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Abigail Cowen est <a href="t8894-eira-mallister-dancing-with-your-ghost#273171" target=_blank"><span class="Gp_ConflansFed">Eira Mallister</span></a>

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Eira Mallister - Lady - <a href="t8894-eira-mallister-dancing-with-your-ghost#273171" target=_blank" >Personnage inventé</a>

Elle n’a jamais aimé dormir.

Aujourd’hui encore, lorsque toute lumière disparaît au profit de l’obscurité, les ombres se mettent à danser. Malgré ses paupières closes, elle les voit dessiner des formes au plafond, des visages qu’elle a connus et qui ne sont plus. Alors ce sont les mots de sa sœur qui résonnent dans sa tête, ceux qui reposent sur du papier froissé, humidifié.

Elle roule sur le flanc, la main bloquée sous son corps, contre ses côtés. La pression exercée est presque douloureuse et suffisante pour lui rappeler qu’elle continue d’exister. Qu’elle continue de fonctionner de la même manière, même lorsque tout disparaît autour d’elle. Qu’elle peut rester la même personne.


Quelques pauvres sanglots secouent son corps recroquevillé. Coralie n’était pas dure, elle était froide. Pudique dans ses sentiments, l’ainée a toujours fait en sorte de réfréner ceux de sa cadette. Excessifs, beaucoup trop excessifs. Sa priorité était d’être forte et Eira voulait être vraie. Stupide, sûrement. Elle pleurait sans cesse lorsque leurs frères sont morts, ne dormait plus beaucoup et racontait être dérangée par leurs esprits. On l'a appelé folle à demi-mots plus d'une fois.


Sa famille s’est longtemps disputé la façon de réagir à ce qui se produisait autour d’eux et Eira en comprenait peu. Coralie a toujours prêché une certaine neutralité, son père était convaincu par la cause du Noir, ses frères par l’empire Breanaryon. Eira elle, voyait déjà les ombres guetter leurs âmes indécises et ne pensait rien de l’empire. Elle avait seulement peur.  


Elle se lève finalement, incapable de dormir. Eira s’installe à la fenêtre et essaie d’imaginer le paysage de Salvemer, celui qu’elle voyait depuis sa chambre. Elle détestait cet endroit. Elle l’a dit si souvent. Elle parlait tant de s’en aller, se marier, fonder un foyer qui serait plus chaleureux et peut-être encore moins important. On lui a refusé, à chaque fois. Elle a causé la mort, souvent. Ça aussi sa sœur le lui reprochait. Dans une sorte de contradiction propre à leur nature, Coralie ne pouvait l’aimer pour avoir emportée la vie de leur mère mais la trouvait stupide de s’en penser responsable. Incapable de considérer que peut-être, certaines choses ne s'expliquent pas. Elle suppose depuis longtemps que ses multiples fiançailles tragiquement avortées sont une sorte de punition pour avoir pris la vie de sa mère. La seule explication qui ait trouvé grâce à ses yeux et qui rend la simple malchance que tous lui prêtent quasiment risible.

En fermant les yeux, elle peut presque en percevoir l’air marin. Et l’odeur du sang. Elle ignore à quoi ressemble l’endroit qui l’a vu naître aujourd’hui. Elle est partie fâchée avec son père en se disant qu’elle le reverrait bientôt, qu’on la renverrait bien vite chez elle. Elle avait prévu d’être insupportable. Agaçante. Fermée. Peut-être même un peu étrange. Égorger quelques lapins pour définitivement prouver ces stupides rumeurs de sorcellerie, éventuellement. N’importe quoi qui puisse lui permettre de vivre sans craindre de causer la perte de quelqu’un, peu importe pour quelle raison étrange. Mais c’est son problème, elle en attend toujours trop et ne sait pas mentir.

Les autres mots se sont noyés, dissous dans sa pensée. Sa sœur l'a dit, elle n'écoute et ne retient jamais rien. Pour une fois, elle se dit qu'elle saura mettre le grief de côté au profit d'une colère qui servirait sa cause, celle de sa sœur, l'empire. Leur forteresse est aux mains du Bief désormais, de son oncle et de ses fils restés fidèles aux Hoare. L'idée d'avoir à lutter contre son propre sang puis contre un royaume entier lui semble si lointaine, inatteignable pour elle. Triste folle aux fantômes. Ses fantômes qu'elles ne voient plus ici mais dont elle sent la colère ébranler ses os. L'on a beaucoup ri d'elle, de ses superstitions et de ses histoires mais elle a toujours été sûre d'au moins une chose.

La souffrance qu'on inflige se paie.