L’Empire s’était arrêté aux portes du Bief. Son ancienne contrée. Là il était né, là où il avait grandi et avait été élevé. Il avait passé la majeure partie de sa vie sur ces terres et les connaissait comme sa poche pour les avoir traversé de long en large.  A un moment, il ne s’était pas senti aussi proche de revoir son foyer. Car tout individu aspirait un ça, revoir son chez soi un jour ou l’autre. Pourtant avait-il vraiment un chez lui ? Lui qui avait été mis en exil de La Treille il y a bien des années maintenant. On pouvait considérer que ce qui s’apparentait davantage à un foyer, c’était Hautjardin où il avait toujours été très bien accueilli que ce soit par les Gardener, comme par les Tyrell dont il fut proche. Puis il y eut cette mission d’escorte en compagnie de Lady Allyrion et à leur retour, l’armée battit en retraite vers les terres de l’Orage.

Garlan n’était pas assez haut dans la hiérarchie militaire pour avoir de plus amples informations, on ne lui donnait que des ordres à appliquer et à faire respecter par les hommes de son escadron. Il entendait toute sorte de rumeurs, mais à vrai dire il n’avait jamais été homme à croire aux rumeurs. Il avait entendu dire qu’une armée de l’Orage avait été défaite au Sud-Est de leur position. Un bruit circulait comme quoi la capitale impériale avait été attaquée, d’où leur repli ! Vous le comprendrez donc, l’importance et la diversité des rumeurs faisaient qu’on ne pouvait pas les prendre au sérieux. Certaines personnes y croyaient cependant dur comme fer. Et heureusement, le plus grand nombre réussissait à garder la tête haute afin que le moral n’en soit pas affecté.

Direction les terres de l’Orage donc ! Il aurait préféré ne pas y retourner, ne pas faire marche arrière . Son dernier séjour à Accalmie avait été loin d’être chargé de bons souvenirs. Il aurait préféré continuer à avancer pour ne pas affronter cet événement, mais encore, ce n’était pas à lui d’en décider et il n’avait pas tous les éléments pour comprendre. Les missions confiaient à son escadron furent des plus classiques : servir d’éclaireur, faire passer des passages entre les différents groupes de l’armée.  Ils ne restèrent pas longtemps statiques. L’ordre fut donner d’embarquer sur les navires de la flotte pour remonter vers le Sud, à la capitale impériale. Ils n’étaient pas partis si longtemps que cela et pourtant il était certain que la campagne était loin d’être terminé. Garlan aurait certainement préféré se passer de monter sur un navire et faire le trajet à dos de Brume. Mais ils iraient bien plus vite avec la Flotte, c’était une certitude.

Il essaya d’appliquer les conseils de sa défunte femme pour ne pas être malade comme un chien. Cela fonctionna… En partie ! Il put se féliciter de n’avoir vomi par dessus bord qu’une seule fois pendant le trajet. Un exploit ! En tout cas, il n’y avait pas grand-chose à faire pendant la traversée, à part entretenir son matériel ou bien rassurer Brume, qui,  comme son maître, n’était pas très à l’aise sur le pont d’un bâtiment naval. C’était sûrement aussi le fait de ne plus être maître de sa destinée et que son destin repose dans les mains d’autrui qui ne l’aidait pas à être serein. Il fut content lorsque la flotte se stoppa à proximité pour commencer à débarquer une partie de l’armée. Cela lui fit le plus grand bien de se dégourdir les jambes en dehors de ce pont étriqué et de retrouver le contact de la terre ferme.

Il s’était assuré que son escadron ne manquait de rien et fit le lien avec la logistique quand ce fut le cas pour obtenir les denrées et la matériel manquant. Il était occupé à faire les tours des membres de son escadron lorsqu’un démalion vint le chercher, l’Empereur exigeait sa présence. Garlan avait vu plusieurs officiers se faire convoquer avant lui aujourd’hui, il présumait donc que c’était normal. En quelque sorte, il s’agissait d’une formalité pour sonder ses officiers et connaître l’état d’esprit de ses hommes.  Il suivit donc le garde impérial jusqu’à proximité de la tente impériale. On lui signala d’attendre près du brasier et qu’on allait signalait son arrivée à l’Empereur. Le capitaine attendit donc à l’endroit convenu en se contentant de scruter les demalions s’affairer autour des flammes, alors qu’ils préparaient le repas du soir. L’odeur des mets en train de mijoter lui ouvrait doucement l’appétit il faut dire, et ses yeux suivaient avec attention les différentes actions des cuisiniers d’un soir. Il y en a qui allait bien se remplir la panse ce soir dis donc !

Sur cette pensée, l’Empereur apparut et le salua lorsqu’il arriva. Garlan le salua à son tour en ployant le genou et d’un ton respectueux, il se contenta d’un : « Sire. » Il attendit que l’on fasse signe de se redresser pour s’exécuter. C’est ce qu’il fit, il croisa ses mains dans le dos, il s’était toujours montré assez rigide et droit lors de ses discussions avec l’Empereur, après tout il s’agissait d’une des têtes dirigeantes de l’Empire. En tout cas, ce dernier lui faisait part de  sa surprise de le voir dans son armée et non parmi celle qui était parti en direction du Sud. Il avait fortement hésité pour diverses raisons, le choix n’avait pas été facile à prendre. Il s’éclaircit la voix afin de lui apporter la réponse la plus vraisemblable « J’ai croisé nombre de mes compatriotes à mon retour de Grigibets, Sire. Je pense qu’il a été porté à votre attention que j’ai essayé de convaincre certains d’entre eux à réfléchir à leur position et à persuader une minorité de rejoindre l’Empire. Ce ne fut pas une réussite si l’on peut dire… Il semblerait que sa majesté, la reine Durrandon, ait obtenu de meilleurs résultats que moi-même auprès de mes anciens amis et frères d’armes. Je ne suis qu’un traître à leurs yeux, c’est une réalité, et malgré mon plaidoyer, je n’ai trouvé grâce aux yeux d’une poignée seulement. Cette expérience m’a fait pressentir qu’il était préférable de ne pas recroiser leur route avant un moment. Nous verrons si le destin m’amène à les retrouver un jour, avec l’avancée de la guerre, peut-être auront-ils l’esprit plus ouvert et réceptif... »

Il n’aimait pas trop abordé ce sujet, cet échec. Il essaya d’enchaîner rapidement comme pour balayer ce camouflet de son esprit : « Mon escadron n’attend que vos ordres, Sire, et servira avec ferveur sous la bannière impériale quelle que soit sa mission. » Il se risqua à demander : « Me serait-il possible de savoir à qui mon escadron va devoir prochainement  se confronter, son adversaire,  Sire ? »

La discipline. Cette règle de conduite lui avait été apprise dès son plus jeune âge, mais il en avait appris tout le sens lorsqu’il avait été exilé à Hautjardin. On lui avait enseigné tellement là-bas, d’autant plus lorsqu’il fut l’écuyer de Ser Jason Tyrell et qu’il avait rejoins la troupe du Connétable plus tard. Il avait toujours été un individu des plus discipliné dans sa conduite et en opération. On ne pouvait pas en dire autant de l’essentiel de l’armée du Bief, qui était composé de très peu de troupes de métier. On y trouvait principalement de la piétaille sans aucune expérience, sortis de leur exploitation afin de servir dans une guerre qu’ils ne comprenaient pas pour la plupart.  Sous les ordres du Connétable, il avait rejoins une troupe professionnelle composée principalement de chevaliers, de sergents et de soldats de métier.

Lorsque son destin l’avait mené à entrer dans les rangs impériales, après avoir découvert que Kevan Gardener avait changé complètement de comportement en seulement quelques mois dedans, il avait découvert une armée dirigée d’une main de fer. L’armée impériale était composé d’individus de différents royaumes à la base, puis s’était reformée principalement d’individus provenant de ce qui s’était appelé les Terres Impériales. Ces contrées avaient connus bon nombre de conflits, sa population était habituée aux arts martiaux.  Les officiers y étaient rompus au soldat et faisaient régner fermement la discipline dans leurs troupes. De plus, ils avaient le respect de leurs hommes. Le Bieffois avait tout de suite apprécié cela, bien qu’il avait dû s’imposer rapidement dans ce nouveau poste, montrer de quoi il était capable et proposer des innovations. Il aimait être force de propositions,  faire progresser les choses dans le bon sens.

Garlan lui fait part de son échec, de la déception qu’il avait ressenti. Il était clair qu’en essayant, il avait été alors conscients du peu de chance de réussite de sa tentative. Mais au fond de lui, il avait espéré qu’une partie entendrait sa voix et se rangerait sous la bannière de l’Empire. Au fond de lui, il espérait que ce que Kevan Gardener avait initié ne soit pas vraiment mort. Le Bief Fédéré. La possibilité pour son peuple de ne pas être floué de son si grand et beau pays et avoir une parole comme les autres. Ma is cela semblait être un rêve encore plus lointain avec son échec. En tout cas, l’Empereur avait les bons mots pour rassurer, du moins ce n’était certainement pas son idée première, mais cela fit cet effet chez le jeune homme, il appréciait. Il pencha légèrement sa tête en avant pour l’en remercier : « Si vous le permettez, Sire, je vous trouve  tout de même habile et assuré dans vos mots ; mais cela est indispensable au vu des responsabilités qui vous incombent. Merci pour vos mots, Sire. J’espère seulement que les miens resteront dans les esprits de quelques-uns de mes compatriotes et qu’ils sauront s’en souvenir le moment venu.   »

Le vieux loup souhaitait le tester, il reconnaissait sa capacité à commander des guerriers et cela était gratifiant d’entendre cela. Le fruit de ses efforts était reconnu, il ne comptait pas se reposer sur ses lauriers, loin de là, il devrait redoubler d’efforts et d’ingéniosité pour ce qui l’attendait. L’Empereur souhaitait lui confier une cohorte complète. Ce n’était pas rien, une importante responsabilité et une belle promotion. Garlan s’en sentait capable et l’affirma :« Vous m’honorez, Sire. Je ferai tout pour être à la hauteur de votre attente, je ne vous décevrai pas.  Quand cela me sera permis de prendre mes nouvelles fonctions ? Cela me permettra de jauger les nouveaux soldats sous mon commandement le plus rapidement possible, de procéder à des entraînements réguliers et d’être pleinement optimal avec la cohorte le moment venu.   » Il rebondit sur une information que son supérieur lui avait donné dans ses paroles : « Le Val alors. Je ne m’y suis jamais rendu, je ne connais que quelques généralités sur cette région, de son armée et de ses maisons. Je m’empresserai de me documenter pleinement à ce sujet pour être force de propositions et parfaitement efficace dans mon commandement. »

La question soulevée par l’Empereur était loin d’être évidente. Il avait déjà remué bon nombre de fois le sujet dans son esprit, surtout au moment de rejoindre l’armée impériale en tant que capitaine de cavalerie. Il se frotta la nuque de la main, l’air perplexe quelques instants, il devait choisir judicieusement ses mots, chacun d’entre eux. « J’ai combattu toute ma vie pour la prospérité du royaume du Bief, Sire. Cependant,  je me suis fais à l’idée qu’il est peu probable qu’un jour je puisse rentrer chez moi, une fois que l’Empire aura vaincu les Hightower. Un traître reste à jamais un traître pour sa maison, sa famille et ses anciens amis. Et je sais que cette étiquette me fera à jamais assigné. Je ne peux espérer qu’aujourd’hui servir dans l’armée impériale. J’aspire à ce que tout vrai guerrier aspire, une réputation, un nom. Si mes services se montrent à la hauteur de vos espérances et au fil des batailles, je ne puis qu’espérer  continuer à combattre pour l’Empire  à plus grande échelle. Peut-être que si des bieffois décident de rejoindre l’Empire me permettrez-vous  d’aider à leur intégration dans les rangs ?

La fin de la guerre est encore loin et il semble trop tôt pour penser à l’après, Sire. Nous verrons ce qu’il peut advenir par la suite et si les Sept me permettent de rester en vie.  »

Le commandement, c’était savoir mener les hommes envers et contre tout. Être un leader. Ce n’était pas donné à tout le monde. Une minorité d’individus en était capable. D’autres prétendaient l’être et pourtant dans chacune de leurs actions, ils s’évertuaient à prouver le contraire. Garlan n’était pas destiné à commander, au fil des années passées dans la troupe de l’ancien connétable de l’Armée royale du Bief, il avait pu adonner à cette mission avec des effectifs plus ou moins importants. Certains étaient des commandants nés, pour d’autres, cela venait avec le temps, au fil des combats menés. Le bieffois faisait parti de cette deuxième catégorie, il avait toujours besoin de s’exercer avec rigueur et régulièrement dans un domaine pour devenir bon ou excellent de tout de façon. Et lorsqu’il s’engageait dans quelque chose, il ne le faisait pas à moitié. Il y dépensait énormément d’énergie, s’y donnant corps et âme.

Cela était déjà le cas depuis que l’Empereur l’avait nommé à la tête de son escadron de chevaux-légers en tant que capitaine de la cavalerie impériale. Maintenant qu’il était nouvellement promu, cela ne changerait pas, bien au contraire. Il possédait davantage de responsabilités dorénavant. Envers l’Empire, mais également envers les hommes de sa cohorte. Être un bon commandant, c’était savoir prendre des décisions qui vous semblent justes sur l’instant, avec les éléments en votre possession. Mais en étant également capable d’assumer le coût humain à payer pour chacune de ses actions. Car à cette échelle du commandement, il y aurait forcément un prix à payer. C’était la guerre et il était impossible de ne compter aucune perte, peu importe la tactique employée. Garlan ne pourrait alors que s’efforcer à faire de son mieux, se dépasser pour être meilleur qu’il était pour être certain d’accomplir ses objectifs et qu’un maximum des membres de sa cohorte rentre au bercail.

« Je comprends tout à fait, Sire. C’est légitime.» avait-il répondu simplement. Il avait la tête sur les épaules. Il n’était pas du genre à prendre des décisions irréfléchies et en faire payer le prix aux soldats sous ses ordres. Il savait que ses premières missions seraient scrutées, ainsi que ses résultats et ce que cela avait coûté. Il en avait conscience. Il aurait à rendre des comptes à un moment donné, que cela soit envers les généraux de l’Empire, comme envers l’Empereur et l’Impératrice. L’erreur était permise, jusqu’à un certain seuil qui était celui de l’inconscience et l’incompétence caractérisée ! Parfois lorsqu’on était dans le faux et que la défaite n’était plus une option, la retraite était la meilleure solution. Savoir se replier pour savoir économiser ses forces et les redéployer un autre jour lorsque la situation était bien plus favorable. Le mieux encore était de choisir ses combats, ne pas s’engager si on était pas certain d’en sortir vainqueur. Mais c’était loin d’être aussi simple dans une guerre, et la plupart du temps, on n’obtenait pas la victoire sans prendre des risques mesurés.

Garlan s’était informé des modalités de sa nouvelle prise de fonction. Nouvellement promu, il avait impatience de pouvoir commencer. C’était un nouveau défi pour lui, et cela lui plaisait énormément.  Fort-Darion donc. Il restait encore un certain temps de trajet jusqu’à la capitale. Lorsqu’on attendait un événement avec impatience, les journées semblaient bien longues, il allait devoir ronger son frein. Il pourrait peut-être user de ce temps pour s’informer des composantes de sa cohorte, peut-être que s’il interrogeait les bonnes personnes, il obtiendrait des renseignements sur certains des soldats qu’il allait commander. Le temps passé à la capitale ne lui permettrait pas d’effectuer tous les entraînements et manœuvres  qu’il souhaitait pour connaître au mieux les guerriers sous son commandement. Pour cela, il apprendrait à les connaître lors de leur voyage. Et leur baptême du feu se ferait dans le sang de leurs ennemis. « On en apprend parfois plus en discutant avec des personnes ayant connus la réalité du terrain qu’à travers bien des livres, vous avez raison, Sire. Il me plaît de savoir que nombre des guerriers sont déjà expérimentés, peut-être y trouverai-je des orageois ayant combattu dans la précédente guerre contre l’Orage. Cela me semble inexpéré au vu des pertes que le royaume de l’Orage a subi, mais qui sait...» finit-il en haussant les épaules. Il n’y avait qu’en sondant et en essayant qu’il allait le savoir de toute manière.«  Il me tarde déjà de prendre mes fonctions ! Echanger avec les guerriers de la cohorte m’apportera surement bien des idées que je pourrais mettre à profit à court et moyen terme.» termina-t-il en faisant transpirer clairement son impatience.

L’Empereur ne tenait pas en haute estime les bieffois, il ne s’en cachait guère. Il semblait au moins lui accorder sa confiance, sinon il ne lui aurait jamais proposé ce commandement. Garlan pouvait le comprendre, l’opinion est souvent faite sur des mauvaises expériences. Et pour le coup, le vieux Loup n’avait pas vu le meilleur de ce qu’avait été Kevan Gardener, son ami et ancien prince. Un homme de bien dans le passé qui aurait tout donné pour son pays et les valeurs qu’il défendait. Une triste fin que la sienne, comme furent les derniers mois de son parcours. «  J’ai servi Kevan pendant près de dix longues années. Pendant toutes ces années, je m’en suis fais le portrait d’un homme de bien, un guerrier émérite, prêt à tout pour défendre son pays et aux valeurs honorables. Cependant, les événements l’ont changé, en une personne que je ne reconnaissais plus, il n’avait rien de l’individu pour lequel j’aurai donné ma vie sans rechigner. Je peux donc comprendre que votre opinion sur les miens est au plus bas, entre Kevan et la guerre contre les Hightower. A mon niveau, en état, je ne peux que vous promettre de ne pas être la même déception que celle qu’a été Kevan à vos yeux, faire en sorte de rester moi-même ou alors de devenir meilleur que je ne le suis, Sire.»

 Il savait que la tâche ne serait pas aisée. Qui était-il ? Lui, un bieffois issu d’une maison de chevaliers fieffés, connue seulement au sein des frontières du Vert Royaume, à part pour son vin qui était amené à être exporté. Un chevalier considéré un traître pour les siens, mais également pour une bonne partie de ses nouveaux alliés de l’Empire. Il n’était pas dupe. Même s’il avait suivi Kevan Gardener, car il lui était loyal et parce qu’il était fermement convaincu qu’il n’avait pas trahi. Il avait également fait vœu de protéger le royaume du Bief des ennemis à l’extérieur, comme à l’intérieur de ses frontières. Et aux yeux de la royauté à l’époque, Kevan était l’ennemi interne, un prince déchu qui avait trahi son propre frère pour l’entrejambe de la Reine de l’Orage !

En suivant l’Ancien Connétable des armées du Bief, son sort avait été scellé, traître aux yeux des siens. Et d’un point de vue externe, comme pour ses nouveaux compagnons d’armes de l’Empire et des autres royaumes fédérés, il était l’homme qui avait trahi son serment. Qui avait jeté à bas son appartenance à son  royaume  pour suivre son ami par conviction dans sa fuite folle et qui avait combattu ses anciens frères d’armes à la première bataille. Pour d’autres, il était la personne ayant fait un choix difficile pour suivre ses convictions et capable de lourds sacrifices pour en arriver là où il en était. Cette réflexion était encore lourde pour le jeune homme, même maintenant. Il avait l’impression que son estomac se tordait à cet instant présent. Mais l’Empereur avait raison dans un sens, au sein de l’Empire, il n’y avait que la loyauté envers la bannière impériale et la façon de la servir avec ferveur qui devrait compter. Gage à chacun de ne pas oublier.

Il se doutait que certains de ses hommes pourraient montrer une certaine réticence ou de l’animosité au fait que leur nouveau commandant soit un bieffois de naissance. Cependant, s’ils étaient assez disciplinés, ils feraient en sorte de ne rien y montrer et rongeraient leur frein. Et au pire, si cela n’était pas le cas et que cela compromettait une manœuvre, Garlan n’hésiterait pas à leur tomber dessus. C’était aussi son rôle en tant qu’officier de s’assurer que la discipline et l’ordre soient présents dans les rangs. L’erreur pouvait être tolérable, mais punissable, en dehors du champ de bataille. Mais une fois plongé dans le combat, elle était impardonnable.

De tout de manière, comme l’avait précisé l’Empereur, il n’aurait pas le temps de voir tout ce qu’il avait à aborder avec sa cohorte. Pas avant de se diriger vers leur objectif du moins. Ils pourraient faire le point sur certains sujets, mais entre ça et le fait qu’il devrait se renseigner au mieux sur le Val, chaque journée serait précieuse. Il n’y aurait clairement pas assez d’heures dans chacune d’entre elles pour ce qu’il avait à faire. La nouvelle cohorte serait donc tout de suite mise à l’épreuve sur le terrain, cela testerait d’emblée sa cohésion, mais c’était aussi dangereux. Le nouveau commandant savait qu’il devrait tout faire pour que son unité se sorte de tout cela. Il se raidit quelque peu, encore plus que précédemment du moins , pleinement conscient des nouvelles responsabilités : «  A moi, alors de tout faire et de tout mettre en place pour ne pas échouer, Sire. Et si un jour je venais à chuter, d’en assumer pleinement les conséquences, car elles vont de paire avec les responsabilités.»

Il marqua une courte pause lorsqu’on lui demanda s’il a d’autres sujets à aborder et reprit :«  Non aucun en état, Sire.» Il présuma que l’Empereur avait un bon nombre d’officiers à voir, il demanda la permission d’être congédier, on lui accorda. Il salua respectueusement l’Empereur pour le quitter.