So far from home

“Mon chou, voilà que nos chemins se séparent. A l’origine, j’avais pour projet de te vendre à une maison des plaisirs. Cependant, j’ai appris qu’une famille de l’autre coté du Détroit recherchait une interprète pour leurs besoins. Au vu de tes capacités, j’ai saisi cette chance. Mais … je tiens à te prévenir, si tu ne les sers pas convenablement, ou si tu tentes de t’échapper, je finirais par te retrouver. Et tu sais très bien ce qui advient des vilaines filles qui me trahissent, tu en as déjà eu un petit avant goût après tout. Ne me fais pas honte. Allez, va-t-en.”

Sa voix doucereuse emplie de menace tourne sans cesse dans ma tête. L’angoisse m’a accompagné durant tout le trajet … Du moins, bien plus qu’à l’habituel, puisque cela fait longtemps que je n’ai pas vécu sans cette peur perpétuelle. Une peur qui vous incite à faire tout et n’importe quoi pour survivre. A subir les pires bassesses de l’humanité afin de vivre un jour de plus. Je ne sais plus depuis combien de temps je servais Simeon. Mais le quitter me fait ressentir des sentiments bien contradictoires.

Du soulagement à la sensation d’être abandonnée. Serais-je devenue folle pour ressentir cela ? Pourquoi je me sens lâchée par cet homme qui m’a manipulé et humilié pendant des années ? Peut-être puisque j’ai fini par m’habituer à lui, à accepter mon sort ? J’ai dû grandement le décevoir dernièrement pour qu’il me vende ainsi … Seulement, je préfère grandement être vendue à une famille qu’à une maison de plaisir où ma vie aurait définitivement perdu tout intérêt.

Me voilà aujourd’hui arrivée à bon port, dans une terre complètement différente de Pentos. L’ambiance y est bien différente, j’en ressens en tout cas bien plus de chaleur. Curieuse, j’aurais aimé tout observer, mais ma situation d’esclave ne me le permet pas. Je garde alors les yeux rivés sur le sol, suivant de près mon guide qui me décrit les fonctions de certaines bâtisses. J’essaie de garder tout en mémoire en restant silencieuse. Je sens quelques regards se poser sur ma personne, mon coeur palpite bien plus fort.

Déjà à Pentos j’attirais l'œil de part mon physique étranger, alors ici … Puis, pour ne rien arranger, mes vêtements sont également étrangers, venant tout droit de mes terres natales. Simeon appréciait que je porte les étoffes Yitish. Il disait que cela accentuait le mystère autour de ma personne lorsque ses invités venaient souper ou apprécier le spectacle. Même si je me suis habituée à ces regards intrigués, je ne puis m’empêcher de ressentir de l’anxiété. Puisque les pensées des hommes sont complexes, dangereuses et effroyables.

Mon guide s’arrête soudainement, je fais de même. Il m’explique alors que la grande demeure face à nous est celle des Kennings. Les Kennings, c’est la famille que je dois servir … Ils ont l’air aisés, bien plus que Simeon. Je déglutis mal à l’aise et enfonce mes doigts dans la peau de mon bras afin d’évacuer un peu mes émotions terrassantes. Je suis le guide dans la cour de la demeure et un homme vient vers nous. Mon guide et lui échangent quelques mots. Ce dernier semble être un serviteur auprès des Kennings, il nous dit de patienter ici en attendant qu’il annonce notre venue.

Il disparaît alors derrière les grandes portes, et l’attente est interminable. Contre mon gré, mes mains se mettent à trembler. J’essaie alors de calmer mes angoisses, inspirant et expirant lentement afin de ralentir les battements de mon cœur que j’entends battre jusque dans mes oreilles. Une brise vient balayer mes longs cheveux, créant un doux frisson dans mon épine dorsale. Je remets en ordre mes cheveux, puis ma tenue, juste avant que les portes ne s’ouvrent à nouveau …

So far from home

Quelques jours plutôt, Maryssa a été informée qu'elle sera chargée d'accueillir une esclave qui pourra les aider à échanger avec des partenaires commerciaux. C'est bien la première fois qu'on lui confie une telle tâche mais elle ne veut pas décevoir les siens, elle accueillera la jeune femme qui ne devrait pas tarder à arriver. Lorsqu'une servante vint lui informer de son arrivée, elle était alors occupée à préparer une potion pour sa propre utilisation. Sa passion certaine pour l'alchimie tout comme la phytothérapie ne l'a jamais quittée et depuis qu'elle s'est découvert ce talent pour la manipulation des plantes ou encore pour la transmutation des métaux en tout genre, elle n'a cessé d'accroitre ses connaissances.

Remerciant la jeune femme, elle l'informa qu'elle retrouvera l'étrangère quand elle aura fini. Ce pourquoi, elle avait dû patienter. Lorsqu'elle finit enfin sa concoction, elle pouvait alors se rendre dans la pièce où l'attendait une brune à l'allure frêle. Elle s'avançait jusqu'à elle, calmement et posa son regard sur elle. Celle-ci devait avoir fait un long voyage jusqu'ici, elle se trouvait loin de chez elle, ce qui pouvait être perturbant, elle devinait un peu de nervosité sur son visage.

« Bonjour, tu dois être Lin. Je suis Lady Maryssa. Mon frère m'a chargé de t'accueillir. » déclara-t-elle, calmement.

Elle marqua une pause pour détailler sa tenue qui lui parait si différente de ce qu'elle a l'habitude de porter ici, dans l'Ouest.

« Gareth, mon frère cadet est Grand Maitre de l'Ouest, c'est lui qui a acheté vos services. Il est retenu à Castral Roc pour des affaires. En attendant qu'il soit de retour, tu seras sous ma responsabilité. » ajouta-t-elle, ensuite.

Elle se montrait calme et apaisée, disposée à répondre à ses éventuelles questions sur la mission qui lui sera confiée ou encore sur l'endroit où elle sera hébergée. Bien sûr, des voyages à travers l'Ouest et même par-delà Westeros et Essos l'attendait. Maryssa a toujours eu cet esprit voyageur et rêveur mais pourtant elle n'a jamais vraiment voyagé si ce n'est ses nombreux déplacements dans les évènements royaux et familiaux. Lin, elle a vu tant de choses, ce dont elle ne peut qu'être admirative et envieuse.

So far from home

Finalement, nous sommes invités à entrer dans le hall de la demeure, je me sens alors bien intimidée. La décoration et l’architecture sont bien différentes de tout ce que j’ai vu jusqu’à lors. Restant discrète sur ma curiosité, mon regard navigue entre les grandes colonnes aux surfaces travaillées et aux tableaux finement peints. J’ai toujours aimé découvrir de nouvelles choses, mon voyage de Yi-Ti à Pentos m’avait grandement animé pour cela, avant d’apprendre le pot aux roses.

J’entends soudainement une porte s’ouvrir, je me tourne alors vers elle, ramenant mes mains pour les lier devant moi afin d’arborer une posture professionnelle. Je ne dois pas avoir l’impression de me négliger, cela ferait tâche et je risquerais de ne point satisfaire mon Maître. Rapidement, je vois une femme aux traits splendides et richement vêtue. Lorsque mon regard se tourne vers le sol afin de ne pas contrarier ma nouvelle acquéreuse, mes yeux caressent avec intrigue l’étoffe de sa robe aux coutures soignées. Je m’abaisse pour m’incliner en signe de respect, essayant de calmer les battements de mon cœur en adoptant une respiration régulière. “Lady” ? Certainement un titre remplaçant “Dame” ou autre ?

- En-enchantée de vous rencontrer, Maî-Maîtresse. J-Je ferai de mon mieux pour ne pas vous décevoir.

Lui dis-je en butant un peu sur mes mots, l’angoisse amputant mes paroles. Il faut dire que je ne m’attendais pas à rencontrer une Dame. Jusqu’à lors, je n’ai eu qu’à servir des hommes. Je sens son regard sur ma personne, je fais alors un effort incommensurable pour ne rien laisser paraître, pour que mes membres ne témoignent point de mon stress.

Elle m’apprend qu’un certain Tybolt, son frère, est celui qui m’a acheté. Mais quelque chose me chiffonne. Qu’est-ce qu’un “Grand Maître de l’Ouest” au juste ? Jusqu’à maintenant, je n’ai eu qu’à servir des Maîtres. Il y aurait-il une hiérarchie dont je n’aurais pas eu connaissance lors de mes précédentes années au service de Simeon ? Avait-il un Grand Maître auquel il servait ? Cela ne me dit absolument rien malheureusement … Devrais-je poser la question ? J’hésite … D’un côté, cela pourrait me permettre d’éviter des bourdes. D’un autre, est-ce qu’ils considèrent que je dois déjà être au courant ? Pourraient-ils être mécontent de ma mauvaise information ? Je resserre l’étreinte de mes mains entre elles, et ose me lancer :

- P-Pardonnez-moi, mais … Jusqu’à maintenant je n’ai eu que des Maîtres. Qu’est-ce qu’est donc un Grand Maître, je vous prie ? Et … Puis-je savoir en quoi consistera ma mission auprès de vous ..?

Demandais-je en plus, gardant mon regard vers le sol, souhaitant comprendre l'ampleur de ce que l'on attend de ma personne. Bien que je suppose que ce ne soit pas bien différent qu'auprès de Simeon.

So far from home

Maryssa fixait alors la jeune femme qui semblait bien curieuse, un défaut qui pouvait aisément devenir une qualité si elle s'intéressait aux bonnes choses, elle relevait alors le regard et lui expliqua le rôle d'un Grand Maitre de l'Ouest. Ce titre donné par le Roi en personne permet ainsi de conseiller le souverain dans ses décisions politiques. La famille Kenning est particulièrement proche de la famille Lannister.

La richesse du soleil de l'Ouest n'est plus à faire et cela la brune ne pouvait que s'en réjouir. Particulièrement dépensière, elle n'a jamais hésité à se parer de magnifiques toilettes toutes plus luxueuses les unes que les autres. La jeune étrangère semblait nerveuse, ce qu'elle pouvait comprendre, devoir quitter son pays pour un endroit inconnu, cela devait être perturbant.

Elle hochait la tête à ses paroles, espérant alors la rassurer. Si elle a été achetée, c'est pour permettre d'obtenir de nouveaux accords commerciaux, sa connaissance en langues leur permettra ainsi de communiquer avec des partenaires étrangers.

« Un Grand Maitre de l'Ouest est désigné par le roi, il est son plus fidèle conseiller. C'est un véritable honneur pour notre famille. » expliqua-t-elle, calmement.

Fière du titre de son jeune frère, Maryssa n'en oubliait pas pour autant ses nombreux frères et sœurs. Elle marqua une pause avant de reprendre pour éclaircir Lin sur sa mission ici à Kayce.

« Tu seras notre interprète. Le commerce est notre fonction première. Nous disposons de nombreux partenaires commerciaux mais nous souhaitons en obtenir de nouveaux au-delà de Westeros. » annonça-t-elle, alors.

Elle se montrait le plus clair possible, se souvenant alors de ce qu'il lui a été dit par ses frères ainés, Tybolt et Robert.

« Nous ambitionnons de développer de nouveaux comptoirs commerciaux qui apporteront de la richesse dans tout le Royaume de l'Ouest. Tu accompagneras, Robert, mon frère dans ses voyages. Il est le Responsable Commercial de Kayce. » ajouta-t-elle, ensuite.

Elle espérait avoir répondu aux questions de la jeune femme. Peut-être que ce sont des missions qu'elle a déjà pu faire ou qu'elle va découvrir ici. Un sourire se dessinait sur son visage alors qu'elle la fixait. Bien qu'officiellement, elle était esclave, Maryssa cherchait à la rassurer et la faire se sentir bien entourée.

So far from home

La richesse de cette famille n’était guère à prouver, tout le démontrait au sein même de ce domaine. Ils devaient certainement l’être bien plus que Simeon. Bien qu’il possède un grand domaine lui aussi, tout est bien plus grandiose ici. Les meubles semblent d’excellentes qualités, l’atmosphère est fraîche et lumineuse, les décorations élégantes et bien mesurées. Je dois avouer que c’est .. perturbant. Cet endroit ressemble bien moins à une prison que là où je vivais. Bien qu’ils soient moins spectaculaires que les palais de Yi-Ti, mais là-bas tout est fait dans la démesure …

- Le … Le conseiller .. du Roi ? M’étonnais-je, ne m’attendant point à ce qu’un Maître puisse être aussi influent. Peut-être est-ce ainsi dans les Royaumes ? Les Maîtres ont bien plus de poids dans la politique ? Votre maison est .. très prestigieuse. Je suis honorée de pouvoir vous servir.

Lui dis-je en m’inclinant à nouveau afin de faire preuve de respect. Pourquoi ressentais-je ce doux sentiment que les choses allaient changer drastiquement ? Peut-être que leur manière de faire est tout autre que ce que j’ai déjà vécu ? Non, non Lin … Ne sois pas naïve, ne t’extasie pas d’avance alors que l’on est sûre de rien. Simeon aussi m’avait vendu du rêve avant de m’acheter comme Dame de Compagnie, puis il m’a marqué afin de faire de moi son esclave. Je dois rester lucide, à l’affût, ne point me faire d’illusion sur ce que je suis aujourd’hui. J’ai été acheté par ces gens, je reste donc une esclave, ils peuvent bien faire ce qu’ils veulent de moi.

Lorsqu’elle m’apprend que je serais principalement leur interprète, j’hoche la tête doucement, comprenant ce que cela impliquait. J’ai en quelque sorte de la chance d’avoir appris de nombreuses langues au contact de mon ancien Maître. Au moins, cela me permet de ne point être résolue à ne faire que dans le charme. Cela aurait fini par me détruire je pense, puisque j’ai toujours eu horreur de cela. Au moins, j’ai un semblant de liberté en conversant. Je livre donc mes potentielles compétences à ma Maîtresse, tentant de prendre une voix convaincante, en triturant mes mains, l’appréhension de ne point faire l’affaire me rendant craintive :

- Je … Je travaillais dans un comptoir commercial à Pentos auprès de mon ancien Maître … Et  .. Je pourrais peut-être à l’avenir vous conseiller sur ce qu’il se fait en Essos, d’après mes connaissances bien entendu. J'ai … beaucoup échangé avec d’autres commerçants aux cultures et .. marchandises diverses.

Je n’ai malheureusement pas été utile seulement sur ce plan-ci, mais également dans le but de les divertir, d’une manière ou d’une autre … Chantant des airs Yitish et dansant pour eux, jusqu’à même devoir partager leur couche.

Lorsqu’elle me parle d’un second frère, je me demande si leur famille est grande. Que cela doit être agréable de vivre en famille. Je n’ai guère eu cette chance. Arrachée à ma mère alors qu’elle allait être exécutée par mon père … J’ai perdu de vu mon petit-frère, et aujourd’hui j’ignore même s’il est en vie. Malheureusement, je ne peux plus rien faire à ce sujet, mes mains étant liée autant que mon âme entâchée. Pourtant, je me contentais de ce que l’on pouvait m’offrir, comme des potentiels voyages d’après Lady Maryssa.

- C’est compris, Maîtresse.

Mes yeux brillèrent, avides de connaître le monde malgré que je reste une esclave. Simeon me l’avait promis avant de m’enfermer dans son domaine, m’obligeant aux plus humiliantes des bassesses. Il m’avait promis que l’on voyagerait pour son travail, qu’il m’emmènerait découvrir de nouvelles terres et de nouvelles cultures. Ironie du sort, je n’ai voyagé qu’à travers les paroles de ses invités. Et si je voulais savoir quelque chose, je devais leur offrir mes talents. Rien n’est gratuit qu’ils disaient.

So far from home

La famille Kenning a puisé sa richesse dans les ressources commerciales mais aussi maritimes, ce qui fait leur renommée. Maryssa a toujours été fière de son héritage et si en tant que femme, elle n'a pas vraiment son mot à dire sur les décisions qui sont prises par ses frères, elle n'en reste pas moins quelqu'un d'impliqué dans l'évolution et la prospérité de Kayce. La jeune étrangère semblait impressionnée, ce qu'elle peut comprendre, après tout avoir de tels places au sein d'un Royaume est impressionnant. Elle fixe alors la brune avec retenue tout en restant sérieuse.

« Oui mais je vais vous avouer, il ne m'est pas donné de savoir ce qu'ils se disent. Certainement des choses sages même si je m'intéresse à la politique de mon pays, je crains de ne pas avoir comment cela marche véritablement. » confie-t-elle, calmement.

Adressant ensuite un signe de tête à sa reconnaissance, elle ne la remercie pas pour autant pour ses paroles, il lui a été appris de ne pas remercier un servant pour ses paroles mais de le complimenter pour son travail. Pour le moment, elle n'a pas vraiment eu l'occasion de la voir à l'œuvre. Pourtant, elle sait tout des conditions d'arrivée de la jeune femme, son prix ayant été négocié pour qu'elle devienne un tant soit peu leur esclave. Mais Maryssa ne peut se résigner à traiter celle-ci comme une esclave parce qu'elle reste avant tout un être humain et que parfois les esclaves sont traités de la pire des façons. Ce n'est pas là son intention, bien au contraire. Face aux révélations qui lui sont faites, elle fronce les sourcils, intriguée. Cela sera très utile, c'est certain.

« Assurément, cela peut nous être utile. J'en parlerais avec mon frère Robert pour savoir si cela peut l'intéresser. » dit-elle, seulement.

Elle se doit de rester brève et rester fidèle à ce qui lui a été dit, elle est là pour apprendre à la jeune femme, ses missions principales pas pour devenir son amie mais lorsqu'elle l'appelle Maitresse, elle se sentit presque mal à l'aise. Si ce n'est pas la première fois qu'un servant l'appelle ainsi, elle n'a jamais aimé ce mot et préfère de loin qu'on la renomme par son prénom ou par son titre de Lady Maryssa, plus formel et surtout moins dévalorisant.


« Appelez-moi Lady Maryssa. Le titre de maitre revient à mon frère qui a négocié votre venue. » déclare-t-elle, alors.

Sur ses paroles, elle invite alors Lin à la suivre jusqu'aux jardins où sont entreposés certaines ressources potagères de Kayce. S'assurant que celle-ci la suive, elle marche doucement et ponctue parfois cela d'arrêts brefs.