À chacun de ses pas, ils inclinaient la tête, jetaient un regard désintéressé vers celui qui portait la couronne de cristal depuis presque six années. De ses plus belles tenues, l’homme donnait une allure presque divine. Il émanait de lui un parfum délicat, mais sans nul doute, sa toilette était parfaite, comme cela avait toujours été le cas des Grand Septon. L’opulence transparaissait ici-même, pourtant tous savaient à quel point la vie de septon n’était guère simple et privilégiée : pour l’heureux élu qui porterait cette couronne majestueuse, l’accroissement de son train de vie serait effectivement grandiose. Pour les autres, seul le labeur et l’austérité seraient de mise. Lycaon XII avait joué son jeu pendant toutes ces années. Il avait travaillé, avait mené bien des sermons, il avait sacrifié ses propres vêtements aux nécessiteux et souillé ses pieds afin que les Sept — mais surtout leurs Saintetés — lui accorde la grâce d’une élection qui lui donnerait voix au chapitre. Une élection qui ferait de lui l’un des hommes les plus puissants du continent. Car la Foi n’avait pas de frontière, jusqu’alors, elle n’en avait jamais eu. Elle s’exportait, au sein même des terres hivernales du royaume du Nord où la maison Manderly priait les Sept, dans sa ville portuaire.

Il était un homme de grand conseil. Un homme qui était écouté, un homme qu’on respectait. Lui faire défaut serait faire de même à la fois ; personne n’oserait, assurément. Seulement, parmi les roses et les tulipes, d’autres engeances foulaient ces sols. Celle d’une Tour enflammée, qui avait revêtu sa plus belle armure à la place de sa couronne. La souveraineté lui avait été accordée par de merveilleuses manigances.

Comme lui.

Ils n’étaient pas bien différents l’un de l’autre. Des parvenus, des gens qui avaient eu une existence prédéfinie et qui avaient décidé d’aller autrement, d’aller plus loin. Manfred avait tout du parfait roi du Bief — pieu et chevaleresque — mais Lycaon XII savait. Il savait à quel point l’homme était farouche, à quel point il était prêt à tout. Il affrontait l’Empire, sous couvert de belles paroles — la paix, la liberté et l’indépendance des royaumes — mais le Grand Septon, lui, savait. Si les Puissances Centrales gagnaient, alors ainsi, elles pourraient accroitre leurs terres.
Et sa femme était d’une ambition connue au travers du continent…

Eren Hightower. Un sacré bout de femme. Une engeance sans nul pareil. Une combattante, de surcroît, chose que la Sainte Croisade ne pourrait tolérer ! Comme elle ne le devrait pas des croyants du Noyé, pourtant tolérés, acceptés, en vertu d’un vieux soutien de feu le roi Harren.

Ainsi, Lycaon XII jouait la politique. Eren Hightower, née Hoare, était tolérable, mais Argella Durrandon ne l’était pas. Les Anciens Dieux ne méritaient pas un culte, mais le Noyé lui, si. Tout du moins, c’était tolérable.

Ainsi, en observant ses ouailles ployer le genou sur son passage — sa cape glissant au sol, son pas lourd était ralenti par les années —, le vieux septon s’amusait des événements. Le poids de la politique était bien souvent plus fort que tout. Et surtout, servait des intérêts communs. Un accord de circonstance entre un seigneur et un septon, un roi et un grand septon. C’était ce qui avait conduit à de tels événements.

S’arrêtant quelques instants, un homme semblant plus haut gradé s’abaissa face à lui. La voix de Lycaon XII perça le silence, lourde et cassée. « Mon fils. » prononça-t-il simplement. Puis, sa voix continua. Pendant plusieurs minutes, ses paroles se déchaînèrent et beaucoup, autour, se turent. Les murmures prirent la place, les yeux des hommes se fermèrent. Il récitait un verset de l’étoile à sept branches. Les soldats appréciaient de tels gestes, et le demandaient parfois. Il était ici pour ça. Sa voix, ensuite, fut plus posée. « Les Sept qui ne font qu’Un sauront guider ta lame, car le mal ne peut triompher. Et à ceux qui trahissent les Dieux, seuls les Sept Enfers s’ouvriront. »

C’est ainsi qu’il reprit sa route, lentement, vers une tente où flottait le blason des Lannister.