De sa position, le jeune homme avait une bonne vue d’ensemble de la pièce, il avait pu suivre avec attention les différents discours et les réactions qui s’en suivirent. Les mots du Prince Orys Baratheon en froissèrent plus d’un apparemment, mais c’était normal. Les plaies étaient encore trop récentes entre l’Empire et le Val et il faudrait du temps pour qu’elles cicatrisent, les mots avaient dû avoir l’effet d’un jus d’agrume que l’on déverse sur une fraiche blessure. Irritant, désagréable. Même si dans le fond, il soutenait certaines pensées du Prince de Peyredragon, il était difficile de les évoquer ainsi en public, c’était certainement trop tôt. Plusieurs interactions visèrent à apaiser les tensions afin d’éviter que cela dégénère, il aurait été fort dommageable que la soirée visant à marquer la paix entre deux factions ennemies vire au drame.

Le regard du chevalier allait ici et là, reconnaissant plusieurs individus qu’il salua de loin, ses sous-officiers vinrent prendre de ses nouvelles. Cela lui fit plaisir, il espérait pouvoir les rejoindre le plus rapidement que possible, si son état le permettait, pour la campagne à venir. Des serviteurs accouraient à présent dans tous les sens pour servir les invités et ravitailler les plateaux chargés de mets qui étaient disséminés sur les différentes tables. Les instruments des bardes délivraient des mélodies des plus entraînantes, son pied valide tapotait sur le sol au rythme de la musique. Des duos commencèrent à se former pour venir briller de leur prestance et leur complicité au milieu de la salle. Avec son état, il était hors de question pour lui de les rejoindre, bien que pour le coup, ce n’était pas l’envie qui manquait. Cela serait pour une autre fois, s’il retrouvait un jour sa pleine mobilité.

Lady Nelya Omble vient également le saluer et lui souhaitait une bonne convalescence. Ils échangèrent quelques mots, Garlan avait du respect pour elle. L’intendante se démenait en tout temps pour subvenir aux divers besoins de tout le monde, sans elle, la situation serait probablement différente aujourd’hui. Mais on pouvait dire que ce soir, elle s’était surpassée ! Le Bieffois la félicita et la remercia pour ces festivités, c’était la moindre des choses après tout. Elle avait fort à faire et ne lui accorda que quelques minutes avant de continuer à faire le tour des convives. Le jeune homme continuait à regarder les invités danser en buvant doucement son verre. Il commençait à se dire qu’il était de plus en plus mal à l’aise, dans cet état, il ne pouvait pas faire ce qu’il souhaitait, il se sentait de trop. Il serait surement préférable pour lui de s’en aller, encore quelques minutes et il s’éclipserait discrètement.

Alors que ses yeux continuaient à balayer la salle, il intercepta un regard qu’il connaissait fort bien à présent. Ces yeux d’un si beau bleu. Vaella Verdragon. Elle le salua avec un sourire si bienveillant, il l’avait presque toujours vu ainsi, elle ne semblait s’en débarrasser que rarement, c’est ce qui participait à son charme. Garlan lui rendit son salut en la gratifiant de son plus radieux sourire, malgré la douleur latente de sa jambe et à sa poitrine. Il attendit qu’une danse s’arrête et les bardes changent de musique afin d’en profiter. Il clopina pour traverser la salle, aidé de sa canne et fit en sorte de ne percuter aucun danseur. Ce ne fut pas chose aisée, mais il y arriva. Au fur et à mesure, il ne pouvait que constater la beauté de la jeune femme. Sa magnifique chevelure, ses yeux d’un bleu intense, sa prestance. L’ensemble était ravissant.

Le jeune homme arriva devant elle et tenta de s’incliner légèrement vers l’avant. Une grimace de douleur déforma son visage, serrant les dents pour retenir un râle, elle sembla comprendre le but de la manœuvre et lui présenta sa main à portée pour lui simplifier la tâche. Il aurait réussi probablement à achever son mouvement, non sans mal assurément, mais la jeune femme valait bien cette peine. Il déposa un délicat baiser sur le dos de sa main, avant de la relâcher délicatement : « Le bonsoir, Vaella. Vous êtes plus que radieuse ce soir… » Il se rendit compte que ça pouvait être maladroit et mal interprété, il reprit donc immédiatement : « Pas que vous ne l’êtes pas d’habitude, car vous l’êtes assurément… Enfin…»Il se reprit, il devait être ridicule. « Vous m’aurez compris…»
Garlan essaya d’enchaîner assez rapidement pour ne pas la mettre mal à l’aise : « Si mon état me l’aurait permis, je vous aurai proposé de partager une danse. Mais je serai un bien piètre compagnon ce soir et je risquerai fort de vous marcher sur les pieds. » avait-il terminé en feintant un rire pour dédramatiser la situation. « Mais je puis vous proposer de partager au moins un verre ensemble, ça serait la moindre des choses afin de vous remercier d’être là au quotidien, pour ma convalescence, je ne saurai comment vous remercier suffisamment pour cela, Vaella… »

festivités des Sept Royaumes

Empire Braenaryon

Les danses étaient bel et bien lancées à présent, le rythme entrainant permettant à chacun de s'intégrer dans l'harmonie musicale. Isla et Raevor n'étaient pas seuls à tourner et virevolter au centre du hall si joliment décoré. Les couples formels et informels dansaient, profitant d'une proximité un peu plus intime pour échanger quelques mots, se protégeant des oreilles qui pourraient trainer par là. Un coup d'oeil sur la piste de danse montra à Isla que Daena dansait elle aussi, avec le roi Ronnel. Torrhen, avec Eira Mallister. Pour autant, elle vit d'autres personnes qui elles ne dansaient pas et préféraient profiter de l'occasion pour siroter un verre de vin, comme lady Whent, ou encore discuter tranquillement comme Garlan Goldwyne et Vaella Verdragon. Isla se nota mentalement d'aller le trouver, une fois que les célébrations seraient passées, pour prendre de ses nouvelles. Sa canne ne le quittait pas d'une semelle, ce qui lui faisait croire qu'il devait souffrir le martyre, à devoir se tenir debout et paraître, lors de ces festivités.

Son cavalier semblait passer un bon moment, à en juger par son sourire canaille et son regard complice. Isla connaissait par coeur cette petite moue qu'il avait, lorsqu'il s'apprêtait à faire quelque chose. Son amitié était vraiment rafraichissante. Et cette danse lui faisait du bien. Après tout, Nelya Omble avait organisé cette soirée pour s'amuser non? Ne pas en profiter serait du gâchis. Le rythme de la danse s'accéléra, et Isla s'éloigna de son partenaire, le temps de faire quelques pas, puis revint lorsqu'il l'attira à lui après avoir glissa sa main dans la sienne. Elle posa sa main sur son épaule, souriant de plus belle. Ce qu'il lui avouait à demi-mot ne lui disait rien qui vaille. Les dernières notes de musique se firent entendre, et lorsqu'ils s'arrêtèrent, ils échangèrent un regard satisfait. Légèrement essouflée, elle étouffa un gloussement lorsqu'il se pencha vers elle pour déposer un baiser sur son front. C'était donc cela, qu'il mijotait depuis le début de leur petite danse. Isla s'inclina pour le remercier de leur moment, comme si de rien n'était. La bienséance leur interdisait depuis toujours ce genre de relation de proximité, mais depuis toujours Isla n'en avait cure. Son amitié avec le Verdragon ne pouvait pas être résumée à quelques mots couchés sur du papier, ni à quelques ragots glissés entre deux couloirs. Ils s'adoraient, après de nombreuses années passées ensemble, à se raconter leurs errances, leurs sentiments. Ce n'était pas le même amour qu'elle avait pour Rhaenys, pas non plus le même que pour Orys. Et pas le même que celui qu'elle éprouvait pour Torrhen. Les provocations qu'il lui lançait souvent participaient à accroître ces sentiments et à consolider leur amitié, qui malgré des moments difficiles, avait survécu.

« Comme si j'avais besoin de toi pour "pimenter mes relations" ! » lui glissa-t-elle alors qu'ils quittaient la piste de danse.

Elle attrapa au vol deux coupes remplies d'un vin rouge sombre auprès d'un serveur qui passait, et en tendit une à Raevor.

« Merci pour cette danse.. »

Sa voix s'éteignit lorsque celle de Torrhen éclata dans l'air. L'orchestre avait arrêté de jouer. Isla se retourna, cherchant Torrhen du regard. Elle le vit, debout en direction de Rhaenys. L'assistance retenait sa respiration. Les musiciens attendaient une réaction pour reprendre leurs mélodies entraînantes. Isla jeta un œil à l'impératrice. Indéchiffrable, comme à son habitude désormais. La demande de Torrhen était bien ficellée, comme toujours. Rhaenys pouvait tout autant se mettre à sourire et accepter que s'assombrir et laisser sortir sa rage, ce qui n'aurait sans doute pas été le meilleur choix compte tenu de la situation. L'insulaire fut rassurée, d'une certaine façon, lorsque ce fut la première option qui se produisit. Même si elle doutait de la véracité de son sourire, au moins il était présent. Cela en soi était déjà une petite victoire. Et elle s'en contenterait. Pour l'instant. Rhaenys en profita pour annoncer la suite : des duos seraient formés, une personne native de Peyredragon dans chaque duo, pour apprendre à l'autre la danse symbolique de l'île des dragons. Voilà qui allait animer la soirée et dérider sans doute quelques personnes !

Comme tout le reste de l'assistance, médusée, Isla les observa tandis qu'ils tournoyaient lentement, buvant tranquillement son verre. Une sorte de respect silencieux s'était instauré, brisé uniquement par le bruit de leurs pas et la mélodie qui les accompagnait. Cette vision était frappante par sa rareté, et sa puissance. Elle échangea un regard avec Raevor, qui n'avait pas chassé pour autant son air malicieux de son visage. Puis son regard sembla croiser celui d'Orys, à l'autre bout de la salle, qui fuya instantanément. Lui en voulait-il toujours malgré leur dernière discussion à la Porte Sanglante, dans l'obscurité ? Lorsque le couple impérial termina, quelques applaudissements, d'abord timides puis plus enhardis, vinrent clôturer ce moment puis le brouhaha des conversations éparses reprit.

Reposant son verre sur la table à leur côté, Isla offrit un sourire taquin au Verdragon, lui donnant une petite tappe sur l'épaule.

« Bonne danse avec la reine Ysilia. Petit conseil cependant : évite peut être de lui embrasser le front, tu pourrais vraiment avoir des ennuis cette fois. »

La jeune femme se déplaça pour revenir vers le centre de la pièce. Elle devrait danser avec Torrhen, ce qui n'était pas pour lui déplaire. À part quelques mots échangés la veille et quelques regards au début des festivités, ils n'avaient pas vraiment passé de temps ensemble depuis leur retour, rejoignant leurs responsabilités respectives. Le vieux loup lui manquait plus qu'elle ne l'aurait cru, et elle était ravie de pouvoir passer un peu de temps avec lui, même s'ils n'étaient pas seuls. Les duos éphémères commençaient à se former, laissant à chacun le temps de terminer ses conversations et de rejoindre le centre de la pièce pour y retrouver son ou sa partenaire. Isla arriva aux côtés de l'Empereur, de profil par rapport à elle.

« Majesté. »

Le ton était solennel, le regard intense, la révérence très formelle. En se redressant, elle lui adressa néanmoins un joli sourire, une tentative pour elle d'essayer d'égayer le loup solitaire, qui semblait aussi à l'aise sur la piste de danse qu'Isla l'aurait été sur le champ de bataille. Si Isla avait bien compris la danse évoquée par l'impératrice, il s'agissait d'une danse où les couples ne se touchaient pas. L'harmonie était surtout créée par la proximité, mais aussi le mouvement coordonné de tout le monde. Elle profita du petits laps de temps donné par les derniers retardataires pour s'avancer d'un pas en sa direction. L'air joueur, elle lui glissa :

« J'essayerai de te ménager, promis. Je sais que tu n'es plus tout jeune. Suis mes mouvements et fais-moi confiance. »

A vrai dire, mener la danse, au sens littéral cette fois, lui plaisait bien. Les premières notes retentirent. Elle l'avait dansé des dizaines de fois, cette chorégraphie. Après la révérence de salut et d'ouverture, elle enchaina les déplacements avec facilité, tant elle aurait pu l'effectuer les yeux fermés. Mais ses yeux restaient bien ouverts, accrochant le regard de l'empereur, s'en dérobant parfois. Quelques jeux de jambe plus tard, elle leva son bras, se mettant de profil, tournant lentement en rond, imitée par l'empereur, sans pour autant se toucher. C'étaient les règles à respecter. Elle s'éloigna ensuite d'un pas en arrière, repoussant presque symboliquement l'homme en face d'elle, puis alors que le rythme ralentissait, le contourna doucement en passant par sa gauche, effleurant de ses doigts son bras, son épaule, le haut de son dos, puis son côté droit. Son odeur vint lui chatouiller les narines, déclenchant un frisson le long de sa nuque. Sans le toucher. Le long de leur danse, elle tentait de lui faire anticiper les mouvements avec quelques regards, quelques petits gestes pour qu'il comprenne bien comment se placer. Repassant devant lui, elle pivota légèrement son corps, plaçant en diagonale sa jambe droite en miroir de celle de Torrhen, puis stabilisa son pied pour y prendre appui, avant de pivoter à nouveau et de revenir à sa position initiale. Le rythme plus entrainant à présent, elle leva les bras en croix, marchant de quelques pas vers lui, virevolta quand elle s'approchait trop pour éviter le contact, au dernier moment, en se mettant de profil pour qu'ils puissent se croiser, dos à dos. Le mouvement se répéta encore quelques fois. Et puis elle se positionna dos à lui, respectant une légère distance tout de même, toujours sans contact, tendant gracieusement son bras droit d'abord, puis l'autre, tandis que ses mains à lui effleuraient le tissu qui habillait ses bras. Elle crut l'espace d'un instant sentir son souffle contre son cou. Les danses peyredragoniennes lui avaient toujours paru plus osées que le reste des danses connues à Westeros. Et pourtant celle-ci par exemple n'impliquait aucun contact physique. Un mélange d'intentions cachées, d'envie dissimulées. Tout en restant dans la stricte distance nécessaire à un événement officiel. Des habitudes bien ancrées pour Isla.

(c) a m i t y

Que s'est-il passé?:

Spoiler:

Ysilia était, donc pour la première fois de son tout jeune règne confrontée, au devoir de faire illusions, car plus les choses avançaient et moins elle se sentait à sa place ici et pour diverses raisons. Jusqu'à l'intervention d'Orys, elle avait eu conscience que la paix, ou plutôt le respect serait peut-être difficile à gagner, mais elle était malgré tout heureuse de pouvoir se retrouver ici, de découvrir quelque chose de nouveau et de pleinement avoir la possibilité de participer à la nouvelle impulsion qui allait être donnée au Val après son intégration au sein de l'Empire Braenaryon. Même après le discours plus personnel que véritablement diplomatique, elle avait eu une petite fierté d'avoir osé prendre la parole pour s'exprimer auprès de Torrhen et d'intervenir en faveur de ce royaume qui était peut-être devenue le sien tout récemment, mais dans lequel elle avait toujours grandi et pour lequel elle avait un grand amour. Amoureusement parlant, ce n'était sans doute pas la meilleure union, mais politiquement parlant, il était difficile de faire mieux. Certes, la situation était plus que compliqué au cœur du Val et de la Montagne, la guerre pour un camp puis la capitulation pour un autre ne pouvait qu'apporter une certaine fragilité à l'ensemble, mais si Ronnel et elle parvenaient à passer ses épreuves, alors le reste ne pourrait plus paraître si insurmontable par la suite. Dans tous les cas, elle tenait, car il était hors de question qu'elle puisse faire douter son époux ou les membres de la délégation valoise de ne pas pouvoir les représenter correctement face à ce que représentait les autres entités du Collège Impérial ou de l'Empire. Ronnel allait partir d'ici peu et elle serait, d'une certaine façon, seule ici par la suite.

Torrhen choisit ses mots pour pouvoir calmer un peu la défiance de la souveraine, mais même s'il parvenait à donner l'illusion que cela ne concernait que le Prince de Peyredragon, chacun avait entendu ce qui avait été dit et sans doute, nombreux étaient les gens du même avis que ce dernier. Pour autant, Ysilia finit par perdre un peu de son sourire quand elle entendit l'Empereur inviter, ou plutôt, ordonner avec délicatesse à Orys Baratheon de l'accompagner pour quelques pas de danse sur la piste. Il aurait été mal venu de répondre par la négative alors qu'il essayait de rapprocher les deux camps et elle tourna un instant son regard vers Ronnel pour pouvoir déceler toute réaction de la part de son époux. Lui, se devait normalement de danser avec l'Impératrice et elle avait pour souvenir qu'il n'avait pas manqué par le passé d'évoquer son admiration pour les dragons. Cela avait néanmoins évolué depuis qu'une des bêtes de Rhaenys avait attaqué le Val, mais ce qui était sans doute le plus inquiétant pour le moment, c'était le visage que cette dernière faisait qui ne donnait nullement envie de s'approcher d'elle à moins d'avoir des pulsions suicidaires. Néanmoins le Prince s'était levé et il s'était présenté devant eux, tendant la main pour l'inviter, elle ainsi que son époux, pourquoi pas à une danse à trois plutôt qu'à deux. Elle allait se lever et accepter de le rejoindre quand Ysilia eut l'impression que les mots de l'Impératrice vinrent à se répercuter dans toute la salle. Peut-être qu'il y a quelques mois, quelques semaines encore, elle n'aurait pas compris ce que cela pouvait faire de perdre un enfant, aussi tardivement dans la grossesse, et bien qu'elle comprenait l'horreur, elle ne l'imaginait pas et ne voulait pas l'imaginer. Mais cela avait un triste écho à présent en elle, alors qu'elle se savait enceinte. Même si presque personne en dehors de son époux était au courant de son état, elle dut se retenir de ne pas poser sa main sur son ventre avec une certaine urgence. Elle se sentit pâlir, imaginant si cela lui arrivait avec son enfant à naître, puis vint le moment encore plus horrible de penser à l'issue fatale de Nymeria et immédiatement son regard se posa sur Ronnel. Le fantôme était revenu, elle en était certaine, mais elle ne savait combien de temps cette fois, elle allait rester accrocher à l'esprit de son époux.

Ronnel la guida jusqu'à la piste de danse et Ysilia glissa sa main dans celle d'Orys. Elle inclina doucement la tête face au Prince de Peyredragon et elle se mit à danser avec ce dernier. Néanmoins, la nausée venait à la reprendre. Était-ce la danse, la nourriture ou les mots que chacun avait prononcé qui venaient à la perturber elle ne saurait le dire, mais elle n'avait guère le cœur à discuter à cet instant. Et encore moins l'envie de pardonner ou de faire semblant de pardonner à ce dernier. Elle préféra donc garder bouche close, suivant le mouvement et le rythme de la danse, essayant d'oublier quelques instants tout ce qui se passait à cet instant et de laisser la musique guider ses pas. Finalement, la danse sembla plus courte que cela qu'elle aurait pensé et elle se retrouva à nouveau face à Orys. « Je vous remercie pour ce moment, votre Altesse. » Souffla-t-elle du bout des lèvres. Elle s'apprêtait à retourner à la table d'honneur quand elle entendit à nouveau l'Impératrice, venant à parler d'une danse de Peyredragon que les hommes et les femmes de l'île pourraient apprendre aux autres convives. « Je crois que nous devons nous séparer maintenant votre Altesse mais j'espère que nous aurons l'occasion de nous rencontrer à nouveau et discuter des errements du Val qui ont semblé vous atteindre si durement. » Ysilia fixa un instant Orys des yeux avant de se déplacer pour pouvoir trouver son nouveau partenaire de danse. La jeune femme adressa un pauvre sourire à ce dernier. « J'espère que je ne serai pas une trop mauvaise compagne pour cette danse. » Lui dit-elle doucement.

Mina avait écouté, sagement et silencieusement, chacune des interventions des grandes personnalités de l'Empire Braenaryon. La jeune orageoise avait observé les réactions de chacun dans l'assemblée, comme de ceux qui étaient à ses côtés à la table d'honneur. Et il fallait bien avouer que ce qu'elle voyait, marquait certes le début d'une air nouvelle mais pour autant, le passé allait sans doute rester très longtemps graver dans les mémoires de tout le monde et si la paix était signée sur le papier, ce n'était pas pour autant qu'elle viendrait à s'installer pleinement en un claquement de doigts. En quelques secondes, sur le visage des convives présents, qu'ils soient de sang impérial, royal ou de la noblesse de royaumes, elle pouvait voir diverses émotions et en quelques instants, on pouvait passer d'un sourire entendu à un visage bien plus fermé, à tes sourcils froncés, et même à des traits consternés. Certains avaient salué chaque intervention, et même si certains parvenaient à faire bonne figure, et cachait en partie ce qu'ils ressentaient sincèrement, d'autres malheureusement n'avaient pas le même talent. Pour autant, il était hors de question pour Mina de critiquer quoi que ce soit. Elle avait de la compassion sincère pour le royaume du Val et de la Montagne, peut-être était-elle un peu naïve sur la question, mais elle savait que parfois on pouvait se faire emporter dans quelques choses, sans en avoir pleinement les cartes et parfois venir à subir plus qu'à vouloir. A présent, la maison Arryn avait pris la décision de se rattacher à l'Empire, et même s'il y avait eu de nombreuses pertes humaines, de trop nombreuses pertes humaines, elle ne manquait pas de penser à l'avenir. Il fallait qu'ils parviennent à avancer ensemble, malgré les obstacles du passé et les ressentiments des uns et des autres. Rien n'était simple mais maintenant il faisait parti d'un même ensemble et ils ne pouvaient se permettre d'être divisés. L'ennemi avait encore de nombreuses forces en réserve et elle faisait pleinement confiance à Manfred Hightower pour ne rien lâcher.

La jeune orageoise savait que pour beaucoup ici, de part son nom et sa maison, elle pouvait rappeler de mauvais souvenirs à ceux qui avaient combattu l'Orage quelques années auparavant et qui avait notamment perdu leur Roi dans cette bataille. Elle s'était mariée l'année même de cet événement avec Lord Swann, général en chef des armées de l'Orage. Sans parler du fait qu'elle était née Goldwyne, qu'elle était née bieffoise, cela pourrait compromettre les rapports entre les Valois et elle, mais elle s'était malgré tout permise de contacter le jeune souverain pour pouvoir lui tendre la main dans cette nouvelle configuration impériale. Elle avait fini par se lever de table, passant entre les convives, saluant ceux qu'elle reconnaissait, venant un instant embrasser son frère qu'elle était plus qu'heureuse de voir debout, même si encore affaibli parce qu'il avait traversé. Elle se rendit ensuite jusqu'à un petit groupe d'hommes et de femmes de l'Orage, peu se trouvaient ici, puisque la guerre mobilisait presque tous les hommes sur leurs terres et venaient à les faire souffrir jour après jour. Elle était en train de discuter avec eux, et la musique commençait à raisonner joyeusement dans l'espace. Elle était sur le point d'accepter une invitation à danser quand elle vit un homme s'incliner devant elle. Il était à la table principale à quelques sièges d'elle, du côté valois. Elle s'inclina à son tour et lui décocha un sourire léger. « C'est bien moi, Lord. Mina Swann, conseillère de sa Majesté Argella Durrandon et représentante de l'Orage au Collège Impérial. » Son sourire s’agrandit un peu plus en entendant les mots de ce dernier. « Je suis parfaitement d'accord avec vous sur ce point et je suis heureuse d'entendre une volonté de rapprochement entre nos deux royaumes. Les blessures ont été grandes, mais il nous faut avancer ensemble à présent. » Elle lui indiqua à endroit un peu à l'écart, sur un bout de table qui avait été abandonné par ses invités, sans doute parti danser ou faire toute autre chose. C'est là que Nelya fit son apparition, désirant se joindre à leur conversation, Mina hocha doucement la tête. « Si cela ne dérange pas Lord Royce, je ne vois pas d'inconvénient de mon côté à ce que vous soyez des nôtres. » Même si elles étaient amies, elles préféraient dans un cadre plus protocolaire, employé le vouvoiement, pour qu'ils soient tous les trois sur un pied d'égalité dans cette discussion à venir.

La traversée de la salle de bal avait été une épreuve pour sa personne. Bousculé par les couples dansant au rythme des mélodies dégagées par les bardes engagés par l’Intendante, il avait dû essayer de s’imposer pour ne pas tomber à la renverse. Son pas était chancelant tout de même. Il avait espoir de récupérer l’entièreté de ses capacités un jour, le mestre semblait confiant, bien que le vieil homme appelât à la prudence. D’autres avaient affirmés qu’il resterait infirme jusqu’à la fin de ses jours, ces propos l’avaient blessé énormément. Qui était-il si c’était pour rester ainsi ? Incapable de combattre, incapable de prouver sa dévotion à l’Empire. Il ne serait plus bon à rien. C’était sa pensée primaire d’aborder sa situation, il n’était pas des plus heureux d’être présent ce soir, de ne pas pouvoir profiter pleinement de l’évènement, de se mouvoir correctement.

Mais au moins, il y avait la présence de certaines connaissances, dont Lady Vaella pour lui donner du baume au cœur. Et cette dernière avait été bien bonne d’être à ses côtés pendant ces moments difficiles, alors qu’il se retrouvait blessé et donc de bien mauvaise compagnie. Elle s’excusa sur le fait de ne pas avoir fait le déplacement, elle semblait mal à l’aise à l’idée qu’il ait traversé la salle, parce qu’elle ne l’avait pas fait. Garlan balaya d’un geste de main ses paroles et d’un sourire bienveillant, il la rassura : « Vous n’avez point à vous excuser, Vaella, après tout vous valez bien cette peine, ce n’est pas grand-chose. » Il n’était pas avare en compliments envers la dame de Peyredragon, il avait l’impression de se rappeler à ses jeunes années où il passait son temps à charmer et à séduire la gente féminine. Mais il n’était plus le même homme désormais, il avait bien changé, il s’était assagi. Bien qu’il n’avait plus été aussi enclin à se montrer courtois et charmant auprès d’une femme depuis la mort de Yesaminda.

Il s’était montré des plus maladroits et se sentait des plus stupides. Il devait se ressaisir ! Il passa sa main à l’arrière de son crâne, l’air gêné, ses doigts venant s’emmêlés dans ses cheveux mi-long. Elle l’invita à prendre place à ses côtés, sur le banc, il hocha avec vigueur la tête, la remerciant. : « Avec joie. » Cela lui ferait le plus grand bien de rester un peu en position assise, ça lui soulagerait la jambe. Mais encore fallait-il savoir s’asseoir. Il serra un peu les dents au moment de prendre position. Il s’était appuyé jusqu’au dernier moment sur sa canne pour aider sa bascule en position assise. Il était bien mieux ainsi. Elle lui tendit un verre de vin, qu’il récupéra volontiers, le maintenant au niveau de sa poitrine : « A quoi trinquons-nous cette fois-ci, Vaella ?» Petite référence au repas qu’ils avaient partagé ensemble dans cette taverne. Bien que l’évènement eût été écourté, le jeune homme en gardait un souvenir des plus agréables.

Garlan aurait souhaité l’inviter à danser, partager ce moment avec elle, mais il en était bien incapable en état. Il devait se contenter de ronger son frein et de regarder les autres profiter pleinement de la soirée. Elle se jugeait bien durement, il était sûr qu’elle était bien plus douée qu’elle ne le laissait paraître. « Je suis persuadé que vous êtes bien trop dur envers vous-même. L’homme qui pourra apparaître à votre bras, en compagnie d’une si charmante demoiselle, sera des plus chanceux et heureux, à n’en pas douter…»Il faillit lui demander que lorsqu’il serait en état, si elle lui ferait le privilège de danser avec lui, mais ça pouvait être mal perçu avec ses précédents propos et il ne souhaitait pas la mettre dans l’embarras. Le chevalier ne pouvait que la remercier par des mots, c’était la moindre chose pour les heures qu’elle avait passé à son chevet à s’occuper de lui.

Cela n’avait pas été une mince à faire, mais elle avait toujours été présente. Le Bieffois lui en serait éternellement reconnaissant, il devrait s’acquitter d’une dette envers elle. Plongeant son regard dans les belles prunelles de la donzelle, il répondit aux dernières paroles de la jeune femme avec sincérité, sourire rêveur aux lèvres : « Quant à vous, vous êtes certainement la plus plaisante compagnie qu’il m’a été donné d’avoir pendant ma convalescence, illuminant mon chevet par votre bienveillance et votre beauté singulière. » Il n’était plus du tout rouillé en ce qui était des compliments, ça lui venait tout seul. C’était comme monter à cheval, ça ne s’oubliait pas ! Il porta sa coupe à sa bouche pour en déguster une gorgée. Un peu amer ce vin, il semblait reconnaître un cépage des méandres de la Ruffurque. Le Conflans n’était pas forcément une région des plus populaires pour ses vins, mais ce dernier était potable tout de même. Bien qu’étant loin d’égaler un vin de La Treille.

Il rétorqua au sujet du Mestre : «« Oh je suis persuadé qu’il sera des plus furieux d’apprendre que j’étais présent ce soir, je vois déjà venir ses remontrances demain… Enfin mes excuses sont déjà toutes prêtes, je dirai simplement que vous m’y avez pris en otage…»avait-il terminé en riant de bon cœur et en l’agrémentant d’un clin d’œil pour la taquiner quelque peu. Il reprit un peu son sérieux quant elle vient à s’enquérir de son état : «« J’ai l’impression d’être passé sous les sabots d’un cheval. Mon corps me fait souffrir presque en permanence, la douleur est parfois difficilement supportable. Mais si je souhaite retrouver mes capacités un jour, je devrai passer par des moments où j’ai tout intérêt à serrer les dents. C’est la moindre des choses que je puisse faire, par rapport à tous ceux qui n’ont pas eu la chance de se relever…»

Garlan savait qu’il y avait un risque que ses derniers mots entraînent un silence, si bien pour ne pas qu’un malaise s’installe, il s’éclaircit la voix et tendant la coupe vers la jeune femme pour l’interloquer, le ton de sa voix se fit plus bas pour que personne ne les entende : « Quant à vous, ma dame, comment vous sentez-vous ? Vous me semblez éreintée. Vous devriez vous reposer un peu pour ne pas passer à travers vos jambes ou bien est-ce encore un de ces vilains rêves qui vient perturber votre sommeil ?» Alors qu’ils continuaient à échanger, l’Impératrice fit une annonce et forma d’elle-même des duos pour aller danser au centre de la pièce. Lady Vaella était parmi les personnes citées. Elle danserait avec le nouveau roi fédéré de l’Empire. Le commandant ressentit de la tension se former en son sein, c’est lui qui aurait dû l’amener à danser ce soir. C’était injuste. Il repoussa ce sentiment nauséabond de jalousie qui s’installait, il ferait bonne figure. « Et bien, Vaella, si vous écrasez des pieds ce soir, au moins écraseriez-vous des pieds royaux !» se moqua-t-il doucement en portant sa coupe à ses lèvres.

- Je connais davantage la maison Velaryon, lointaine parente de la maison Targaryen si je ne me trompe pas. Du moins, je le suppose car vos ancêtres viennent d’Essos, n’est-ce pas ? , me renseignais-je, montrant par la même occasion que je ne suis pas un roi nombriliste. Dans les prochaines semaines, nos flottes seront amies et feront front commun. Mon Amiral, qui est un grand ami de la maison Arryn, rejoindra l’Amiral de votre flotte, un parent à vous si je comprends bien.

A mon grand soulagement, la demoiselle se révèle être une délicieuse et agréable compagnie. Si ses paroles n’effacent pas l’affront du Prince Régent de Peyredragon, elles apportent une vision moins hostile des terres de la future Princesse du Val et de la Montagne. J’espère que la future épouse de mon frère, si elle est toujours originaire des terres de l’Impératrice, sera être aussi conciliante que Daena Redwyne, née Velaryon. A défaut, je m’assurerai qu’elle passe une grande partie de son temps à Fort-Darion, auprès de ses souverains, ou à Peyredragon, auprès de sa famille. Je ne souffrirais pas d’être insulté sous mon propre toit par une impertinente.

- Il n’y a aucune maladresse dans les paroles de votre Prince. Il m’a insulté ouvertement et publiquement, en étant en pleine possession de ses esprits. Je vous prie de vous épargner la lourde et fastidieuse tâche de laver l’affront en son nom. Je suis simplement étonné par son attitude car votre Royaume a exigé une alliance maritale avec mon plus jeune frère, et l’actuel héritier du trône. Je suis bien confus d’avoir à leur arracher une femme de Peyredragon pour la lier à ma Maison. J’espère simplement que cette femme partagera votre vision d’un avenir commun.

Je clos la discussion par ces mots plein d’amertume, mais prononcés d’un ton diplomatique. Qu’elle comprenne que l’insulte a été bien trop déplacée pour que je la pardonne si aisément. Pour autant, j’octroie encore le bénéfice de doute à ma future belle-sœur, qui qu’elle soit.

- Je ne suis pas un excellent danseur, mais je ne vous marcherai pas sur les pieds, promis-je.

Bon gré, mal gré, je me plie aux règles d’usage et danse. La demoiselle ne me quitte pas des yeux, tantôt inquiète, tantôt pleine d’interrogation. Cherche-t-elle à jauger mes talents de danseur ? Je ne suis malheureusement pas un expert, maitrisant les danses les plus connues et les plus fréquentes dans les cours de Westeros. A moins qu’elle ne craigne que je m’ennuie ou que la colère me ronge pleinement ? Elle peut avoir raison comme tort. Je suis las de m’inquiéter pour mon futur, mais j’enrage envers ceux qui ont profité de mon inexpérience et de ma naïveté. Je suis fatigué de complaire à tous, mais pour autant je ne compte pas commettre une impair politique, encore – j’apprends de mes erreurs. Alors, je montre à cette fichue assistance que le Val sait danser avec Peyredragon. Parce qu’il le faut. Parce que ce soir, et uniquement ce soir, je laisse encore l’ancien Ronnel prendre des décisions.

Dès demain, tout changera.
Car je n’ai plus le choix – ou plutôt, je ne veux plus avoir ce choix.

La danse prend fin, me laissant un brin assoiffé. Là, l’Impératrice et l’Empereur font preuve d’une unité nouvelle. Je ne peux pas m’empêcher d’être impressionné par ce couple – un bout de femme côtoyant un vieux loup, tous deux auréolés d’un charme guerrier étrange. Je n’ai guère le temps de m’interroger ou d’observer, qu’on m’impose une nouvelle cavalière – une autre femme de Peyredragon, si je comprends bien.

- Dame Redwyne, ce fut un grand plaisir de danser avec vous. Votre compagnie m’a été agréable. Si vous n’y voyez pas d’inconvénients, avant la fin de la soirée, je vous introduirai à mon épouse. Si vous vous entendez, vous pourriez établir une correspondance entre vous. N’est-ce pas là un bon moyen d’établir des relations de bon voisinage ? , proposais-je. Par contre, je connais Lord Royce et il faudrait un miracle pour le trainer sur une piste de danse. Mon jeune frère, Jonos, pourrait être un cavalier au besoin.

Les premiers danseurs commencent à danser … et j’avoue que ma mine tourne à la déconfiture.
Je ne comprends rien à la danse.
Suis-je censé danser ça ?

Je me saisis d’une coupe d’un serviteur, et avale une longue traite, affichant une mine surprise au passage. Le vin semble plus corsé.

Citation :

@Daena Redwyne @Vaella Verdragon je vous laisse vous entendre ! Soit Vaella reste avec Garlan et Daena continue à danser avec Ronnel, soit Vaella danse avec Ronnel.

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