The winter light

Wandering in the winter light
The wind can act the same
They're witness to salvation
And life starts over again

Bien qu'attendue depuis des mois, Joy a su créer une surprise qu'elle ne pensait plus connaître. L'urgence d'abord, la peur et la douleur terrible d'un accouchement qui a duré des heures. Bien plus longtemps qu'il n'aurait dû. Elle a vu ce qui ressemblait être la silhouette de sa mère quand épuisée, elle a laissé tomber sa tête sur son oreiller de plumes, le regard dans le vague. Quelque part dans les flammes du chandelier posé à côté d'elle, ou dans les nuages sombres qu'elle voyait depuis sa fenêtre, elle a cru que c'était la fin. Mais enfin, les premiers cris d'une nouvelle princesse ouestrienne ont résonné à Castral Roc et ont fait disparaitre toute fatigue chez sa mère pendant quelques minutes. Quelques précieuses minutes où son prénom résonnait dans sa tête, sans arrêt. Joy. Joy. Joy. Ce sera Joy, pour toute la joie qu'elle apporte en ces murs devenus tristement empreints du deuil. C'est Lyman qui l'a pourtant proposé alors qu'elle s'endormait. Une fille. Le conseil sera déçu mais elle est ravie.

Khayley est arrivée depuis une semaine, déjà. Passée la surprise, elle a évidemment voulu lui parler. Mais il lui était interdit de la voir pour tant de raisons différentes et si bien justifiées. Jeyne était trop enceinte et Khayley trop nordienne. Potentiellement dangereuse, potentiellement espionne. Une pensée qui n'a pas manqué de la faire rire aux éclats, bien qu'elle ait fait de son mieux pour chasser cet éclat d'émotions. Elle a attendu quelques jours avant de la retrouver, le temps de simplement pouvoir dormir, faire connaissance avec sa fille, marcher sans avoir mal. Avec trois choses en tête seulement, ses enfants, Khayley et Pierremoutiers.

Le temps presse, le temps presse alors elle ignore sa faiblesse. Jeyne s'échappe de nuit, est pourtant remarquée par plusieurs gardes qui ne savent pas s'ils doivent l'arrêter ou non. Mais elle a obtenu l'autorisation de sa Majesté Jordane Lannister en personne et est censée être la reine de ce royaume. Alors personne ne l'arrête et elle parvient sans mal à trainer son corps éprouvé jusqu'aux quartiers de la nordienne. Sa main tremble un peu lorsqu'elle frappe à la porte. Elle ne sait pas. Elle n'a aucune idée de ce qu'elle trouvera derrière cette porte. Méfiance. Haine. Peut-être de la colère. Ou ce qu'elles avaient avant, dans le Nord. Elle frappe pourtant, et entre. Chandelier à la main, elle ne fait qu'un pas avant de préciser son identité.

- C'est moi, Khayley. Jeyne.

Si seulement elle se souvient d'elle, les moments passés ensemble ayant été rares. Elle se permet pourtant une familiarité qui lui manque ici et s'avance prudemment jusqu'au lit de la jeune femme. Elle s'assoit à côté d'elle, grimaçant légèrement, et place le chandelier sur la table de chevet. Jeyne repose ensuite ses mains sur le matelas, simplement pour qu'elle sente sa présence.

- T'étais pas obligée de te faire enlever pour me retrouver, tu sais. Je t'aurais fait envoyer une calèche si tu m'avais demandé.

Elle préfère en rire, parce qu'elle n'est pas sûre de tout saisir des bribes de l'histoire qu'on lui a raconté. Elle préfère en rire, parce que tout le reste lui fait peur.

The winter light

Wandering in the winter light
The wind can act the same
They're witness to salvation
And life starts over again

Khayley ne semblait pas lui en vouloir. Tout du moins, la joie de se retrouver prédominait sur toutes les questions qu'elle pourrait avoir, tous les reproches qu'elle pourrait lui faire. Jeyne sourit contre elle quand elle la prend dans ses bras, une vague de reconnaissance et de nostalgie la submerge. C'était tout ce dont elle avait besoin sans même le savoir, un peu de chez elle.

- Toi aussi tu m'as manqué, Khayley.

Elle acquiesce, la voix un peu changée par l'émotion. Comme d'habitude, elle accusera sa grossesse et son accouchement pour tous les excès de sentiments dont elle fait preuve, mais c'est autre chose. Ce n'est ni la fatigue, ni le fait de devenir à nouveau mère. C'est simplement la joie, l'émotion de retrouver Khayley. Après tout ce temps. Alors qu'elle n'est plus tout à fait la même personne.

- Je vais bien et je me suis assez reposée comme ça, ne t'en fais pas.

Jeyne sourit, garde sa main dans celle de Khayley pour pallier au manque de contact visuel. Elle s'est suffisamment reposée, c'est vrai. En vérité, elle a la sensation de n'avoir fait que ça. Attendre, espérer un miracle, demander à ce qu'on l'écoute davantage sans en faire suffisamment pour qu'on accède réellement à cette supplique. Elle s'est trop reposée et compte bien changer cela.

- Et toi, comment te portes-tu ? Castral Roc te plait ?

Elle hésite un peu, sans savoir pourquoi.

- Est-ce qu'on te traite bien ?

Elle le lui chuchote, comme si elle se sentait un peu honteuse de le lui demander. Jeyne a toujours reçu les meilleurs traitements de la part des Lannister et ne veut pas sous-entendre quoi que ce soit. Mais ils demeurent en guerre. En guerre contre le Nord. Et dans un tel contexte, qui sait comment Khayley peut être envisagée ?

The winter light

Wandering in the winter light
The wind can act the same
They're witness to salvation
And life starts over again

Jeyne eut un sourire sincère, de ceux qui illuminaient même les journées les plus grises, avant. Il est teinté aujourd'hui d'un brin de tristesse qui le ternit. Et si pas de tristesse, au moins d'un peu de crainte. Celle qu'elle ressent à l'idée de mettre au monde un nouvel enfant dans ce contexte de guerre contre son propre sang. Dans cette conjonction terrible qui menace tout ce qu'elle connait. Et elle déteste ça. Elle le déteste, ce monde. Celui qui ternit même les plus beaux moments de sa vie.

- Merci Khayley.

Malgré tout, elle apprécie les mots de son amie. Ils sont d'une douceur blanche, brillante comme la neige qui les a vu naître. Une pureté qui lui donne suffisamment d'espoir pour penser que peut-être, il n'y a pas que l'obscurité pour elles. Que quelque chose de différent, mais de grandiose, les attend peut-être. Khayley se penche à nouveau et cherche son étreinte, Jeyne s'empresse de lui offrir. Elle l'accueille au creux de ses bras avec un hoquet d'émotion, une sorte de sursaut intérieur face à toutes les émotions qu'elle ressent. Elle lui avait tellement manqué. Le Nord lui manque tellement. Et la perspective que ses enfants puissent le connaitre un jour, plus que tout.

- Je suis heureuse que tu te sentes mieux ici. Je vais faire en sorte que ça devienne un deuxième foyer pour toi, c'est promis.

Elle murmure tout ça dans les cheveux de la Lady, pourtant consciente que son influence a ses limites et que le séjour de Khayley ne durera peut-être pas éternellement. Pour le temps qu'il durera, elle veut qu'elle se sente ici chez elle. Qu'elle apprenne à aimer l'Ouest, peut-être autant que le Nord. Qu'elle comprenne que ces gens aussi ont un cœur et qu'il peut les accueillir malgré leurs différences culturelles. Jeyne se sépare pourtant d'elle, fronce les sourcils en entendant les mots prononcés par la nordienne.

- Tu n'es le cadeau de personne, Khayley. Tu es mon invitée.

Elle s'en persuade, du moins. Ce qui suit accentue la méchante ride que les soucis et l'incompréhension créent entre ses deux sourcils. Jeyne a envie, un bref instant, de s'indigner de la question qui lui est posée. Et dans un premier temps, c'est ce qu'elle fait.

- Bien sûr que je suis en sécurité.

Sur la défensive, Jeyne laisse passer une seconde ou deux avant de soupirer. Elle s'écroule un peu plus sur sa chaise, comme poussée à l'intérieur par une masse invisible.

- Je sais que tout peut te sembler... hostile.

Tout lui semblait hostile, à elle aussi.

- Mais les Lannister ne sont pas des monstres. Lyman est un homme bien. Et Jordane Lannister est... elle essaie simplement de protéger sa famille, tu sais.

Elle n'a pas connaissance de toutes les actions de la lionne. Et ce qu'elle sait ne lui plait pas. Mais ses quelques entretiens avec elle l'ont amenée à penser que Jordane ne fait qu'essayer de défendre ses enfants, inlassablement. Avec une hargne qu'elle a rarement observé. Avec une force qu'elle envie.

- Alors je vais bien, ne t'inquiète pas. J'aimerais seulement que...

Jeyne hausse les épaules, sa voix est un instant étouffée par la fatigue et l'émotion.

- Que les choses soient moins compliquées.

Qu'ils soient tous réunis.