Il n’avait pas fallu bien longtemps pour que la guerre ne reprenne ses droits dans l’Orage. A peine le soleil était-il revenu sans être entrecoupé de chutes de neige que le fracas des armes repris ses droits.
Les Orageois avaient depuis longtemps compris que le sud du pays était ouvert, et la route d’Accalmie l’était tout autant du fait de la capture par les bieffois des villes de Lestival, de Havrenoir et de Séréna. Il n’y avait rien entre eux et la capitale, rien si ce n’était les débris du magnifique ost royal rassemblé et réformé par Argilac Durrandon mais dont les positions étaient mal connues. Les villages forestiers de la région des sources de la Wend avaient vécu relativement en paix, pendant des années. Loin des zones de combat, ils avaient vu au loin les armées de l’Orage et du Conflans s’écharper, ou passer à vive allure des cavaliers venus d’Essos qui avaient pillé l’est. Ils pensaient qu’être éloignés de tout les sauverait des affres de la guerre.
Alors que le petit village de Wend-La-Haute travaillait déjà à sortir son bétail des étables pour aller paître dans les collines boisées de la région, une longue ligne de cavaliers apparu sur le sommet des collines de l’ouest. Tous bieffois. Bannières de la Tour Eclairée, de la Main Verte ou de la Grappe de raisons, voire du Chasseur Rouge. La cloche du petit septuaire sonna mais c’était trop tard. Les cavaliers légèrement équipés étaient déjà sur le village.
Munis de torches, ils incendièrent bien vite les maisons de torchis et les étables, tout en s’attaquant au peuple présent. Des horreurs sans nom s’abattirent bien vite sur la petite communauté ; les rares hommes qui n’étaient pas partis pour l’armée furent massacrés, leurs corps mutilés, tandis que pareil carnage attendaient les enfants. Les femmes eurent droit à une agonie plus longue, les hommes d’armes les violentant jusqu’à ce que mort s’ensuive, ces centaines de soudards étant impossibles à arrêter et à contrôler. Dans le sang et l’horreur, toute discipline n’avait pas été abolie. Les réserves de vivres et de fourrages avaient été emmenées, en même temps que les dizaines de moutons et de chèvres que comptait le village.
Se répandit bien vite l’histoire de Wend-La-Haute dans toute la région du Bois-Du-Roi et de Fellwood. La rumeur alla toutefois moins vite que les cavaliers eux-mêmes, qui eurent le temps d’attaquer une dizaine d’autres villages en l’espace de quelques jours seulement, jetant des dizaines de survivants sur les routes. Derrière eux, les récits variaient sur la force de la troupe qui pillait tout sur son passage. Certains parlaient de milliers de cavaliers déchaînés, d’autres de quelques dizaines seulement. La force ne semblait pas poursuivre de buts précis autres que le butin et le carnage ; les cavaliers ne s’étaient approchés d’aucune ville d’importance, continuaient de battre la région sud-ouest du Bois du Roi et de la mettre à feu et à sang.
A chaque fois, des récits de terreur ; des miliciens renvoyés dans les lignes orageoises les mains coupées, femmes violées et éventrées, laissées pour nourrir les chiens, septons brûlés comme hérétiques…
Pas de doute, le Bief venait de lancer sa campagne de printemps.