I swear it, on my honor, on my blood and on the gods.
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Le froid hivernal brûlait ses mains alors que l’effort fatiguait son petit corps à l’extrême. Sa lame entrait en collision à répétition contre le mannequin d’entraînement, vivement abîmé par l’acharnement du jeune Aymeric. Ses pas se faisaient de moins en moins stables, glissant, écrabouillant la poudre blanche sous ses pieds. La rage déformait sans arrêt son visage, son regard, alors qu’il ressassait l’injustice qu’il subissait. Il revoyait l’attention portée à ses aînés lorsque lui n’avait rien. Aella était la favorite, la réincarnation d’Yseult leur mère d’après certains habitants de Mont-De-Fer. Elle était pourrie-gatée, devenant arrogante et agaçante au fil des âges. Aymeric ne la supportait pas. Quant à Leif … Il avait l’approbation de tous, et surtout celle de leur père. Aymeric voyait les sourires qu’il lui offrait, les tapes à l’épaule et les entraînements exclusifs. Sans cesse, Aymeric les espionnait lors de leurs séances, ruminant de rancœur, souffrant silencieusement.
Voilà plusieurs heures que le jeune Aymeric s’entraînait. Le soleil s’éclipsait derrière la montagne entourant Mont-De-Fer, la température baissant drastiquement. Si au début, ses maniements étaient contrôlés, sa colère avait libéré une énergie négative, emportant sa danse dans une frénésie libératrice, comme s’il déchargeait ses ressentiments. Ce n’est que lorsqu’il entendit la neige crépitait non loin de lui, qu’il se retourna, menaçant de son arme émoussée par l’entraînement le nouveau venu. Lord Forrester le fixait, de son regard dur, sur son visage glacial. Pas de sourire, seulement l’indifférence. C’est tout ce qu’il avait le droit.
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Il est tard. Tu vas attraper froid, rentre. Lui ordonna-t-il alors que le regard venimeux de son fils le foudroyait. Ce dernier se détourna, et comme s’il n’avait rien entendu, il retourna assaillir le mannequin. Quelques minutes plus tard, le patriarche décida qu’il en était assez et désarma habilement son fils. Aymeric se débattit alors qu’il fut amené de force dans l’antre de la forteresse. Il fut ensuite prit en charge par la gouvernante qui vint soigner ses mains. Il voyait la même chose dans leur regard, auprès des serviteurs, de la tristesse étouffée, voire de la pitié lorsqu’ils le regardaient. Il avait entendu certains d’entre eux dire qu’il était maudit. Qu’un enfant venant au monde en tuant sa mère ne pouvait être béni des dieux. Était-il réellement le mal ? Il commençait presque à croire à ces affabulations. Pourtant, il n’était qu’un enfant perdu dans un environnement qui ne voulait pas de lui.
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Tel un rôdeur, il suivait avec méticulosité les traces fraîches laissées sur sa route. Discret, il évitait de faire du bruit afin de ne pas faire fuir sa possible proie, qui ne devait pas être bien loin. A l’instant où il vit la biche, il s’accroupit afin de ne pas se faire repérer. Ayant préféré chasser à pied, il ne valait mieux pas faire courir l’animal. L’hiver rude avait laissé place au renouveau du printemps. Pour fêter cela, une grande chasse fut organisée dans le Bois-Aux-Loups. Il voulait prouver une fois de plus qu’il pouvait être meilleur que Leif. Examinant de temps à autre la bête, il attendit qu’elle soit occupée à s’abreuver au ruisseau pour se stabiliser et bander son arc. Visant un endroit vital, il retint sa respiration afin d’être plus précis et décocha sa flèche lorsqu’il fut certain. Dans le mile. La bête haleta avant de s’effondrer. Sourire aux lèvres, Aymeric se redressa pour aller chercher son butin. Alors qu’il analysait la défunte biche, il entendit des sabots approcher. Relevant la tête, il croisa le regard de Lord Glover qui vint claquer ses mains l’une contre l’autre pour l’applaudir.
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Belle flèche, mon garçon. C’est ce que j’appelle du bon travail, propre et sans précipitation. Quel est ton nom ? Lui demanda-t-il d’un air curieux et agréable.
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Aymeric Sir. De la maison Forrester. Répondit le concerné, se penchant légèrement en avant par respect.
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Tu as du potentiel, ne le gâche pas. Ajoute-t-il en jetant un coup d'œil à la ceinture du Forrester où pendent déjà quelques prises.
Quelques heures plus tard, les chasseurs se retrouvèrent à Motte-La-Forêt pour les résultats. Aymeric finit deuxième mais est salué par la qualité de son travail. Pour lui, il s’agissait d’une victoire totale, il était devant son frère et Lord Glover était venu le féliciter en personne. La reconnaissance, il n’avait jamais ressenti cela à Mont-De-Fer, et cela le grisait. Prenant son courage à deux mains, le jeune Forrester avait entreprit de rejoindre la table du maître des lieux, devant son père.
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Mon Seigneur, puis-je vous demander une faveur ? Tenta-t-il sans préambule, le coeur battant.
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Aymeric, le fils prodige d’Einar ! Lança-t-il légèrement éméché par l’hydromel.
Vas-y parles gamin, je t’écoute. -
Pouvez-vous me prendre comme écuyer ? L’on dit que vous êtes un grand guerrier, respecté et admiré par vos hommes, redouté par les sauvageons. J’aimerais devenir comme vous, j’aimerais apprendre à vos côtés et vous servir. Avoua le jeune homme, appréhendant et confiant à la fois.
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Tu me plais bien, mon petit, tu as de l’audace. Commença-t-il avant de faire durer le suspens de quelques secondes afin d’embêter le Forrester.
J’accepte ta demande, à condition que ton père soit d’accord avec cela bien entendu. Ajouta-t-il en lançant un regard à son vassal.
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Je n’y vois aucun inconvénient. De plus, ce serait un grand honneur pour la maison Forrester. Aymeric qui ne pensait pas entendre cela de son paternel, fut heureux de savoir que son avenir se dessinait enfin petit à petit.
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Non loin de Motte-La-Forêt, à quelques minutes à cheval, il l’a retrouve sur la falaise, ses longs cheveux bruns volant au vent, contemplant la mer et son horizon. L’esprit apaisé, le sourire aux lèvres, il descendit de sa monture, laissant celle-ci auprès du deuxième cheval. Combien de fois s’étaient-ils baladés côtes à côtes à dos de canasson ? C’est lui-même qui lui avait appris à monter, afin qu’ils puissent se retrouver dans une meilleure intimité qu’à Motte-La-Forêt. Cet endroit était leur préféré, l’atmosphère y était reposante, le son des vagues les berçant. Arrivant dans son dos, il l’enlace et clos ses yeux afin de profiter de l’instant.
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Pourquoi es-tu partie toute seule ? Ça peut être dangereux, on ne sait pas sur quoi l’on pourrait tomber. Il sentit sur ses mains de douces caresses de sa part, mais le silence lui répondit. Ses paupières s’ouvrent, habituellement c’est lui le silencieux.
Quelque chose ne va pas, ma douce ? -
J’ai pris ma décision … Commença-t-elle la voix hachurée, le jeune Aymeric se tendit, renforçant sa poigne autour d’elle.
Nous deux … Cela ne peut continuer, et tu le sais. Il reconnut à sa voix qu’elle avait pleuré, il l’a savait incertaine de part leur situation.
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Astrid … Je trouverais une solution, je te le promets. Il la sentit à son tour se tendre, elle le força à relâcher son étreinte afin de lui faire face, les joues rougies.
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Quelle solution ? Partir loin d’ici ? Ce n’est pas possible, nos familles ne le permettraient pas. Mes parents mourraient de chagrin ! Je ne peux leur faire cela. La voir ainsi, lui brisait le cœur. Leur relation ne serait bien perçue par personne, mais il lui était impossible de renoncer à elle.
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Je t’épouserais, à Mont-De-Fer. lança-t-il sûr de lui en posant ses mains sur les joues de sa belle. Saisissant ses bras, elle secoua la tête d’un air désespéré, un mince sourire de tristesse aux lèvres alors que ses yeux brillaient.
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Tu te berces de chimère ! Un noble épousant une roturière ? Quelle image cela donnerait ? Personne ne l’accepterait, encore moins ton père, et tu le sais. A la mention de son paternel, le visage du benjamin Forrester s’assombrit.
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Mon père ne m’approuve pas depuis ma naissance, cela lui sera bien égal. Scanda-t-il d’une voix légèrement agressive, mais non tournée vers elle.
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Mais ce n’est pas ainsi que je veux vivre, dans l’indifférence et le mépris. Que deviendront nos enfants si nous en avons ? Ils ne seront pas considérés par leur famille … Notre relation est vouée au néant. Aymeric pâlit à ses arguments, il sentait qu’elle y avait mûrement réfléchi, il l’a sentait glisser entre ses doigts. Accablé par la tournure de leur entrevue, ses bras se baissèrent, ne la touchant plus.
Tu souhaites devenir un grand cavalier, servir notre royaume, et je n’ai pas de doute sur ton succès à venir. Seulement, ma place n’est pas à tes côtés, je ne t’apporterais que le déshonneur. Il la voyait au bord des larmes, mais il avait la sensation que quoi qu’il dirait, ce ne sera pas suffisant.
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J’ai grandi dans le jugement de ma famille, peu m’importe de me faire juger pour aimer celle que j’aime ! Tu ne seras jamais un fardeau pour moi. Tant que notre amour brûlera, je pourrais faire face à n’importe quel obstacle. Tenta-t-il à nouveau, apeuré de pouvoir la perdre, tout cela puisqu’il avait du sang noble. Un sang que même les siens ne reconnaissaient pas. Un sang qui ne semblait s’accorder avec Astrid.
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Aymeric .. L’amour ne fait pas tout dans notre monde … Je n’ai guère les épaules pour me dresser à tes côtés. Je ne peux me résoudre à détruire le brillant avenir qui pourrait t’attendre. Elle posa son index sur les lèvres du jeune écuyer qui s’apprêtait à enchérir.
J’ai été heureuse de te rencontrer Aymeric Forrester, mais nos chemins doivent se séparer, pour notre bien et celui de notre entourage. Elle embrassa une dernière fois sa joue de ses douces lèvres avant de s’éloigner, laissant l’homme éprit pantelant et brisé par cette séparation. Laissant un homme appréhendant le fil de sa vie, seul. Toujours seul.
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Pas un jour ne regretta-t-il d’avoir rejoint les troupes de Winterfell. Depuis petit, il rêvait d’être un grand guerrier, que l’on puisse enfin reconnaître sa valeur. Pendant plusieurs années, il a participé à la protection des côtes des Pierres et des Rus, combattant les fer-nés. Son statut de soldat et la guerre l’ont changé, d’un adolescent agressif et impétueux, il est devenu prudent et calme. Puis plus récemment, le recrutement pour les Gardes-Loup s’est lancé. Aymeric s’est donc méticuleusement entraîné afin de passer les tests qui ne furent pas de tout repos.
Et le voilà dans son armure, devant le Garde-Chef, les Dieux et surtout le Roi en personne, Torrhen Stark. Le Barral devant lequel se tenait le Roi était impressionnant, ses feuilles pourpres évoquant le sang des hommes et des Dieux. C’était un lieu solennel, où toute parole était entendue de ces derniers. Le mensonge y était proscrit. Sous celui-ci, une dizaine de nouveaux Gardes-Loup se tenaient, droits, fiers, dont faisait partie le Forrester. La voix du Garde-Chef tonna, et leur ordonna de prouver leur loyauté devant les dieux. Les soldats sortirent leurs épées et mirent genou à terre, déposant délicatement leur arme devant eux. D’une même voix, d’un même ton, et dans le même rythme, ils récitèrent leur serment :
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Par ma foi et mon honneur, je jure de servir et de vous protéger mon Roi, ainsi que vos terres et votre lignée. Je défendrai votre cause contre tous vos ennemis. Je respecterai votre volonté en toutes circonstances. Je garderai vos secrets avec loyauté et discrétion.Puis chacun leur tour, ils contèrent leur partie. Quand ce fut son tour, Aymeric redressa la tête, fixant le Roi du Nord et d’une voix sincère et confiante cita :
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Moi, Aymeric Forrester, fils d’Einar Forrester, mon épée et mon bouclier sont vôtres. Je vivrai et mourrai pour vous. Je le jure devant nos Dieux. Il plaça sa main droite au niveau de son cœur et ferma les yeux à cette dernière phrase. Il le sentait battre à toute allure sous ses doigts gantés. Aymeric était heureux, il sentait qu’il avait trouvé sa place et cela fut d’autant plus vrai lorsque Torrhen Stark prit la parole afin de compléter le serment. C’était un grand honneur pour lui d’offrir ses services au Roi de leur Royaume, d’autant plus que les histoires à son propos étaient élogieuses. Son rêve d’enfance prenait vie.
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L’union du Nord à Peyredragon s’était soldée par une grande annonce, Torrhen Stark déposait sa couronne pour unifier les Royaumes alliés. Un acte qui en a soufflé plus d’un, mais dont l’idéalisme était partagé. Une nouvelle ère se construisait, celle d’une guerre pour voir un jour Westeros en paix. Unifier tant de Royaumes ne serait guère chose facile, serait-ce seulement réalisable au cours d’une vie ? Seuls les dieux le sauraient. Mais Aymeric croyait en son Roi, devenu maintenant Empereur, qu’il suivait depuis plusieurs années. Il croyait en son jugement, en son désir de paix et en ses idées. Et il désirait ardemment continuer à le suivre dans son périple. Il avait vu, à de multiples reprises les affres de la guerre, vu des frères d'armes tombés au combat, des familles détruites, des enfants morts dans les bras de leurs mères, des orphelins perdus dans leur village, et des terres ravagées par le sang. Protecteur était son rôle, et il l’était naturellement. Ce qu’il désirait aujourd’hui, était de protéger l’unificateur, afin que ses souhaits deviennent réalité.
La cérémonie emplit de prières et de discours inspirants laissa place aux festivités, l’alcool coulant à flot. Méditant sur l’avenir, Aymeric était resté dans son coin, le dos adossé à un arbre tandis que ses yeux vagabondait sur la foule. Du coin de l'œil, il vit son frère s’approcher, il but alors une gorgée d’hydromel, n’étant guère proche de lui.
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Je dois avouer que je ne t’avais presque pas reconnu. Tu devrais passer plus souvent à la maison. Commença-t-il un bref sourire aux lèvres. Aymeric haussa des épaules, répondant du tac au tac :
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Tu sais bien que je n’ai aucune attache à Mont-De-Fer. Leif fronça des sourcils, ne s’attendant peut-être pas à une telle réaction.
-
Mais cela reste tes terres natales, mon frère. Et … Il serait temps que tu te maries, tu ne crois pas ? La mâchoire du benjamin se crispa, comprenant vite où la discussion le mènerait.
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Je n’en vois pas l’intérêt, je suis déjà suffisamment occupé comme cela. Dit-il d’un ton sec, la fête commençait bien, il fallait que quelqu’un vienne lui saper le moral.
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Il en va de notre devoir de faire prospérer notre famille, Aymeric. Et ce n’est pas en passant ton temps sur les champs de bataille que cela arrivera. -
Je sers loyalement notre roi devenu empereur, il n’y a aucun mal à cela. Rétorqua-t-il en fusillant son frère du regard, il n’aimait pas cet échange. Il n’aimait pas en général discuter avec sa famille …
Pourquoi abordes-tu ce sujet tout à coup ? Le regard de glace de son frère, similaire au sien, fuya.
Que me caches-tu, Leif ? Il garda un instant le silence, la mâchoire crispée, le regard sur l’horizon.
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Je me suis marié par deux fois, en vingt ans. Et toujours aucun héritier. Le mestre dit que je suis infertile. Aymeric reste silencieux, ne s’attendant pas à de telles nouvelles. Mais il comprend de quoi il en retourne. Pourtant il ne dit rien.
Donc par extension, lorsque je mourrais, Mont-De-Fer t’appartiendra. Mais si tu persistes à combattre dans les guerres à venir, il n’y aura plus aucun Forrester en ce monde. -
C’est la vie, des familles émergent comme disparaissent. Il haussa simplement des épaules, n’étant pas un tant soit peu chagriné par cette éventualité. Mais cela ne laissa pas Leif de marbre qui empoigna le col de son frère.
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N’as-tu aucun honneur pour laisser faire une chose pareille ? Aymeric força sa poigne à le relâcher.
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Je ne dois rien à notre famille. Mon honneur, je l’ai gagné auprès de l’Empereur, personne d’autre. Il mit fin à leur conversation en appuyant son index sur le torse de son frère. L’heure était à la fête, non à une prise de tête. Il s’éclipsa donc, allant rejoindre ses frères d’arme pour passer un moment plus agréable.
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Le réveil fut compliqué. Le corps criait sa souffrance. Comme si une centaine de chevaux lui était passé par-dessus. C’était la première fois qu’il se retrouvait dans un tel état. D’ordinaire, il sortait des batailles avec quelques plaies, mais rien de plus. Seulement, la Bataille de Buron fut chaotique, cauchemardesque. Si la première fut triomphante pour l’Empire, la seconde … Aymeric n’en avait que des brides. Il se souvenait avoir percer les défenses ennemies. Il se souvenait avoir vu bon nombre de ses camarades se faire massacrer. Puis, son cheval s’est fait estropié. Aymeric est tombé. Un canasson l’a piétiné. Lui octroyant quelques fractures, dont ses deux doigts inutilisables qui ont été amputé. Il se souvenait avoir retrouvé Gauvin. Ils ont tenté de rejoindre leur Empereur, perdu dans la bataille. Puis, alors qu’ils combattaient contre les fer-nés, une masse a fracassé son genou, le faisant mettre au tapis. La dernière chose qu’il vu, fut un coup de pied magistral de son adversaire. Et le trou noir.
Ce n’est que lorsque Gauvin, un autre Demalion et frère d'arme, vint à son chevet que ses idées furent plus éclairées. Ce dernier l’avait sorti de là, retrouvant une troupe qui se retirait de la bataille. Mais lorsqu’il apprit que l’Empereur avait faillit trépassé, le goût amer de l’échec le terrassa bien plus que la douleur de son corps. Il mit fin assez rapidement à sa convalescence, n’aimant pas rester inactif, et ayant à cœur de retrouver sa force au plus vite. L’échec ne lui serait pas à nouveau permis, ou en tout cas, il ne se le pardonnerait point. Il se donnerait donc les moyens de s’améliorer, user de ses faiblesses pour en faire une force.
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L’Orage. Terres déchirées par les guerres depuis des décennies. Le soulagement qu’avait perçu Aymeric lors de leur arrivée à Accalmie prouvait de l’immense détresse dont les habitants et réfugiés étaient l’objet. Aymeric ne se réjouissait guère des acclamations dont ils ont eu droit, il avait vu à travers leurs yeux, leurs mines fatiguées, qu’ils en avaient assez vu. En tant que chevalier de longues dates, il avait survécu à de nombreuses batailles, il était habitué à la violence des combats. Pourtant, même les plus grands soldats ressentent les traumatismes de guerre, la paranoïa, les insomnies, les addictions, les hallucinations, le détachement… Il y en avait tant, Aymeric vivait avec certains d’entre eux. Il s’y était fait, cela fait intégralement partie de lui. Mais pour ces pauvres gens ? Qui n’ont point été formés à la guerre, qui grandissent avec elle malgré eux ? Les traumatismes devaient certainement être similaires, sauf qu’eux n’y ont jamais été préparés.
Aymeric aspire à la paix pour ces gens, qui n’ont rien demandé, qui attendent seulement de retourner à leur vie d’artisans ou d’agriculteurs. Un jour peut-être, cela sera-t-il possible. Un jour où les enfants grandiront sereinement et où le sang cessera d’imbiber les terres. Un temps de paix où la détresse se transformera en joie de vivre pour tout un chacun. Ce n’est qu’à ce moment-là qu'Aymeric estimera qu’il pourra se retirer de l’armée, et partir vivre loin pour se reposer, mais serait-ce seulement possible ? Les guerres prendront-elles fin un jour, ou la paix n'est-elle qu'une chimère ?
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