Sans doute était-il légitime de se demander comment on pouvait bien parvenir à emplir de vie une Forteresse aussi grande et vaste que celle de Castral Roc. Sans que chaque recoin ne soit pour autant occupé et peuplé, on ne pouvait pas nier que le résultat était tout de même là : la vie bruissait en son sein, en certains lieux plus que dans d'autres, avec régularité mais néanmoins variété en fonction de l'heure ou du contexte. La vie bruissait pour la simple et bonne raison que Castral Roc était la tanière des Lions, la demeure ancestrale des Lannister, Lignée royale à la tête des Terres de l'Ouest. Cela impliquait donc que, plus qu'ailleurs en ce royaume, de grandes décisions étaient prises, des paroles lourdes de sens étaient échangées, et des êtres bien nés convergeaient. Cela nécessitait toute une organisation, en coulisses, pour que chacun et chacune puisse exercer ses responsabilités respectives sans manquer de rien. La domesticité ne manquait donc pas, pour cuisiner, faire le ménage, entretenir l'édifice, s'occuper des chevaux, faire le service et, en d'autres termes, pour assister et exercer toutes les tâches courantes que l'aristocratie et la bourgeoisie déléguaient bien volontiers à tous ceux qui étaient moins bien nés. Il y avait la garde, également, et tout ceux dont la mission principale était d'assurer la protection tant de la Lignée Lannister que de la Forteresse en elle-même. Un rôle d'autant plus primordial depuis que l'Ouest était en guerre, et suite aux deux tentatives d'assassinat qui avaient fini par faire tomber le précédent Roi, Loren Lannister. Il pouvait donc sans doute fort aisé de se dire que chez les Lions aussi, les abeilles et fourmis étaient légions, s'activant en tout sens sans être forcément vus ou reconnus à leur juste valeur.

Née en ces lieux, Megara était habituée à ce spectacle, et depuis longtemps, là où elle avait toujours eu à cœur de se montrer aussi reconnaissante que possible, s'attachant à au moins connaître le prénom des membres de la domesticité étant attachés à son service particulier. Cela portait ses fruits, lorsqu'il s'agissait de mystérieusement pouvoir avoir un morceau de la dernière fournée de brioche, directement servi alors qu'elle était encore au lit, ou de ne point à avoir à attendre trop longtemps de recevoir les derniers oreillers confectionnés, de ceux qui sont bien bourrés de plumes et sur lesquels il est plus que confortable de poser la nuque. Dès lors, parfois, il arrivait que de la domesticité oublie que Megara n'était pas loin, au sein d'un environnement de travail sain et sans abus d'autorité. Et si la jeune femme était enceinte, elle n'était point sourde. Là où elle pouvait bien tout faire pour ne pas toujours attraper au passage quelques bribes de conversation ne lui étant pas destinées, et qu'il n'avait jamais été dans son calendrier de se faire espionne malgré elle, c'était toujours plus facile à dire qu'à faire. Aujourd'hui ne fit pas exception. Mais au lieu de laisser couler, au lieu de continuer de se focaliser sur ce geste répétitif quoi que méthodique de la brosse dans ses cheveux, la Princesse avait derechef cesser de se coiffer pour demander plus d'explications. Focalisée sur son propre quotidien, alors que les jumeaux n'avaient de cesse de grandir, que son époux demeurait encore au Front et que chaque jour la rapprochait du terme de sa deuxième grossesse, le tout en demeurant Gouverneur de la Banque Lannister, sans doute la jeune femme se tenait-elle moins informée de l'actualité quotidienne de la Forteresse. Alors Megara ne savait plus si l'information lui était déjà parvenue ou non, mais voilà qu'elle entendait dire qu'une Nordienne s'avisait d'ouvertement prier les Anciens Dieux, et cela allait même jusqu'à les conjurer de faire s'abattre leurs foudres sur le Roc ! Au milieu de tout ceci, sans doute y avait-il quelques déformations du propos initial, lorsque les paroles se rapportaient d'individu en individu, se propageant avec des nuances qui s'estompaient et des détails qui se rajoutaient à mesure.

Elle avait brusquement posé sa brosse à cheveux sur l'un des plateaux de sa coiffeuse, fronçant les sourcils et demandant à ce qu'on lui répète ce qu'elle avait cru entendre, récoltant un grand fard aux joues de la part des deux domestiques qui s'affairaient à changer ses draps. Elle avait obtenu gain de cause, évidemment, non par la force ou la menace, mais parce qu'on ne refuse rien à une Princesse, surtout quand elle vous est suffisamment sympathiques et que vous ne risquez en rien d'être précipitées du haut d'un des nombreux balcons taillés dans la falaise escarpée qu'était le Roc tout entier. Pour autant ... Pour autant, tout n'était pas clair pour elle, et d'ici à déjà être capable de démêler le vrai du faux ... Pieuse et ne manquant pas de croyance en les Dieux, Megara se gardait cependant de les parjurer tout autant que d'omettre qu'avant, ses ancêtres vénéraient eux aussi ces Dieux anciens, preuve en était ce vieux barral aux racines toutes biscornues et piégeuses, qui trônait encore fièrement au sein du Jardin de Pierre, grotte que plus personne ne fréquentait autrement que pour l'entretenir. Pour elle, la tolérance était importante, et pas uniquement parce que sa propre belle-sœur avait dû se convertir il y avait désormais plus d'un an, originaire d'un Nord où les croyances religieuses différaient de celles des Terres de l'Ouest. Agir et raisonner ainsi étaient également pour elle une façon de montrer que les Sept savaient se faire cléments et accueillants, pour qui voulaient les rejoindre, et que certains de leurs fidèles ne manquaient pas à ces préceptes. C'était la raison pour laquelle elle se fit amener cette fameuse jeune Nordienne bien énigmatique, parvenue elle ne savait trop quand et comment au Roc. La présence de cette dernière n'était d'ailleurs pas sans l'étonner, car Gareth ne semblait lui-même pas au courant, ne lui en ayant touché aucun mot ... Quelque main, en coulisses, avait sans doute fait fi de son autorité et de ses responsabilités en la matière. Pour le plus de discrétion possible, afin d'éviter de servir aux courtisans un vrai festin de rumeurs et de messes basses, eux qui se trouvaient déjà tous bouffis et bourrés d'orgueil, prêts à tout instant à mettre à leur calendrier hebdomadaire de nouveaux persiflages, Megara avait requis les services de son garde du corps attitré, pendant qu'elle-même patientait à l'entrée du Jardin. Elle ne savait rien de la jeune femme que Jinxs allait lui amener, mais elle ne doutait point qu'il lui plairait de ne pas sentir d'hostilité de sa part. En un lieu tel que celui-ci ... Même les Sept pourraient en prendre offense.

Megara était née Princesse. Les horizons qui s'étaient ouverts à elle dès sa naissance s'étaient donc annoncés grandioses et glorieux. Elle avait vu le jour dans le berceau des Lions, née de l'union du Roi et de la Reine de l'Ouest eux-même. Sous leur protection, leur surveillance et leur guidance, elle avait traversé les années en pouvant bénéficier des meilleures conditions de vie et d'éducation. Les enseignements qu'elle avait reçu n'avaient eu d'autre but que de faire elle la meilleure des personnes qu'elle pouvait devenir, sans totalement l'éloigner de celle qu'elle était, profondément, mais sans manquer non plus de la garder dans le tracé dû à son rang. Elle n'en avait jamais pris ombrage et ne s'en était jamais vexée, cela n'étant pas dans sa nature profonde et ne cela ne coïncidant point à ce qu'on attendait d'elle. Elle avait de toute façon toujours pensé que cela serait revenu à se battre contre le vent, là où aller à contre-courant ne vous faisait jamais échapper à vos racines. D'une certaine façon, elle en avait eu la confirmation par ricochets avec le sort qui avait été réservé à Kevan Gardener. Il avait voulu échapper au sillon tracé par son statut de puiné, afin de tracer son propre sillon. Et finalement, cela ne l'avait mené nulle part, à part vers la mort. Cela lui rappelait cette histoire que leur grand-mère Arcissia lui racontait lorsqu'elles étaient petites, à Nymeria et à elle. Celui de ce petit sapin qui enviait tant les plus grands qui poussaient autour de lui, qui s'élevaient bien plus haut vers les cimes et dont le tronc était d'un diamètre bien plus large que le propre sien. Il se lamentait sur son sort sans prendre la mesure de ce qu'était sa propre existence. Il les voyait, un à un, être emportés loin de lui, non sans que leur devenir ne soit paré d'un certain mystère que lui aussi rêvait fortement d'embrasser un jour. Son tour vint, enfin, et on l'emmena loin de sa forêt natale pour le parer de décorations et faire de lui, pour quelques jours seulement, le roi de la fête. Et puis il fut remisé loin des regards, avec pour seule compagnie de petites souris qu'il abreuva jusqu'à la lie des histoires qu'il avait entendu, durant cet éphémère temps où on l'avait couronné, et il leur parla aussi de ce passé qu'il n'avait pas su pleinement apprécier. Son public se tarit peu à peu, le temps finit par ne plus avoir d'emprise sur lui, chaque jour ressemblant au précédent, jusqu'à ce qu'on le tire de sa réserve, pour le débiter en petits morceaux et se servir de lui comme bûches à enfourner dans la cheminée. Regrettant alors fortement de n'avoir pas su être heureux et satisfait de son sort alors qu'il le pouvait encore. 

Megara ne savait pas trop, à l'époque, pourquoi sa grand-mère avait pu avoir une telle idée de leur raconter un si sinistre et tragique conte, à sa soeur et à elle. Aujourd'hui, elle croyait y voir la volonté d'Arcissia de protéger la Couronne de tout conflit entre Lyman et ses cadettes, concernant le trône. Ou peut-être Arcissia avait-elle voulu que ses petites-filles prennent conscience de leur rang et du fait que ne pas être les dauphines de la Couronne ne signifiait en rien que leur existence n'avait ni saveur ni importance. Il fallait apprécier chaque jour tel qu'il venait et tel qu'il était, en ne rêvant jamais de demain meilleur sans rien faire aujourd'hui pour que ce soit le cas. Et c'étaient là des préceptes qui siaient plutôt bien à la jeune femme. Elle essayait, de son mieux, d'utiliser les privilèges de son rang pour faire le bien autour d'elle, sans se laisser tourner la tête par son titre. Cela passait, selon elle, par se montrer pieuse et respectueuse des Sept, pour leur prouver qu'Ils n'avaient pas commis une erreur en la faisant naître parmi la Royauté. Et si elle pouvait plaider leur cause, leur magnanimité et leur puissance auprès de croyants d'autres religions, elle ne reculait pas devant la tâche. Toutefois, la Nordienne récemment arrivée au Roc n'était en rien un pion à déplacer sur un grand échiquier, pour elle, pas plus qu'elle n'était une expérience à mener. Megara était réellement convaincue du bien-fondé de ses ambitions, sans manipulation à l'esprit. Elle n'avait pas tout expliquer à Jinxs, parce qu'il ne cherchait jamais à poser trop de questions, estimant que ce n'était pas là sa mission. Cependant, elle avait attendu de lui qu'il ne se montre pas trop brutal et impatient, la douceur n'étant pas forcément son fort, pas plus que le fait de se laisser attendrir. Elle le sentit, à son pas, une fois arrivé, qu'il était agacé. Et alors que sa convive se présentait à elle, elle le vit lui indiquer, d'un geste, et fort peu élégamment, que cette dernière était dépourvue de la vue. Pour Megara, cela n'y changeait rien, mais visiblement, pour lui, cela n'avait pas été sans entamé sa patience. De toute façon, maintenant, c'était elle qui avait la main, là où il avait exécuté la mission qu'elle lui avait confié. Reportant son attention vers la Nordienne, Megara s'enjoignit à se comporter sans trop faire cas de la cécité de la jeune femme, qui ne devait absolument pas avoir besoin qu'on lui rappelle qu'elle en souffrait. ❧ Soyez la bienvenue en ces lieux, Lady Ardoise. ❧ Elle inclina délicatement la tête, comme pour effectivement la saluer. ❧ Je vous prie d'excuser le manque de courtoisie de la part du garde vous ayant amenée jusqu'à moi. Il a sa mission très à coeur, la courtoisie un peu moins. ❧ Elle fronça les sourcils en direction de Jinxs, qui lui offrit un petit sourire satisfait en retour. Bien, ils reparleraient de cela plus tard ... ❧ J'ai pensé qu'il vous plairait de passer quelques instants au sein du Jardin de Pierre, en tant que fidèle des Anciens Dieux ... ❧ C'était une main tendue, en quelque sorte.

Megara était une personne polie et courtoise, que l'on avait élevée afin qu'elle n'ignore jamais rien des convenances et de l'attitude à adopter. Elle était sans doute plus douce et moins incisive que certains auraient pu le vouloir, mais cela lui avait probablement permis de cocher d'autres cases, fort plaisantes. Si son père n'avait pas manqué de rapidement la surnommer le Joyau du Roc, pour des raisons fort affectueuses et passionnelles, le Royaume avait adopté la même inclinaison positive la concernant, même si cela devait bien tenir, également, d'une certaine œuvre de propagande royale. Si la famille royale pouvait être vue sous un beau jour et si cela pouvait lui permettre d'en profiter, connaissant sa mère, Megara savait que cette dernière n'avait pu passer à côté. Mais sans fond de vérité, sans doute tout se serait effondré il y a déjà plusieurs années. Alors elle ne forçait pas le trait en accueillant aussi respectueusement que possible la jeune Nordienne qui avait été ramenée elle ne savait trop comment jusqu'au Roc. Cela avait été un accueil naturel pour elle. Tout comme il lui apparut naturel de ne pas donner un passe-droit à Jinxs sous prétexte qu'il était égal à lui-même et que leur invitée était issue d'un royaume aujourd'hui en guerre contre les Terres de l'Ouest. ❧ Le connaissant, cela m'étonnerait fort. Sachez au moins qu'il a agis de son propre chef, et non du mien. ❧ Oui, définitivement, ils reparleraient de tout ça. Plus tard. Pour le moment, l'essentiel était ailleurs.

Sans doute savoir d'où l'on venait était-il fort utile pour savoir où l'on allait. Ou, à défaut que cela puisse faciliter la progression en permettant de savoir où mettre les pieds pour ne pas chuter, cela permettait de couper l'herbe sous le pied de toute personne qui voudrait utiliser ces éléments du passé pour exercer quelque moyen de pression. Pour autant, si Megara n'avait jamais été coupé du moindre savoir la reliant à ses ancêtres, elle n'était pas sans ignorer qu'une bonne dose de mystères et de légendes pouvait entourer le passé du Roc, tout autant que celui de ses habitants et de ses illustres bâtisseurs. Cela fonctionnait sans doute de la même façon dans les autres royaumes, car tous ceux qui vivaient aux temps initiaux étaient depuis longtemps décédés, et qu'il ne subsistait de plus aucun témoin les ayant connus. Tout était donc une sorte de mélange entre un certain bouche à oreille et ce que disaient les écrits. On pourrait aisément penser que les écrits ne pouvaient pas mentir, mais la Princesse n'était pas suffisamment crédule pour rejeter au loin l'idée qu'on pouvait bien faire dire ce qu'on voulait aux mots. Là où ce qui ne valait pas la peine d'être retranscrit ou qui était trop honteux ou trop peu glorieux pour l'être pouvait tout autant être passé sous silence, voire complètement inversé, pour peu que cela servait des intérêts. Au milieu de tout ça perdurait donc des incertitudes qu'on avait tôt fait, depuis des générations, de vouloir taire ou de masquer derrière une nouvelle couche de mystères et de légendaire. Pour autant, la présence d'un barral en ces murs n'était pas exactement de ces choses là. ❧ Il serait fort cruel et mesquin de ma part de vouloir vous créer quelque fausse joie. La famille royale des Terres de l'Ouest n'a en effet ni fait couper ni fait arracher le barral que vénéraient les premiers habitants du Roc. Bien que je sois convaincue que la majorité des personnes fréquentant cette forteresse a oublié l'existence de cet arbre tout autant que de ce lieu, au milieu de ce dédale de pièces, de couloirs et d'étages ... ❧ Levant un instant la main en direction de son fameux garde du corps personnel, pour l'enjoindre à rester là où il était, elle observa un instant son interlocutrice, tout dans sa posture laissant à entendre qu'elle semblait d'ores et déjà apprécier le geste fait en sa direction.

Megara ignorait comment fonctionnait tout ceci, ne ressentait qu'une certaine fascination pour le barral en question, mais peut-être en allait-il différemment quand on vénérait les Anciens Dieux auxquels il se rapportait. En revanche, elle savait au moins répondre à la jeune Nordienne, c'était là dans ses cordes tout autant que dans ses connaissances. Tout comme elle pouvait lui servir de guide, au sens propre comme au sens figuré. ❧ Vous pouvez poser l'une de vos mains sur mon épaule, je vous promets de ne pas aller trop vite et de me montrer prudente pour deux. ❧ Elle avait vu une des cuisinières se déplacer ainsi avec sa sœur, les deux étant fort âgées et l'une d'entre elle n'y voyant plus guère. Sans doute était-ce la proposition la plus convenable, par rapport à son propre rang princier et le handicap de son invitée. ❧ Nous sommes ici au sein du Jardin de Pierre. Ce lieu n'est plus fréquenté depuis fort longtemps, en atteste l'état du sol. Je suppose que c'était là l'ancien bois sacré, creusé à même la roche, formant une sorte de grotte. ❧ Elle marqua une pause, tant pour s'assurer que la jeune femme l'écoutait que pour attendre de voir si elle acceptait son offre de la guider en éclaireuse.

Il y avait bien souvent en toutes choses de votre quotidien une perception pervertie et déformée de la réalité. Cela n'était pas tant faire preuve de mauvaise foi, mais plutôt une incapacité à résister à l'attrait de la familiarité, du sentier battu, de l'effet de cocon et de bulle vous enveloppant chaque jour. Certaines personnes repoussaient au loin ce qui faisait leur monde habituel, par réflexe de rejet, se bornant à ne retenir que les côtés négatifs sans parvenir à constater qu'il en existait tout de même des positifs. D'autres, sur le total opposé du spectre, adulaient exagérément les contours de leur vie, se montrant alors incapables de reconnaître que tout n'était pas tout beau tout rose. Au milieu de tout cela, des centaines de nuancés. Mais dans tous les cas demeurait le point commun de ne point pouvoir observer les choses avec les yeux de la réalité et de la vérité. Megara n'était pas exempte à la règle, tant elle se sentait encore émerveillée, fière, et même orgueilleuse d'avoir vu le jour dans une Forteresse telle que celle de Castral Roc, en plus d'y être l'une des plus prestigieuses résidentes. C'était là la Tanière des Lions, celle des Lannister. Celle de la Royauté de l'Ouest, plus largement. Alors, depuis toute petite, elle n'avait jamais été avare de curiosité lorsqu'il avait s'agit de lire et de découvrir des choses sur sa résidence, ce qui lui permettait sans nul doute aujourd'hui de connaître certains recoins oubliés de beaucoup et fort peu visités. Le Jardin de Pierre était de ceux là. Jinxs était avec elles, si jamais mésaventure devait leur arriver, et fort heureusement, car Megara se disait bien qu'il faudrait probablement des semaines avant que quelqu'un n'arrive ici après avoir ratissé tout le reste de la Forteresse, à leur recherche ... Il faudrait qu'on se rappelle de l'existence de ce lieu, et qu'on ait l'idée qu'elles puissent s'y trouver !

Quoi qu'il en était, sa convive de l'instant accepta son offre de support, ce qui fit délicatement sourire Megara. Se rendre utile et agréable avait toujours été de ces petites choses du quotidien qui savaient diffuser une douce chaleur en elle. ❧ Je vais donc m'aviser de rester prudente. Je suis enceinte, alors mon centre d'équilibre en est d'autant plus perturbé. ❧ Autant faire d'une pierre deux coups, n'est-ce pas, en évitant justement d'en laisser une les faire toutes deux trébucher ! La technique habituelle serait d'alterner entre des coups d’œil devant elle et d'autres sur ses pieds, mais l'arrondi de son ventre l'empêchait totalement de pouvoir adopter cette dernière option ... Il lui fallait donc plutôt regarder devant elle, de haut en bas, dans un balayage régulier et efficace. Anticiper les obstacles et les difformités du sol. Veiller, aussi, à ne pas se montrer trop empressée. Même si, un peu étrangement, sentir en partie le poids de la main de la Nordienne sur elle la tirait un peu vers l'arrière, estompant un peu le déséquilibre vers l'avant que lui imposait sa grossesse. ❧ Je ne saurais, hélas, comparer ce barral avec tout autre, puisqu'il est le seul que j'ai jamais vu. Toutefois, il m'apparaît tout autant fascinant que fort peu gracieux. ❧ C'était ... C'était le moins que l'on pouvait dire ! Si Megara se trouvait donc incapable de pouvoir se montrer impartiale et complète dans toute description qu'elle pourrait offrir à Lady Ardoise, il semblait que leur position était inversée concernant les lieux de culte. Cela lui tira un sourire amusé, ainsi qu'un petit rire du même acabit. ❧ J'ai bien plus d'expérience concernant les septuaires ! Mais je doute fort que cela puisse prendre le pas sur votre intérêt pour les barrals ... ❧ D'ailleurs, la jeune femme ne savait même pas si, compte tenu de la configuration des lieux, le Jardin de Pierre pouvait réellement être considéré comme un véritable bois sacré ...

Un miracle ... D'une certaine façon, ce nouvel enfant l'était tout autant qu'il ne l'était pas. Dans les faits, Megara était tombée enceinte, la première fois, très rapidement après son mariage, preuve, s'il en fallait, que ses entrailles semblaient tout à fait aptes et promptes à porter la vie et à la voir s'y ancrer. Cela pouvait également tenir des qualités et de la propension de Gareth à savoir y faire dans le domaine charnel. Alors peut-être qu'on avait pu estimer que les astres s'étaient parfaitement alignés, là où nombre d'autres couples avaient eu plus de peine à devenir parents, malgré leurs efforts et leur dévotion à ce sujet. Et Megara savait, même s'en en avoir jamais réellement parlé avec eux, que ses parents s'étaient trouvés au sein de ces couples là, quatre années s'étant écoulées entre leurs noces et la venue de Lyman, leur premier enfant. Mais, en plus de tout ceci, pour cette première grossesse si précoce tant dans leur mariage que dans leur relation, Megara et Gareth avaient fait fort, puisqu'ils avaient engendré non pas un seul mais bien deux enfants. Et des princes, de surcroit, de quoi ravir de bonheur tous les partisans de la perpétuation de la Lignée des Lannister et, plus largement, de la Monarchie des Lions sur les Terres de l'Ouest. Peut-être, alors, n'y avait-il pas eu autant de surprise et d'émerveillement face à l'annonce de cette grossesse actuelle. Peut-être n'était-elle pas, à proprement parler, miraculeuse. Mais le fait était que, tout de même, avec deux jumeaux, vifs, éveillés et prompts à faire mille et unes découvertes par jour, il pouvait être miraculeux que Gareth et elle aient trouvé le temps et l'énergie de faire un autre enfant ! ❧ Je vous remercie, Lady Ardoise. ❧ Bien évidemment, de tout son raisonnement, Megara avait choisi de ne rien en à son interlocutrice actuelle, puisque cela tenait tout de même du domaine de l'intime, ce qu'elles n'étaient pas l'une pour l'autre. Sans parler du fait que la Nordienne ne pouvait pas être considérée comme entièrement libre de ses mouvements, et que, si Megara se montrait cordiale avec elle, cela ne s'étendait pas au point de lui confier des informations qui, d'une façon ou d'une autre, pourraient vectrices d'espionnage. De là, toutefois, à se montrer impolie et fort ingrate ...

Quant au barral, en effet, c'était un arbre, et c'était d'ailleurs là l'un des sujets de réflexion de la jeune femme concernant les Anciens Dieux, car lorsqu'elle posait les yeux sur ce barral, elle ne voyait justement qu'un arbre. Ce qui la laissait bien dubitative quant à savoir en quoi il pouvait se montrer différent des autres arbres, et pourquoi lui, en particulier, était si vénéré et si important pour les croyants des Anciens Dieux. Mais elle était loin de se targuer d'être une spécialiste de la théologie, pas plus concernant la Religion des Sept que concernant les autres cultes. Et si elle avait entendu dire peu de choses concernant son interlocutrice, il ne semblait pas qu'on lui ait relaté qu'elle était spécialiste, elle. Mais, en soit, oui, un barral était un arbre, il n'était pas surprenant qu'il ne puisse pas être éternellement d'un esthétisme sans faille. ❧ Ce barral est tout de même fort ... fort peu harmonieux. L'avantage, c'est qu'ainsi, il ne peut sans doute pas être confondu avec tout autre ! ❧ Ce qui poussait à prendre garde à où on mettait les pieds, par manque d'habitude de situation telle que celle-ci. Ce serait si regrettable que, soudainement, le taux de mort par coup brisé, la faute à une racine mal placée, grimpe soudainement au sein du Roc pour cause de négligence et d'inattention ! Si certains pourraient sans doute se sentir soulagés d'avoir à compter une Nordienne en moins au cœur de la tanière royale, nul ne se réjouirait, en revanche, du trépas de la Princesse de l'Ouest. Du moins Megara l'espérait-elle fort. Regarder où l'on mettait les pieds, donc, et prendre soin de Lady Ardoise, aussi. Et, sur l'instant, la jeune femme lui était fort reconnaissante d'être parvenue à lui tirer un sourire doux et mélancolique, rien qu'en ayant abordé le sujet des relations père-fille, car voilà que cela la replongea, un instant, dans ses propres souvenirs, liés à ces nombreuses fois où, à n'en point douter, Loren avait dû faire hurler intérieurement Jordane en s'occupant de Megara. Comme cette fois où elle avait bien compris à quel point sa mère maudissait son père de l'avoir laissée faire une promenade en poney dans les bois, alors qu'un Grand Lion de l'Ouest y avait été rapporté roder. La petite fille qu'elle était alors y avait perdu sa monture, dévorée par la bête, et elle avait également subi une blessure à la jambe et à la cheville, en plus d'avoir été portée disparue de très longues minutes, sous le joug, elle aussi, d'une potentielle mise à mort léonine.

Mais les Dieux avaient veillé sur elle, à moins que le Grand Lion ait déjà l'estomac suffisamment plein et qu'il s'en soit contenté. ❧ Je crois que c'est là l'un des apanages paternels que de nous faire vivre mille et unes aventures ... De quoi créer des souvenirs communs pour le restant de nos vies. ... Et de quoi créer des frayeurs maternelles pour fort longtemps, aussi ! ❧ Que ces vies se stoppent, ou pas, de façon abrupte et prématurée. Et que ces cœurs puissent passer outre ou pas. Loren n'était plus, mais son souvenir perdurait, et tous ceux qui lui étaient liés aussi. Cependant, Megara était loin de pouvoir certifier que Jordane lui ait réellement pardonné d'avoir pris tant de risques avec elle alors qu'elle n'était encore enfant. Ce serait cruel de se dire que non, mais ce n'était pas non plus inconcevable ou impossible ... Maintenant, il était auprès des Sept, en tout cas, loin de l'ire matrimonial et des récriminations. Loin des quolibets et des persiflages mesquins de la Cour, aussi. Loin de la couronne royale et des responsabilités incommensurables qui y étaient associées, aussi. Et Megara n'avait pas besoin de se rendre dans un septuaire, maison des Sept, pour se rapprocher de lui. Elle n'avait qu'à fermer les yeux et, ça y était, il était là. Elle le sentait presque, l'entendait presque, et était presque convaincue qu'il était encore de ce monde. Rouvrir les yeux, alors, était toujours synonyme d'un dur et âpre retour à la réalité. Un instant, elle se demanda s'il aurait été à propos de demander à Lady Ardoise si elle aussi avait perdu son père, mais elle se retint, car cela aurait fort discourtois et intrusif, en plus de potentiellement rouvrir une plaie béante si Lord Ardoise n'était plus. Alors elle se raccrocha à leur conversation. ❧ Oh, vous vous êtes déjà rendue dans le Bief ? ❧ Oui, étrangement, ou pas, cela fut surtout ça qui l'a surpris le plus, en dépit du fait qu'il lui paraissait presque imaginable que quelqu'un ait pu vivre aussi longtemps sans jamais encore s'être rendu dans un septuaire. Mais Jeyne était mariée depuis suffisamment longtemps à Lyman pour que Megara se sente plus familière de ce genre de concept. Pour ainsi dire, avoir une belle-soeur telle que la sienne lui avait ouvert les yeux sur de nombreuses choses, et avait cessé de la convaincre de nombreuses autres. Comme le fait, par exemple, qu'il était possible de considérer quelqu'un comme sa sœur, même si cette personne n'était pas de son sang et que la seule sœur qu'on ait eu jusqu'alors vous ait été arrangée cruellement et bien trop jeune.