Silencieuse. Les mains tremblantes étaient cachées comme elle le pouvait en serrant ses paumes l'une contre l'autre. Elle avait l'impression que son corset venait à trop lui enserrer la poitrine, qu'elle n'était pas assez bien apprêtée pour ce grand moment, ou au contraire, qu'elle l'était peut-être de trop au vu de la guerre qui était en train de se jouer dans le Val. Certes, tous les membres de l'aristocratie n'avaient pas pu se déplacer pour le grand événement royal, plus ou moins fait dans la précipitation, bien que les rumeurs circulaient depuis un moment. Pour autant, ce n'était pas parce que la Cour n'était pas venue entièrement que cela était plus rassurant, qu'il y avait moins de pression, moins d'angoisse aussi qui ne la quittait pas depuis la veille. On avait laissé Ysilia seule pour sa dernière soirée en tant que jeune fille, avant d'être unie devant les hommes et les Dieux avec le jeune souverain Ronnel Arryn. Cela avait sans doute été la pire nuit qu'elle avait passé depuis bien des années, elle avait fini par somnoler, il avait fallu attendre presque le bout des ténèbres pour qu'elle parvienne à fermer un peu l'oeil, avant que l'impératif des préparatifs et l'absolue réalité du moment ne l'oblige à quitter le lit sur lequel elle s'était échouée. Il n'était plus question cette fois de savoir si elle allait bien se marier ou non, à moins qu'un dragon ne s'abatte sur le château ou qu'il y ait une tentative d'assassinat, cela allait bel et bien se concrétiser. Elle n'était pas plus calme pour autant, ayant peur de faire un faux pas, devant ses parents, devant son futur mari et devant le peuple qui allait devenir le sien. On pouvait être préparé une vie entière, ce n'était pas pour autant que c'était plus simple. C'était en tout cas ce qu'Ysilia ressentait à ce moment-là.

Heureusement, Lyra avait eu la possibilité de faire le chemin jusque là pour rejoindre époux et enfant pour le grand jour. La présence de sa mère à ses côtés avait été un baume pour le cœur de la jeune damoiselle et lui avait procuré un certain soulagement. Avant qu'elle ne vienne définitivement à quitter l'âge de l'enfance, cette dernière l'avait prise dans ses bras, la serrant avec tendresse, essuyant la larme qui s'était glissée sur sa joue avant de jeter un dernier coup d'oeil à la tenue qu'elle portait. Elle était une Royce, et elle devait se comporter, et se montrer, comme la Reine qu'elle allait devenir d'ici peu. Ysilia poussa un long soupir, prit une grande expiration et après quelques secondes, elle s'engagea alors dans l'allée qui avait été créée pour qu'elle puisse rejoindre son futur époux, passant devant tous les nobles présents par la même occasion. Elle souriait, quelque peu figée mais elle souriait néanmoins. Certes, ce n'était pas le mariage dont elle avait rêvé, la guerre venant à poser quelques problèmes logistiques et de prestige sans doute. Ce n'était pas non plus le mari qu'elle avait pensé avoir et une part d'elle-même, elle s'inquiétait sincèrement de voir ce dernier se décomposer devant l'assistance, en pensant tout simplement à la dernière fois où il avait attendu sa promise, celle qu'il avait choisi, celle qu'il aimait profondément. C'était terrible de se dire qu'elle n'était que le second choix, et qu'elle allait encore devoir combattre longtemps un fantôme. Néanmoins, elle savait où était sa place, et qu'elle était la Reine qu'elle voulait devenir, elle prendrait sa place d'épouse de gré ou de force, mais elle ne laisserait pas passer sa chance. Elle croisa un instant le regard de son père, ayant besoin de son accord implicite encore une fois, puis enfin, elle arriva devant le Roi. S'inclinant face à lui, elle se redressa lentement et lui adressa un sourire confiant. Ils pouvait y arriver. Ensemble.

Du haut d’une fenêtre de la demeure des Vanbois, je balaye leur domaine du regard. Je ne peux pas réprimer un soupire agacé : le mariage est loin d’être célébré sous de bons augures. En raison de l’état de guerre du Royaume, nombreux seigneurs et leurs entourages manquent à l’appel et le Trésor est soumis à un contrôle très rigide. Par conséquent, l’assemblée est composée principalement de soldats et le décor est bien sommaire en comparaison de mon premier mariage. Heureusement, notre longue halte à Chêne-en-fer paie. A défaut d’un mariage aux Eyrié ou à Roche-Aux-Runes, nous sommes malgré tout sur les terres natales de Lyra Royce, ma belle-mère. Nous ne nous marrions pas sur un domaine étranger, pour nous deux : Ysilia y est liée par le sang, et je le suis par le titre de Roi.

Mon nouveau capitaine de la garde, un vieil homme, m’invite à rejoindre la mariée. Je me pare d’un sourire courtois en chemin, me promettant de ne pas m’en départir de toute la cérémonie. En plus d’un terrible et pauvre mariage politique, je ne suis pas assez cruel pour lui infliger un époux boudeur en prime. D’une certaine façon, paraître affable ou heureux par la perspective de cette union est un cadeau de mariage. Oh, j’ai bien prévu de lui offrir un présent plus consistant – un bijou des plus beaux –, pour l’occasion. En accompagnement à ce dernier, un sourire ne serait pas de trop.

Je suis accueilli par Asher, mon conseiller, mon cousin et maintenant mon beau-père. Il cumule bien des titres, mais je ne suis pas spécialement outré ou frustré. J’ai accepté qu’il accède à autant de droits et honneurs pour une raison précise. Si l’affaire tourne mal pour moi dans les semaines à venir, je compte grandement sur Lord Royce, Ysilia et Jonos pour assurer ma succession. Le premier sera régent, soit au nom de mon jeune frère, soit au nom de l’héritier à venir. Il y aura droit à la fois pour tous ces noms cumulés, mais également pour ce sang qui coule dans ses veines. Je suis persuadé que le Val se rangera aisément derrière ces trois figures, unis et soudés. Il y aura naturellement des dissensions, mais nulle guerre civile. Et je peux éviter cette dernière, si je joue convenablement mes alliances avec nos alliés actuels, ou avec de nouvelles alliances.

J’espère ne pas me tromper.

- Il est bien connu que tout beau-fils est toujours heureux de voir son beau-père, répondis-je avec un brin d’impertinence. Si je suis assez calme et poli, il m’arrive d’essayer d’être joueur. Je vous remercie, également, de me confier votre fille. Je ferais au mieux pour être à la fois un bon Roi et époux pour Ysilia, promis-je.

Cependant, lui comme moi savions bien que cette promesse est dépendante des intérêts du Val. Je trahirai mille et une parole, sauf celle faite pour mon Royaume.

Je me retourne vers Ysilia, et m’incline face à elle.

- Vous êtes splendides, ma dame. C’est fort malheureux que la guerre empêche vos futurs sujets à admirer votre beauté. Cependant, je vous promets d’y remédier dès que nous serons enfin en paix, dis-je.

Puis je me mets à ses côtés, et je l’invite à poser sa main sur mon bras. Il est temps de se rendre dans les jardins de ce domaine pour la cérémonie. Je dois avouer que je n’ai pas beaucoup réfléchi à cette dernière, ayant simplement exigé de respecter les traditions de la maison Arryn lors d’un mariage royal. Heureusement, ni Asher, ni Ysilia n’ont émis aucune objection ou rajouté une quelconque difficulté sur la question religieuse. Ai-je bien fait de me marier à une femme priant les Anciens Dieux ? Les semaines à venir vont bien vite montrer si la religion de la nouvelle Reine du Val va créer polémique ou non. Si jamais c’est le cas, alors bien de mes efforts vont être réduits à néant et bien de mes espérances vont être anéanties. Je retiens un soupire, maintenant ce sourire : j’aviserai le moment venu. Est-ce que ces dons faits à la fois aux septuaires et aux hauts lieux spirituels des vieux dieux du nord suffiront à calmer quelques fièvres religieuses ? Prions qu’Asher et moi-même n’avons pas eu tort.

Son destin allait totalement changer à partir d'aujourd'hui. Après un temps qui lui avait semblé interminable depuis qu'on était venu lui annoncer officieusement qu'elle allait devenir, si aucun problème ne se présentait alors, la nouvelle Reine du Val et de la Montagne, elle avait commencé à se sentir impatiente. Ysilia avait la volonté que les choses se fassent, et qu'elle se fasse le plus rapidement possible pour diverses raisons. La première était bien évidemment qu'elle ne voulait pas une nouvelle fois restée sur le carreau, qu'on vienne à lui promettre monts et merveilles, et que finalement, une autre lui soit préférée. Si encore, elle avait compris le pourquoi du comment pour son mariage avorté avec Jon Stark, elle doutait sérieusement d'accepter aussi facilement la défaite cette fois-ci. Ce n'était pas seulement pour l'affront que cela aurait causé à sa famille, à la maison des Royce, mais cela aurait été bien plus personnel, remettant en cause la jeune femme qu'elle était, son intégrité, ses capacités et bouleversant ses émotions de façon démesurée. Plus on montait haut, ou plus on vous le faisait en tout cas croire et espérer, et plus la chute pouvait être violente ensuite. Le royaume était plongé dans une guerre difficile, et si on désirait se démarquer, si on désirait gagner, il fallait s'allier, mais cela alors venait à passer aussi par le mariage, et Ronnel étant à la fin de son deuil officiel, suite à la disparition de sa première épouse, il devenait un parti plus qu'intéressant. Elle aurait pu facilement être mise de côté pour le bien du Val et les besoins les plus pressants pour parer l'ennemi. Rien de bien réjouissant en effet, mais le jeu politique et militaire était ainsi. Ensuite, elle voulait que cette étape-là, se déroule le plus rapidement possible alors qu'elle sentait la pression monter en elle à un niveau plus que déraisonnable. Les discussions avec son père, puis avec son futur époux, l'avaient rassuré sur certains points, et d'autres ne lui avaient guère plu, surtout venant de Ronnel. Mais le devoir était ce qu'il était, et elle tiendrait parole. Enfin, elle désirait savoir comment cela serait d'avoir officiellement le statut de Reine, autant auprès du reste de la Cour, de l'aristocratie ou bien des gens du peuple, mais également dans l'intimité de sa relation avec le jeune souverain. Toutes ses idées lui donnaient l'impression que son esprit n'allait pas tarder à exploser.

La visite de son père avait eu le don de la surprendre, mais également de la soulager. Il restait là, avec elle, à sa façon mais là dans tous les cas. Quand il vint à lui prendre les mains, elle s'accrocha à ses dernières, alors que les larmes montaient à ses yeux et que sa respiration se faisait plus lourde. Elle dut lutter fortement contre elle-même pour ne pas les laisser s'échapper de ses yeux, alors que le discours d'Asher la touchait en plein cœur. « Je vous remercie Père, d'avoir toujours été là pour moi, et de me promettre en ce jour si important de continuer à être à mes côtés, et pas seulement parce que vous êtes au service de mon futur époux ... » Elle frissonna au contact de ses lèvres sur son front et ne put retenir une larme sur sa joue. « Je vous aime également Père. » Murmura-t-elle à son attention, un sourire délicat et plein d'émotions aux lèvres. Elle se mit à rire à ses dernières paroles et secoua la tête quelques instants avant de plonger son regard dans le sien, avec un brin de malice dans ses yeux. « Je vous promets que cela sera notre petit secret. » Son cœur semblait à la fois plus léger après cet échange réconfortant et à la fois, il se fit plus lourd quand il la laissa face à son destin. Elle acheva donc de se préparer avant de retrouver son futur époux qui semblait en pleine discussion avec son père. Elle leur adressa à tous deux un sourire sincère, camouflant les sentiments qui étaient les siens en cet instant. « Ne vous inquiétez pas votre Majesté, la guerre a des exigences que nous ne pouvons faire taire. Je ne manquerai pas de me rendre auprès de mes futurs sujets, non pas pour qu'il découvre la beauté de leur Reine, mais qu'il découvre celle qui veillera sur eux à vos côtés à présent. Je compte bien m'y employer de tout mon cœur, de tout mon corps et de toute mon âme. Nous aurons le temps pour les frivolités quand les jours seront meilleurs. » Elle glissa alors son bras autour de celui de Ronnel et elle se mit donc en route avec lui pour sceller leurs destins.

Si nous nous étions dûment entendus avec mon conseiller royal – cousin, et maintenant beau-père – au sujet de la religion, je n’en reste pas moins inquiet. Si mon alliance avec les Puissances Centrales m’assure un certain répit sur la question religieuse, je ne suis pas dupe. Tôt ou tard, le Grand Septon va s’intéresser aux croyances d’Ysilia, voire exiger une conversion. Je dois donc m’employer pour que cette future affaire ne cause pas une nouvelle confusion au sein du Royaume, et briser encore sa fragile unité. Les idées ne manquent pas, naturellement.

En tant que Roi, il est de mon devoir d’assurer l’avenir de mon peuple, et de ma maison. Cette préparation suppose la naissance d’un héritier, la mise en place de lois convenables et adaptés à cette époque-ci, l’investissement important dans de nouvelles structures ou dans le domaine militaire pour améliorer le bien-être de chacun ou la sécurité de nos frontières et ainsi de suite. La guerre n’est qu’un élément parmi d’autres, qui peut ouvrir des opportunités de grandeur ou, à l’inverse, apporter le chaos – mais pour un lendemain bien meilleur, où nous avons appris de nos erreurs.

Ysilia et Jonos sont mes héritages, s’il m’arrive malheur dans les jours, semaines ou mois à venir. Qu’importe que mon premier enfant soit une fille, ou un garçon, le Val a son héritier. Dans tous les cas, une régence sera mise en place. Asher et Mère travailleront sûrement de concert pour maintenir la maison Arryn comme seule et unique Maison Souveraine. Tous deux ont suffisamment de pouvoirs, et d’influences, pour y arriver. Le seul risque serait que mon conseiller royal fasse preuve davantage d’ambition, et soit soutenu par la noblesse valoise. Si tel est le cas, mes enfants ne craindront rien. Mon fils, ou mes fils, seront les héritiers du trône. Quant à ma fille, ou mes filles, elles n’auront rien à craindre. Par leur père, par leur oncle, et par leur grand-père, elles ne perdront pas leur titre de Princesse, la valeur d’un sang et le poids d’un nom.

Satisfait de ces conclusions, je marche sereinement aux côtés de mon épouse.

- Lord Asher, et père, je vous jure sur mon honneur que je saurais être un bon époux à votre fille, que j’apporterai protection jusqu’à mon dernier souffle, commençais-je. Ma Reine, et moi-même, sommes les Protecteurs du Val et de la Montagne. Nous ne ferons nulle distinction de terre, de croyance ou de personne dans cette volonté d’unir, de protéger et de pérenniser notre Royaume , ajoutais-je.

Et alors, nous nous dirigeons vers le Septon. Ce dernier lance ses premières prières. Je prends la parole, le moment venu.

- Père, Forgeron, Guerrier, Mère, Vierge, Aïeule, Étranger. Je suis sien, elle est mienne, jusqu'à la fin de mes jours.

Un court instant, je crains qu’Ysilia oublie ce qu’elle a à dire – ou s’y refuse. Je ravale cette crainte. Cette brunette est intelligente, et ne fera pas de faux pas. Afin d’adoucir, au mieux, cette cérémonie assez sommaire, je tente d’offrir un sourire chaleureux et rassurant. Et quant au baiser à venir, je sais déjà quoi faire. Un léger baiser sur ses lèvres, puis sur son front. Si je n’aime pas m’imposer, la tradition l’exige …

L'heure était solennelle, tout autant que l'acte qui était aujourd'hui fait devant les hommes et devant les Dieux. Ysilia avait fait une promesse à Ronnel, une promesse qu'elle était prête à tenir, quel que soit le prix que cela pourrait lui coûter. Elle agirait comme Reine à partir de cet instant, jusqu'à la fin de ses jours, que son règne soit court ou bien qu'il soit long, même si le poids du devoir et de la couronne venait un jour à être lourd à porter. Elle n'était peut-être pas la femme que Ronnel avait désiré épouser, elle n'était qu'un second choix qui s'était imposé par la force de la politique et de la nécessité pour le royaume de resserrer les liens d'un peuple que de nombreuses choses avaient fini par opposer avec le temps. La jeune lady de la maison Royce ne pourrait sans doute pas être la réponse à tout, peut-être même qu'elle serait à l'origine de nouvelles dissensions sans qu'elle ne le désire, mais elle désirait sincèrement être un soutien pour celui avec qui elle allait lié son destin. Il avait été un membre de sa famille, son ami depuis de nombreuses années avant toute autre chose et même si leurs chemins se retrouvaient aujourd'hui, elle voulait qu'il lui fasse confiance, qu'il abandonne un peu sa peine et partage un peu sa charge pour qu'elles soient toutes les deux, moins lourdes sur ses épaules. L'avenir était le seul qui pourrait lui montrer s'ils avaient réussi, si elle avait réussi à être l'épouse et la Reine nécessaire pour cet époux et pour ce royaume.

En attendant, elle avançait vers son destin, à pas de géants. Elle qui avait été quelque peu impatiente au cours des derniers jours, des dernières semaines quand tout s'était enfin précisé pour elle, elle aurait préféré à cet instant que le temps s'arrête et pouvoir disposer de plus de temps. Elle eut envie de rechercher dans la foule, le regard tendre de sa mère et puis elle pensa alors à Ronnel qui serrait sa main dans la sienne, et qui lui ne pouvait aujourd'hui compter sur le soutien de sa mère, qui avait tant d'influence dans sa vie. Elle eut de la peine pour ce dernier et elle prit alors sur elle pour ne pas verser une larme alors que son ventre se nouait un peu, plus encore de succéder à Nymeria, elle succédait à Sharra et en même temps, la Reine Mère n'était pas présente pour passer le flambeau. Elle en était là de ses pensées quand elle arriva devant le Septon. Ronnel fut le premier à s'exprimer et bien qu'elle savait qu'elle se devait de se marier sous la Foi des Sept, une partie d'elle avait l'impression de trahir sa propre religion. Pour autant, elle se plaça alors devant son époux et prononça les mots que tout le monde attendait dans l'assistance. « Père, Forgeron, Guerrier, Mère, Vierge, Aïeule, Étranger. Je suis tienne, et tu es mien, jusqu'à la fin de mes jours. » Elle s'inclina alors devant son époux, attendant le traditionnel changement de manteau, abandonnant celui aux couleurs de la maison Royce pour être parée de celui de la maison Arryn. Enfin, viendrait le baiser qui scellerait définitivement cette union. Et la fête pour célébrer l'événement, en espérant qu'ils puissent tous en profiter pour se détendre un peu.

Cela fait des jours que j'arpente la campagne valoise, rassemblant les rapports d'espions et autres agents s'activant à me fournir divers éléments d'information particulièrement utiles en ces temps troublés. Je n'ai jamais été jouasse à l'idée de prendre ce poste de Maître espion, ne cachant d'ailleurs pas cet état de fait, mais je suis un serviteur loyal du Roi. Et en cette qualité, c'est une charge que je ne peux refuser.  Je ne suis pas accueilli avec les égards dus à mon rang lorsque j'arrive dans la demeure des Vanbois. Je ne m'en offusque pas, étant désespérément en retard. J'espère juste pouvoir représenter ma famille à cet évènement fondateur pour l'avenir du Val.

Les temps sont durs et à chacun son devoir.

Alors que la cérémonie bat déjà son plein et que cette dernière est même scellée, je me poste au bout de l'allée centrale menant à l'autel et aux mariés. Profitant d'un moment de silence, je sors mon épée et vient la planter dans le sol dans un bruit métallique qui retentit dans toute la cour. Le sol pavé semble d'ailleurs se dérober devant la puissance et le tranchant d'une armée depuis longtemps entrée dans la légende. Le pommeau écarlate de Dame Affliction scintille de milles feux et jettent ses reflets irisés sur la foule de nobles réunie pour l'occasion. Cela rajoute un peu plus de gravitas à mon intervention. Je m'agenouille les mains sur le pommeau de mon arme en signe de soumission.

Je ne pipe pas mot et attend ainsi que le Septon et les mariés complètent les derniers sacrements de cette union royale.

De par ce geste, je représente ma sœur, la Reine-Mère et porte ainsi le sceau de son approbation. Après tout ce mariage concerne son aîné. Je regrette que Sharra ne soit pas présente en ce moment si solennel et important. Elle qui a tout fait pour ce royaume et notre famille. C'est ainsi avec une pointe de tristesse que j'assiste sans bouger à la fin de la cérémonie, attendant que les mariés prennent le temps de venir me saluer et ainsi approuver les sentiments de la famille Corbray et celle de la Reine-Mère.

A ses traits, je devine que le rituel lui coûte. Elle aurait aimé que son mariage soit béni par la religion de ses ancêtres. A n’en point douter, elle aurait pu être plus heureuse auprès de Jon Stark qu’auprès de moi.

Tout d’abord, le Roi du Nord et Ysilia partagent une même croyance. Ce détail est important pour la paix du ménage. Il suffit de voir la Reine Jeyne et les sacrifices qu’elle a eu à faire en raison des troubles internes de l’Ouest. Enfin, le Royaume du Jeune Loup est bien plus stable que le mien. Ses armées pâtissent davantage des actes fourbes des ennemis, mais femmes et enfants sont bien à l’abri au sein de leur terre : ils n’ont pas à craindre qu’un frère, ou une sœur, les plante pour une affaire de religion ou de politique.

Malgré que la cérémonie soit sommaire, et qu’il y a davantage d’hommes armées que de courtisans royaux, le protocole se maintient. Ceux qui sont à nos côtés ou proches de nous sont soit des hauts gradés de l’armée, soit des proches parents d’Ysilia. Pour ma part, je n’ai que mon Oncle et mon jeune frère comme parent. Jamais je ne me suis senti aussi isolé au sein d’une telle foule. Je ne peux pas m’empêcher de repenser à Nymeria qui a eu à affronter un mariage sans la présence d’un seul Lannister à ses côtés. Je la chasse de mes esprits, aussitôt.

Aujourd’hui, la seule et unique Reine du Val et de la Montagne est Ysilia Arryn, née Royce.

Nous arrivons au domaine Vanbois où un banquet riche a été préparé. Pour autant, mon épouse et moi ne sommes pas épargnés et avons grande peine à avaler quelques gorgées d’eau ou à prendre une ou deux bouchées de cette orgie de nourriture. En effet, chacun souhaite toucher quelques mots au jeune couple, soit pour exprimer les meilleurs vœux, soit pour glisser l’impatience d’un héritier au trône. Là, je ne peux pas m’empêcher d’être inconfortable. Si l’idée de partager ma couche avec la brunette commence à faire son chemin, cette affaire de grossesse me gêne.

J’ai déjà perdu une Reine en raison d’une fausse-couche. Est-ce que ma nouvelle épouse subira le même destin ? D’une certaine façon, cette question me hante. J’ai déjà perdu l’amour de ma vie, je refuse d’avoir à porter le deuil d’une amie qui m’est chère et qui a grandi avec moi. Et la journée s’écoule, laissant place au soir. Alors, un nouveau rituel se met en place, où on nous pousse dans un couloir puis une chambre.