et le Corbeau prit son essor
Un Essor glacé-18 Les ramures du barral ancestrale étaient encore visibles alors même les murailles du château s'étaient fondues dans la torpeur du brouillard matinal. Assis sur son Palefroi, Remus chevauchait en silence, son humeur parfaitement accordée à l'humidité glacée autour de lui.
«
Pourquoi cette mine renfrognée, neveu ? S'exclama son oncle, Sandor Rivers.
N'étais-tu pas impatient d'entamer ce périple hier encore »
Remus s'abstint de répondre, une habitude profondément ancrée en lui qui sembla nullement surprendre Ser Rivers. A quoi bon s'ébattre sur la froideur du Seigneur son père, à ses dernières paroles venimeuses ? « Ne me fais pas honte devant lord Tully ». Des mots, juste des mots, qui avaient pourtant blessé le jeune homme plus profondément qu'il aurait souhaité l'admettre. Quel exploit lui faudrait-il accomplir pour qu'enfin Lord Landor se fende d'une louange à son sujet ? Du haut de ses douze ans, Remus n'avait pas souvenir d'avoir vu son père satisfait par ses actions.
«
N'y pense pas trop, intervint une nouvelle fois son oncle.
Il est souvent brutal dans ses paroles, mais je suis sûr que tu lui donneras motif de fierté à Vivesaigues. Bon sang ne saurait mentir »
Le jeune Nerbosc ne releva pas, même si son humeur s'améliora sensiblement. Son père le prenait pour un faible, un solitaire taiseux et imbécile. Il lui tenait à cœur de ne pas le conforter dans son erreur de jugement.
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Seul un Homme peut décider pour lui-même-13«
Non », fut sa seule réponse
Lord Landor se figea un instant, considérant par-dessus les reliefs du repas son fils d'un air courroucé.
«
Tu n'as pas compris Remus, ce choix ne t'appartient pas. Tu épouseras la fille de Lord Piper, cela est déjà une affaire entendue »
Le jeune homme continua de défier du regard le seigneur son père. Combien de fois avait-il pu capituler devant son impérieuse volonté ? Mais cela était une affaire révolue désormais. Il était un homme, jeune certes, mais décidé à lui imposer cette décision. Il ne voulait pas de la fille Piper et n'en voudrait jamais. La seule femme qui accaparait ses pensées, c'était Cat. Son regard frondeur et son franc parlé qui la rendait si différente des autres femmes de nobles naissances. Elle montait à cheval, savait tirer à l'arc et rendait sa Septa folle d'inquiétude et de sermons moralisateurs.. Ils s'étaient rencontrés à Vivesaigues, alors que lui-même servait Lord Tully en tant qu'écuyer tandis qu'elle faisait partie de la suite de son oncle, venu visiter les terres de la truite et s'entretenir avec Lord Holster. Lors de leur dernière conversation, il lui avait promis de convaincre son père de changer d'avis et ne comptait pas échouer.
« Père... Je vous remercie de vos attentions me concernant. Je ne souhaite pas froisser Lord Piper, de même que sa fille. Vous avez mon respect ainsi que ma loyauté, sauf sur ce sujet. Celui-ci, je me le réserve. Je n'épouserai aucune des prétendantes que vous me présenterez, Seulement Catryn. Je saurais me passer de votre approbation si nécessaire. »Remus savait pertinemment que cette réponse entraînait moultes conséquences. Son père n'était pas homme à se laisser défier, encore moins à se ranger à la volonté d'autrui. La nuit promettait d'être longue...
Un an plus tard, Catryn née Vipryn devint une Nerbosc. Pourquoi Landor avait-il cédé ? Avait-il été convaincu par les réclamations de son fils et de son épouse ? Remus ne le sut jamais et ne chercha pas à obtenir une réponse. Son père était un homme complexe, prompt à la colère et lent au pardon. Il gardait cependant en mémoire les paroles de son père, alors que ce dernier lui donna son assentiment.
«
Seul un homme peut décider pour lui-même. Ainsi soit-il, la fille Vipryn sera ta dame. »
Il ne fallut pas longtemps à Lord Landor pour adopter sa belle-fille. Moins d'un an après le mariage, Catryn Nerbosrc mettait au monde une petite fille qui charma instantanément la maisonnée. Remus, en accord avec son épouse, la baptisa Cordelia.
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Le Siège de Moat Caillin-10Remus regardait le castel en ruine disparaître lentement dans la pénombre ambiante. La soif le tenaillait, ne lui laissant aucun répit, tandis qu'il restait assis dans sa tante, essayant vainement de poursuivre l'écriture de sa missive. Sandor Rivers était mort trois jours plus tôt, lors de la dernière sortie. Il avait survécu aux marais infestés de tourbes et de serpents, aux paludiers et à leurs flèches empoisonnées, tout cela pour finir emporté par un immense lézard lion au fond d'une mare remplit de merde et d'herbes hautes. Remus n'avait rien pu faire, si ce n'était que continuer à courir en direction des remparts et d'éviter désespérément les traits mortels que ces damnés de Nordiens faisaient pleuvoir sur eux.
Le siège de Moat Caillin virait au désastre. Presque trois ans de siège, tout cela pour rien. Remus ne comptait plus les hommes qu'il avait perdu dans cette mascarade... Son oncle avait fait preuve d'une soutien indéfectible à son égard, restant en retrait de son autorité tout le conseillant en privé. Le désespoir le frappa soudainement, avant qu'il ne parvienne à le repousser. Si le Noir s'entêtait, il finirait sans doute par crever lui aussi, tout cela pour une cause qu'il réprouvait depuis son commencement. Maudit soit Harren le noir et sa soif de conquête. Maudit soit-il d'avoir réduit sa famille à la pauvreté à cause de ses sanctions arbitraires, la privant de son influence et de ses revenus...
Une sonnerie de cors le tira de sa torpeur, tandis que l'un de ses hommes se précipitait dans sa tante, hurlant à une attaque surprise. Remus s'empara de son épée d'un geste machinal. Il n'avait pas le temps de s'équiper intégralement et ne s'embarrassa pas à le faire. Il dégaina sa lame et sorti de la tante en trombe, une imprécation aux lèvres, ses yeux sombres brillant d'un éclat que seul la bataille éveillait en lui.
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La Croisée des chemins
An 0 Mois 8Lors Landor demanda aux personnes présentes de s'asseoir. Ils étaient au nombre de six et chacun arborait une mine grave. Parmi les invités à la table du conseil seigneurial se trouvait ses trois fils, Remus, Weslar et Walder, le capitaine de sa garde (un vieux chevalier qui était connu sous le pseudonyme de Pat Double-Hache) ainsi que le mestre du château, Rickard.
Remus savait pertinemment pourquoi son père les avaient convoqués. Le Nord et Peyredragon avançaient inexorablement vers le Conflans. C'était à présent quatre fronts de bataille que le Noir devait gérer, ce qui affaiblissait sa position dans la région. Était-ce le moment d'agir ? C'était en tout cas l'avis de Remus. Le Noir n'avait jamais été aussi faible, avait-il argué, soutenu pat ses frères, et même si sa défaite était loin d'être assurée, sa main mise sur les familles Conflanaises avait décrue. Il n'était pas aimé des petites et des grandes gens, qui le considéraient avec justesse comme un tyran sanguinaire et despotique. Pourquoi dès lors ne pas se joindre aux forces du Loup du Nord et de la Reine Dragonne ?
Lord Landor s'y opposa toutefois. L'heure n'était pas encore venue pour Corneilla de se ranger dans un camps ou un autre, bien qu'elle approchait fortement. Après près de deux heures d'une conversation animée, parfois houleuse, Lord Nerbosc pris sa décision. Il irait lui-même rejoindre l'armée stationnée à Paege, tandis que ces fils garderaient Corneilla pour conduire la suite des opérations, sous la férule de Rémus. Le mestre, dans ses archives, affirme que l'aîné s'opposa fermement à cette idée. Rémus voulait chevaucher lui-même rejoindre Tully et les forces massées pour arrêter l'avancée de la coalition. Santor ne fléchit pas et maintint sa décision. Cette dernière aurait de lourdes répercutions sur l'avenir proche de sa maison.
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Émeute à Corneilla An 0 Mois 9 La nuit fut faite de sang. Corneilla entra en ébullition sans crier gare, pour la plus grande surprise de la garnison Fer-Né qu'elle accueillait entre ses murs. Le petit peuple se souleva, affrontant les rudes guerriers de fer avec fourche et pavé, aidé ça et là par quelques épées et haches. On racontera plus tard que l'émeute s'était déclenchée suite au meurtre d'un aubergiste fort aimé par-ici. Il avait refusé de céder sa fille à un certain Qarley Humble, qui l'avait récompensé par un coup de poignard dans l'œil. Si cet aubergiste, dont le nom se perd dans les annales, semble bien mourir ce soir-là, certains avancent qu'il n'est guère celui qui alluma la mèche qui se muerait ensuite en incendie. On avait vu Weslar Nerbosc arpenter le domaine de son père ces dernières semaines, parlant aux hommes, cédant armes et plates sans jamais s'attarder.
La milice se présenta enfin alors que l'émeute prenait de l'ampleur. Non pas pour disperser la foule, mais bien pour l'aider. Les fers-nés furent massacrés sans pitié, tandis que leur baraquement, situé non loin du château, était attaqué par Remus Nerbosc et ses hommes d'armes, qui passèrent au fil de l'épée chaque homme qu'ils rencontrèrent.
Ce ne fut qu'une fois la chose faite et définitivement réglée que Remus s'isola dans ses appartements, s'attaquant à l'écriture d'une missive qui changerait le destin tout entier de sa maison. Son cœur était encore lourd de la mort du Seigneur son père. Mais peu importait sa colère et sa peine. Sa maison devait survivre à ces temps de guerre infâme, coûte que coûte. Il devait mettre son deuil de côté, ainsi que la haine qu'il concevait d'avoir vu son père mourir dans une bataille aussi vaine. Encore un cadeau du Noir, qu'il s'efforcerait de lui rendre s'il le pouvait.
La lettre fut à destination de Kian Tully, actuel Lord de sa maison. Dans celle-ci, il se déclara pour le fils de ce dernier, Lyham Tully, le proclamant comme son nouveau roi, qu'il suivrait et appuierait dans les batailles et venir. Avait-il fait le bon choix ? Ou au contraire avait-il condamné sa maison ainsi que sa famille ?
Il advint par la suite que de la coalition entre les royaumes du Nord et de Peyredragon naquit l'Empire. Avec désormais quatre royaumes sous son contrôle (si l'on comptait la partie du Conflans conquise ainsi que l'Orage), il devenait une force incontournable du continent. S'il savait que le Conflans n'aurait pas pu rejeter la gouvernance du Noir sans le concours des forces en place, restait une pointe de rancœur dont Remus ne parvint pas à se défaire. On lui avait prit son père à la bataille de Paege, et cela ne pouvait être oublié.
Mais la chose était faite désormais, sans aucun retour possible.
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RépercussionAn 1 mois 8Remus contemplait la cadavre encore frais de frère. Le soir s'annonçait enfin, même si cela ne lui procurait aucun réconfort. Père, puis Alysanne, morte en couche à Vivesaigues. Et voilà que gisait Weslar devant lui, occit par la pointe cruelle d'une épée qui l'avait transpercé alors qu'il cherchait à protéger Walder, leur cadet... On frappa à la porte et Mestre Rickard ouvrit, avant d'adresser une révérence à Catryn Nerbosc, qui entra d'un pas pressé. Elle ne portait plus l'arc dont elle s'était servie lors de la bataille, mais ses habits en portaient encore les traces. Du sang maculait sa robe par endroit, bien que fort heureusement, ce ne fut pas le sien. Remus n'avait pas eu l'honneur de la voir en action, mais avait déjà entendu les louanges de certains de ses hommes d'armes. Lady Catryn, disaient-ils, fut ce jour-là le plus fameux des archers assignés à la défense du château. L'œil sûr et avisé, elle avait abattu nombres d'ennemis, leur hurlant des imprécations peu convenables pour une Lady, mais qui avait donné cœur et courage aux défenseurs se tenant à ses côtés.
Elle ne parla pas, sachant mieux que quiconque que les mots sonneraient creux en cet instant. Elle vint néanmoins se placer à ses côtés, sa main se nichant dans celle de son Seigneur, présence apaisante, sinon protectrice. Lequel finit par se lever, priant son Mestre de venir à sa suite. Corneilla pensait ses plaies et avait besoin de son Seigneur. Le Noir avait péri, mais son fils bâtard continuait l'œuvre de son père, faisant payer un lourd tribut à la région dans cette guerre qui semblait ne pas vouloir s'achever.