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Linus Roache est <a href="/t10240-na" target=_blank"><span class="Gp_Peyredragon">Nathaël Velaryon</span></a> - Scénario Pris /a>

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Nathaël Velaryon - Lord de Lamarck - Grand Amiral - <a href="/t10240-na" target=_blank" >Scénario Pris</a>

Chapitre I : La gloire d'avant le Fléau

Il existait autrefois, de l'autre côté du Détroit, dans les chaînes montagneuses des Quatorze Flammes, un peuple que rien ne vouait à un illustre destin. La seule particularité de cette étrange nation était, outre la couleur blanche de leurs cheveux et le mauve captivant de leurs yeux, leur capacité impressionnante d'adaptation à un milieu constitué de pentes abruptes et de cratères immenses crachant souffre et fumerolles mortelles. Les Valyriens pratiquaient une activité aussi ancienne que rustique : l'élevage. Leurs troupeaux parcouraient ces terres depuis des siècles voire des millénaires et jamais il ne vint à l'esprit d'aucun d'entre eux de s'élever au-dessus de cette condition. Les bêtes nourrissaient les hommes, les hommes élevaient les bêtes et cette petite boucle de vie suffisait à combler les aspirations d'un peuple qui était certes fier mais surtout paisible et modeste.
Les dieux aiment jouer avec les destins humains. Ou peut-être les hommes ont-ils inventés les dieux pour chasser cette peur profonde et tenace d'être une race à part, une race possédant assez de force et de courage pour changer en un instant sa destinée. Ces pauvres bergers du lointain Essos auraient pu poursuivre leur chemin dans les conditions difficiles qui étaient les leurs, continuant d'accepter le lot qui leur avait été imposé par la Nature et par le hasard de la vie.

Mais il en fut certains qui tirèrent de force leurs semblables vers le ciel et la gloire, là où aucune civilisation n'irait plus jamais. Cela débuta certainement très simplement. Je n'étais pas encore né, mais je peux presque voire le pittoresque de la scène : une ou deux chèvres s'égarent dans les boyaux sombres et brûlants d'un volcan endormi. Le jeune berger les poursuit, guidé par les cris des bêtes cherchant la lumière du soleil. Il finit par les retrouver errant au fond d'une étrange alcôve dont les irrégularités du sol ne semblent pas naturelles. Au milieu de cette anfractuosité, un petit monticule de souffre et de pierre qui rougeoie. Du bout de son bâton, le pâtre dégage méticuleusement ce qui se trouve au centre de ce monticule : une pierre. Non, pas une pierre : la nature ne pourrait produire cette surface écailleuse et irisée d'or qui la recouvre.
L'instinct de ce berger transformera l'Humanité. Il ne détruit pas l’œuf (car s'en était un) ni ne l'abandonne pour ramener les chèvres égarées à son troupeau. Il l'emporte et l'offre aux siens. La suite, nous pouvons la trouver dans toutes les chroniques des Mestres et des érudits Essossi : le hasard fit de ce peuple simple le grand empire de l'Ancienne Valyria. Les œufs éclos donnèrent naissance à de puissants dragons et à des femmes et des hommes assez courageux pour les monter. De puissantes familles de Seigneurs-Dragons établirent leur pouvoir sur tout le continent. Une à une, les nations que les Valyriens considérèrent comme barbares tombèrent sous le feu des dragons. Peu importait que quelques siècles avant ces glorieuses batailles, les Valyriens faisaient partie du "monde barbare" qu'ils cherchaient aujourd'hui à soumettre. Le destin avait fait son choix.


Je vis le jour durant ces années de fer, de feu et de sang que connut Valyria lors de son expansion vers des horizons toujours plus lointain. Tous les Valyriens ne pouvaient monter un dragon : il en fallut qui devaient s'élever par d'autres moyens, plus difficiles et qui demandaient des qualités hors-norme.
On raconte que je fus offert à la famille Velaryon, humbles commerçants de l'empire, par le roi Triton en personne. Il fallait au moins ça pour assurer une légitimité forte : la bénédiction du dieu des flots et des marées. A mon sens, la vérité honore bien plus mes détenteurs que les fadaises religieuses inscrites dans leurs chroniques. Pour assurer la victoire des Seigneurs-Dragons dans les airs et sur la terre, la civilisation valyrienne dût se doter d'une flotte puissante, à même de mettre en échec les orgueilleuses cités-Etats Essossi mais aussi les empires rivaux - Ghiscaris et Rhoynars. Des épaves de nos navires détruits par l'ennemi, du sang des braves noyés dans les affres du combat, de l'air salé qui fouette les voiles et les visages, on éleva mon corps. Plus le sacrifice était grand, plus ma gloire allait éclairer pour des siècles et des siècles le futur des Velaryon. Et les aînés de cette Maison allaient désormais faire reposer leur pouvoir sur moi, symbole d'une lutte jamais terminée contre les éléments : le trône de Bois Flotté.

Chapitre II : Le nouveau monde

Avant même que le Fléau ne frappe Valyria et ne mette fin à la plus grande civilisation que le monde n'ai jamais connu, les étendues immenses de l'Empire étaient devenues trop petites pour la soif de conquête et de richesses des familles valyriennes. Les Velaryon voyaient plus loin, vers les rives prospères de Westeros. Dans un exil volontaire, ils abandonnèrent finalement cette nation dominée par les puissants mais orgueilleux Seigneurs-Dragons. Malgré leurs exploits sur la mer, les luttes intestines de la noblesse valyrienne seraient toujours en défaveur des familles qui n'avaient jamais pu formé cette alliance divine avec les créatures les plus terribles qui aient jamais foulé ce monde.
Je me rappelle du jour du départ. La totalité de la flotte Velaryon, cinq cents formidables navires, appareilla pour Westeros. On ne m'avais pas relégué à fond de cale : on ne pouvait m'insulter de la sorte, moi le présent du roi Triton, le symbole terrestre de la gloire maritime de la Maison. On me plaça sur le pont du navire amiral, une immense caraque à trois mâts rebaptisée pour l'occasion l'Occident. Durant cette traversée historique, j'ai soutenu une partie du poids qui pesait sur les Velaryon. Mon seigneur avait pris une décision difficile : quitter les joies éternelles et la richesse de Valyria pour lancer tout son peuple et ses armées vers une terre réputée inhospitalière et sauvage. Rien ne disait que les valyriens parviendraient à prospérer de l'autre côté du Détroit. Ils n'étaient portés que par la foi inébranlable en leur destin exceptionnel et la confiance de leur supériorité militaire sur les barbares westerossi.

Contrairement à la presqu'île de Claquepince, les îles de la Baie de la Néra n'avaient jamais connu l'occupation des Premiers Hommes. Les premiers explorateurs valyriens avaient cartographié ces rivages longtemps avant l'arrivée des Velaryon. Chaque île, chaque récif était connu des navigateurs. Mais tout était encore à bâtir.
Je n'ai reposé dans les premiers temps que dans des conditions peu glorieuses : la pluie et l'orage battaient les toiles de jute servant d'abri aux colons Velaryon. Mais année après année, jour et nuit, je vis la fierté de ma Maison renaître sur ces terres nouvelles, pleines de promesses et de conquête. Bientôt, on posa la dernière pierre de Château-Lamarck. La demeure des Velaryon n'était ni aussi luxueuse que le manoir des Celtigar ni aussi effrayant que la forteresse des Targaryens sur Peyredragon. Mais elle faisait apparaître aux yeux de tous ce dont étaient faits ces hommes et ces femmes : émergés de la mer déchaînée, leur peau était de sel et leurs eaux de pierre.

Lorsque les dragons des Targaryens firent irruption en Westeros, longtemps avant le Fléau, les flottes des Celtigar et des Velaryon régnaient déjà sur la Baie de la Néra et sur tout le Détroit.


Chapitre III : D'un millénaire à l'autre

Les mains tremblantes ne pouvaient plus porter le fardeau. Le parchemin tomba sur les pierres glaciales de la salle du trône. La nouvelle était invraisemblable. Pourtant, rien ne laissait penser à un faux ou à une manœuvre politique. Au fond de lui, le seigneur de Lamarck sentait que le vent du destin avait tourné. Il avait cru voir dans l'écume des eaux noires du Détroit la gloire des Targaryens et de tout Valyria resplendir sur Westeros. Mais les choses avaient changé et pour toujours. Quelque part dans le Conflans, le sang du dragon expirait sous les coups d'une guerre provoquée par ses propres excès. Ceux que l'on croyait barbares, primitifs, indignes avaient eu la force de résister au destin. Aegon ne serait pas roi de cette contrée. Il gisait à présent dans la boue, comme tant d'hommes tués sur ses champs de bataille. Ceux qui autrefois régnaient sur un empire infini n'étaient plus sur ce continent que des êtres semblables aux autres, exposés à la crainte permanente de la mort et devant lutter sans faiblesses pour pouvoir maintenir sa place.
Le lord des Marées se leva de l'antique trône de Bois-Flotté, chancelant. Château-Lamarck n'avait jamais été un lieu très hospitalier mais les nouvelles en provenance de la guerre avaient encore alourdi l'atmosphère, la rendant presque irrespirable.

- Allez chercher mon fils et amenez-le sur le Serpent de Mer.

*   *   *

Sur le pont, lord Nathaël Velaryon regardait la houle s'écraser violemment sur la plage près du port avant de refluer en une lourde écume blanche. Il avait toujours pensé que les éléments étaient le langage des dieux. Il n'avait jamais été un homme particulièrement superstitieux mais l'attachement profond qui le liait à la mer lui faisait ressentir les choses avec une puissance qu'il ne retrouvait que lorsqu'il voguait. Peut-être que c'était ainsi que les dieux ou le destin avaient décidé de s'adresser à lui, par des voies détournées.

- Quelque chose a changé., murmura-t-il à l'attention de son fils Aethon.

Bien sûr, le jeune garçon de douze ans ne comprenait pas bien le sens de ces mots et il était d'ailleurs habitué à voir son père perdu dans ses pensées, semblant parler aux autres mais en fait ne parlant que pour lui-même. Mais il avait toujours été présent pour Aethon, supervisant son éducation, le protégeant, comme faire se pouvait. Le garçon avait toujours senti comme un non-dit dans cette relation privilégiée entretenue avec son père. Il n'avait pas souvent vu ses soeurs, parties pour accomplir leur devoir de filles, légitimes ou non, du seigneur de Lamarck. Mais il savait qu'elles n'avaient jamais obtenues de leur père ce que lui possédait au quotidien : une attention constante et sans failles. Qu'avait-il de plus qu'elles ? Cela venait-il de lui ou d'une ombre dans l'âme de Nathaël ? Les questions s'emmêlaient dans son esprit d'enfant mais elles ne disparaissaient jamais.
Soudain, il vit son père sauter sur le quai, s'emparer de la corde qui retenait le navire à la terre ferme et la détacher du pieu d'amarrage avant de la rejeter sur le navire et d'y remonter.


- Père, l'équipage n'est pas là !
- Depuis trente ans que je sillonne les mers, Aethon, je pense pouvoir remarquer quand un navire est prêt à appareiller ou non., répondit le seigneur dans un rire.

La réponse ne satisfit pas le garçon. D'évidence, le navire ne pouvait naviguer avec seulement deux marins à son bord dont un enfant de douze ans. Le Serpent de Mer n'était pas un grand voilier mais personne n'aurait pu le guider à seulement quatre mains. L'inquiétude l'étreignit et l'excitation le grisa. Il regardait son père s'activer sur le pont en lofant et choquant les voiles, tirant sur les drisses et barrant vers l'ouest. Bientôt, les ordres fusèrent. Aethon ne comprit pas tout de suite qu'ils s'adressaient à lui. Comment pouvait-on demander à un enfant de mener un navire ? Il s'y employa quand même. Les eaux noires de la Néra faisaient craquer et gémir le bois tandis que le vent hurlait dans les voiles semblant vouloir les déchirer de ses dents glaciales. Le vaisseau gîtait dangereusement quand une lame puissante vint balayer le pont. Dans un choc, Aethon fut projeté. Alors qu'il se sentit passer par-dessus le bastingage, sa main s'agrippa à une drisse.
En-dessous de lui, la mer rugissante voulait l'engloutir. Alors que ses forces allaient lâcher, il sentit une main dure mais ferme retenir son bras. Les yeux mauves de son père le fixait avec comme une lueur d'amusement. Mais il dût sentir aussi la panique de son fils car la voix qui s'éleva de lui était étonnement douce et rassurante.


- Nous ne sommes pas sur un simple navire, Aethon. Toi et moi, nous sommes la Maison Velaryon et nous sommes seuls, comme nous l'avons toujours été. Nous devons tenir le cap sans quoi nous sombrerons. Notre seule voie vers la survie et la victoire, c'est la mer et les épreuves qu'elle nous apporte. L'or ne nous as pas forgé ni le feu des dragons : nous n'avons que notre force et notre courage. Nous allons au devant de temps nouveaux et toi et moi, nous devons être prêts et comprendre que notre seul salut, c'est en ce moment même ce qui te retiens de tomber.
- Remontez-moi, père, pitié !

D'une puissante traction, le garçon retrouva le contact rassurant du bois mouillé. Il ne put se retenir plus longtemps et rendit sur le pont du Serpent de Mer. Après s'être remis, il se tourna vers lord Nathaël Velaryon avec sur le visage une incompréhension profonde.


- Et si j'étais tombé ? hurla-t-il.

Il n'eut pour toute réponse qu'un sourire amusé.