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Sam Heughan est <a href="/t9027-ly" target=_blank"><span class="Gp_ConflansFed">Lyham Tully</span></a> - Pv pris</a>

Code Recensement : Royaume des Rivières et des Collines

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Lyham Tully - roi des Rivières et des Collines - <a href="/t9027-ly" target=_blank" >Pv Pris</a>

Je constate avec regret que je me suis habitué au requiem chanté par les corbeaux. Je déplore de ne plus faire parvenir une missive aux familles endeuillés. Je n’en ai plus la volonté, ni l’héroïsme. Il n'y a rien d'héroïque. La guerre a émaillé ma vie, a pris la leur. Je ressens aujourd’hui le besoin d’écrire des parchemins que je brûle ensuite. Il y a en cet acte un but cathartique, le papier tel un silencieux confident.

Jeune, j’avais pour les épées étincelantes une fascination particulière. Armé d’un bâton ou d’une branche biscornue, je rossais ce qui passait sous ma main. J’abhorre aujourd’hui cet instrument de mort, son chant lugubre, le reflet que je vis de moi, déformé par la gouttière de la lame tâchée de sang. La guerre est devenue pour moi le refuge des faibles, l’extrême auquel on recourt lorsque l’on abandonne sa raison au désespoir. J’ai sans doute partiellement abandonné la mienne, mais je souhaite ardemment bâtir la paix.

Mon père disait autrefois : Nous ne sommes peut-être plus rois et reines en nos terres, mais notre noblesse nous oblige. Nous avons des valeurs, sachons être à leur hauteur. Je m’y efforçais quand j’endurai le froid qui jusqu’aux os me transperçait ; quand j’endurai la barbarie ; quand j’endurai les pleurs, les suppliques, les doléances auxquels je ne pouvais accéder et qui, chaque jour, me rongeaient. Il est aisé, dans ces conditions, d’oublier d’où l’on vient, où l’on va ; de remiser nos valeurs là où elles n’entravent plus nos actes et nos pensées.

Alors, je me remémore parfois ce morceau de parchemin griffonné que j’ai trouvé, peu de temps après le siège de Moat Caillin, sur le corps flasque, encore chaud, d’un soldat immergé dans la boue. J’y lisais ces quelques mots : A mon époux, à mon père, je t’aime. Il traduisait, avec un dépouillement candide une leçon essentielle : quiconque doit avoir un but précis, intime, constitutif de sa personne, lié à lui comme un doigt à la paume de la main. Quoi que l’on fasse, ce but doit rayonner car sans but, on se perd sur la voie des damnés. Je partage avec ce soldat un but commun : l’amour des nôtres. J’ai combattu et je combattrai pour ma famille.  

Nous n’avions qu’une quinzaine d’années quand je rencontrai Alysanne. Je tombai éperdument amoureux de ses éclats de rire francs qui m’emportaient à l’unisson, de ses cheveux châtains qu’elle tressait en une natte languissant sur son épaule, de sa verve, de sa vivacité, des traits de ses pommettes discrètes. Nous eûmes trois magnifiques enfants et je peux, sans vaciller, affirmer que je l’aime depuis le jour de notre rencontre.

Ai-je toujours été à la hauteur ? Nenni. Quel exemple de loyauté et d’honneur donnais-je quand j’annonçai que j’acceptai le trône des Rivières et des Collines ? Quel exemple de confraternité donnais-je à tous ceux endeuillés ? Quel exemple étais-je pour mes enfants qui s’accommodaient de mon absence ? Quel exemple de paix, aujourd’hui, alors que je suis en guerre ? L’enfer est malheureusement pavé de bonnes intentions.Je ne puis répondre à ces questions. Je sais que la parfaite clairvoyance n’advient qu’aux portes de la mort.

Peut-on pardonner les blessures de la guerre en temps de paix ? Quel est le poids d’une vie dans la balance géopolitique ? L’Empire envahisseur devient le libérateur. Je ne pardonnerai jamais toutes ces morts inutiles, mais je préfère compter sur un gain futur qu’un gain manqué : sauver les miens, mon peuple ; assurer notre avenir dans un système qui garantit notre indépendance et notre survie.

Nous étions jusqu’alors le bouclier de chair et de sang des Hoare, nous nous écrasions contre les armes ennemies sans qu’Harren ne s’encombrât de peine, de remords, de bienveillance. Ce peuple combattit sur mes ordres pour une cause qui n’avait pour nous aucun sens ; ils mourraient sans plus d’éclat qu’ils n’avaient vécu. Mais… malgré notre défaite, Torrhen et Rhaenys ne nous offraient pas la mort, ils m’offraient l’occasion de racheter ces tourments auprès des miens. Je m’adressai à ces captifs, leur regard m’implorait. Je promis que leur sacrifice, dorénavant, ne serait pas pour les ambitions dépravées d’un despote, mais pour notre liberté au sein d’un autre tout ; d’un Empire qui a su prouver son humanité car un serment n'a pour moi de sens que s’il est réciproque. Une confiance renouvelée lorsque j’appris, six mois plus tard, que Torrhen en personne avait occis l’infâme Harren. Payant son impudence, Yorren le Bâtard périssait lui-même lors de la bataille d’Aubray, neuf mois après la mort d’Harren.

Il me fut de prime abord difficile, je l'avoue, d'envisager un rapprochement que je qualifierais de positif avec les dirigeants de l'Empire, Torrhen et Rhaenys ; notre passif éveillait alors en moi une méfiance tenace. Je découvris toutefois deux êtres sérieux, animés d'un enthousiasme commun à bâtir les fondations d'un Empire libre, mais unifié. Aujourd'hui, notre respect est réciproque et notre but, commun.

Et quel élan de liberté ! Fort heureusement, je comptai sur le soutien essentiel de mon père. Pour la première fois depuis tant de mois, voire d’années, je discernai sur les visages un sourire sincère. Je discernai aussi ces regards pessimistes qui, eux, entrapercevaient déjà le futur qui nous attendait, semé d’embûches. Nous marchions sur la voie de l’indépendance, pavée des corps de ceux d’entre nous qui, à Paege, avaient été sacrifiés. Nous étions heureux, mais point en liesse. Sur ma tête pesait dorénavant une couronne acquise dans la défaite. De mon côté, je confesse avoir manqué de courage. J’annonçai à Éléanor ses noces futures par une missive confuse. Je n’eus pas le courage d’affronter son regard, d’accepter le silencieux reproche que m’auraient adressé ses yeux. Son abnégation m’honore et je sais que, grâce à elle, le royaume des Rivières et des Collines a un rôle à jouer.

Je ne suis pas vaillant non plus face à la mort de ceux qui me sont chers. Je ne l’ai jamais été. Il y a dans la mort quelque chose qui m’effraie. Toute la complexité de l’âme et de l’esprit, toute cette alchimie mentale, qui un jour s’échappe du corps, sans artifice, et qui plus jamais n’existera. L’éternité d’une absence me déstabilise. Le corps sans vie, sa complète inutilité, m’angoisse. L’existence semble parfois si vaine. J’ai assisté à l’immolation de mon père sur ordre des Croisés de la Foi, je ne distinguai que les immenses flammes qui pourléchaient avidement le ciel nocturne, projetant sur les murs de Vivesaigues des ombres morbides et dansantes. Je n’ai pas su être présent, ensuite. J’ai tenu la main d’Alysanne ; je sentis son dernier souffle au creux de mon cou. Ses doigts délaissèrent les miens. Je n’ai pas su communiquer avec les enfants.

Je trouvais dans la solitude un refuge commode, qui n’impliquait nulle justification, nulle confrontation. J’étais égaré. Alysanne était pour moi, est toujours, un point cardinal ; sans elle, j’agissais à la manière d’une boussole sans aiguille. J’implore l’indulgence, mais j’ai failli. Ainsi, n’osais-je pas même accorder quelque prière que ce fut aux Dieux qui, par l’entremise des Croisés, avaient ravi mon père. Je m’interroge : les Dieux eux-mêmes sont-ils sensibles à la condition humaine ? Peuvent-ils seulement se fier des forces qui président à nos émotions, nos sentiments, nos actions ? J’exècre leurs dévots corrompus, apôtres de pacotille, pataugeant dans la fange qui autrement condamne ceux qui n’ont pas la chance d’être des leurs.

J’errais. Je trouvai néanmoins réconfort dans les bras de Shaera de Volantis, prêtesse rouge, qui m’introduisit aux paroles de son Dieu, l’ardent R’hllor. Je lui fis confidence de mes peines, mais j’affrontai la défiance de ma propre sœur. Je vécus la prise de ses vœux comme une petite mort et mon peuple vécut cette relation comme une trahison. J'en ai malheureusement conscience, mais eux ne peuvent pas comprendre ce que je ressens.

Je m’égare, je digresse. Est-ce parce qu’à nouveau, la guerre s’impose à moi ? Que sa vision m’épouvante ? Une guerre est-elle jamais justifiée ? Mon peuple exige sécurité et stabilité et je n’ai pour lui que promesses chimériques. Je promets la paix, je promets des renforts, je promets un royaume réunifié, pacifié, apaisé. Je promets prospérité future, mais aujourd’hui, ces promesses sont autant de créances qu’il me conviendra de rembourser. J’en fais néanmoins le serment : les Conflans cesseront de subir les guerres qui ne sont pas les siennes.

Cependant, cette guerre-ci est la nôtre. Face à l'Ouest pour qui nous sommes un obstacle vers l'est, nous nous battons pour défendre les murs de Vivesaigues, chacun ici partage un souvenir avec les pierres de cette cité. Reclus, nous avons anxieusement attendu les forces nordiennes, mais leur arrivée ne mit pas fin à nos tourments. J’écris ces mots, transi ; les muscles tétanisés, la gorge nouée. Mes tympans sifflent encore du tumulte des combats dont la violence n’eut d’égale que notre détermination à repousser ce Kenning. Je crus même perdre Sacha, dont j’entends encore les gémissements. Je n’ose pas monter aux créneaux pour considérer les milliers de cadavres qui bariolent les terres saccagées ou nos rivières écarlates. Je sais que parmi ces corps inertes, où festoient les corbeaux, se trouvent des visages qui m'étaient familiers, à qui j'assurais la victoire, quelques heures auparavant. Ces gens-là, parmi les plus valeureux que je connaisse, ont donné jusqu’à leur vie pour que cet indigne siège soit levé, que ces maudits ouestriens rebroussent chemin la queue entre les jambes. D'autres souffrent des blessures qui toute leur vie les handicaperont. Tout reste néanmoins à faire car nos réserves s'amenuisent...