Les Valtigar étaient arrivés depuis plus de six mois sur le continent. Ils avaient commencé par assassiner la Princesse en titre, puis par prendre le contrôle de Lancehélion, de toute la côte, puis de pousser. Force est toutefois de constater au bout d'une demi-année d'expédition, que celle-ci avait tourné court. L'un des héritiers du diadoque était mort, Aerymor, abattu avec son dragon par son épouse Nymeria Gargalen, qui avait par complot et par attentat acté la rupture avec l'occupant. La maîtrise du territoire était vite devenue impossible, car Aerymor abattu, Maegor, l'héritier et le chef de l'expédition, se trouvait quant à lui à parcourir les couronnes encore libres de Westeros pour trouver amis ou alliés. Comme Jaenyra, fille bâtarde du diadoque, mais finalement sans trop de succès pour l'un ou l'autre ; quelques liens avec le Bief et surtout avec l'Ouest, mais finalement peu pérennes. L'armée dornienne restante, celle des Allyrion, avait littéralement fait tourner en rond pendant des mois son homologue de Volantis. Les Valyriens, pourtant expérimentés, n'avaient jamais su trouver la combinaison de mobilité et de ruse pour débusquer l'armée locale.
Finalement coupés de leurs soutiens locaux, presque tous ramenés dans le giron de la nouvelle Princesse Mahée Allyrion, ou bien en lutte pour l'indépendance comme les lords Garland ou Brooke, les Valtigar n'eurent pas le choix que de partir. Le maintien était devenu politiquement impossible, et militairement aventureux. Risquer la confrontation dans ces conditions confinait au suicide, sans bases arrières ou soutien populaire. Dévaster Lancehélion, massacrer la précédente famille princière, vivre au milieu des complots et des assassinats, avait sapé les bases et les efforts de toute l'expédition, que ce soit pour séduire les autres puissances et s'affirmer auprès du peuple.
Alors, il fallait partir. Quand les succès n'avaient pas été décisifs, l'isolement permettait que l'échec le devienne.
Jaenyra Valtigar avait acté le retrait de Lancehélion avec son frère, arguant que les Valtigar ne sauraient plus la tenir. Et alors qu'au nord de la cité s'affrontaient les loyalistes du nouveau pouvoir en Dorne, et ceux qui maintenaient un désir d'indépendance, les dernières légions valyriennes plièrent bagage. Pas de bataille, en tout cas aucun affrontement majeur. Pas d'alliances ou de grands retournements de situation, aucune progression pérenne.
L'expédition avait échoué, non dans la défaite, mais dans le statu quo.
Invaincus, les valyriens s'apprêtaient à poursuivre l'expédition en Westeros. Déjà en partie débarqués à Solfoyer dans le Bief, il était vraisemblable que les restes de la garnison de Lancehélion aillent renforcer cette nouvelle anabase.
Il n'y eu ni fleurs ni couronnes de lauriers pour les conquérants qui partirent. Nul incident non plus.
Seulement le discret et glacial au revoir d'une population ensanglantée par la folie d'Aerymor Valtigar, par l'occupation passée de tranquille et pleine d'espérances, à l'abus de pouvoir le plus meurtrier.
Aussitôt, un courrier caracola jusqu'au siège de Spectremont. L'homme alla voir, une fois n'est pas coutume, Roward Martell en tout premier chef, pour lui signifier que les clefs de la ville et de son centre de pouvoir lui étaient rendus.
L'homme encaissa le choc, la libération émouvante d'une vie de guerres et de drames familiaux qui duraient depuis trois ans, le concernant.
Sa ville, sa maison, sa patrie. Rendue.
Et Dorne, presque totalement réunifiée sous la bannière Allyrion, ne restant plus à rallier -ou détruire- la modeste Spectremont sévèrement bombardée depuis des jours, dont les perspectives s'envolaient dans le ciel en volutes de fumée noire.
La Principauté aura été enterrée par les armes, et aura vécu une renaissance par elles. A l'avenir, il faudrait la construire sur autre chose...
Plus au sud, dans le défilé silencieux des lanciers et archers de l'Est, des cataphractaires et de quelques éléphants exotiques, pas de gloire ni de panache, seulement la martiale discipline de suivre leurs dragonniers de maîtres qui voyaient au delà de la conquête.
La course du destin continuait.