Mes prunelles se fixèrent sur le visage familier de mon cadet le plus agé. Tremor dont le franc parler n'avait rien à envier à celui de feu notre pater. Mon petit frère ayant eu vent de l'installation dans les anciens appartements de mon épouse regrettée d'une convalescente Valyrienne m'interrogeait sans une once de ménagement en dépit de mon rang de seigneur. Ainsi étaient les choses entre les membres de la famille Toland. M'étant désintéressé assez tot de la gestion directe au jour le jour du domaine afin de me concentrer sur mon gout pour le raffinement de la cour de la capitale, mes ambitions démesurées en politique ainsi que le fait de devenir l'un des meilleurs chevaliers de Dorne si ce n'était le meilleur, j'avais laissé les membres de ma maison administrer en mon nom mon héritage. Ce fut d'abord feue mon épouse secondée par ma mère et mes frères puis ma mère secondée par ses fils. Le franc parler ne provenait pas d'un manque de respect quant à mes choix d'existence car je restais le seigneur incontesté autant qu'incontestable de Spectremont mais bien plutot d'un trait de caractère familial que je possédais également. Rassurant Tremor sur le fait que je n'avais pas la moindre sympathie pour la cause Valtigar bien au contraire mais que j'avais simplement énormément d'estime pour une femme étant parvenue à se hisser au mème rang qu'un homme à la force de sa volonté et de son mérite, je le congédie lestement et rejoins finalement mes appartements. 

Prenant le pas de passer une tenue plus confortable et légère adaptée au climat aride de la Principauté en dépit de la fraicheur de mes montagnes et la proximité maritime, je retire mon armure avec l'aide du jeune Roncier. Mon écuyer se débrouille bien et il ne faut qu'une douzaine de minutes pour que je sois libéré du poids de cet harnachement métallique. Une fois débarbouillé et décrassé, je l'envoie en cuisine me rapporter un plateau de pâtisseries raffinées et de l'eau fraiche pour accompagner le tout ainsi qu'un jus d'agrumes pressée le matin même. Ce dernier quitte mes appartements d'un bond toujours aussi dévoué et file vers les niveaux inférieurs de la forteresse. J'enfile prestement une tenue de couleur claire car le sombre serait un mauvais auspice à mes yeux. Je prends le temps de m'assoir à mon pupitre pour examiner les dernières missives avant de me mettre à rédiger un poème inspiré par la rencontre avec la capitaine Cellarys. Quelques vers épiques en l'honneur d'une guerrière intrépide et implacable aux cheveux d'argent flottant dans le vent sur le pont d'un formidable navire de guerre. Puis une fois satisfait, j'entreprends de lire un ouvrage sur l'antique Valyria et ses possessions en Essos pour faire passer le temps car mon écuyer tout frétillant de jeunesse qu'il était allait devoir se coltiner une sacrée montée en soulevant un plateau chargé. S'il se montrait rusé il enverrait une servante déposer le plat à sa place. 

Décidant qu'il était temps en constatant que le soleil se couchait, je me levai finalement pour me diriger vers les appartements du mestre. Suite à une brève discussion au sujet de la Valyrienne, je monte les marches d'un pas paisible mon sabre au coté et mon coude calé négligement dessus. Je déplace ma chevalière au sceau de mon blason car celle ci me dérange un peu. Une fois dans les appartements alloués à dame Cellarys, je pénètre sur les lieux après avoir frappé à la porte pour y retrouver mon écuyer en train de déposer le plateau sur la table. Satisfait de constater qu'il a effectué cette tache lui mème plutot que de choisir la facilité je lui tapote sur l'épaule avant de l'envoyer s'entrainer dans la cour. Puis, je m'approche lentement de la capitaine avant de saisir le plateau. "Comment vous sentez vous capitaine ? Le lait de pavot a t'il accompli son oeuvre ? On dirait bien que votre fièvre est tombée. Goutez à ces pâtisseries locales et prenez un peu d'eau fraiche aromatisée ma dame. Il fait très chaud depuis quelques jours. Ser voudriez vous aller récupérer les effets de votre capitaine ? Elle est entre de bonnes mains je vous assure. Mais vous pouvez bien évidemment également passer la nuit en ma demeure. Vous ètes le bienvenu mon brave."

Mon invitée m'accorda un accueil bien plus chaleureux que celui auquel j'avais eu droit quelques heures auparavant dans cette modeste bicoque au cœur de laquelle elle avait trouvée un bien vétuste refuge suite à son débarquement. Il fallait néanmoins convenir que cette fois j'avais mis les formes et respecter les règles les plus élémentaires de courtoisie puisque j'avais pris la peine de frapper avant d'entrer dans ces appartements au sein desquels la mélancolie ne manquait jamais de distiller sa triste empreinte en moi. Je ne répondis guère au salut cependant j'appréciai à sa juste valeur ce déploiement de manières convenables dans ma demeure familiale. Exit les paroles quelques peu agressives de l'après midi. Son second s'incline à son tour sans un mot tandis que je constate avec soulagement que les propos de mon mestre sont teintés de véracité tant son état semble avoir évolué positivement.

"C'est que je puis constater de mes propres yeux avec soulagement dame Cellarys. Oui, mestre Moros est particulièrement efficace. Le pavot est un dangereux remède tant il peut engloutir son utilisateur dans une léthargie aussi agréable qu'insensibilisante. Cessez donc de me remercier capitaine. Vous êtes mon invitée en ma demeure. Cela n'est que naturel en ma qualité de seigneur des lieux."

Me tournant vers le second de la Valyrienne aux cheveux argentés, je lui adresse un signe de tète poli afin de lui indiquer ma compréhension avant que celui-ci ne quitte les lieux pour se mettre en quête des effets de la veuve convalescente. J'observe la réaction de la patiente de mestre Moros avec attention curieux de son avis sur l'une de nos spécialités locales mais je suis quelque peu étonné qu'elle ne s'y attaque qu'avec mesure et parcimonie. Saisissant à mon tour l'un des gâteaux, je le porte à mes lippes et entreprend de le savourer paisiblement sans précipitation. La vieille Sillya en préparait depuis mon plus jeune âge et vingt cinq ans plus tard j'appréciais toujours autant ses talents de cuisinière. Je pouvais en avaler presqu'autant que mes enfants c'était pour dire.

Je rapproche une chaise de son lit afin de rendre la discussion plus conviviale et entreprends de lui servir une coupe d'eau aromatisé aux agrumes avant de la lui tendre afin de l'aider à faire passer la débauche de sucre doucereuse présente dans ces gâteaux. "Content que cela vous plaise. Je transmettrais à la vieille Sillya. Ca lui fera bien plaisir de savoir que même de l'autre coté du détroit l'on apprécie ses pâtisseries. Je comprends bien avec votre rang de capitaine. Inutile de vous précipiter. Elles sont pour vous. Buvez un peu. Cela passera plus facilement. Rassurez vous je ne compte pas vous empoisonner. Cela attirerait le déshonneur sur ma maison devant les Dieux et les Hommes."

Avalant à mon tour quelques gorgées d'eau citronnée, je ne tarde pas à achever mon met poussé par la gourmandise mécanique face à ces derniers. Puis, après m'être essuyé les doigts avec un mouchoir de lin je reporte mon attention sur la capitaine du Fendeur des Mers. "Ne me remerciez pas. Vous vouliez pouvoir contempler l'océan. Je ne viens guère plus dans ses appartements." Fais je en les couvant d'un air triste. "Il s'agissait des appartements personnels de mon épouse. Elle les adorait littéralement. Cette vue. Cette paix. Les nôtres étaient situés face à la cité. C'est elle qui les a embelli de la sorte." Ne relevant pas la formule courtoise de la jeune femme, je restai un long moment perdu dans mes souvenirs douloureux.

Il apparaissait comme notablement évident que la veuve de l'amiral Cellarys détestait tout particulièrement le repos aussi bien que l'immobilisme dans lequel elle était hélas contrainte de rester jusqu'à sa guérison. C'était une véritable guerrière. Une femme d'action comme de poigne. Une exception remarquable face aux mœurs régissant l'écrasante majorité des sociétés de ce bas monde. Ma chère Nymeria princesse actuelle de la Dorne Valtigar avait tentée de bousculer les mentalités en se composant une garde princière uniquement féminine. De même que je crois me souvenir d'une rumeur provenant du nord soulignant que la reine Helena Hoare née Bracken veuve de feu le terrible batard couronné qui avait causé bien du tort à la Principauté avait participé aux entrainements de leur armée éprouvée malgré les jugements négatifs de la majorité du clergé et de la noblesse continentale. Tout cela pour dire que si mème au sein de ma contrée réputée pour sa largesse d'esprit quant à l'égalité des sexes la garde féminine de Nymeria avait fait jasée alors le statut de la capitaine face à moi tenait réellement du miracle réalisé à force de volonté autant que de bravoure. Une femme s'étant de son propre chef émancipée de tous les clichés de son temps ne pouvait que mériter mon admiration voire mon amitié. 

"Vous avez bien raison concernant la bonté. Elle est devenue tellement rare à notre époque qu'elle semble aussi précieuse qu'une mine de diamant. La plupart des remèdes ont des gouts infects notamment et ce bien paradoxalement les plus efficaces. Au moins cette aversion pour la substance vous épargnera d'en devenir dépendante. Je le crois aussi. Il me semble que mestre Moros lui a épargné cette douloureuse peine."

Alors que le dit second s'éclipse avec une discrétion que je trouve formidable dans son élégance me conformant dans l'idée qu'il s'agissait bel et bien d'un homme remarquable, nous savourons nos sucreries en les agrémentant d'eau parfumée aux agrumes de mon verger tout en échangeant des banalités comme si nous étions les plus intimes du monde. Une scène qui ne saurait manquer de laisser perplexe les marins ayant assisté à notre rencontre musclée d'il y a quelques heures. Seulement, un homme est un être complexe pouvant montrer plusieurs facettes de lui-même en fonction des circonstances. Au seigneur autoritaire, arrogant et méfiant avait succédé un hôte agréable, charmant et prévenant. Le sujet du poison me pousse à exhiber un large sourire amusé. 

"Certains l'affirment en effet. Il s'agit certainement de Bieffois ou de ce genre de personnages. Ceux n'hésitant point à orchestrer des massacres sans s'émouvoir le moins du monde y compris de civils mais s'exclamant au déshonneur si jamais l'on use de cette matière contre eux. Non, le poison n'est ni pour les faibles ni les femmes. Il s'agit d'une arme comme une autre appréciée plus particulièrement des rancuniers. Croyez vous que je sous rancunier capitaine ?"

Un rire plein d'entrain ne tarde pas à succéder à cette diatribe animée suite à sa remarque liée à son neveu. Seulement, au vu du cafouillage affiché je m'interroge. S'agit il d'une simple erreur grammaticale liée à ses difficultés linguistiques ou me cache t'elle une maternité ? Dans les deux cas, je n'en ai que peu cure. Cela ne me regarde pas plus que cela au demeurant. Cependant au vu de ce que je connais d'elle, je peine à la voir sous le jour d'une adorable mère de famille aimante. L'idée me trouble. "Mes cinq enfants sont semblables sur la question. Ils ont pris de moi car leur mère n'appréciait pas franchement cela. Mais c'est ma fille Meria qui est la seule à pouvoir me concurrencer sérieusement à ce sujet." La mélancolie ne tarde guère à faire peser un voile de tristesse sur les traits de mon visage alors que mon regard se perd dans un vide abyssal tandis que les souvenirs irriguent mon observation des alentours. C'est finalement le contact de sa main sur mon poignet bien plus que sa remarque obligeante et réconfortante qui me sort de ma torpeur inhabituelle. 

"Oh, cela fait déjà de nombreuses années à présent. J'évite autant que faire ce peut de revenir ici tant sa présence semble ancrée à jamais dans cette chambre. Cesse t'on un jour d'aimer une personne que l'on a perdu tragiquement alors que nous en étions profondément attaché ? Nous les gardons en nous dans nos coeurs, esprits et mème peau. Elle m'a laissé cinq merveilleux enfants donc elle est encore auprès de moi en un sens. Vous deviez ètre très complices en ce cas. J'aime une autre femme à présent. Et elle m'a permis d'avancer et de cesser de me morfondre. Mais tout le monde n'y parvient pas toujours. Parlez moi de votre époux si cela ne vous dérange pas. Comment était il ? Comment l'avez vous connu ? Comment vous a t'il séduite ?" 
 

Que l'existence pouvait se montrer particulièrement curieuse en bien des circonstances. Je n'avais pas la moindre once de sympathie pour la maison Valtigar et les Valyriens en général. Dorne était à l'ouest la terre à la fois la plus proche d'Essos tant géographiquement que culturellement parlant et pourtant... Pourtant, nous étions par essence les plus farouches ennemis naturels des dominateurs systémiques représentés par les descendants de l'antique cité aux mille dragons. Du coté de Dorne, le fléau n'avait pas franchement représenté un fléau mais une juste rétribution divine pour des hommes ayant basculé dans l'ivresse incontrôlée d'un pouvoir magistral par trop excessif pour si peu d'entre eux. Nymeria était la responsable de ce positionnement fondamentalement anti dompteurs de dragon. Le peuple Rhoynar s'était en effet opposé avec bravoure et témérité à la force incomparable que fut alors l'armée Valyrienne. Elle avait trouvée refuge en nos contrées désertiques. D'autre part, le Dornien a de tout temps été un homme indépendantiste, fougueux, indomptable, difficile et orgueilleux. Ce mélange rendait toute conquête de la Principauté par un étranger quel qu'il soit éminemment compliqué. L'on pouvait nous vaincre sans que cela ne change quoi que ce soit dans nos cœurs comme nos esprits. 
 
Si l'existence pouvait se montrer notoirement curieuse sur certains points c'était parce qu'une Valyrienne de sang blessée grièvement au cours d'une bataille navale contre d'autres Dorniens aux avis divergents que le mien se trouvait en cet instant précis dans les appartements les plus somptueux de ma forteresse immaculée au murs de marbre. Il s'agissait là d'une formidable ironie mordante que j'étais le seul à pouvoir gouter à sa juste valeur acide. J'avais invité la veuve à venir se reposer en plein coeur de ma demeure familiale en dépit de l'animosité naturelle nous opposant par défaut. Un grand seigneur ne l'était pas tant par ses actions envers ses gens ou ses alliés que son comportement avec ceux ne l'étant point m'avait un jour dit le seigneur de la maison Gargalen pater de Nymeria  et ce alors que je n'étais encore qu'un écuyer bravache et arrogant. Les leçons les plus efficaces étant celles que l'on démontraient mon chevalier m'avait montré la voie en faisant preuve de clémence envers un paysan rebelle à son autorité pour un obscur motif. J'avais une Valyrienne face à moi dans mon propre foyer et qui s'y trouvait parce que je ne pouvais décemment pas la laisser moisir dans une triste bicoque de ma cité au vu de son état mais également parce que je l'admirais sincèrement et profondément pour ce qu'elle représentait. 

"En ce cas votre père était un grand homme aussi sage que philosophe capitaine. Le mien disait que la douleur est inhérente à la vie et qu'une vie sans douleur n'en était pas une." Suite à ma remarque sur le poison s'achevant sur une question bien énigmatique, le regard clair de la capitaine se plonge brusquement dans le mien. Je ne détourne pas le regard car je ne le fais jamais mais aussi parce que sa réponse me permettra de la jauger plus avant. Un sourire aimable précède sa prise de parole et je me figure qu'elle m'a percé à jour en raison de ce mouvement facial victorieux. C'est une femme redoutable que celle qui se repose au cœur de ce vestige de mon passé conjugal. "En effet, si je l'étais il parait fort logique que j'eus du vous laisser macérer dans la crasse et la chaleur de cette bicoque. Et toutes les armes sont utiles à ceux en ayant besoin." Observant la jeune femme aux cheveux d'argent d'un air mystérieux, je constate avec satisfaction qu'elle prend la peine d'énormément s'hydrater ce qui est essentiel pour son prompt rétablissement. Elle a donc l'air de maitriser un tant soit peu les bons réflexes de survie à avoir. D'autant que malgré la brise marine et le vent des montagnes, la chaleur reste étouffante ici. Nous basculons soudainement dans la pudeur mesurée d'une confidence mutuelle nimbée de mélancolie profonde. Les lieux sont pour ma part les coupables de cet élan tragique me replongeant dans des eaux bien tumultueuses car je peux presque sentir la présence de feue ma compagne rien qu'en observant un pan de mur. Comme si les souvenirs ne demandaient qu'à se déverser en mon esprit afin de le noyer en l'attirant par le fond. 

"Ou vous n'avez tout simplement point cherché à le faire. Je vous comprends cependant il s'agit en effet d'une blessure sans équivalent pour qui a aimé sincèrement. Les mariages arrangés sont le lot de notre condition de nobles et certains d'entre eux comme le votre ou le mien furent heureux ce qui est loin d'être une généralité. Un drôle de mariage mais ayant crée quelque chose de puissant et de magnifique. Les meilleurs hommes sont ainsi faits. Tendres avec ceux qu'ils aiment mais impitoyables avec leurs ennemis, généreux avec leurs alliés mais redoutables avec leurs adversaires, compréhensifs mais exigeants avec leurs hommes. Il doit être fier de vous de là ou il se trouve désormais." C'est à mon tour de déposer délicatement ma main sur son poignet en geste de soutien moral silencieux. Puis, brisant de nouveau le silence je reprends dans l'espoir de chasser l'atmosphère pesante de nos révélations. "J'ai rédigé un poème en votre honneur tout à l'heure lorsque vous vous reposiez. Vous représentez une exception de par votre identité remarquable aussi je n'ai point pu résister à l'envie de constituer une œuvre célébrative de votre héroisme dirons nous. Oh, je ne suis qu'un bien piètre amateur de poésie aussi je ne vous garantis nullement un chef d'œuvre dame Cellarys. Vous plairait il de l'entendre ?" 
 

Le destin possédait un sens de l'humour aussi cocasse que tordu car tout cela ne pouvait s'avérer que le fruit d'une intelligence supérieure un brin malsaine. Je ne pouvais qu'en témoigner tant mon existence m'avait prouvé en maintes occasion à quel point rien ne revêtait parfois le moindre sens logique. Or, engoncé dans la mélancolie la plus pitoyable au cœur des appartements favoris de feue mon épouse en compagnie d'une capitaine issue de la noblesse Valyrienne profondément meurtrie dans sa chair et évoquant elle aussi la douleur de sa propre perte il ne faisait définitivement aucun doute que le destin se gaussait nécessairement de nous autres misérables hommes si prétentieux qu'ils se figuraient pouvoir changer le cours de choses écrites bien avant leurs naissances. 

Le plus surprenant dans tout cela était finalement que je sois en train d'apprécier sans la moindre duplicité cette étonnante issue tant la présence de la Cellarys s'avérait plaisante. Il m'était néanmoins impossible de parvenir à faire pleinement abstraction de notre altercation initiale. Quand bien même, j'en fus l'unique responsable. En effet, certaines situations permettaient de jauger des individus plus efficacement que d'autres aussi je ne rechignais jamais à abuser afin de savoir à quel genre de personne j'avais à faire. Lorsqu'elle m'évoque son pater je commence à me faire une idée plus affutée des circonstances ayant fait d'elle cette exception remarquable. "Eh bien, je comprends mieux d'où vous tenez votre caractère ainsi que cet esprit prompt à la bataille. Nul doute qu'il vous a façonné à son image pour lui succéder. Quelque part, il était en avance sur cette question de sexe. Pour sa défense en effet j'imagine bien que les ruines de l'antique Valyria ne constituent guère un havre très agréable pour une vie de famille." 

Je me fendis d'un hochement du chef face à sa remarque quant à la comparaison de son père sur sa personne. Celui-ci devait être dans le vrai car bien loin d'être abattue par sa situation tragique sa fille s'était permise de dresser sa lame devant un seigneur dans son fief. Une hydre donc... Voilà qui était intéressant. Je prends bonne note de l'information au cas ou cette cordialité devrait laisser place à de bien moins fraternels sentiments. "Il est vrai qu'au vu de votre choix de vie l'inquiétude pourrait l'emporter. Seulement, il connaissait tout cela avant de vous quitter. Donc, je gage qu'il serait plus fier qu'inquiet s'il connait votre valeur. C'est fort possible car j'apprécie les hommes faits de ce bois. Elle vous va à ravir en effet. Nymeria a toujours su faire des présents adaptés à leurs bénéficiaires. Bien mais ne me jugez point trop durement en ce cas. Je ne suis qu'un artiste à mes heures perdues." 

Suite à un sourire amical, je saisis une coupe d'eau aromatisée avant de la porter à mes lippes pour m'éclaircir la gorge. Puis, je finis par me lancer non sans une certaine appréhension. "Ode à la guerrière aux cheveux d'argent. De son épée les mers elle fend. Ses ennemis à son nom tremblent. Car le Fendeur est si gourmand. Pour ses hommes c'est un exemple. De Valyria elle a le sang. Ses yeux se ferment dans le vent. Beauté redoutable cette exception. Venez entendre sa légende." 
 

Le changement radical confinant carrément à la mutation tant la veuve passa d'une certaine tranquillité empreinte de confort à un état de crainte particulièrement saisissant en l'espace de quelques fugaces instants ne m'indiquait que trop bien à quel point l'évocation de ses souvenirs d'enfance qu'ils soient liés à son pater ou à son environnement de vie représentait un traumatisme pour elle. Cela me fit douter de bien des choses tout en me permettant de comprendre avec davantage d'acuité ce qui expliquait le fer dans lequel elle semblait avoir été moulu par les évènements de la vie. Au regard de toutes ses confidences, il apparaissait comme finalement bien logique qu'elle soit devenue cette guerrière intrépide sanguinaire et dévouée jusqu'à la moelle à ses maitres impériaux. En cet instant précis alors qu'elle me racontait les affres par lesquels elle avait du passer afin de pouvoir atteindre l'âge adulte, je ne pus que ressentir une vive pointe de compassion et de peine à son encontre. Tandis que ses yeux s'étaient fichés dans les miens et semblaient ne point vouloir les quitter afin de tenter de me faire sentir avec plus d'âpreté encore les souffrances et terreurs décrites. Je ne saurais prétendre pouvoir comprendre ou me figurer ce qu'elle avait du endurée au cours de cette jeunesse ingrate qui avait représentée le socle justifiant son idéologie implacable au service de la maison Valtigar. 

Je ne saurais même guère me risquer à oser une comparaison. Car, pour ma part j'avais vécu une enfance choyée au sein de l'une des plus grandes forteresse de l'est de la Principauté. La seule difficulté que j'eus connu fut de devenir chevalier encore qu'au regard de mes facilités une arme à la main cela ne fut rien de plus qu'une formalité. Puis, j'étais allé savourer les fruits de mon statut de courtisan privilégié en tant qu'héritier d'une des plus anciennes maisons alliés de la maison suzeraine d'alors. Non, je ne pouvais décemment pas prétendre pouvoir imaginer ce qu'elle avait subi. Sa tirade ne fit d'ailleurs que renforcer encore plus l'admiration enrobée d'estime que j'éprouvais à son encontre. “Je ne daignerais nullement vous faire offense en affirmant que je puisse comprendre ce que vous avez vécu. Car cela constituerait un mensonge éhonté. Or, j'aime à penser que je suis un homme d'honneur. Tout ce que je puis dire c'est que je comprends mieux bien des choses à votre sujet à présent et ne ressens que davantage d'admiration et de respect à votre encontre capitaine. Votre pater n'a fait que ce qu'il devait faire pour vous assurer la survie. Je ne parviens même pas à imaginer ce que cela doit être de devoir soumettre ses enfants à pareilles nécessités pour leur propre bien...” 

Pour ma part si mon pater avait été exigeant comme tout père aimant aspirant au meilleur pour son fils et héritier et que Dorne n'était pas franchement le domaine le plus agréable de tout le continent, je n'avais réellement pas eu de quoi me plaindre. Je voyais parfaitement le comportement et les réactions de la veuve comme parfaitement logique désormais. Fort heureusement, nous revînmes à des sujets qui s'ils étaient tout aussi pesants pour nos âmes respectives n'en restaient point moins sombres. Puisque nous évoquâmes nos disparus respectifs. Un triste point commun que celui de nos situations matrimoniales. Deux veufs en train de se confier en dépit de leurs différences. Afin de tenter de détendre de nouveau l'atmosphère devenue bien pesante, je me mets à déclamer le poème de quelques vers que j'avais composé en son honneur quelques heures plus tôt. Je me fends d'un sourire à sa remarque quant à sa révélation de ma primauté quant à cet hommage. Cela me surprend quelque peu car elle était notoirement exceptionnelle à bien des titres. Son appréciation me pousse à sourire à mon tour pendant qu'elle se met à faire tourner sa coupe entre ses doigts. Je garde le silence tandis qu'elle m'annonce qu'elle compte tenter de me traduire une de ses compositions dédiés à feu son époux. 

Je l'encourage d'un signe de tète avant de l'écouter avec attention. Je l'applaudis une fois sa traduction achevée tant j'ai apprécié cette poésie lancinante qui m'évoque ceux que je dédiais souvent à Jasmyne. “Vous êtes douées capitaine. Mais, je n'en attendais guère moins d'une Valyrienne. Car bien que vous vous drapiez dans votre barbarie de guerrière vous n'en restez pas moins une noble de sang. C'était magnifique à entendre. Je vous remercie de me l'avoir fait découvrir. Vous êtes bien plus compétente que moi en la matière j'ai l'impression. Il devait vous aimer à la folie votre amiral. Je le comprends bien. Vous êtes unique. Pour ma part, je me souviens avoir contemplé les étoiles depuis ce balcon en compagnie de feue Ellayna mon épouse. N'avez vous point d'enfants ? Un mariage si heureux devrait être bénie des Dieux. N'en avez vous pas souhaité à cause de vos rangs dans l'armée ?”
 

Il ne fait aucun doute que Valyria n'avait rien à voir avec Dorne et qu'en comparaison des vestiges hantés de la civilisation la plus prospère et brillante de toute l'histoire du monde notre Principauté passait aisément pour un paradis terrestre aux yeux de ceux ayant du affronté les périls de la première. D'ailleurs en dépit de ses aspects inhospitaliers aux yeux de nombre de nos voisins Dorne représentait le paradis à nos yeux et lorsque nous quittions la mère patrie nous devenions bien souvent comme des âmes éplorées. Toutes les nations de Westeros étaient patriotes mais nous autres Dorniens étions plus que cela. Ce sable et ce feu solaire nous les avions dans nos veines. C'était pour elle que nous agressions nos voisins, c'était pour elle que nous nous déchirions parfois entre voisins. Elle était une mater aussi douce que capable de la plus inique des cruautés.


"Je partage complètement votre avis sur la question et ne me permettrait guère de juger qui que ce soit." La surprise sur ses traits tant suite à ma propre ode en son hommage que face à ma réaction plus qu'appréciative devant sa manifestation artistique me serre littéralement le cœur. Valyrienne ou non, elle n'en restait point une femme ayant réellement souffert dans son existence et ayant du endurée les affres douloureuses d'un veuvage. Cela m'attriste profondément que de constater que ce soit moi un allié ambivalent de fortune qui lui apporte le réconfort d'une compassion fraternelle que lui ont niés les hommes de sa faction. Elle m'honore lestement d'un révérence m'indiquant qu'elle était bien une dame en dépit de son rejet sempiternel de ce titre. Il ne s'agissait en rien d'une tentative de dévaluation à son encontre. Bien des dames étaient de redoutables personnes parfois bien plus dangereuses que leurs homonymes masculins. "J'ai moi aussi aimé mon épouse Ellayna de tout mon ètre ce qui m'a rendu sa perte si atroce. Oh, ce n'est point un secret. Elle nous a quittée en m'apportant le dernier présent dont elle m'a honoré. Lorsqu'elle a mis ma dernière fille au monde des complications ont eu lieu et mestre Moros n'a pas été en mesure de la sauver. C'était l'enfant ou elle et elle m'a ordonné de choisir notre fille."

La souffrance de ces instants révolus mais toujours ancrés tant dans ma mémoire que dans mon cœur me pousse à détourner le regard par pudeur afin de masquer mon émoi. Je ressens une peine indicible devant le spectre de ce trépas qui avait surpris toute la maisonnée. Mais, feue mon épouse était partie en restant fidèle à elle-même. Je me surprends à revoir Ellayna arpenter la pièce avec douceur en chantant avant de finalement revenir à moi suite à la remarque de mon invitée. "Les enfants sont une véritable bénédiction des Dieux capitaine. Un don du ciel qu'il faut chérir et protéger. Je suis désolé que vous ayez été privé de cette joie sans égale. Milo mon cadet pense comme vous que mes enfants sont un peu les siens et il les gâte bien plus que je ne le fait. Ne désespérez pas pour autant. Les Sept vous accorderont des enfants j'en suis persuadé. L'ainé à 10 ans et la dernière en a deux. Pensez vous que nos enfants héritent de nos inimités et de nos rancunes envers certaines personnes ? Que les rivalités et les haines se perpétuent sur plusieurs générations ?"

L'évocation de la disparition tragique de feue dame mon épouse provoque un moi une éruption de sentiments aussi douloureux les uns que les autres et ce de manière d'autant plus cruel que j'étais parvenu à dépasser cette souffrance lancinante par la rencontre d'une autre femme. Sans vouloir jouer les cabotins de service et jaboter au rabais un courant devenu clairement favorable mais mon invitation chevaleresque me coutait bien cher en aveu et retrouvailles avec la camarde émotionnelle dans laquelle je venais de replonger les deux pieds devant à l'image d'un cadavre conduit dans sa dernière demeure. La Valyrienne ressent toute la peine que je parviens mal à masquer à grand peine puisqu'elle réitère son geste courtois en posant sa dextre sur mon poignet opposé. "C'est que vous feriez une excellente mère en ce cas. Car, un parent devra toujours faire primer son enfant sur lui-même. Extraordinaire me semble même en deca de ce qu'elle était à dire vrai. Votre sollicitude me va droit au cœur." 

Le chef aux cheveux d'argent s'incline délicatement sur un pan de la senestre tandis que la capitaine convalescente semble peser avec soin ses mots avant de répondre à ma tirade interrogative relative à la perpétuation des haines tenaces et des rancunes sur plusieurs générations. Certaines maisons en Westeros étaient célèbres pour ces conflits séculaires. Quelques unes des maisons Dorniennes n'échappaient point à la règle mais cela restait marginal. "Les enfants assimilent plus rapidement les enseignements que nous autres adultes. Cela doit avoir un lien avec la croissance de leur intellect. Ils sont comme des réceptacles n'attendant que d'être rempli de connaissance. Votre sœur est douée en langues étrangères ? Serait ce elle la dame de la maison ? Quant aux inimités, vous avez raison. Nous montrons l'exemple et ils se contentent de nous imiter. C'est donc à nous de les guider sur la voie." 

Un sourire amusé au coin des lèvres, je m'interroge un instant sur sa proposition. Mes enfants. Mes trésors. Mes héritiers à Lancéhelion peuplée de conquérants dans un palais dirigé par des étrangers. Des otages rêvés pour me maintenir dans le rang à l'instar d'un chien en laisse. Très peu pour moi. La confiance n'était clairement pas suffisante pour ce genre de pari audacieux. "Cela constituerait une rencontre mémorable à n'en point douter et il se pourrait que mes filles soient jalouses de pareils attributs cependant une tradition dans ma maison impose que l'on ne se présente point à la capitale avant son quatorzième anniversaire. Les traditions... J'imagine que vous avez également nombre de coutumes Valyriennes dont je ne connais rien."

Visiblement, il semblerait que l'évocation de feue mon épouse ait fait forte impression à mon invitée tant elle insiste sur le fait qu'elle aurait voulu la rencontrer. Je ne suis pas franchement persuadé en toute honnêteté que ma chère Ellayna eut ressentie la moindre dose de sympathie à l'égard d'une Valyrienne se trouvant en nos contrées pour occuper une Principauté réputée pour son amour de la liberté et de l'indépendance. Si celle-ci ne s'était que peu intéressée à la politique en dehors de celle liée à la gestion directe de notre domaine, je ne me faisais néanmoins aucun doute quant à l'opinion qu'elle aurait de la Cellarys. Mais ne souhaitant point faire chuter de plusieurs dizaines de degrés l'atmosphère paisible s'étant instillée à force d'efforts entre nous je déplaçais le pot au rose sous le tapis. Déblatérer de bien dommageable manière au sujet de la haine légitime qui n'aurait manquée d'animer la matriarche de la maison Toland représenterait une erreur qu'un courtisan consommé comme moi ne pouvait commettre. "Oh, n'en soyez pas si persuadée bien des roles conviennent à la maternité. Les putains ont des enfants. Les saltimbanques. Les mercenaires également. Alors pourquoi pas les capitaines. La vie n'est qu'une affaire de choix. Une rencontre fort instructive à n'en point douter." Aussi, lorsque ce babillage passa à sa famille à elle je fus relativement soulagé. 

La capitaine Valyrienne aux jambes brisées entreprit de s'attaquer au reste de sa briochette nimbée de miel et de sucre blanc. Je sentis un sourire apparaitre sur mon visage partagé entre la duplicité de circonstances et la sincérité appréciative. "Il fallait bien une dame. Vous ètes la guerrière. Ainsi vos parents ont eu tout ce que des parents nobles rêvent d'avoir. La gloire d'une officier et le rayonnement d'une lady. Bien des belles femmes sont loin de n'ètre que des faire valoir pour leurs époux. Je ne le sais que trop bien. Quant aux enfants, ils sont un trésor à préserver. Vous le découvrirez lorsque vous en aurez." Lorsque j'entendis les us et coutumes de l'ancienne Valyria, je ne pus que me demander ce que nous avions en commun avec pareils étrangers. Si j'avais épousé ma propre cousine maternelle en la personne d'Ellayna la perspective de fricoter avec l'une de mes cadettes provoquait en moi un vague dégout. Quant à la crémation mortuaire cela n'avait rien d'extraordinaire. Par contre, l'esclavage ne cadrait clairement point avec la culture de ma patrie. Un léger rire s'échappa de mes lippes closes face à son interrogation. 

Nous détestons les envahisseurs quels qu'ils soient. Nous les repoussons ou les exterminons traditionnellement en les poussant à s'enfoncer dans nos déserts à notre poursuite avant de les y faire périr de soif, de faim, du poison de nos lames, de nos assauts aussi soudains que terrifiants. Je me gardais pourtant bien de lui offrir pareille réponse et en lieu et place de cette vérité me contentais d'une description plus acceptable. "Je vous confesse que je n'en sais rien. C'était ainsi pour mon père et son père avant lui et ainsi de suite. Si vous voulez mon avis capitaine c'est pour s'assurer de ne pas faire offense à la maison Toland en commettant un impair à la cour. Nous sommes des gens aux caractères impétueux. Eh bien, nous apprécions les nourritures très épicées et la vinasse aigre de nos sols difficiles. Nous dansons énormément des sarabandes très vives. Les dorniens évitent l'après midi au vu des fortes chaleurs c'est donc la période ou nous restons chez nous. Nous sommes accueillants, ouverts et chaleureux." 

"Je puis comprendre vos arguments capitaine car cela n'est jamais une perspective agréable que celle que vous évoquez. D'autant plus lorsque l'on est une femme. Cependant, cela serait excessif de se priver d'un tel bonheur en raison de la bêtise des autres. Réfléchissez y davantage." Non pas que je souhaite débarrasser les mers du monde d'une redoutable capitaine ou préserver ma contrée des compétences sanglantes de la veuve en question. Prendre soin des enfants de sa famille est certes un baume réconfortant cependant cela n'était en rien comparable. Je ne me figurai d'ailleurs pas le moins du monde que Milo ne chercherait point à produire ses propres héritiers quand il se sentirait prêt à passer le pas avec la bonne personne dépassant par la même le traumatisme de l'avortement de la dame dont il s'était jadis entiché à la cour. "Toutes mes condoléances pour vos disparus. Il ne me reste pour ma part que ma mère et elle ne semble pas prête à nous quitter tant elle rayonne encore. Ce sont les Dieux qui décident de ce genre de choses hélas." 

Une observation attentive de la capitaine Valyrienne m'indique qu'elle se frotte souvent une partie de son corps précise en fonction de ses réponses. Lapsus révélateur de quelque chose de profond ou simple manie instinctive ? "Bien sur qu'un homme souhaitera vous donner des enfants. Vous êtes d'une beauté renversante, vous êtes instruite, vous êtes intelligente. Il y a bien des hommes capables d'apprécier ces qualités." Un simple hochement de tète de sa part accueillit ma description des coutumes locales tandis qu'un sourire énigmatique se dessine sur mon visage. "Le vin de nos voisins notamment Bieffois sont bien plus doux moins apre et corsé. Ces productions sont à l'image de leurs terres d'origine. Vous lui restez fidèle depuis sa mort. Je trouve cela admirable. Peut ètre que votre second aimerait vous faire danser ?" La convalescente continue d'entamer avec appétit sa brioche et je remplis pour ma part ma coupe d'un peu d'eau aromatisée avant de régler le compte de ma soif. Puis, saisissant le morceau d'orange tendu je le porte à mes lèvres après avoir remercié en plaçant ma main gauche au niveau de mon front paume tourné vers elle. Léger rire d'ironie face à sa question. "Le combat est une danse n'est ce pas ? J'aime pratiquer ce genre de danse. Sinon, non je n'apprécie point plus que cela danser. Par contre, je suis très heureux de voir la joie et l'énergie chez des danseurs. Pourquoi cette question ? M'aviez vous imaginé en danseur sautillant et souriant d'une sarabande endiablée ?" 

J'avais décidemment visé aussi juste qu'une maquerelle lorgnant sur la bourse d'un gentilhomme au détour d'une ruelle sombre en constatant que la Valyrienne se frottait bel et bien certaines parties du corps au gré de ses réponses. M'interrogeant un instant sur ce que cela dénotait à son sujet non sans me départir de ma gouaille intérieure préservée de la bien pensance diplomatique, je me figure que cela ne saurait s'avérer une manifestation de nervosité tant cette femme me paraissait incapable de ressentir une telle émotion. Le mystère reste donc entier face à ce réflexe instinctif et répétitif. "C'est de votre personne qu'il s'agit aussi je ne suis nullement légitime pour décider à votre place. Mes conseils ne sont que cela de simples conseils." Une simple inclinaison respectueuse du front face à ses remerciements pour mes condoléances sincères pour ses pertes familiales marque mon respect à son encontre. "Le temps a pour seul bienfait d'atténuer les souffrances." Son sourire teinté d'une pointe d'amusement lorsque j'évoque l'idée qu'elle renoue avec la gente masculine de manière un brin plus volontaire. Je lui rends son sourire tout aussi amusé à l'idée de la voir mener la vie dure au brave suffisamment capable de prendre sur lui pour supporter une femme à la volonté aussi affirmée. Mes sourcils s'écarquillent de surprise bien réelle lorsqu'elle évoque le parti Dornien avant que je ne recompose une mine de courtisan consommé. 

Je ne l'imaginais pas intéréssée par mes pairs au demeurant. Je l'aurais imaginé puriste de son sang à l'instar de tous les Valyriens. Cependant, il fallait reconnaitre qu'elle n'avait pas suivi cette voie pour son premier mariage. Peut-ètre était elle différente des siens ? Quoi qu'il en soit, je me remémore brièvement les élans matrimoniaux de Nymeria à la cour. Marier des Valyriens et des Dorniens afin de solidifier les liens naissants. Magnifique sur le papier. A voir face à l'épreuve des réalités. Les femmes Dorniennes étaient comment dire... différentes en raison de nos coutumes. Les hommes étaient pires. Pour des gens aussi butés du fondement que les Valyriens... Enfin, l'avenir nous dirait si ce projet aura porté ses fruits ou si cela n'aurait fait que souligner l'opposition latente de nos peuples. "Qui sait. Nos femmes sont libres, fougueuses, braves et audacieuses. Vous leur ressemblez beaucoup sur bien des points de vue. L'heureux élu ne serait donc pas trop dépaysé. Un beau projet que celui ci." 

Son rire sonore et soudain ne manque point de m'interpeller. J'esquisse un sourire amusé suite à sa vive réaction. "Ah, je partage donc un point commun avec ce dernier. Mais vous le gouterez nécessairement et bien plus tot que vous ne l'imaginez car j'en ai une ou deux bouteilles dans ma cave." Mon visage se pare d'une moue dubitative lorsqu'elle déclare m'avoir imaginé ainsi. "Et cela nous fait un point commun également. Quelle arme préférez vous ? Savez vous monter à cheval ? Appréciez vous les promenades sur les dunes ? Ou les chevauchées sur les plages ? Les marins n'aiment guère la monte en général. Ce qui est étonnant au vu de la similitude entre les deux." 

Il m'est bien impossible de définir si cette discussion somme toute placée sous le sceau de la courtoisie la plus élémentaire est un pas en avant entre deux personnes que tout oppose ou juste un jeu de dupes particulièrement élaboré. Je muselle néanmoins ma gouaille proverbiale face à une officier de la marine d'invasion de l'empire d'outre détroit à l'instar d'un demi solde se retenant de justesse de dézinguer un civil exaspérant au cours d'une rixe de taverne. Un sourire de connivence relativement convaincant sur mon masque de diplomate aux allures de pédant de théâtre et me voilà métamorphosé en parfait complice d'une pauvre âme au destin tragiquement contrarié par la cruauté de l'incertain. "En effet. Vous êtes donc aussi libre que l'air en quelque sorte. Cela n'est point dénué de charme non plus." Son sourire empreint d'une dose de goguenardise lors de l'évocation de son deuil me procure un sentiment de malaise au regard du fait que n'importe qui serait quelque peu touché ne serait ce qu'un peu par la réminiscence d'une telle douleur. Il se pourrait bien qu'elle n'ait pas été très proche de ses parents ou que ce deuil remontait à si longtemps qu'elle l'avait pleinement acceptée. 

Sa remarque sur l'oubli volontaire de son origine Valyrienne avec un caractère tel que le sien aussi piquant de celui d'une donzelle de Bois Moucheté m'arrache un éclat de rire rauque. "Je crains que ceux ci soient bien trop prépondérants pour se voir effacés par votre caractère de feu. Mais mieux vaut être fier de ce que l'on est quels que soient les circonstances. Ne pensez vous pas ?" La veuve arrange sa couverture d'un geste mécanique tandis que je lui propose de déboucher une bouteille de vin en son honneur. Histoire que l'on ne dise pas que j'avais lésiné sur les moyens pour mettre à l'aise une Valyrienne en mon domaine. "Mon héritier est encore trop jeune pour un mariage. Des fiançailles paraissent plus plausibles. Mais, je trouverais nécessairement une belle occasion de mettre le fut en perce." Je tente par réflexe de courtisan d'entrainer la conversation sur un terrain un brin plus léger. Tout bon courtisan ayant séjourné à une cour royale ou princière connaissait ce que représentait une discussion.

Il s'agissait d'une bataille certes moins sanglante que celle des lames s'entrechoquant mais une bataille tout de même. "Vous vous résumez de votre propre initiative à votre fonction et votre mode de vie ce qui est bien dommageable. Je suis un seigneur et un chevalier mais je suis également bien plus que cela." Mes yeux se plongent dans ceux améthystes de la Valyrienne alors que je reprends. "Comme la plupart des marins de ce que j'ai constaté. Bien peu sont de bons cavaliers. J'adore l'équitation. Je monte depuis que je suis en âge de le faire. J'apprécie également le dressage. La chevauchée sur la plage est la plus agréable qui soit. Mais mes vallées sont tout aussi interessantes à explorer à dos de cheval. Je manie toutes les armes à ma portée mais je dois confesser une prédilection pour les sabres, les dagues et la lance. Je suis bien plus à l'aise avec un cimeterre à la main. Qui vous a appris à naviguer ? A quel âge avez vous mis les pieds sur un navire pour la première fois ? Avez vous déjà rencontré des krakens ?"