Si Deria et Anders étaient des plus heureux de me savoir saine et sauve, ils cachaient difficilement leurs inquiétudes sur les conséquences que ma misérable présence à Lancehélion pourrait avoir. Le sentiment avait été partagé, dans un premier temps. En vertu du Traité de Boycitré, signé lors de la défaite cuisante et totale de la Principauté entre cette dernière et les vainqueurs – le Bief et les Iles de Fer –, j’avais été demandé en otage aux Fer-nés. Je n’étais malheureusement pas l’unique otage, et il y avait bien d’autres donnés pour s’assurer que la Principauté respecterait ses nouveaux engagements vis-à-vis de ses anciens ennemis, devenus alliés par la force des événements. En somme, ma simple présence sur mes terres natales pourrait être vue – ou l’être, tout simplement – comme une violation du Traité.

Or, entre la trahison de la Maison Allyrion – et maintenant de la Maison Dayne –, ou encore la colère grandissante du Grand Septon à l’égard de la Principauté – et de la Maison Martell, plus particulièrement –, j’en avais conclu que personne ne donnait une quelconque valeur aux otages dorniens au sein du Bief ou des Iles des Fers. L’ambition primait sur le sang. Les otages allaient être sacrifié ou devenir des martyrs pour ces bêtises de lutte de pouvoirs et d’égo. Ils me dégoutaient tous, à cet instant même. Où était donc passé cet honneur dont beaucoup se targuait ? Qu’en est-il de la sauvegarde de leurs terres ? Pourquoi, subitement, le sang n’avait plus aucune valeur ? Tant de questions, et malheureusement aucune réponse, car la Principauté échappait à toute logique et bon sens …

A nouveau, je sentais un vent nouveau. Deria et Anders agissent bizarrement. Nos rencontres sont rares et secrètes, jusqu’à ce que je me décide sur mon propre avenir. Ils n’avaient aucun droit sur ma vie dorénavant, dès l’instant où ils m’avaient donné aux Iles de Fer. Jamais je n’avais été aussi clair et intraitable sur un sujet. A force de persuasion et d’informations décousues, j’apprends que Deria, une poignée de gardes et quelques Conseillers, allaient rencontrer des forces étrangères d’Essos. Cette nouvelle m’intrigue autant qu’elle m’alarme : nos derniers échanges avec le Tigre se sont soldés à un terrible échec, nous achetant simplement plus de temps avant notre défaite. Si ma curiosité est grande, je ne peux pas participer à cette rencontre : il y aurait trop de témoins, et je ne pouvais pas encore me révéler au grand jour.

- Perle, tu es proche de Deria. Apprend donc l’identité de cette force étrangère, susurrais-je à cette Dornienne qui m’avait accompagné tout au long de mes périples. Son regard est acéré et suspicieux. Je me dois de clarifier mes intentions. Sa loyauté allait, avant tout, à Deria et non à moi. Dois-je te rappeler nos derniers déboires avec le Tigre, ou encore la situation de Dorne qui rend toutes les décisions de Deria importante et cruciale pour sa propre survie ?

L’assassine cède. Le lendemain, elle revient avec quelques informations, notamment le lieu où les émissaires – ou représentants, elle n’est guère sûre – auraient élu domicile. Je devais maintenant savoir comment j’allais me présenter à ces derniers. Devrais-je porter ce masque, et endosser le rôle de cette riche et inconnue marchande ? Au contraire, devrais-je profiter de l’ignorance de mes interlocuteurs sur mon identité pour profiter d’un face-à-face franc et honnête ? Si Arianne Martell née Sand n’avait rien, pas même sa liberté, elle était une parfaite inconnue pour ces gens d’Essos : il est connu qu’il est plus aisé de discuter avec un parfait étranger. A l’inverse, Nadar était une marchande libre, Nadar était une marchande libre de ses mouvements et de ses décisions et disposant d’une petite fortune. Malheureusement, le masque rend l’échange complexe et voué à l’échec bien souvent.

Je soupire. Ma vie « d’avant » me manquait tant, à cet instant.

Je prends une décision. Je grimace déjà, tant l’idée me parait à la fois immorale et incongrue.

***

L’affaire avait été rondement menée. Une invitation avait été faite, au nom de Nadar, Marchande de Dorne, et j’eus la promesse qu’une représentante – au féminin – acceptait de me rencontrer. Je renvoie le messager, avec une proposition d’un lieu : un septuaire. Je reçois une réponse positive.

***

Qu’importe la violence des missionnaires, la majorité des croyants était des hommes et des femmes passifs, aux préoccupations plus terre à terre et plus quotidienne. Pourtant, entre les défaites, la faim, les conflits ou encore l’instabilité, ce lieu saint était à peine bondé. Quelques âmes s’étaient égarées, à peine conscient de ma propre présence et malgré ce masque ou cette lourde cape que je porte. J’étais là, à fixer l’étoile à sept branches, attendant mon invitée. Elle avait eu une description succincte de ma personne « je suis cachée aux yeux du monde, et pourtant visible parmi la foule ».

Etait-ce drôle ? En partie.

Nos timbres de voix respectifs trahissent nos origines respectives. Elle avait reconnu l’accent si distinct et si guttural propre aux Dorniens, dont je n’avais pas pu me défaire malgré ces longs mois passés aux côtés de Fer-nés ou de Riverains du Conflans. Pour autant, je ne désirais pas lui offrir toute la vérité sur un plateau d’or ou, au contraire, lui servir un récit mensonger. D’une part, je craignais de me piéger bêtement et stupidement – tel était le risque, avec une parfaite inconnue – et d’autre part, tout récit devait être amené habilement – qu’importe qu’il soit vrai ou faux – pour qu’il fasse l’effet escompté. Là, je n’en voyais nul intérêt. Je décide donc d’opter pour la prudence.

- J’ai vécu à Dorne de nombreuses années, me contentais-je de dire, omettant mon lieu de naissance. Je laisse planer volontairement le mystère.  Ne jugez pas si hâtivement ce peuple. Si vous restez suffisamment longtemps, vous vous rendrez compte qu’ils ne sont guère différents. Ils courent tout autant derrière l’amour, l’or ou le pouvoir.

La vie était bien cruelle. J’avais rêvé d’amour et de bonheur partagé avec mon âme-sœur, mais j’avais trouvé un amas d’or suffisant pour combler chaque besoin ou lubie d’ordre « matériel » que je pourrais avoir. Malheureusement, une belle toilette du Val ou un sublime joyau de l’Ouest ne me comblent pas autant que la passion, le sourire ou les caresses d’un amant sincère. Et pourtant, il semblerait que j’étais condamnée à cette riche solitude, curieuse condition où il était difficile de savoir si on devait en rire ou en pleurer.

- Si vous êtes pressés, c’est que vous attendez beaucoup de ce monde, glissais-je avec malice. Néanmoins, je sens en vous une force et une énergie considérable : je ne doute pas que vous saurez vous attaquer, ou faire face, à ce qui vous attend.

J’enviais son énergie. J’en aurais tant besoin pour faire face à toute cette bêtise humaine ! Si seulement Deria, Anders ou Roward partageaient ma vision du bonheur et abandonnaient cette course insensée du pouvoir, pour le quotidien ordinaire d’un noble oisif ! Malheureusement, je savais qu’ils ne pourraient pas se contenter d’un tel destin : ils préféraient crever, que de s’y plier. Pourtant, Que ne donnerais-je pas pour avoir le droit d’être sourde et aveugle à ce chaos !

- Je suis ravie que vous acceptez d’échanger avec moi, ma Dame. Une promesse a été faite, et je vais m’y tenir, répondis-je, réfléchissant déjà au mensonge que j’allais lui servir. J’ai longtemps tenté de me faire entendre, sans ce masque. En vain ! Je me suis posée la question suivante : est-ce en raison de mon hideux visage qui distrait mes interlocuteurs ou est-ce ma condition de femme que beaucoup, incluant la Principauté, considère comme une faiblesse ? Ce masque est donc une tentative de me faire entendre. Dans quelques semaines, ou dans quelques mois, je pourrais vous écrire pour vous partager mon sentiment, ainsi que ma conclusion sur la réussite ou l'échec de ce projet. Si vous acceptez, naturellement.

Je me tais, fière de mon petit discours. Je n’avais pas été totalement malhonnête avec la demoiselle. Certes, j’avais un joli minois aux yeux du monde – distrayant, à juste titre – et pourtant, jamais je ne m’étais trouvée plus hideuse qu’à ce jour. Quand je pense à mes actes passés, présents et « futurs », le dégoût à mon encontre allait grandissant. Je repensais aux dernières lettres rédigées et, aussitôt, mes traits se décomposent. Je ne me reconnaissais guère, sur ces dernières semaines. Et pourtant, s’il y avait à refaire, je m’y attèlerais encore. La nature humaine était bien curieuse, à bien réfléchir.

- Il me semble approprié que vous me donniez un titre, ou un prénom ou un nom, par lequel je pourrais vous appeler. La lettre que j’ai reçue de vos pairs, en retour de la mienne, m’avait simplement indiqué qu’une dame allait venir à ma rencontre. Les commères de Dorne ne sont pas aussi efficaces que vous le pensez, soufflais-je.

- Ilithia, quel beau prénom, la complimentais-je sincèrement.

Il était impossible que je sache si elle disait la vérité, ou si elle mentait. Je ne la critique pas pour autant, compte tenu de la supercherie que je lui offrais moi-même. Je n’attends pas de la sincérité d’une personne, si moi-même je n’en fais pas preuve. Loin d’être agacée, cette situation m’amusait ! Je quittais ma morne et morbide monotonie, pour me plonger dans des réflexions assez inédites. Et puis, je renouais avec ce passé où j’étais mêlée à mille et une douces ou dangereuses intrigues dont il fallait démêler le vrai du faux sur base de subtiles ou grossiers indices.

Je notais ce ton plein de respect, lorsqu’elle prononce ce prénom. Or, nous ne prononçons pas un faux prénom avec autant de gravité. Pour tout ce qui était faux, les gens avaient tendance à parler avec légèreté, comme si les paroles étaient une vieille chemise dont ils vont se débarrasser aussitôt qu’ils le pouvaient. Alors, je veux bien lui accorder le bénéfice du doute et accepter qu’elle puisse s’appeler Ilithia.

- Est-ce que votre prénom a une signification particulière ?, m’enquis-je, sincèrement curieuse.

Malheureusement, je devais prendre mon mal en patience. Elle parle, m’interrogeant sur ce lieu et me questionnant sur le secret de cet entretien. Un sourire s’étire sur mes lèvres, derrière mon masque. La dame est trop prudente, signe qu’elle a l’habitude de ces dangereux jeux d’intrigues et de duplicité. Inconsciemment, ou consciemment, elle venait de me donner un nouvel indice sur sa personne. Je récolte cette nouvelle information, mais les sens aux aguets pour une nouveauté. Elle était noble ou, au moins, importante de là où elle venait. Une conclusion simple qui se base sur une vérité universelle : Une femme intriguante d’une telle allure et d’une telle verve ne pouvait pas être une femme du peuple. Reste à savoir ce que veut dire « noblesse » à Essos. Les marchands peuvent être puissants, sans parler que chaque cité libre avait sa propre hiérarchie. Si Braavos reconnaissait tel sang, Volantis pouvait avoir un tout autre avis.

- Il y a nous, effectivement. Cependant, je ne pourrais pas vous dire les Dieux sont bien là, soufflais-je, avec un sourire amusé. Mes paroles étaient assurément obscures, pouvant signifier mille et une choses et rien à la fois ! Croyez-vous aux Sept, ou prêchez-vous une autre Foi ? demandais-je. J’ai toujours douté de la Foi aveugle en une quelconque religion. Et pourtant, j’ai toujours voulu croire en une force qui nous dépasse, qui a quelques projets pour nous là où nous pouvons en manquer, ou échouer. Je ne pensais jamais trouver une réponse à cette aspiration secrète. Mais récemment, certains événements ont guidé mes pas naturellement vers une destination … ou plutôt vers une force. Peut-être que ce n’était pas naturel, mais une affaire de destinée. Oh, voilà que je parle de moi comme si j’étais quelqu’un d’important. Je ne suis qu’un fil parmi les innombrables autres. Je ne suis pas la Tisseuse. Et si ma destinée est simple, dans l’ombre de tous ces hommes et femmes, cela me convient, dis-je, avec assurance. J’y aspire même, à la simplicité. La tentation de tout lâcher, de partir et de vivre ma vie sans toutes ces considérations politiques est si grande ! Oh, si je n’avais pas cette fratrie, je pourrais papillonner et m’envoler là où mon cœur aspire sans le moindre regret ! Et vous, à quelle destinée aspirez-vous ?

- Nadar signifie famille, soufflais-je, mentant un tantinet.

Oh, le mot n’existait pas que ce soit dans la langue commune, ou la langue de l’Ancien Valyrien – et sûrement tout autre langue existante, ici ou ailleurs. Je l’avais inventé. A mes yeux, et plus que jamais, ce mot ou ce prénom était réel et était réellement synonyme de « Famille ». N pour Nymor. A pour Arianne. D pour Deria. A pour Anders. Enfin, R pour Roward. N-A-D-A-R. Le mot, ou le prénom, était immuable au temps, aux difficultés et aux évolutions de ce monde, mettant une vérité qui ne changera jamais. Qu’importe les actions de mon père, de mes frères ou de ma sœur, qu’importe qu’ils vivent ou qu’ils meurent, ils n’en restent pas moins les fondations de mon passé, les motivations de mon présent et mes guides pour mes décisions futures.

- Vous croyez donc à la force des hommes et des femmes, plutôt qu’à la force de quelques entités spirituelles, répondis-je, le ton interrogateur. Pourtant, je dois vous avouer que je ne partage pas votre avis. Vous dites que vous croyez en ceux qui vous entourent, ou en ceux que vous voyez. Or, l’essentiel est malheureusement, bien souvent, aveugle à l’œil. Il faut lire et voir à travers le cœur. Cette tâche est ardue mais, une fois que nous nous y mettons, nous découvrons toute la fragilité des hommes et des femmes, et leurs vulnérabilités face aux jeux cruels du Destin, développais-je, le ton mêlant lassitude et amertume.

J’avais cru à tant de personnes, j’avais été déçu tant de fois ! Non, si les hommes et les femmes étaient ceux qui dirigent nos destinées, alors je préférais mourir ! Je ne pouvais pas souffrir à l’idée d’être l’esclave de cœurs perfides ou, au contraire, d’être la marionnettiste de cœurs innocents. Je n’étais plus aussi naïve, mais je n’étais pas encore aussi cruelle. Du moins, je le crois. Malgré moi, je repense à mes actions passées ou présentes, et le doute s’installe aussitôt.

- Je crois en l’existence de forces qui nous dépassent. Cependant, elles n’ont pas sept facettes. Elles sont deux courants, qui s’opposent continuellement mais qui doivent cohabiter malgré tout, pour survivre, pour exister. Par exemple, la Force et la Faiblesse, le Bien et le Mal, la Justice et l’Injustice, la Lumière et l’Ombre, le Blanc et le Noir, la Guerre et la Paix. Et j’arrête cette longue liste, là, terminais-je, refusant volontairement de prononcer le nom de R’hllor.

Il n’était pas question de pudeur, mais d’incertitude. Je refusais de prêcher une religion, à voix haute et publiquement, sans m’y être abandonné corps et âme et surtout sans bénéficier de quelques enseignements supplémentaires. En somme, j’aspirais à être instruite, mais ma Foi n’était pas d’office acquise – ou donnée.

- Vous aspirez à une destinée exceptionnelle, mais bien ardue. Comment comptez-vous l’accomplir, exactement, et surtout sur un Continent en guerre ? , demandais-je, sans détour. Pendant longtemps, j’ai été tantôt Servante de Grandes Maisons Dorniennes, et Reine de ces ruelles miséreuses. J’ai vu de Grands Hommes, et Femmes. Pourtant, aucun n’a marqué l’Histoire, et tous ont été oublié. J’ai lu de Grandes Œuvres, et tous sont encore et toujours lus avec grande attention. J’ai donc compris qu’une Destinée n’est pas oubliée, si elle est transmise de génération en génération, glissais-je, sous-entendant qu’elle devait déjà réfléchir à comment garder son nom dans quelques livres d’Histoire à travers ses exploits passés et présents. Ce n’était que de cette façon qu’elle pouvait être certaine de ne pas être oubliée.

Qu’est-ce une famille ? Est-ce le rassemblement d’hommes et de femmes partageant un même sang et nom ? Est-ce un groupuscule de personnes vivant dans un lieu commun, surmontant ensemble de nombreuses difficultés de la vie ? Est-ce une notion associée à l’amour, uniquement, ou est-ce une multitude d’émotions incluant la haine, la déception et la colère ? Quel que soit la réponse, est-ce qu’elle valait tous les sacrifices ?

- Elle l’a été, pendant longtemps. Elle l’est encore, je crois, dis-je, le ton dans le vague.

Je ne me serais pas permise une telle faiblesse auprès d’une autre personne, que je sois à visage découvert – ou couvert. Cette femme était différente. Elle avait ce feu, à la fois ardent et fragile, au fond de ses prunelles, et transpirait l’inconnu et le lointain. J’avais cette sensation de voir un reflet vague de ma propre personne, celle que j’avais été jadis – si certaine, si enflammée, si clairvoyante –, ou ce sentiment que quoi que je dise, ces paroles seront prisonnières en ce lieu et en ce temps, dès maintenant et à tout jamais.

- Les hommes et les femmes savent feindre, avec habilité. Les Belles et les Bêtes savent cacher leur jeu. Vous risquez d’y laisser de nombreuses plumes, en ne vous fiant qu’à vos yeux et à vos oreilles, l’avertissais-je. Je n’insiste pas, cependant. Elle apprendra en temps et en heure à voir à travers le cœur.

Elle m’interroge sur ma Foi. A nouveau, le doute s’empare de mon cœur. En qui, ou en quelle force est-ce que je croyais ? Était-ce R’hllor, ou était-ce un mauvais tour des Sept ? Était-ce une nouvelle force que je ne connais pas encore, ou était-ce simplement les folies d’une Dornienne aux abois au milieu du Conflans ? Enfin, plus important, est-ce que je croyais en quelque chose, en une figure ou en une force ?

- Lorsque j’étais seule dans un lieu hostile, dépouillée de tous mes biens et de toutes mes forces, nageant dans le doute que j’avais accompli la pire erreur de mon existence et que j’avais failli à la tâche confiée par les miens, j’ai fait une rencontre inattendue. J’ai été aidé par une femme habillée en rouge, que j’avais croisé sur les terres d’Essos il y a bien longtemps. Elle m’a aidé à reconsidérer mon existence, et ce que je jugeais important mais qui ne l’étais pas tant que ça. Une telle figure, impromptue, sur les terres de Westeros dominé par les Septs n’est pas du hasard. Du moins, je le pense, je le crois même. Je vous laisse me dire s’il est folie de considérer qu’il y a là un signe.

Je la laisse en être la juge. Si son avis peut être intéressant, il ne pèsera pas sur la balance de façon significative. Après tout, la croyance est une affaire intime et personnelle, qui ne concerne personne si ce n’est soi-même.

- Vous semblez vivre dans l'ombre imposante d'une grande personnalité. Il n'y a pas plus difficile fardeau que supporter ce manteau tantôt protecteur, tantôt étouffant. Je vous souhaite bien du courage pour vous en extraire, et pour vous forger votre propre Destinée, lui dis-je.

Je ne mentais pas. Mon ton était sincère. Je soupire. Le mystère allait rester opaque, j’en avais la certitude.

-  Si vous vous contentez d’être un outil, ils oublieront vos sentiments et ils vous blesseront jusqu’à vous briser. Si vous vous montrez trop sentimentales, ils verront là une faiblesse de femme et pourraient refuser quelques opportunités. Voilà ce que beaucoup vous diront, voilà ce que vous pourrez penser, glissais-je. Le seul conseil que je peux vous donner est de vivre pour vous, avant tout. Agissez pour les vôtres, si cela vous tient à cœur. Cependant, n’oubliez pas de vous enrichir à chaque action, de vous octroyer quelques bénéfices ou de clamer hauts et forts certains de vos exploits. Si quelqu’un venait à vous oublier, voire si le Monde ose vous oublier, vous pourrez alors rappeler votre existence à coup de tambours, de tonnerres et de cris de guerre s’il faut.

Pourquoi est-ce que j’exprimais une telle empathie à l’égard d’une femme ? Je ne saurais dire. Inconsciemment, peut-être que je désirais épargner à une autre brunette la vie désuète, superficielle et illusoire que j’avais mené jusqu’à là.

- Considérez ces sages paroles. Elles viennent d’une femme qui a été oubliée des siens, malgré ses sacrifices, soupirais-je.

Est-ce qu’on avait encore souvenir d’Arianne Martell, née Sand ? Je ne saurais le dire. C’était une chose que d’être dépouillée de ses plus belles toilettes, bijoux, voire un nom. C’en était une autre que de voir sa propre existence s’effacer des mémoires de tous et de toutes, alors que le cœur bat toujours.