Les cotes de Dorne étant réputées comme les plus escarpées de tout Westeros. Comme si la contrée avait par la même souhaitée signifier son refus obstiné de se mêler à cet océan invincible. “Alors cela pour être paisible cela doit l'être. Probablement trop même je trouve. Naitre une seconde fois. C'est magnifiquement tourné. Cela doit représenter un sentiment merveilleux en effet. Comme de remporter une victoire éclatante sur un ennemi bien supérieur. Je comprends donc mieux d'où vient cette cohésion formidable entre équipages. C'est une question de vie ou de mort finalement.” Le sérieux insufflé par le regard comme l'expression de la veuve Valyrienne sur le point de ma religion s'avère fort gratifiant pour le croyant que je suis. Je ne suis point franchement le plus grand prosélytiste de la Principauté mais je ne rechigne jamais devant l'exercice d'influence de païens afin de tenter de les intéresser à la lumière de mes protecteurs éternels. 

“Exactement. L'Etranger représente toutes les terreurs des hommes et on prie ce dernier afin de se voir épargné ces dernières. Les tribulations plutôt que les bénédictions. On lui offre ce que l'on veut pour qu'il se détourne de nous. Au contraire des six autres que l'on prie pour se voir offrir ce à quoi on aspire. Je le prie très souvent pour ma part. Alors qu'il est largement négligé le plus souvent. Vous pouvez prier le guerrier bien entendu. Il entendra vos appels et demandes et vous insufflera ce dont avez besoin !” Une fois le jeune mousse prometteur repartit vers son bâtiment et ses compagnons, je me confiai à la capitaine du Fendeur des Mers au sujet de mon fils de fortune et cousin Daemon Sand. Il s'agissait de l'un de mes plus proches compagnons et également le plus difficile à tenir. Mais, je le considérais réellement comme un fils en dépit de la faible différence d'âge. 

C'était assez étrange à expliquer. “Bien sur qu'il fera un excellent soldat ! Il a cela dans le sang. Et il pourrait devenir bien plus que cela. S'il avait été noble, j'en aurais fait un écuyer afin qu'il devienne chevalier. Un chevalier peut mener des hommes d'armes et des fantassins plus légers ainsi que des tireurs. Il possède de la noblesse de caractère. Un bon point pour mener des hommes.” Je m'intéressais de nouveau au contenu de mon plat et entrepris de me remettre à manger à une allure paisible. “Parlez moi de la religion de la maison Valtigar ? Parlez moi de vos Dieux Valyriens dame Cellarys ? Nous n'allons point nous lancer dans un débat théologique je vous rassure. Mais, je suis curieux.” 

La tirade de la féroce veuve m'entraina sur un chemin tortueusement mélancolique. Non, que je partageasse avec sa maritime présence la moindre nuance de crédibilité liée à une quelconque aventure marine. Cependant, les sentiments et émotions évoqués comme tableau final d'une main de maitre à une sarabande audacieuse avec la faucheuse n'étaient en rien le monopole des gréements gorgés de bise au milieu d'un enchevêtrement de vagues détestablement houleuses. En effet, le plancher des vaches s'avérait tout richement pourvu en occasions de défier la camarde sous toutes ses formes. Survivre à l'attentat d'un noble rival en pourfendant ses sicaires de justesse, émerger victorieux d'une escarmouche en infériorité numérique et sur terrain défavorable à sa cavalerie ou parvenir à fouiller les reins de la bande de brigands ayant eu la désastreuse idée de tenter de dépouiller un sang ancien un brin éméché par une sortie hasardeuse dans les bas fonds... 

“Je comprends par conséquent avec plus d'acuité d'où vient cette formidable discipline qu'affichent avec nonchalance la plupart des marins. De notre coté, en cas de débandade face à un ennemi chacun a tout loisir de tenter de décarrer dare dare pour s'égailler dans diverses directions tout en priant intérieurement pour que le frère d'arme de tantôt ne morfle guère d'une toise d'acier pour la peine. Vous n'avez que bien rarement ce luxe ostentatoire.” La capitaine du renommé Fendeur de flots Volantain avait évoqué le concept hautement philosophique de renaissance. Or sans m'esbaudir à dégoiser futilement sur la question. Je devais bien confesser qu'elle disait vrai. Nul sentiment n'était comparable à celui d'une survie acquise de haute lutte. A présent reconverti en septon à mes heures perdus, me voilà plus dissert sur la religion qu'un cureton bigot de campagne. Oh, j'étais un homme profondément pieux dont la Foi était aussi sincère que pure. Cependant, hélas l'ampleur de mes péchés personnels allant de l'orgueil démesuré à l'ambition la plus hautaine sans oublier la débauche la plus veule qui soit me donnait la désagréable et piquante impression de singer le sacré dans toute sa splendeur en tentant de conduire cette âme étrangère révérant des divinités sombres et terrifiantes dans l'égide lumineuse de mon panthéon. 

Je réprimais vertement l'élan de malaise rendu primal par cette sensation d'imposture ingénue et tentais de me montrer prosélyte. “Bien sur capitaine. Nous fêtons les moissons, l'arrivée de l'été... Toute fête est une occasion de célébrer nos Dieux. Quant à votre question. Disons pour faire simple que la religion des Sept régente toute la vie de ses fidèles. Du réveil au coucher nous pouvons prier de nombreuses fois. En fait, notre Foi est adaptée à la vie de ses croyants. En effet, une mère de famille invoquera la patience de la Mère d'en haut. Un artisan charron aura recours à l'assistance divine du Ferrand. Et ainsi de suite... Et cela autant de fois que son cœur le lui soufflera.” Sujet bien délicat que celui de la religion quelle qu'elle soit. Mais, je pensais m'en sortir avec un minimum de dégâts au dogme ce qui relevait fort notoirement de l'exploit. L'arrivée impromptue du petit Valyrien fort courtois nous détourna un instant de la conversation présente mais son départ expéditif suite à l'accomplissement de sa mission initiale nous permit de revenir à nos diatribes passionnées.

“En effet, seuls les adorateurs des Sept suivent cette tradition andale qu'est l'adoubement. Vous êtes bien cultivée dame Cellarys. Un excellent officier à n'en point douter. Le petit a la gouaille aisée et l'humilité franche. Deux éléments essentiels à pareille fonction. Bien entendu seule sa survie à cet ouragan d'emmerdes qui nous tend les bras permettra de jauger de la véracité de nos observations. Mais, sous votre expérimentée égide il devrait s'en sortir.” Je ne saurais clamer outrageusement si mes interrogations religieuses avaient déstabilisées l'accorte guerrière ou si c'était son absence de sens religieux notable qui la poussa à se rabattre sur sa boisson ainsi que sa nourriture malgré son étouffement lié à la fragilité de son estomac. Pourtant, icelle acheva de me répondre d'une manière foutrement nébuleuse déclenchant encore davantage d'interrogations dans mon esprit piqué par la curiosité. “Prenez le temps qu'il vous faut capitaine. Je suis toute ouie et nous avons déjà convenu que nous pouvions discourir jusqu'au bout de la nuit. Alors, ne vous pressez guère. Parlez moi de vos Dieux.” 

Discourir au sujet de nos modes de vie respectifs l'un profondément détestable à mes yeux car placé sous l'égide du roulis permanent et de la soumission à la bonne volonté des zéphyrs envers les catafalques des gréements et l'autre représentant au contraire la quintessence du raffinement oriental au regard du septentrion méridional de mon territoire hybride fait d'autant de caillasses imposantes que de cotes superbement abruptes incarnant la fusion parfaite entre les sommets battus par la bise des cimes et la plage étincelante fouettée par la caresse de celle du large. Je m'étais toujours senti plus montagnard qu'autre chose et je ressentais une passion déchirante pour mon sol rocailleux et aride. Ma garigue représentait mon environnement naturel. Celui dans lequel je me sentais aussi à l'aise qu'un poisson dans son eau salée. Pourtant, je ne mésestimai en rien la tradition maritime bien au contraire estimant énormément ce dont je ne saurais jamais parvenir à devenir tributaire. Si, je n'appréciais point trainer ma carcasse tannée sur le pont d'un chebec je n'en respectais que davantage ses occupants car complètement hermétique à la foule de compétences nécessaires à l'exploit représenté par la navigation sur des eaux parfois terriblement hostiles. 

"Une bien noble nécessité que celle ci capitaine. Car, elle oblige chacun à se transcender pour le bien commun et ce qu'importe les inimités ou les rancœurs tapies dans les cœurs hardis. Cela ne doit manquer de sublimer vos existences... Et devant cet éclairage, je comprends à présent avec plus d'acuité comment vous pouvez en venir à considérer votre bâtiment comme un membre de votre famille." Mes tentatives de prosélytisme religieux en faveur de ma confession ne rencontrèrent qu'un modeste élan laconique au niveau de la verve étrangère. Cependant, au regard de l'expression sincèrement intéressée de la veuve aux cheveux d'argent et aux prunelles améthystes cette réponse sardonique tenait bien davantage d'une certaine humilité face à un sujet aussi imposant qu'épineux. Aussi, je ne m'en formalisai nullement et enchainai avec l'entrain d'un troubadour devant une tablée seigneuriale. Lorsque nous en vîmes au petit mousse fort éduqué, une certaine incompréhension se noua entre nos deux esprits alanguis par la dégustation de la riche et généreuse nourriture de mes marmousets. 

Car, j'eus l'étrange impression incongrue que la convalescente se figura qu'à l'instar d'un malandrin roublard j'aspirais à lui ravir son apprenti d'une manière bien nébuleuse alors qu'en soulignant le destin qu'il n'aurait manqué d'avoir dans ma patrie en respect de nos us et coutumes je n'avais souhaité que rehausser sa valeur par un témoignage d'estime. Un sourire contrit s'empara instantanément de mes lippes pendant que je réfrénais ses inquiétudes. "Oh capitaine, je ne souhaite en rien faire de votre protégé un chevalier. Je souhaitais juste indiquer qu'il n'aurait manqué d'en devenir un s'il n'avait point été Valyrien mais Dornien et ce au regard de la valeur prometteuse affichée par son attitude digne et altière. Quant au mot gouaille, il signifie avoir du répondant..." Fatalement, nous nous remires à nous sustenter dans une atmosphère apaisée et brulante. Ce fut à mon tour de laisser libre court à ma curiosité maladive en la questionnant au sujet de ses divinités. Bien que je dusse me montrer courroucé et outré de sa position religieuse, j'étais Dornien avant d'être adorateur des Sept aussi la tolérance en bien des matières représentait mon dogme.

"D'accord dame Cellarys. Tout comme nos Sept figures tutélaires vous disposez de Dieux liés à des caractéristiques précises et humaines. Le temps et l'âge semblent vos marqueurs là ou la fonction est la notre. Laissons le péché là ou il est voulez vous bien ? Mais vous n'avez du manqué de vous tourner vers vos protecteurs chaque fois qu'un défi se présentait devant vous. Toute religion a son clergé et ses manifestations à ce que je constate. Vous pouvez choisir vos Dieux favoris de la mème manière que nous prions davantage la figure des Sept nous correspondant. Notre culte est d'ailleurs originaire de votre coté du détroit. Avant cela nous priions les enfants de la foret et les anciennes divinités. Non, vous avez des légionnaires, des mercenaires et des esclaves soldats..." Laissant le silence s'imposer entre nous suite à cette discussion fort intéressante, je décidai d'adoucir mon repas tout sauf frugal d'une douceur sucrée supplémentaire. "Et le Dieu Rouge capitaine ? Celui des flammes il me semble. Que pouvez vous me dire sur Rh'llor si je ne m'abuse ? N'est il point répandu chez vous ?" 

L'atmosphère délétère et pesante dans laquelle nous nous étions tristement engoncés semblait à présent bel et bien relégué au second plan d'un passé proche tandis que l'obscurité lancinante de la nuit à venir distillait ses ombres avides sur mon domaine. Le sanctuaire de feue ma rayonnante épouse se chamarrait désormais de lueurs dansantes au gré des mouvements incertains des flammes manipulées par les élans de la bise montagnarde contrariée par sa sœur marine projetée sans une once de ménagement depuis la cote toute proche. Cela donnait à l'ambiance une pointe vespérale de songe d'entre deux mondes ce qui n'était point pour me déplaire en compagnie d'une convalescente Valyrienne à la stature aussi imposante que la prestance de ma forteresse juchée sur un mont de craie. "Croyez moi capitaine Cellarys. Se battre pour la survie de son camarade sur un champ de bataille ou le pont d'un navire transcende nécessairement l'existence en sublimant la perspective sur les choses. L'on perçoit différemment le monde en de telles circonstances. Et voilà ce qui crée des liens plus prégnants que ceux du sang." L'empreinte des Dieux de mes pères et leurs pères avant eux s'invita subrepticement dans cette entrevue intimiste au milieu du paradis perdu de ma femme disparue qui avait abandonnée celui-ci matériel et vulgaire pour atteindre celui lumineux et saint de nos Sept bienveillants lorsque la Valyrienne me fit la demande de l'éclairer au sujet de ma religion. Ce que je fis de la manière la plus concise et la plus mesurée possible afin de ne point passer pour un zélé aux yeux d'une femme ne possédant visiblement qu'une fugace quantité de foi en elle. "Bien sur bien sur dame Cellarys. Vous êtes sa capitaine non sa mère ou son père. Et puis, il est quasiment déjà un homme. Je n'ai point discouru ainsi afin de vous convaincre de l'inciter à devenir un guerrier de ma Foi. C'est un véritable marin tempétueux et téméraire que vous avez façonné là. C'est son Destin et c'est très bien ainsi." La veuve malheureuse aux cheveux d'argent se remit finalement à picorer dans son plat généreux à présent aussi refroidi que le cadavre d'un ennemi de la Principauté lorsque cette dernière ne s'entredéchirait point stupidement fidèle à la nature profondément querelleuse de son peuple. La voir tenter d'avaler encore un peu de nourriture me fit plaisir sans que je ne sache vraiment pourquoi. Peut être parce que c'était la preuve que j'avais nécessairement imaginé le désespoir dépité dans ses prunelles améthystes un peu plus tôt. Une telle guerrière ne pouvait trimballer une malle de regrets déchirants aussi lourds car si tel était le cas, je ne donnais pas cher de sa future survie. Or, je m'étais peu à peu attaché à elle au cours de cette conversation. "Véritablement de tout en effet. Vous avez raison. Prier un dieu de flamme serait quelque peu cocasse pour des marins. N'est ce pas la religion officielle de votre empire ? La maison Valtigar n'honore t'elle point Rhllor ? Des prêtres rouges sont arrivés en même temps que vos princes il me semble. Pensent ils pouvoir convertir Dorne à leur sombre culte ?"

Tout commandant ayant déjà officié à la tète d'une troupe était pertinemment conscient de l'acuité extrême de la véracité acérée du propos de la capitaine du Fendeur des Mers. Bien que son insistance acharnée sur le sujet semblait tendancieux en faveur d'une supériorité supposée de l'élément marin sur le terrestre. Car bien que comme je l'eus indiqué précédemment en dépit du fait que la débandade ou le repli pour le formuler de plus chevaleresque manière était possible sur terre le caractère implacable du face à face avec un ennemi supérieur en manœuvre et en qualité se rapprochait de l'inéluctabilité de la guerre en mer. "Et c'est tout à votre honneur d'atteindre un tel degré de coopération instinctive." Concluais-je dans un élan définitif dans l'espoir d'entériner ce débat. Le rire sonore et sincère de la Valyrienne me vit la rejoindre dans ce déploiement de gausserie solaire au sujet de son chiot dont les crocs étaient pour l'heure à peine visibles. Je devais bien confesser avoir quelque peu exagéré l'exégèse guerrière du jeunot car ce dernier m'avait fait forte impression. De la graine de futur combattant d'élite si jamais il parvenait à survivre à l'ouragan de merdaille nous tendant amoureusement les bras. Cette éruption communicative fut libératoire. "J'ai très certainement abusé par mes propos. Mais nul doute qu'il atteindra le statut d'homme plus rapidement que le poil sur ses génitoires ou son menton. Les bains de sang ne manqueront pas dans les mois à venir. Quant à son innocence, Dorne est un pays bien tentateur pour un corps en proie aux affres de la rut." Lorsque nous en revînmes au sujet épineux de la religion, la Cellarys renoua avec l'une de ses habitudes corporelles en se frottant le menton. Un sourire en biais apparut sur mes lippes face à ce réflexe instinctif. "Non la religion n'est guère votre sujet de prédilection en effet dame Cellarys. Et, je doutasse fort comme vous le soulignez que votre maitre soit particulièrement intéressé par le fait de gagner des fidèles à Rhllor. Ce qu'il souhaite c'est étendre son empire territorial des deux cotés du détroit. Pensez vous que nous pouvons gagner la guerre capitaine ? Le parti rebelle est soutenu par l'empire Braenaryon. Des cousins de votre empereur..."

Ce fut avec une certaine dose de veule gausserie que nous abordâmes le statut de son jeune chiot dévoué et je l'imaginais sans le moindre mal un brin collant car la bleusaille juvénile avait de tout temps le réflexe instinctif de s'identifier au grade le plus élevé afin de pallier aux errances internes nouant des entrailles encore trop vertes pour l'autonomie. Nulle trace de méchanceté néanmoins dans cet élan de grivoiserie car nous avions nous mèmes étés des chiots en notre jeunesse. Ou du moins des bébés requins pour les sanguinaires matelots du célébrissime Fendeur des Mers et des lionceaux des sables pour mon escadron rapproché de tueurs aux gueules aussi patibulaires que couturées. Le rire commun de nos bouches plissées en un reflet amusé flottait encore dans l'atmosphère viciée par les substances médicamenteuses et la chaleur suffocante dans laquelle nous baignions à présent en dépit de la nuit tombante. "Il est vrai que le petiot a déjà connu le baptême écarlate et plusieurs morts à son actif. Voilà qui fait de lui un homme car quelque part ôter une vie vous responsabilise bien plus expéditivement que tremper votre biscuit dans une mare de miel. Malgré cela, il a encore la gaucherie de la bleusaille. Prendre du bon temps avec nos filles ne manquerait point de lui faire gagner en assurance. Les femmes ont cet effet sur nous..." Les questions religieuses furent elles aussi oblitérées suite à mes tentatives de conversion bien molle et bien que profondément fervent de ma religion, je ne rechignais point à prendre du gite en nous éloignant des considérations éthérées. Le regard améthyste de la veuve aux cheveux d'argent clouée sur son lit de fortune bascula hors de la vaste pièce décorée avec soin pour se laisser aller le long des flots si proches et lointains à la fois. "Je ne pense pas qu'il y ait parenté réelle entre les maisons Valtigar et Targaryen mais tous les Valyriens sont semblables à mes yeux. Il faudra d'innombrables efforts de part et d'autre. Ainsi qu'un changement d'attitude radical des Valryiens envers les Dorniens. Car en dépit de vos belles paroles et de vos tentatives d'assimilation à notre culture, l'on ne puit s'empecher de ressentir la morgue de votre sentiment de supériorité. Ne me regardez point ainsi Jentys. Vous faites exception à la règle. Cela pourrait s'avérer possible mais..." 

Se gausser fort gentiment du petit loupiot louvoyant dans le sillage de la terrible maitresse du renommé autant que redouté Fendeur des Mers avait quelque chose de profondément revigorant. A l'instar des cancanières de la bourgade se disputant en exorde et péroraison au sujet des derniers potins, la veulerie de la moquerie avait quelque chose de réconfortant pour nous deux. Le Seigneur soumis au règne étranger et la capitaine aux jambes brisées par les aléas iniques d'un conflit externe... Nous n'étions nous guère plus des jouvenceaux ou du moins un jeune fol insouciant et une pucelle bien innocente depuis de nombreuses années à présent aussi faire des gorges chaudes sur la jaunisse de la bleusaille impériale nous permettait d'évacuer le poids des années ainsi que la lourdeur de la réalité politique. Nous le fîmes sans la moindre once de méchanceté ni le plus petit ersatz de mauvais cœur usant simplement du privilège des ainés pour nous faire rouler la panse à nous en éclater les cotes. La veuve sembla apprécier le mot petiot qu'elle fit tourner sur sa langue à plusieurs reprises sous mon sourire cocasse. "Comme la majorité d'entre nous à son âge. Nous n'en menions pas large devant le sexe faible et perdions tous nos moyens. Au contraire de vous mesdames qui sembliez plus assurées dans la chose. Ils feront leur devoir de modèles. Quant à l'ignorance de cet aspect de sa vie. Le changement dans son comportement représentera un indice assez évident..." Le fil de la conversation passa du fil de la religion à l'aiguille des ressemblances physiques de son peuple qu'importe la faction pour laquelle ils se battaient. Je me fendis d'un haussement d'épaule débordant de nonchalance afin d'indiquer que je m'en cognais le fondement si vous me permettiez l'expression. La question politique revint dominer les débats et orienter les évènements vers plus de gravité. "Vous avez les yeux lilas et elle les a également. Vous avez des cheveux d'argent et elle a des cheveux d'argent... Oh, ne faites pas attention le Dornien est naturellement arrogant et fier. Il se sent incontestablement maitre chez lui et dénie ce droit aux étrangers quels qu'ils soient. Votre rigueur martiale est en effet admirable cependant nous sommes les meilleurs manœuvriers de Westeros à dos de cheval j'entends." Face à la nouvelle estocade de son estomac devant sa tentative de se sustenter et ce couplé à l'épuisement qui semblait la gagner avec vigueur, je décidais qu'il était temps de clore cette entrevue fort passionnante et riche en émotions. Me redressant lestement, je lançais d'une voix douce. "Prenez du repos dame Cellarys et ne touchez à rien. Je ne saurais accepter d'avoir votre mort sur la conscience. Mestre Meros vous rejoindra dans quelques instants une fois que je l'eus fait mandé. Je vous souhaite une excellente nuit." Concluais-je avant de claquer des talons et de quitter la vaste pièce d'un pas paisible.