Les festivités sont le socle de la civilisation westerosi ; le moment où les tensions s'atténuent, où l'on remise envie et ambition au service d'une cause, d'un lien ou d'un serment. Aucun pays n'échappe à cette règle ; les fêtes sont toujours sacrées mais le sont d'autant plus qu'elles se déroulent dans un lieu important. Dorne Valtigar souffrait d'une maladie de jeunesse terrible pour une Principauté ; la répartition du pouvoir. Cette lutte interne, silencieuse et secrète, prenait ses racines dans l'affirmation par Aerymor Valtigar et sa femme, la Princesse Nymeria Gargalen, de la Principauté comme entité comme relativement autonome dans certains domaines. La tournure, tout autant que la manœuvre, avait dès lors éveillé la suspicion des envoyés du Nouvel Empire Valyrien. L'escalade fut paradoxalement longue, faite de moults péripéties. Et rapide, car en quelques mois seulement, la situation politique de Lancehélion s'était considérablement dégradée. Dans une ambiance délétère où les rumeurs de trahison se répandaient, et où les membres d'escortes et gardes personnelles avaient une fâcheuse tendance à disparaître, il convenait de vite consolider son emprise sur la capitale de la nouvelle province Valyrienne...

Quoi de mieux que des festivités ?

Aux jardins aquatiques, proches de Lancehélion. Fête préparée avec faste, sans regarder à la dépense. Tout le gratin de la cité est invité, ainsi que le consort le Prince Aerymor et son dragon Valryon, des officiers de tous bords, des institutionnels et tout ce que la cité compte de gens importants. La Princesse Jaenyra, sœur d'Aerymor, est également présente, mais pas Maegor, l'aîné de la fratrie, dont on ne sait trop où il se trouve alors, entre Ouest, Conflans, Bief et Dorne, là où ses pérégrinations l'emmènent. La sécurité est assurée par diverses factions invitées qui toutes mettent leur grain de sel ; symptomatique d'un pouvoir concurrentiel qui ne se porte pas bien ; on retrouve des légionnaires valyriens, portant casque, lance et bouclier, à toutes les entrées, mais aussi des membres du guet de Lancehélion, dorniens donc, ainsi que les quelques gardes de la princesse Nymeria.

Les boissons commencent à être servies aux cohortes d'invités qui s'égayent dans ce paradis végétal et aquatique, où les plus belles soirées côtoient les bijoux les plus chers ; partout s'étale la prospérité du gratin dornien et valyrien. La musique commence comme un bruissement de vent, et des musiciens déboulent en tous sens pour ravir les invités. S'avancent dans une allée centrale, encadrée de cascades et cours d'eau, de plantes hautes et touffues, une cohorte de dorniens et valyriens prêts à être mariés s'avance au milieu de couleurs chatoyantes, des fontaines lancent des figures de gouttelettes dans les airs, et une symphonie de feu est crachée vers le ciel par des saltimbanques et autres cracheurs de feu qui évoquent autant le passé Rhoynar que le présent valyrien. Des tables de banquet sont dressées et partout sont disposées venaisons, fruits et légumes croquants, mets tous plus odorants et délicieux les uns que les autres.

Le clou de l'ouverture survient quand le prince Aerymor survient à la verticale des jardins, juché sur le dragon Valryon qui a continué de grandir durant l'expédition sur la flotte loyaliste au nord de la Principauté. Allumant du dragon un motif en forme de dragon et de serpent unis, le dragon amorce sa descente sous les cris de ravissement et applaudissements de l'assemblée, alors que la princesse Nymeria son épouse le regarde, heureuse, depuis un trône juché sur un balcon. La Princesse Jaenyra profite de la fête, elle aussi. Les hourras lancés vers le reptile et son chevaucheur sont tonitruants, et l'unité règne.

Un sifflement suraigu transperce les cris de joie, et puis un autre, et encore un autre. Des ombres noires encadrent le volant.

Un moment de flottement s'éternise quelques secondes, et la foule se met à hurler. Se dévoilant de couverts prévus à l'avance, en dehors des chemins de ronde des gardes, des balistes se découvrent et ouvrent le feu sur le dragon et son chevaucheur. La foule hurle et panique, se bouscule, court vers les sorties...

Les premiers tirs provoquent un hurlement déchirant du dragonneau, alors que son aile est transpercée, lacérée par un trait. Mais Aerymor, à force d'habitude, sait diriger sa bête... Et l'envoie droit sur une cible, sur laquelle Valryon tombe comme un tueur. La baliste et ses servants sont noyés dans un torrent de flammes et les corps s'agitent en hurlant, empestant tous les jardins de l'odeur de la chair brûlée. Le dragon est fou furieux, il hurle sa rage et sa douleur en déchiquetant les servants.

Les gardes sont médusés. Jaenyra, la demie-soeur d'Aerymor, reste figée de stupeur, et tente de se rapprocher malgré la foule qui fuit en tous sens de son collatéral. Nymeria, d'abord choquée, entreprend de rassembler les gardes et de les pousser à trouver les membres importants du Conseil et de la famille Valtigar, du cadre de commandement des légions, pour tous les mettre en sécurité. Elle ordonne de ramener le calme, de capturer les responsables de l'attentat.

Aerymor hurle à la foule de s'enfuir, et cherche à distinguer ses agresseurs. Tout en flattant l'encolure de sa monture et de lui souffler un « Dracarys » de circonstances... Le dragon se déchaîne. Les flammes incinèrent indifféremment comploteurs et serviteurs innocents, et Aerymor essaie de l'orienter vers ses cibles. Jaenyra qui les suit tombe sur des corps brûlant toujours, ou déjà réduit à l'état de scories fumantes. Nymeria, qui tente de la retrouver, pour la protéger, se fait sévèrement bousculer dans le mouvement de foule.

Le dragon cherche une nouvelle cible, et dévore vivant l'équipage d'une seconde baliste dont les hurlements de terreur et de souffrance ajoutent au chaos. Aerymor ne peut que s'inquiéter de la blessure à l'aile, déchirée... Valryon vole encore, mais avec une difficulté évidente pour l'oeil averti.Le macabre festin est interrompu par un nouveau sifflement et un claquement sec, suivi d'un bruit d'éclaboussures. Le hurlement du dragon hérisse tous ceux qui n'ont pas encore fui : une souffrance indicible en transparaît. Et pour cause... Un monstrueux carreau de baliste lui transperce de part en part le poitrail. Désarçonné, Aerymor saute bas sa monture qui, hurlant, s'effondre en perdant une quantité effroyable de sang, qui macule le sol spongieux des plantations des jardins aquatiques. Jaenyra le voit, l'entend. Elle se cache, convaincue qu'elle sera la prochaine.

Valryon expire en tremblant de tout son corps, appelant son frère à l'aide, Meirgyr , mais qui ne peut plus rien pour lui par son absence. Aerymor peut voir sa monture, son compagnon, expirer près de lui, étouffé dans son propre sang, la grande silhouette rocailleuse abattue par le trait mortel qui goutte encore de son sang fumant.

Alors, des gardes dorniens se mettent à attaquer de tous côtés les légionnaires valyriens qui tentent de canaliser la foule hurlant de panique vers les sorties. Les valyriens se font écharper à coups de sabres et de lances, massacrés à même le sol. On hurle trahison, et complot. On se défend comme on peut, glaive ou lance au point. Les légionnaires restent plus nombreux et après quelques minutes d'un chaos sanglant, les escortes de Jaenyra et troupes supplémentaires amenées et laissées aux portes par les dignitaires du Nouvel Empire se précipitent, glaive au poing, casques à cimier sur la tête et larges boucliers ronds devant eux. Les rebelles dorniens sont impitoyablement cernés et massacrés, certains mutilés et capturés pour interrogatoire. Vociférant ses ordres en Haut Valyrien, le Prince Aerymor ordonne aux légionnaires de tuer TOUS les dorniens, sans exception.

Les exactions commencent, et la purge des traîtres. Seigneurs et nobles dames sont massacrés, courtisans et bourgeois de la ville pour l'essentiel car tout le gratin nobiliaire de Dorne se trouve soit dans l'armée, soit dans leur fief. Mais il n'empêche que sans hésitation, les soldats valyriens massacrent hommes et femmes sans distinction pourvu qu'ils soient identifiés comme natifs par leur tenue et effets, par leur langue ou d'autres détails. La Princesse Nymeria apeurée s'enfuit avec ses derniers gardes, mais ils sont rattrapés à l'extérieur par toute une troupe de légionnaires, lances au poing, qui interdisent les chemins encaissés menant aux Jardins. Forte, autoritaire, elle tente d'expliquer sa situation et d'affirmer son allégeance et son souci de prendre ses responsabilités pour mettre fin à la tragédie en cours. Mais les valyriens ne veulent plus rien savoir, et deux dorniens sont frappés au torse à coups de lance et s'effondrent, s'étouffant dans leur propre sang. Les fidèles de la Princesse chargent et l'on se tue sans vergogne ; les civils dorniens et gardes, ciblés par le massacre, rejoignent spontanément l'entourage de leur princesse. Leur nombre permet de renverser plusieurs manipules valyriennes... Qui se renforcent, et deviennent plus nombreuses, et plus impitoyables. Les dorniens sont encerclés, dehors. Le combat est brutal, et les dorniens se battent avec l'énergie du désespoir... Beaucoup de légionnaires finissent la gorge tranchée, ou transpercés. Mais leurs rangs serrés, leur nombre, leur discipline, ne laisse aucune chance aux natifs. Isolée par les valyriens, le visage moucheté de sang, la Princesse Nymeria brandit un couteau mais qu'on lui retire, quand plusieurs légionnaires se jettent sur elle. Ruant, hurlant qu'on la lâche, la princesse se sait captive et victime de la vendetta forcenée de son époux et de ses hommes. Se dégageant de ses geôliers, elle se jette sur une aiguille sortit de sous sa robe et tombe, écume aux lèvres, le cœur tremblant sous les soubresauts d'une attaque déclenchée par le poison.

La Princesse était enceinte, et son enfant de quelques semaines à peine, mort en son sein lui aussi.

En ville, la rumeur s'est vite répandue. Et les pamphlets de séditieux, les discours d'orateurs ayant lieu au même moment que l'attentat rencontrent leur public ; des dorniens opprimés par le Bief, par les Martell et leurs revirements, par les Valyriens, et qui réclament vengeance... Les bousculades dégénèrent en batailles de rues parfois intenses, mais maîtrisées par le guet et les légionnaires, par les garnisons laissées dans les grandes villes et par les milices qui prennent le relais. Profitant du chaos répandu partout, Ellaria Gargalen, sœur de la Princesse et en partie dans la confidence, parvient avec ses hommes à quitter Lancehélion avec des besaces remplies d'or du trésor de la Principauté. Ce que savent emporter quelques individus n'est pas terrible, mais ça comptera pour quelque chose.

Les rumeurs de sédition se répandent partout dans la Principauté ; des milices se constitueraient, des troupes en armes changeraient de camp, plus rien n'arrête la folle rumeur d'un dragon abattu et d'une princesse assassinée par l'occupant, hier libérateur.

La nuit de Lancehélion se déroule dans les cris, la lumière orange des incendies qui montent au ciel et les désordres civils qui font couler le sang dans les rues de la capitale ; le Nouvel Empire Valyrien, et la Dorne Valtigar, viennent d'être frappés en plein cœur, mais répliquent avec force et détermination.