La situation était plus que tendue et cela depuis plusieurs jours maintenant. Certes, Jon avait toujours été un homme bien prompt à l'emportement et cela n'était pas toujours évident pour lui de se contenir. Généralement, cela explosait en compagnie de son père, comme si ce dernier avait une capacité à appuyer, ou à titiller le jeune homme pile à l'endroit qu'il fallait pour pouvoir déclencher l'ire de ce dernier. Était-ce parce qu'ils étaient trop différents pour parvenir à comprendre le point de vue que l'autre pouvait chercher à présenter et à défendre ? Était-ce parce qu'ils étaient au contraire bien trop semblables et qu'ils n'étaient pas possible qu'ils parviennent à s'écouter convenablement, toujours coincés entre la réalité du devoir et la force des envies personnelles ? Bien souvent, cela tournait autour de fait que Jon n'était pas assez ouvert sur le monde et qu'il ne voyait que la protection de la souveraineté du Nord malgré son adhésion à l'Empire, où il n'avait pas eu véritablement son mot à dire quand son père lui avait présenté la constitution. Cela aurait été un camouflet terrible pour Torrhen Stark, ou plutôt Torrhen Braenaryon, de voir son propre fils refusant de signer pour cet Empire qui devait apporter la paix à tout Westeros et qui pour le moment, ne faisait que cristalliser un peu plus la guerre jour après jour. Voilà, la plupart du temps, c'était contre Torrhen que Jon était le plus en colère. Il y avait eu trop de secrets et d'incompréhensions entre eux, trop de non-dits et trop d'absences pour qu'ils parviennent véritablement à se retrouver et pourtant, du côté de Jon, quand il était loin de ce dernier, il ressentait un sincère plaisir à imaginer les retrouvailles avec ce dernier. Ce qui était totalement contradictoire, mais le Jeune Loup était un homme bourré de contradictions dans bien des domaines. Ce n'était pas pour autant qu'il ne manquait pas de servir la cause pour laquelle il s'était engagé avec plus ou moins d'enthousiasme suivant les périodes.

Néanmoins, il avait fallu qu'un cataclysme se déclenche à Vivesaigues pour finalement permettre à Jon de devenir sans doute, l'un des plus grands défenseurs de l'Empire et de la cohésion de ce dernier. Il avait toujours été extrêmement curieux, et quand la Constitution avait été ratifié, il n'avait pas manqué de lire et relire chaque point pour être bien certains des droits et des devoirs de chacun. Et ainsi pouvoir être en mesure de rappeler à l'ordre si nécessaire. Pour autant, il n'aurait jamais imaginé un jour que cela puisse être envers Lyham Tully qu'il vienne à devoir faire un rappel à l'ordre mais il fallait dire que son beau-père avait dépassé des limites inacceptables et qu'il n'y avait pas d'autres mots pour exprimer la colère de Jon que de parler de vive rage, prête à réduire en poussière le monarque, s'il avait en capacité de détenir un dragon pour pouvoir faire brûler ce dernier. Il avait immédiatement communiqué avec son père présent à Fort-Darion, et comme la réponse ne l'avait pas totalement satisfaite, il s'était adressé à son grand-père, représentant du Nord au Collège Impérial pour ainsi présenté la trahison du Conflans. Comment Lyham avait pu prendre la décision, sans en parler à personne au préalable, de voir pour négocier une paix avec les Lannister ? C'était tout bonnement inconcevable, et pour Jon s'était une pure trahison. Il pouvait comprendre que la guerre venait à le fatiguer, ils étaient tous épuisés, ils avaient tous perdu des gens qu'ils aimaient et respectaient, mais il était hors de question de laisser quoi que ce soit à l'Ouest après tout ce qu'ils avaient fait contre l'Empire. Et pourtant, Jon ne rêvait que d'une chose, c'était de pouvoir retrouver sa sœur, mais sans doute pas avant d'avoir fait passer son époux de vie à trépas. Il était hors de question qu'il vienne à passer outre cette promesse funeste qu'il lui avait fait. Quelque chose s'était brisé entre les deux souverains, et les deux alliés, encore plus les deux membres d'une même famille. Cela lui faisait du mal en y pensant, car il appréciait Lyham et ne voulait en aucun cas faire souffrir Eléanor, mais il y avait des choses qu'un homme ne pouvait accepter et ce n'était pas seulement une question d'ego, mais bien une question de confiance.

Et Jon n'avait plus confiance en Lyham. Il avait donc quitté ses appartements au sein même du château, prenant ses quartiers au sein du fortin que le Nord avait récupéré à l'Ouest et étant bien mieux avec ses troupes qu'avec son beau-père. Jon était épuisé, et avait fini par s'endormir, d'un vrai sommeil ce qui lui était assez rare chez lui, mais on vint le réveiller en catastrophe aux premières lueurs de l'aube. « Votre Majesté … Des dragons ! » Il se redressa vivement, prêt à récupérer son épée s'il le fallait, mais le page secoua la tête comme pour lui dire que ce n'était pas nécessaire. « C'est l'Impératrice et le Prince Régent de Peyredragon. ». La mâchoire du souverain aurait pu se décrocher de surprise, mais il haussa un sourcil interrogateur et s'habilla prestement. Si les deux étaient présents ici, c'est que l'Impératrice jugeait la situation assez grave pour intervenir directement. Il dut faire un effort surhumain pour ne pas jubiler d'une certaine façon, avant de sortir de sa tente et il demanda alors à ce que l'on l'emmène jusqu'à la cour intérieur du château de Vivesaigues. C'est à cheval et accompagné de quelques gardes personnels qu'il fit son entrée. Mais la présence des dragons affolait les chevaux et il descendit bien vite du sien, demandant à ce qu'on les emporte un peu plus loin pour les calmer et éviter tout incident. Il s'approcha un peu en direction d'Orys qu'il pouvait voir facilement, mais il resta à bonne distance des deux dragons, n'ayant nullement envie de provoquer une réaction violente de leur part. « Votre Altesse, nous n'attendions pas votre venue. Ce n'est pas que je ne suis pas heureux de vous voir ou de les voir eux, mais cela me surprend malgré tout ... »

Jon se souvenait encore parfaitement du jour où son père lui avait fait part de son projet tout entier de créer cet Empire hors norme. Il se souvenait de tout dans les moindres détails, bien que c'était ses souvenirs à lui et que le temps, peut-être, était venu modifier la réalité et que chacun pouvait avoir une perception différente d'un même événement. Le jeune homme, qu'il était à l'époque avait pu voir ce que le Conclave de Goëville devait donner, ce qu'il aurait pu donner et ce que finalement il en avait résulté avec le temps, c'est-à-dire une bataille générale qui n'épargnait plus un seul endroit de Westeros à présent et qui semblait si puissant que cela avait attiré même des ennemis venus d'ailleurs. Il venait de participer à sa première véritable bataille contre les Sauvageons, expérience qui avait failli lui être fatal avant qu'il ne se retrouve propulser dans le cœur même d'une campagne à la tête de ses propres troupes. Jon, alors encore prince héritier, avait été réellement fier de ce qu'il était en train d'accomplir, même s'il était parfaitement conscient qu'il était encore loin d'avoir la stature, l'expérience ou le savoir faire, l'esprit tactique de son père ou de ses frères. Il était un Stark qui se devait encore de faire ses preuves, mais une partie de lui était convaincu qu'il était sur le droit chemin, sans penser un seul instant que les choses allaient prendre une telle tournure. Car finalement, petit à petit, tous ces éléments avaient fini par les conduire vers une autre forme d'alliance. Alors que celle entre le Nord, le Val et Peyredragon n'étaient plus qu'un vieux souvenir qui laissait un goût amer de désillusion dans la bouche et une certaine rancoeur dans l'esprit, Nord et Peyredragon avaient décidé de s'unir pour le meilleur et pour le pire. L'union politique venant à se doubler d'une union au sens premier du mot. Et de tout un tas de changements auquel le prince devait faire face. L'Empire, la Constitution, la Couronne. Le tout était venu à se mélanger et même s'il avait bien écouté ce que son père lui avait expliqué, il avait finalement choisi d'accepter cette dernière plus par loyauté envers son père que par véritable conviction et cela avait continué depuis car il n'en restait pas moins un homme du Nord et qu'il estimait que le royaume qui l'avait vu naître devait avoir la primeur sur le reste.

Mais même pour lui, qui était sans doute le plus réfractaire à ce nouveau système que son père et sa belle-mère étaient en train d'imposer sur Westeros plus par la force que la diplomatie, il n'en restait pas moins qu'il y avait un code d'honneur à respecter, et cela était tout simplement non négociable. Les droits et les devoirs qu'offraient ou imposaient l'Empire devaient permettre de le faire fonctionner convenablement. Tout le monde ne pouvait pas toujours être pleinement d'accord, c'était le propre de l'être humain, mais alors le principe était d'en discuter, pour pouvoir permettre de trouver un compromis. Lyham avait été l'un des premiers et l'un des plus fervents défenseurs de cette cause et de ces principes, alors cela n'avait tout simplement pas manqué de rendre Jon furieux de le voir ainsi se détourner, avec une telle rapidité et sans aucune once de scrupule pour pouvoir chercher à communiquer, à négocier même avec l'ennemi. Il avait donc fait porter l'information jusqu'à son père qui lui avait répondu que c'était une simple erreur ou peut-être un subterfuge … Ce en quoi, le Roi du Nord n'avait pas cru un seul instant, alors il avait agit, en apprenant qu'il y aurait une rencontre au sommet du Collège Impérial et avait prévenu son grand-père. Cela avait visiblement eu un effet, pas forcément celui qu'il avait imaginé mais voir deux dragons parvenir jusqu'ici avec l'Impératrice en personne, en compagnie de Orys Baratheon lui procurait une certaine satisfaction. « Je suis fort heureux de voir que Lord Karstark ait su trouver les mots pour faire comprendre à l'ensemble du Collège Impérial la triste décision que mon beau-père a pu prendre vis-à-vis de l'Ouest. Les mots sont peut-être durs à dire, et même à entendre, mais les dernières décisions et les dernières actions de la part du Roi Lyham Tully sont pour moi un acte de trahison, je ne saurais employer d'autres mots au vu du contexte actuel. » Il serra les poings fortement gardant néanmoins un masque imperturbable. « C'est une très bonne nouvelle que vous soyez là … J'espère que cela sera suffisant pour remettre ce dernier sur le droit chemin. Si vous le désirez nous pouvons rejoindre mes anciens appartements au sein du château ou le fortin que nous occupons et qui me permet d'avoir une distance polie avec le Roi pour discuter de tout cela. » Il ne voulait pas inquiéter un peu plus les hommes d'un camp ou de l'autre.

Jusqu'à aujourd'hui, la situation du Conflans semblait à peu près sous contrôle. L'Empereur et le Nord avaient fait en sorte de sécuriser au maximum le territoire, ce qui n'était clairement pas évident puisque ce dernier était en plein centre de Westeros et donc que pour les manœuvres militaires, il se retrouvait tout particulièrement bouleverser par les jeux des différentes puissances qui venaient à l'entourer et à l'étouffer. Jon avait été particulièrement sceptique au début concernant Lyham Tully, alors qu'il s'était retrouvé, déjà à cette époque, acculé au cœur de son château de Vivesaigues. Torrhen et Rhaenys avaient pris la décision de lui proposer la couronne du Conflans, si en contre-partie, il liait pleinement son destin à celui de l'Empire qu'ils étaient en train de fonder. La maison avait été couronné des générations auparavant, mais aujourd'hui, elle était loin d'être à la hauteur de sa gloire passée, elle n'avait plus la même puissance, ni même la force, seule, de rallier les hommes et les femmes du royaume sous sa bannière. Il fallait bien dire que Harren Hoare régnait en maître et sans partage depuis bien longtemps et qu'il savait imposé une rigueur, une obligation de dévouement, et la promesse certaine de mort pour ceux qui seraient considérés comme des traîtres. Pour autant, le couple impérial y avait cru profondément, Lyham était devenu roi, sa fille avait gagné le droit d'épouser le nouveau roi du Nord, entérinant un peu plus l'alliance. Eleanor était devenue Reine et par cette obligation maritale, Jon avait du venir au secours de son beau-père pour sécuriser une partie du Conflans, car les troupes de ce dernier était ridicule pour parvenir à une telle mission. Et là, quand il avait été avéré que Vivesaigues était cette fois au prise de l'Ouest, il n'y avait pas eu à tergiverser plus longtemps. Le Jeune Loup avait quitté femme et enfants, avait quitté Winterfell au plus vite pour prendre le commandement de ses troupes, laissées jusque là au bon soin de son Sénéchal et prendre la direction de la capitale pour pouvoir défendre les terres et les libérer de l'envahisseur. La suite n'avait été qu'une vaste blague, entre le fait qu'on lui avait reproché d'être trop pédant, pas assez impliqué dans le processus et d'avoir peur de se mouiller face à l'ennemi. Pour que finalement, Lyham fasse volte-face, et qu'il exprime tout l'affliction de son peuple, de ses troupes et qu'il se voit en nouveau négociateur de paix. Jon savait qu'il ne devait pas se faire dévorer par son orgueil ou sa fierté, chose qui ne lui était nullement bénéfique, mais là, il devait bien avouer qu'il ne savait plus vraiment sur quel pied dansé et quelle attitude il devait avoir face à son beau-père.