La situation dans la région de la Néra restait compliquée après des jours puis des semaines d’escarmouches, de rumeurs, de coups de main plus ou moins audacieux, plus ou moins sanglants. Le Régent avait été mis au courant de la situation, tout comme l’Impératrice, souveraine en titre de la région. Il fut décidé que la résolution de ce conflit intérieur était de la responsabilité du Prince Orys et que son expérience comme ses attributions donnaient l’opportunité de rendre justice. Le conseil régent fut envoyé sur place, et une ordalie fut proposée pour venger l’honneur des Hollard violées. En cas de victoire du champion, les accusés seraient castrés. Hollard étaient d’accord, mais moins les Harte. Une bagarre éclata entre les témoins de la déclaration et les gardes de Peyredragon, portant tabard frappé du dragon, rétablirent le calme à coups de hampe, repoussant les deux parties en attente du procès.

L’absence de preuves tangibles dans un cas comme dans l’autre avaient voué la justice à se remettre au duel, sensé rendre la justice des dieux.

Le duel se déroula en territoire neutre, au milieu d’une combe forestière où, dit-on, un Roi-Triton de jadis mourut avant de léguer son royaume à ses filles. Au milieu de la clairière, les protagonistes s’équipaient sous les acclamations de la foule. C’est alors que le combat se préparait que plusieurs copistes vinrent souffler au baillis qu’ils avaient trouvé les documents et témoignages attestant du dernier testament de Lord Staunton, validant la position des Harte.

Le combat devait malgré tout avoir lieu, la foule réclamait justice pour le sang versé. Pour le baillis, il ne pouvait plus y avoir d’échappatoire.

Il commença, alors. Et le héros Harte, le frère du jeune Lord, se démenait comme un diable contre celui des Hollard, un vieux sergent de la maison. Fougueux, le jeunot prit de plus en plus de risques. Jusqu’à se faire coincer, buste de son ennemi contre son dos, arme du second glissant contre les mailles du premier et mordant son cou. Le jeune Hart tomba gorge tranchée face contre le sol, et se vida de son sang sous les yeux horrifiés de son frère.

Le baillis prit la parole, calma les vivats Hollard et les quolibets rageurs des Harte. Le jeune seigneur était en larmes. Et confia qu’il respecterait la décision de son impératrice et de son régent. La veuve Hollard fit de même, plus humblement. La troupe de vougiers maintint la foule à distance mais pas trop loin pour ne rien louper du rendu de sa justice.

« En vertu des preuves récoltées par les agents du Trône, lord Harte est reconnu comme suzerain de plein droit du fief Staunton. »

Tollé Hollard, mais les vougiers avancent d’un pas et le baillis lève la main.

« En revanche, les soldats de l’Impératrice ont retrouvé suffisamment de témoins pour identifier les coupables. »

Aussitôt, les hommes à la tunique de Dragon fendent la foule et attrapent par le col de nombreux reîtres sont les camarades, tenus sous la menace des lames et des hallebardes, restent cois mais au regard noir. Les hommes sont alignés, attitudes rétives, rebelles même.

« Procédez. »

Les hommes sont jetés à genoux, maintenus par plusieurs soldats. Ils crient, se débattent. On leur baisse les chausses, et les fermiers du coin, munis de cisailles à bœufs, passent massicoter les virilités des violeurs. Sous les hurlements de colère et de dégoût des autres mercenaires Brune, et sous l’écoeurement général avec plusieurs personnes qui dégobillent dans l’assistance. Les couinements et hurlements des condamnés mettent longtemps à se calmer.

«  Ainsi est la justice de l’Impératrice et du Régent. Les criminels sont dûment châtiés. Le bon droit est rétabli. Lord Harte, j’ai eu blanc-seing du Prince Orys de Peyredragon pour reconnaître vos droits. Mais ayez le bon sens, au nom du Trône, de trouver un terrain d’entente avec Lady Hollard. Je veux que vous fassiez parvenir sous quinzaine vos propositions au Prince Régent pour consolider la nouvelle alliance de vos maisons. Par mariage, ou par tout accord sur lequel vous vous entendrez. »

Le brouhaha n’éteint pas la voix de la justice.

Mais il faudra encore voir si ses fruits seront féconds.