La situation est compliquée. Malgré l'écart de la famille Martell du pouvoir de Dorne, la guerre n'a pas cessé pour autant. Quelque part, elle n'a repris que de plus belle avec le Bief... Et, pire que tout, Mahée a dû affronter, seule, la perte de l'Impératrice au combat... Le coup avait été d'une rudesse sans précédent, pas seulement pour elle, mais pour l'Empire tout entier. L'annoncer à son époux avait été la chose la plus difficile que la dornienne eut jamais à faire, qu'elle ait jamais dû faire. Les forces impériales engagées dans la guerre du sud, à partir de la chute de leur souveraine à tous, n'étaient restés que par esprit de vengeance, ce que Mahée concevait parfaitement. Elle compte d'ailleurs exploiter cet esprit revanchard, et mentirait si elle disait ne pas le partager, même si, pour le bien de tous, elle estime qu'elle ne doit pas se laisser aveugler par lui.

Les Dayne, depuis son arrivée, se sont montrés aussi diligents que possible. Ils ont mis à la disposition de leur nouvelle princesse des appartements ainsi qu'un bureau, bureau gardé en permanence par deux gardes Rhoynar. Sans y être consignée, la princesse dornienne y passe l'essentiel de ses journées, à tenter de trouver une solution au siège qui détruit peu à peu les Météores. Au milieu de cette tourmente, il est particulièrement étrange que la lumière au bout du tunnel prenne la forme d'un pirate fer-né... Depuis sa rencontre avec Lyle Salefalaise, Mahée avait les pirates en horreur, mais si ce qu'on lui a rapporté est exact, Botley n'est pas le plus loyal des hommes... Si, d'ordinaire, la princesse se serait désintéressée d'un homme sans loyauté, sa situation est assez critique pour qu'elle veuille, aujourd'hui, tenter le coup. Cet homme et son équipage pourraient bien lui permettre de mettre à mal l'armée croisée qui l'assaille, et il est impensable pour Mahée de laisser ses propres traumas l'empêcher d'essayer. Son peuple en a trop besoin.

La femme au teint couleur de miel le pensait au moment où sa missive à l'intention de Stig Botley est partie, et elle le pense toujours maintenant qu'il est à sa porte. « J'ignore combien de temps va durer mon échange avec ce Botley... » Elle glisse à Drystan Dayne, Capitaine de la garde Rhoynar, qui ne quitte jamais son côté. « Vous voudrez bien faire le nécessaire pour que ses hommes ne manquent de rien pendant ce temps s'il vous plaît ? » Le chevalier acquiesce, et sa dame et lui se séparent au moment où Mahée entre dans le bureau qui lui a été prêté.

Elle est assez roide, mais très digne. Sa robe contribue à cette aura de dignité qu'elle dégage. Coupe droite et corsetée, elle n'a pas de manches, un col au décolleté très sage, le tissu en est somptueux. Noir aux broderies d'un rouge lie de vin, un rouge profond, il est rehaussé par un voile doré mis en sari, dans un style typiquement dornien. Cette robe convient parfaitement au nouveau titre de la Allyrion, dont la tête arbore une discrète couronne de fleurs de tiare et de bougainvilliers d'or, fleurs qui s'épanouissent en masse à la Grâcedieu, son fief de naissance. Ses cheveux, quant à eux, demeurent libres d'onduler à leur gré dans le dos de Mahée, et jusque ses reins. « Bonjour Lord Botley, je vous remercie d'avoir accepté de me rencontrer... » Commence la princesse, en se présentant à son invité, qu'elle invite d'un geste de la main à s'asseoir. « Vous êtes aux Météores, dans mon bureau. » Elle répond, calmement, sans condescendance, avec même une pointe d'humour... Humour qui disparaît quand le noir de ses yeux tombent sur le visage du pirate. Malgré elle, la jeune femme a un frisson d'effroi. Cet homme ressemble tellement à Lyle Salefalaise ! Cela suffit à la déstabiliser, même si elle s'efforce de le cacher. Pour se reprendre, Mahée doit puiser dans son abnégation pour son peuple. C'est pour lui, et uniquement pour lui, que cette entrevue a lieu. C'est le plus important. C'est même la seule chose qui soit importante, à l'heure actuelle.

« Comment dois-je vous appeler ? Lord ? Capitaine ? Lord Capitaine ? » Elle s'efforce, à nouveau, de plaisanter un tantinet pour chasser son malaise, espérant que l'homme qui lui fait face ne cherchera pas à profiter de son état de détresse, si jamais il le perçoit. Quoique, le cas échéant, ça en dirait beaucoup le concernant... En hôtesse diligente, Mahée sert deux verres de vin, issus de ses propres cépages, et en tend un à son invité. « Je n'ai rien de plus fort à vous offrir, mais si vous aimez les vins liquoreux, celui-ci devrait vous ravir. » Elle l'espère, en tous cas...

Se retrouver face à un homme ressemblant si fort au pirate qui l'avait tourmentée donne du fil à retordre à Mahée. Depuis le début de la guerre, la dornienne n'a eu que peu de temps pour essayer d'assimiler tous les changements dans son attitude induits par ce qu'elle voyait, toujours plus terrible, le long de son chemin. Mais là, ça la rattrape. Elle revoit la lame du pirate égorger son camarade comme si sa peau n'avait été que du beurre laissé en plein soleil... Elle se souvient de sa détresse sur le pont, la crainte qu'il abuse d'elle en la traînant sur le pont, et l'adrénaline qui avait saturé ses veines quand elle avait tenté le tout pour le tout, et décidé de sauter à l'eau, priant les dieux pour qu'ils lui permettent de regagner la rive... Mahée se souvient de la tasse qu'elle avait bu quand les hommes du pirate l'avaient finalement rattrapée, de ses cris de rage et de terreur mêlés... Le lord, malgré lui, lui renvoyait tout cela à la face... Au début, en tous cas.

Sur une réserve évidente, la dornienne se laisse surprendre par la franchise qui semble émaner de l'homme. De l'assurance, beaucoup. De l'orgueil, un peu. De la sensualité, un peu. Mais surtout, écrasante, de la franchise. Lyle Salefalaise avait été sournois et insidieux. Pas franc. Après plusieurs secondes à écouter le pirate se vanter, énoncer ses prix et ses conditions, la princesse se rend compte qu'un petit sourire a fleuri sur ses lèvres rouges, et qu'elle s'est sensiblement détendue. Aussi improbable que cela puisse paraître, l'attirance assumée, vraie ou non, du pirate pour elle, transmise à travers ses commentaires grivois, cassait toute idée de menace cachée... Et, toutes orgueilleuses que puissent être ces boutades, elles ont le mérite de ne, à aucun moment, priver Mahée de son libre-arbitre, de son pouvoir. A la façon, totalement spontanée, du pirate de l'aborder, la princesse se sentait d'avantage comme un challenge qu'il s'imposait à lui-même, au risque d'être déçu, que comme un homme qui voudrait se forcer à elle. Si la nuance est aussi capitale qu'elle en semble risible.

Quoiqu'il en soit, elle est pour beaucoup dans le relâchement léger de l'attitude de Mahée. Moins sur la défensive, moins sur la réserve. L'homme qui lui fait face semble ne répondre qu'à ses propres codes. Le tout pour la dornienne est de parvenir à les découvrir assez rapidement, pour pouvoir trouver sur quelle corde jouer. Ayant consciente d'avoir en face d'elle un homme intelligent, c'est tout naturellement que la dornienne entre en matière en sollicitant cette intelligence. « Votre analyse pointue de notre situation me permet d'en venir au fait en toute transparence. Je reconnais que si d'autres choix s'étaient présentés à moi, vous ne seriez pas ici ce soir... » S'ils avaient été des loups, Mahée aurait été celle montrant sa gorge à l'autre en signe de soumission, à cet instant. Humble, la princesse reconnaît avoir besoin de l'aide du pirate, mettant de côté son égo, sa fierté... Parce que si elle ne le fait pas, si elle ne concède pas l'ascendant sur ce point à Lord Botley, il s'en ira et sa venue aura été vaine. Du reste, c'est un fait. Elle a besoin de son aide. Ou plutôt, son aide pourrait être déterminante pour la suite de la guerre...

« Les croisés stockent leurs munitions et leurs denrées sur les navires du blocus, là où ils sont certains que nous ne pouvons les atteindre. » Faute de navires... « Aidés de mes hommes, j'aimerai que vous mettiez le feu aux poudres... » Tous les détruire, tous les brûler. « Les flammes devraient attirer l'attention des croisés et les distraire, l'incertitude du vent les perturber. C'est le moment où nous sortirons, et casserons le siège. » Elle annonce son plan, ses ambitions. « Pour ce qui est du paiement, j'essaie de me montrer imaginative... J'attendais de vous rencontrer pour déterminer à quel genre d'homme j'ai à faire... » Se laissant doucement aller dans le dossier de son fauteuil, ses yeux se plissent légèrement, scrutant le Lord comme essayant de lire son âme. « Je suis tentée de vous proposer... C'est une occasion rêvée de faire maudire votre nom aux Hightower, que la manœuvre réussisse ou non, votre équipage et vous entrerez dans l'histoire, vous pourrez vous vanter d'avoir contribué à sauver Dorne... » Elle marque une brève pause. « Et évidemment, si vous voulez des dédommagements matériels, je suis toute disposée à vous fournir des armes de mon fief, notre art de la forge étant renommé, du vin de nos cépages, des terres, de l'argent... » Elle soupire distraitement. « J'avoue que tout ce qui est plus concret me laisse plus dubitative. Vos demandes devraient être exagérées pour que je les refuse. Cela étant, je me trompe peut-être, mais j'ai le sentiment que la monnaie, dans ce genre d'affaires, n'est qu'un à côté, comme une mise de base, et que ce n'est qu'une fois cette mise trouvée que les négoces commencent réellement... » Elle laisse un bref silence s'installer, laissant au Lord comprendre tout ce qu'elle pouvait impliquer dans le terme « négoces », avant de reprendre. « ... Mais je me trompe peut-être ? » Elle demande, curieuse de la réponse qu'elle va recevoir.

L'homme est déterminé, intelligent, pragmatique. Mahée respecte ça, respecte son expertise, et son idée. Doigt noués devant ses lèvres, coudes en appui sur le bureau, elle réfléchit à ce qu'implique le plan de son nouvel allié. « Hum... ça voudra dire que nous devrons organiser une percée... Nos navires sont dans la baie. Ils sont gardés, naturellement, mais nous pouvons toujours réfléchir à un moyen d'en venir à bout... Si nous trouvons, nous pourrons appliquer votre plan. » Elle conclut, déterminée. Avec un rien de distraction, elle se demande si elle aime ce plan parce qu'il est malin, ou bien parce qu'il est osé, et qu'elle a toujours aimé les actions d'éclat... Une chose est certaine, quand tout commencera, la Princesse sera sur les hauteurs des Météores, à attendre en retenant son souffle que les navires ennemis s'embrasent.

Le pirate se gratte la barbe, tout en lui demandant sa première impression le concernant. L'attitude rustre, mais la question, pleine de curiosité, donnent autant d'éléments de réponse à la dornienne, qui laisse un fin sourire sibyllin étirer ses lèvres. Si elle lui disait tout de go l'avoir d'ores et déjà bien cerné, il prendrait ombrage, comme tous les hommes qui se sentent menacés par des femmes perspicaces... Par ailleurs, si les tripes de Mahée ne lui ont jamais menti, jamais fait défaut, par humilité, la jeune femme a tendance à ignorer beaucoup de ses instincts, juste pour tester la justesse de ses déductions, et surtout, prendre le risque de se tromper, et d'avoir une bonne surprise. Cela étant... « Il est encore un peu tôt pour le dire... » Est sa réponse à sa question. Une réponse libre d'interprétation, qui peut laisser penser à Lord Botley qu'elle nage en eaux troubles, alors que la naïade attend simplement de mettre sa théorie à l'épreuve de la pratique.

« Le cas échéant, ce serait une grande première, en effet. » Elle concède au pirate, concernant l'absence des fer-nés dans l'histoire de Westeros ailleurs que dans ses agressions des littoraux, et c'est sans surprise que Stig confirme à la princesse que les biens matériels ne sont que le premier pallier des négoces. Un sourcil haussé en signe d'expectative, la noble dame, d'un geste de la main, invite le marin à poser ses conditions. Il faut le dire, la curiosité de Mahée se gourmande de savoir ce qu'il va réclamer... Et, quand les deux requêtes tombent, son visage se mure dans l'impassibilité. Évidemment, ce n'est pas la question des prisonniers qui la fait hésiter. Elle n'en a strictement rien à faire, des prisonniers, qu'ils les prennent et en fassent des guirlandes s'ils le souhaitent, à tous les enfiler, leur destin ne serait pas beaucoup différent s'ils restaient à Dorne. Non, ce qui la fait hésiter, c'est cette histoire de dîner en tête-à-tête...

On pourrait le croire, mais Mahée est loin d'être désarçonnée. Pour gérer ce genre de situation, elle a cette formidable capacité de pouvoir se réduire à un objet de tractation, à, plus ou moins, estimer sa propre valeur et ce qu'elle peut représenter ou non. Ça lui permet, quand le besoin s'en fait sentir, de pouvoir facilement trouver comment reprendre le contrôle d'une situation sur le point de lui échapper. Comme ici. La perspective d'un dîner en tête-à-tête peut prêter à inquiétude. Après tout, si Lord Botley n'envisage pas de lui faire la cour, il veut peut-être en profiter pour la tuer ? Finalement, la bouche aux lèvres carmines de la femme à la peau couleur de miel s'étirent en un sourire. « J'accepte votre invitation à dîner, Lord Botley. Vos hommes auront les prisonniers. Si vous survivez à cette bataille, à votre retour, vous pourrez jouir de tous les agréments qui vous conviennent avant de pouvoir me rejoindre sur ma terrasse privée, où notre dîner sera servi. Évidemment, si d'aventure, vous deviez malheureusement mourir dans l'affrontement, cette invitation à dîner n'est pas transmissible à l'un de vos hommes. » Et voilà, comment elle donne au négociant tout ce qu'il a demandé, en imposant tout le reste. La question qui demeure, maintenant, c'est de déterminer si la Princesse serait déçue ou non que Lord Botley périsse avant leur dîner...

[...]

Du haut des remparts des Météores, si le plan élaboré par Stig et Mahée semble avoir fonctionné, l'issue de la bataille est longtemps demeurée incertaine. Interdite de séjour sur le champ de bataille par Sarzir et Drystan, la Princesse n'a d'autre choix que d'assister, impuissante, aux carnages qui se déroulent aussi bien au pied des murailles, que plus loin sur la mer. L'attaque ayant lieu de nuit, il est impossible pour Mahée, après plusieurs minutes d'observation, de distinguer qui est qui entre les attaquants et les défendeurs, et les heures qui ont, ce soir, séparé le jour de la nuit lui ont semblé durer une éternité...

Mais, enfin, la déroute des assiégeant. Mahée voit des cohortes rompues, des cavaliers et hommes d'arme en fuite, et elle soupire de soulagement, comme si elle respirait pour la première fois. Il ne s'écoule guère longtemps avant qu'on ne vienne la trouver pour lui dire que, même s'ils avaient dû essuyer de très lourdes pertes, ils pouvaient continuer. Le reste de la journée voit se succéder les heures en réunions politiques et militaires, la discussion des prochains objectifs, de la prochaine étape. Le dîner lui était complètement sorti de la tête jusqu'à ce qu'un messager vienne lui annoncer que Lord Stig Botley se présentait à la porte pour « jouir de ses agréments ». Mahée ignora le regard curieux de son Général et répondit favorablement au messager. « Effectivement, il est attendu, et puisque nous n'aurions jamais remporté cette victoire sans son aide, il convient de s’acquitter de notre dette le mieux possible. » Elle sourit, avant de se lever pour prendre congé.

Ayant salué ses ministres et conseillers, la princesse se retire dans ses quartiers et donne les ordres nécessaires à la bonne réception du pirate, à son chambellan notamment, chargé de veiller à lui apporter tout ce qu'il souhaite boire ou manger, des concubines également, s'il le désire ; qu'on lui permette de se baigner et de se détendre, pendant qu'elle en ferait de même de son côté. Dans le même temps, comme elle l'avait annoncé, tout est installé sur son balcon privé. Une large table recouverte de plus de mets que dix personnes ne pourraient en manger, avec différentes liqueurs locales et autres boissons est dressée. Tout autour sont disposés des coussins confortables et colorés. Un lustre magnifique supportant des dizaines de petites bougies éclairent le tout, des voiles attachés sous sa base s'étalant en miroitant jusqu'au garde-fou du balcon. Le cadre est idyllique, la décoration enchanteresse. Là, Mahée attend son invité. Il ne sera pas dit que le pirate ne passera pas une bonne soirée. Il le mérite, après tout, après avoir sauvé la ville, et puisqu'il a assuré n'avoir aucune vue sur sa vertu !

La requête du pirate, à savoir un dîner en tête-à-tête en guise de butin, a été assez inhabituelle pour que Mahée prenne le temps d’y réfléchir. Elle aurait pu se contenter de lui servir un souper fastueux, entre deux portes, sans effort particulier, pour s’acquitter au plus vite et au plus pratique de sa tâche, mais le pirate et ses hommes venaient de sauver la ville, d’une part, d’autre part, la Princesse se souciait de la réputation d’hospitalité de son royaume, et, d’un point de vue plus personnel, Mahée était d’une part curieuse de découvrir l’homme derrière le pirate, et d’autre part, avait également besoin d’une soirée de détente après les semaines de stress intense qu’elle venait de vivre. Oh, toute la pression ne s’était pas magiquement envolée de ses épaules, non, mais une bonne part de danger immédiat, oui, et c’était déjà beaucoup.

Alors, la Princesse a décidé de faire de cette requête une histoire de fierté personnelle. Pour la réputation de Dorne, pour son propre confort, pour l’opportunité que ça lui offre, à elle aussi, de prendre du bon temps. En ce sens, elle s’est faite masser, baignée, lavés et huilés les cheveux de sorte à ce qu’ils retombent maintenant en boucles brillantes et parfumées dans son dos, jusqu’à la naissance de ses cuisses. Ses yeux avaient été ourlés de khôl d’un noir profond, et ses lèvres enduites d’un rouge profond. Pour l’occasion, Lord Botley serait le premier à voir son torque ornemental, récente acquisition du trésor royal, cadeau de la ligue des orfèvres, basée à la Grâcedieu. L’objet est somptueux. Il s’agit d’un collier de rangées de perles colorées translucides et ornées dessinant un magnifique mandala, semblable aux plumes d’un paon. Bijou d’exception, il enserre le cou de la Princesse, son dernier rang flirtant allègrement avec son nombril, les rangs plus serrés au niveau de sa poitrine de sorte à ce que ce collier puisse se porter… Seul. Des bracelets d’or serpentent autour des bras nus de Mahée, pendant que d’autres à ses chevilles, ceux-ci simples cercles d’un jaune scintillant, sont prêts à tintinnabuler au moindre mouvement. Autour de la taille de la dornienne, une ceinture aux entrelacs d’or, qui retient une jupe longue, fendue sur ses côtés. A son nez, son sempiternel anneau, d’or, toujours. Sur sa tête, une tiare aussi élégante que discrète, rappel humble de son statut de princesse. Dans un décor agréable, Mahée a tenu à offrir à Lord Botley, ainsi qu’à elle-même, un dîner dornien dans son folklore le plus pur, le plus riche possible. S’il est un moment parmi tous pendant lequel rêver Dorne existe, elle souhaite pouvoir l’offrir à Styg, en remerciements.

Un sourire étire ses lèvres, exposes ses belles dents blanches, à la façon qu’a l’homme de se présenter. « Merci à vous d’avoir sauvé les Météores, Lord Botley. » Elle répond, pudique, à la plaisanterie du fer-né même si, derrière la pudeur, ses yeux noirs comme la nuit à la lueur des tamisée des bougies, sont plein de malice. « La satisfaction n’est pas seulement ce que j’ai ressenti en regardant. Il y avait de l’angoisse, de l’exaltation, du soulagement… » Rien que d’y penser, le souvenir est encore très vivace, au point qu’elle prenne une seconde pour fermer les yeux et soupirer brièvement. Mais, revenant bien vite à la plaisanterie, le sourire revient sur ses lèvres quand elle reprend. « Quant à vous, je vous trouve très élégant. C’est un plaisir pour moi que de vous accueillir. » Même si dans ses narines flottent allègrement les effluves de ses propres parfums, la Princesse ne peine pas à percevoir les notes musquées, plus viriles, des huiles dont avait profité Styg. Il est toujours plaisant d’échanger avec une personne dont le parfum, à lui seul, charme.

D’un geste, Mahée invite Lord Botley à s’installer autour de la table basse, dans les poufs mis à dessein, et le laisse choisir sa place, avant d’elle-même s’installer sur le côté adjacent. Un instant, son regard dévie dans un coin de la pièce, et, d’un geste, elle appelle à eux un échanson, qui rempli un premier fond de verre, le goutte, puis, satisfait, rempli les verres des deux nobles. « Je ne savais pas si vous préféreriez être servi ou bien l’intimité d’un tête à tête strict. Sentez-vous libre de congédier Ashy quand vous voudrez. » Le dénommé Ashy baisse la tête en signe de disposition. De son côté, Mahée s’égaie. « J’ai demandé à ce qu’on vous prépare toutes les spécialités du royaume. J’ai demandé à ce qu’on dispose le salé d’un côté, le sucré de l’autre et le reste… Entre les deux. Certains mets ont tendance à piquer pour les étrangers, je vous indiquerai lesquels… » Elle achève ici son introduction, laissant un instant à son invité pour exprimer… Un peu ce qu’il souhaite, quoique sa satisfaction et son plaisir seraient les bienvenus.

[Hj : Coucou. Je suis consciente que le délais de réponse est totalement déconné, et je suis désolée. Si j’ai trop abusé pour toi, je comprendrai que tu veuilles abandonner. Moi j’ai bien envie de continuer, mais pas question de te l’imposer. Dans tous les cas, merci pour l’échange, et si d’aventure tu voulais poursuivre, tu n’aurais plus à attendre aussi longtemps.
Bien à toi.]

Les Fer-Nés ? Altruistes ? Sous son sourire, Mahée se mord l’intérieur de la joue pour ne pas éclater de rire tant ces deux termes associés ensemble sont inédits dans tout Westeros. Et pourtant… Sans les Fer-Nés, et sans leur Lord ici présent, jamais les forces de la Princesse n’auraient suffit à briser le blocus imposé par le Bief. Si Mahée possède encore un royaume à défendre ce soir, c’est uniquement grâce au Capitaine Botley. La jeune femme en a une conscience très aigüe, ce qui vaut ce dîner où l’on a mis les petits plats dans les grands, car, selon elle, le géant blond ne mérite rien de moins pour ses exploits. Elle retient donc son éclat de rire, et se contente d’acquiescer, ses yeux, pétillants malgré le sombre de ses iris, parlant tout de même à sa place, exprimant tout de ce qu’elle tait.

« Aussi rare que l’occasion, j’imagine… ? » Elle questionne distraitement, du bout des lèvres, le pirate à propos des différents sobriquets, pour reprendre ses termes, dont on s’est servi pour le qualifier. D’un point de vue tout à fait personnel, Mahée est plus que satisfaite, flattée même, que l’une des rares fois où le pirate se soit montré élégant, ce soit pour elle, ce soir. En vainqueur, il aurait pu choisir de venir déjà ivre, d’être grossier, voire insupportable… Mais non. En toute connaissance de cause, Lord Botley lui offre le visage d’un homme propre sur lui, en pleine possession de ses moyens et ouvert à l’expérience que Mahée souhaite lui proposer, car ce dîner ne sera rien de moins que cela, une expérience ! Un lord Fer-Né et une Princesse dornienne se retrouvent pour dîner… Cela ressemble au début d’une plaisanterie grasse, et pourtant, les voilà. « Vous pouvez. » Elle le rassure, simple, d’un air tranquille. Dans sa bouche, le terme « élégant » employé comme elle l’a fait était un compliment, et Mahée se réjouit de l’avoir fait.

Face à la curiosité montrée par le Fer-Né concernant la gastronomie dornienne, la Princesse sait qu’elle passera une bonne soirée. Se redressant visiblement afin d’être en mesure de montrer ou d’attraper le plus de mets possibles, elle s’égaie visiblement. « Alors, j’ai demandé à ce qu’on mette les plats dans l’ordre, pour que ça soit plus intuitif pour vous… Les plats les plus proches sont donc à essayer en premier, puis viennent les suivants, au fur et à mesure, quoique certains ne nous seront apportés que plus tard, car ils se servent chauds… » Elle marque une pause pour lui sourire, avant de reprendre. « Toutes ces pâtes colorées différentes se mangent avec ceci. » Des mixtures noires, rouges, blanches, oranges ou vertes… Dans sa main, elle prend un pain, ou plutôt un simili de pain, vaguement zébré avec une crêpe. « Vous en coupez un morceau, et vous trempez. » Elle joint le geste à la parole, avant de présenter à Stig un peu de cette crêpe avec un genre de mixture orange foncé. Sera-t-il assez aventureux pour goûter sans plus de détails ?

Si elle s’est retenue de rire plus tôt, à la question concernant son titre, elle ne se donne pas cette peine et y va d’un discret gloussement. « Il ne le supplante pas, c’est un équivalent. » Elle lui sourit gentiment. « Cette tradition remonte à l’unification de Dorne par celle qui est devenue la Princesse Nymeria. Dorne est très attachée à son histoire, c’est un usage d’une grande symbolique pour nous. » Elle espère, se faisant, avoir répondu à la question du pirate. Pour sa part, n’ayant pas encore d’appétit, Mahée mange liquide, boit du vin. «Votre requête a été délicate à justifier auprès de mon conseil restreint, savez-vous ? » Elle enchaîne, désireuse d’aborder des sujets moins triviaux avec son invité. « Demander un dîner n’était pas vraiment protocolaire, encore moins de ce faste obscène, au sortir d’un siège… A cause de vous, des exploits sexuels nous impliquant tous les deux ont fait le tour de toutes les têtes siégeant près de moi, je n’ai pas compté les mises en garde pour ma vertu qui ont pu être faîtes… Je ne sais pas si je dois vous maudire pour cela, ou bien en rire. Qu’en pensez-vous, Lord Botley ? En riez-vous ? » Elle minaude, les yeux pétillants de malice, avant de reprendre. « Cependant, votre victoire éclatante vous vaut la présence de la moindre douceur sur cette table. J’espère seulement que vous saurez toutes les apprécier à leur juste valeur… » Elle lui glisse, laissant aussi son intonation traîner légèrement, sibylline quant à la présence dans ses dernières paroles d’un sous-entendu… Ou non.

[Hj : Moi je suis juste trop contente de voir que tu veux bien continuer le sujet ! Un tout grand merci !]

Les hommes et leur égo… Songe Mahée, riant pour elle-même, autant que de vive voix, un rire cristallin et charmant, qui étire largement ses lèvres pleines et montre beaucoup des trente-deux perles blanches. « Soyez rassuré, je pense que la nouvelle fait d’ores et déjà le tour des tavernes ! » Il est en effet inévitable qu’un arrangement de ce genre ne peut que nourrir les rumeurs et ragots. Mahée ne serait pas surprise si, dès demain, des dessins de l’affaire plus ou moins caricaturaux se mettent à circuler dans toute la cité. Mahée pourrait en prendre ombrage, mais la vérité c’est qu’elle s’en moque. Aurait-elle été vierge, la question aurait été toute autre, mais avec déjà un enfant, il est clair que la dame est au courant de la bagatelle, bien que jusqu’ici, si elle a jamais commis des exploits, elle a chois ses amants avec suffisamment de soin pour les savoir discrets. Lord Botley est la première personne de premier plan avec qui la question se pose, en réalité, et Mahée ne s’est pas vraiment préparée à cela, mais, même sans préparation préalable, la princesse accuse la chose avec philosophie. Finalement, des rumeurs sur ses performances sexuelles dans un pays pour qui la chose n’est pas sacrée, comme ailleurs en Westeros, ne lui fait pas grand-chose. Du reste, ce ne sont que cela, pour l’instant, des rumeurs. Mahée souhaite-t-elle que ces rumeurs soient vraies, ou bien au contraire, veut-elle à tout prix qu’elles demeurent des fantaisies ?

Elle s’en moque. Que ce soit vrai ou non, chacun choisira sa version, indépendamment de tout, et la majorité ira en faveur d’une affaire entre les deux, l’âme humaine aimant ce genre d’histoires. Elle n’aura pas plus de contrôle sur cela qu’elle n’en a sur les rumeurs ou les caricatures, alors pourquoi lutter ? Qui plus est, ça lui donnerait une image peut-être moins lisse, un peu de grain à moudre facile pour ses détracteurs, avec des dégâts relativement limités… Elle se sent capable de gérer, d’assumer. Sans cela, elle n’aurait pas accepté ce dîner pour commencer. Cependant, l’aspect officiel est une chose, mais qu’en est-il de l’aspect officieux ? Mahée a-t-elle envie de l’homme qui lui fait face ? Avant sa façon équivoque de se lécher les doigts, et le regard qu’il lui a lancé, elle aurait été tentée de dire que non. Maintenant, à voir comment elle a légèrement rougi et souri, un peu embarrassée, il devient évident pour elle qu’elle est ouverte à la possibilité de se faire séduire. De là à vouloir le séduire, il en faudra un peu plus que cela. « Dans ce cas, vous pouvez être pleinement satisfait… Je ne crois pas qu’ils me pardonneraient de porter et de mettre au monde le bâtard d’un fer-né…» Elle ajoute, non sans un petit rire, consciente que n’importe quel bâtard serait accueilli avec peu de sourcillements, mais que celui d’un fer-né ferait grand bruit… Une princesse femme-sel ? Elle voit ça d’ici, et ça l’amuse. D’imaginer, en tous cas. La réalité serait bien différente. « Est-ce seulement l’idée de bousculer les esprits autour de vous qui vous anime, ou bien y-a-t-il un quelconque sens caché à votre action bravache ? Je veux dire… Est-ce que vous avez requis ce dîner uniquement par envie de choquer mes conseillers ? Pour pouvoir vous vanter d’avoir troussé la princesse de Dorne ? » Elle demande, sans inquisition dans le ton, sans rien d’autre que de la curiosité, et pour augmenter les choses d’obtenir la vérité, elle ajoute. « Si cela peut vous influencer, vous avez ma permission pour dire que nous l’avons fait, quoiqu’il arrive. » Ainsi, il est certain de voir son égo sortir doré de cette rencontre, qu’il séduise la femme ou non. Il est gagnant sur tous les tableaux, c’est le cadeau que lui fait Mahée, à titre personnel, pour l’avoir aidée à sauver la cité. Elle espère ainsi laisser un souvenir assez vivace au Fer-né que pour garder ses côtes loin du pillage, au moins quelques temps, parce qu’elle n’oublie pas, Lord Botley étant assez fier de ses origines, et suffisamment en phase avec elle, pour les vivre pleinement à chaque seconde, qu’il est un fer-né, et donc que sa vie ressemble exactement à ce qu’il a décrit. Mahée n’idéalise pas l’homme, parce que connaître une idée ne l’intéresse pas. Elle, elle cherche à le connaître, vraiment, à savoir ce qu’il a dans le plus profond de ses trippes, comment il réagit quand mis face à des choix… C’est ça, qui l’intéresse, voir l’homme se révéler à travers les choix qu’il acte d’actions. Les paroles s’envolent, les écrits n’engagent que ceux qui y croient, seuls les actes révèlent les hommes, et Mahée est vorace à l’idée de découvrir celui qu’elle a devant elle.

«Par les dieux, le ciel nous en garde…! » Elle répond, semblant juste vaguement amusée de voir Stig discourir sur un potentiel enfant né de leurs frasques, alors qu’en réalité, intérieurement, elle est littéralement écroulée de rire. Si elle ne savait pas mieux se tenir, elle se tiendrait les côtes, tant entendre le père prétendu fantasmer l’éducation et le devenir d’un enfant potentiel, qu’il aurait abandonné au moment même de sa décharge dans la mère, la tue. La réalité d’un tel enfant, Mahée la connaît, et elle n’a rien de romanesque. La vérité du quotidien de cet enfant, c’est qu’il se demandera tous les jours où est son père et pourquoi il ne le voit jamais, pourquoi il n’est pas assez bien pour que son père le remarque. Mahée l’a observé chez de nombreux enfants. Les enfants sont comme les plantes. Les mères sont bien souvent le sol et l’eau, mais les pères sont les rayons du soleil. Sans soleil, les plantes restent chétives, craintives. Il en va de même pour les enfants qui grandissent sans figure paternelle. Stig et Mahée peuvent bien plaisanter la venue au monde d’un enfant pour les lier, la vérité, c’est que jamais la princesse ne laisserait une telle chose arriver, non pas pour elle qui se réjouirait d’avoir un nouvel enfant, mais pour l’enfant lui-même, qui naîtrait bâtard de fer-né, qui plus est, pour ajouter à son malheur, tout illustre que puisse être le géniteur.

«Qui ne dit mot consent, n’est-il pas ? Mentir par omission, c’est toujours mentir. » Elle hausse les épaules. Comme dit, elle se moque, elle, qu’on l’imagine vautrée dans le stupre avec un fer-né. Ce qu’elle sait, c’est qu’aucune conséquence ou preuve, ou quoi que ce soit, ne viendra réfuter une hypothèse ou l’autre. En effet, il est difficile de prouver que quelque chose n’est pas arrivé, mais Mahée entend bien prouver qu’aucune autre conséquence n’est à devoir à cette rencontre. Une responsabilité qui pèse davantage sur ses propres épaules que sur celles du fer-né, dont les mœurs sont encore plus dissolues que les dorniennes !

Ces petites plaisanteries ont eu le bon goût de mettre la dornienne dans d’excellentes dispositions vis-à-vis du fer-né, dont elle est ravie de voir l’esprit. Dîner avec une grosse brute qui n’aurait fait que s’empiffrer et/ou essayé de la tripoter l’aurait très rapidement faite prendre congé. Non sans intérêt, elle découvre les motivations secrètes du pirate, et, là encore, il la fait rire. «Tout ce dont vous parlez ne peut hélas pas être conclu uniquement entre nous. Toutes les propositions font l’objet d’un travail d’étude de mon conseil restreint. » Elle lui sourit, les yeux pétillants. « J’écouterai volontiers toutes vos manigances, mais j’ignore si je manigancerai moi-même… Quoiqu’il en soi, tout restera entre nous, à moins que ça ne devienne concret… » Son sourire se fait plus appuyé.

Enfin, vient la question du pourquoi elle a accepté. De nouveau –décidément, ce pirate est hilarant-, Mahée éclate de rire. «Vous l’avez dit vous-même… Si vous étiez en position de le demander, c’est que je n’étais pas en position de refuser ! » Elle glousse, ses joues finissant par rosir à force de rire, et elle boit une boisson fraîche légèrement sucrée, légèrement acidulée, au pamplemousse pour se reprendre. «Sans votre intervention, je n’aurai plus rien été du tout, Lord Botley. Une façon de le dire, c’est que vous avez sauvé ma couronne, mais c’est peut-être le moins important de tout. Vous avez permis à une nation de remporter une victoire décisive, et de poursuivre encore un peu la lutte contre ceux qui tentent de la mettre à genoux. Vous solliciter était mon vatout pour ma nation, ça aurait pu être mon chant du cygne. » Elle lui sourit, gentiment, trahissant sa sincérité, avant retrouver une mimique plus amusée. « En vérité, vous m'auriez demandé beaucoup d'or, j'aurai été dans le plus grand des embarras! » Elle rit, encore. «Si mes caisses ne sont pas vides, elles ne contiennent certainement pas assez d'or pour rémunérer votre victoire son juste prix. » Ses joues rosissent légèrement. «Le fait que vous demandiez un dîner sauve mes gens d'une taxe, je suis certaine qu'ils chanteront vos louanges pour ça aussi! » Elle rit encore, décidément bien amusée à l'idée qu'on écrive des balades sur le Lord Fer-né venu au secours de la princesse Dornienne…