La pensée de Megara n'était point étriquée. Sans doute par inclinaison personnelle, que par réelle volonté parentale. Elle savait que ce n'était point toujours le cas, parmi la Noblesse, et encore moins par la Royauté. Ne disait-on pas qu'un père est toujours bien plus soulagé d'avoir une fille en lieu et place d'un énième fils ? Sans doute parce qu'une fille peut chèrement se monnayer, sur le marché des unions matrimoniales. Ce qui semblait bien plus anecdotique, en fin de compte, c'était le niveau d'intellect des dites jeunes femmes. Pour certains hommes, les qualités de leurs filles ou de leurs sœurs, et même de leurs épouses, devaient principalement se résumer aux attraits de leurs courbes extérieures. Qu'elles soient capables de mener un brin de conversation passait encore, mais qu'elles soient en mesure de mener une conversation du début à la fin, en sachant mettre en avant leurs arguments et leurs connaissances, alors ça ... Megara se savait donc très bien lotie, avec ses parents. Ils l'avaient toujours incités à lire, à écrire, à se passionner pour les arts, également. L'Ouest était un terreau fertile pour de telles passions. Les étagères de la bibliothèque royale étaient très bien achalandées, et Megara bénéficiait d'un budget illimité pour obtenir les meilleurs matériaux pour coutre, peindre ou dessiner. Tout ceci avait sans doute contribué à créer une saine émulation dans son esprit, ainsi qu'à éveiller son intellect, sa logique, sa réflexion et ses compétences pour rester à l'affût de ce qui pouvait bien se passer autour d'elle. Le fait que ses parents étaient réputés pour ne point avoir les deux pieds dans le même sabot et pour ne point être les plus incultes des monarques aidait également beaucoup.

Megara connaissait ses devoirs. Elle savait à quel point elle devait parfois sacrifier aux exigences dues à son rang plutôt que de se laisser aller à ses envies personnelles. Elle était également très observatrice. Elle avait donc parfaitement remarqué qui l'avait suivie, lorsqu'elle avait eu besoin de prendre l'air et un peu de recul, et qui étaient restés confortablement assis dans les tribunes royales. Dans le même temps, elle avait parfaitement conscience des motivations qui, derrière les façades, pouvaient dicter les choix et la conduite. Ce qui ne signifiait en rien qu'elle ne puisse pas quelque peu se sentir blessée, et quelque peu attristée. Cependant, son visage demeurait parfaitement impassible, en tout cas concernant ce qu'elle pouvait bien ressentir. Que ce soit concernant cet enfant qu'elle portait et ce les émotions qui s'emparaient quelque peu d'elle. On n'attendait pas d'elle qu'elle provoque quelque remous, ni même qu'elle adresse la moindre remontrance à qui que ce soit, là, présentement, au sein de la tribune royale. Sans doute tout ceci était-il encore plus vrai pour les Lignées royales, mais on ne lavait point son linge sale en public. Cela ne se faisait tout simplement pas. D'autant plus que la jeune femme était parfaitement consciente du fait que ses émotions et ses ressentis étaient quelque peu perturbés par sa grossesse. Il fallait laisser cela de côté, ou tout du moins, essayer. Même si pour bon nombre des gens de sa famille, qui la connaissaient bien, certains petits indices pouvaient bien filtrer, de ci, de là. Quoi qu'il en était, elle ne se priva pas de remarquer que les premiers à s'enquérir de son état furent son époux, son père et son oncle. Lyman et sa mère, eux, restaient focalisés sur la joute. Concernant Jeyne, Megara ne se prononçait point, mais quelque chose lui disait qu'elle devait sans doute être parmi les personnes qui devaient sans doute le mieux comprendre tout ceci.

❧ Tu es tout pardonné. Il semble en effet que mes couleurs combinées à tes qualités t'ont portées plus loin que mon cher frère ... ❧ Fallait-il voir ici une petite pique bien sentie, mais néanmoins discrète ? Il s'agissait d'un simple constat, après tout, mais ... Mais sans doute évacuait-elle ainsi son relatif mécontentement. Si Nymeria évait été là, elle ... Passons. De toute façon, face à Rickard, son cher oncle, qui s'inquiétait lui aussi quelque peu, elle ne put que sentir ses lèvres s'étirer quelque peu en un doux sourire. ❧ Soyez rassuré, mon Oncle. Je ne deviendrais point mère en ce jour de joutes. ❧

Sans doute était-elle la plus prompt aux émotions et aux inclinaisons familiales assumées, au sein de sa fratrie. Alors, face à ce tendre baiser que lui déposait Rickard sur son front, elle sentait une douce chaleur entourée son cœur. Mais la joute s'achevait, et il lui fallait donc reporter toute son attention sur ceci. Elle avait certes quelque peu perdu de son attrait pour l'échange, mais il fallait bien un vainqueur, et en tant que Princesse, elle se devait d'être attentive. Ou tout du moins de feindre de l'être. Cela ne lui coûtait rien, et elle avait parfaitement l'habitude des prétentions de façade. Alors, elle regarde sans même voir, un peu ailleurs. Quelque peu focalisée sur sa respiration et l'apaisement des battements de son cœur. D'une certaine façon, finalement, il n'était pas si regrettable que cela que Gareth ait échoué à accéder à la lice finale, car Megara n'osait même pas imaginer ce qu'aurait alors été son état émotionnel ! Les jouteurs ne se faisaient point de cadeau, c'était le moins que l'on pouvait dire. Alors, quand Lord Tarbeck émergea en tant que vainqueur final, Megara ne put qu’acquiescer aux propos de son père et de son époux. Marquant ainsi une approbation dont le dît vainqueur n'avait sans doute point besoin, et qui lui importait personnellement peu. Mais elle applaudit, un peu comme tout le monde. Après tout, Lord Tarbeck n'avait point démérité, alors, il fallait bien l'en féliciter, et ce même s'il n'était pas exactement le vainqueur qu'aurait pu souhaiter la Princesse de l'Ouest. Quoi qu'il en était, l'agitation alentour augmenta quelque peu, la tension retombant également. Ce qui semblait permettre au Roi de quelque briser l'armure et d'enfin verbalement s'enquérir de son état.

❧ Je crains fort avoir fait une petite crise d'hyperventilation. La tête me tournait, et j'ai pensé qu'il était préférable que je m'éloigne pour ne point risquer un malaise dans les tribunes. ❧ Discrètement, elle lança un regard en coin à son frère comme à sa mère. Elle entendait bien, d'une certaine façon, qu'ils comprennent bien qu'elle n'avait point été une petite nature, concernant tout ceci. En tout cas, Gareth ne semblait point avoir perdu le Nord, ce qui la rassura quelque peu. ❧ Je pense qu'il ne serait en effet pas superflus que le Mestre m'examine. Il m'a maintes fois répété qu'au moindre signe quelque peu anormal, il devait être prévenu. Même si tout va mieux. ❧ Oui, tout allait mieux, mais tout n'était pas encore rentré dans l'ordre, s'il y avait seulement une réelle situation non alarmante et non préoccupante. Elle taisait, en tout cas, les petites douleurs entièrement dues à l'enfant. Elle ne souhaitait pas du tout inquiéter qui que ce soit, et ce bien que le Mestre n'en ignorerait rien. Lui, il n'était pas de sa famille, et il devait agir professionnellement. Cela changeait bien des choses.