La guerre commence à toucher la totalité des royaumes... Etes-vous partisan de l'unification de Westeros par l'Empire ou les Puissances Centrales, ou plutôt attaché à l'indépendance de votre Royaume? Pourquoi?
Qu'il est difficile de répondre à cette question sans avoir l'impression de trahir à la fois le Nord et ton empereur. Tu as toujours vu en Torrhen Stark un grand roi. Pas forcément un homme facile à vivre – les Anciens Dieux sont témoins de toutes les confidences de Sigyn sur la difficulté à être son épouse. Mais il n'en est pas moins un souverain éclairé et réformateur en qui ton frère et ton époux ont toute confiance. Et au fil des années, tu en es toi-même venue à lui porter le plus grand respect.
Mais voilà qu'il a décidé d'épouser en secondes noces la dernière Targaryen et de fonder un empire dont tu ne sais que penser. Farouchement attachée aux traditions du Nord,
tu te méfies assez viscéralement de tout ce qui vous vient du Sud. Alors cette étrangère, venue de l'autre côté du Détroit... Bien sûr qu'il était grand temps de sortir Westeros des guerres sanglantes qui meurtrissent les familles depuis bien trop longtemps. Mais n'y avait-t-il d'autre solution que cette alliance singulière ?
Ta loyauté est acquise depuis toujours aux Stark, et jamais tu n'iras te dédire des serments qui lient ta famille à la leur. Tu les suivras jusqu'au bout, y compris dans cet Empire que tu redoutes. Mais au fond de ton cœur de Nordienne, tu es convaincue qu'il aurait mieux valu que le Nord demeure une puissance indépendante.
(An - 9)
Mon cher Bowen,
J’espère que tu te portes bien et que le voyage vers Winterfell ne t’a pas été trop pénible. J’espère également que ce corbeau te parviendra sans retard. J’aime à penser qu’à ton arrivée chez les Stark, mes mots seront là pour te rappeler que nous ne t’oublions pas.
Nos murs sont étrangement vides, en ton absence. Il ne reste guère plus que Mère et moi pour assurer la gestion du fief, et il y a fort à faire, tu t’en doutes. Nous craignons de nouvelles famines pour l’hiver. Gageons que les réserves emmagasinées permettront passer la mauvaise saison, car elle promet d’être rigoureuse cette année.
Pour le reste, tout va bien ici. Edwyle est plus ronchon que jamais et ne cesse de provoquer les palefreniers dans des duels absurdes. Ce doit être sa manière à lui de nous faire comprendre que tu lui manques. Tonnie n’a de cesse de courir partout en te réclamant. C’est un véritable cabri. J’en viens à craindre qu’il ne perde ses premières dents avant même qu’elles ne soient toutes apparues (la dernière en date semble particulièrement douloureuse, pas une nuit ne passe sans qu’il ne pleure et nous appelle). Pas plus tard qu’hier, il a sauté dans un tas de foin et fait sursauter les juments que le maréchal-ferrant examinait. Le pauvre homme n’a dû qu’à ses réflexes de ne pas avoir le pied écrasé par un sabot et sans sa présence d’esprit, Tonnie aurait bien pu finir piétiné. Nous l’avons évidemment privé de repas mais je doute que cela le dissuade de recommencer.
Quant à Mère… elle va bien. Épuisée, bien sûr, mais elle est vaillante. Je pense qu’elle a hâte de délivrer l’enfant. Cet avant-dernier mois de grossesse lui a paru bien long. Je l’assiste de mon mieux, mais il y a toujours tant à faire qu’elle ne prend guère le temps de se reposer. Et bien qu’elle se réjouisse de la chance qui t’est échue, je sens bien qu’elle se languit de toi. Mais n’aie crainte, je prendrai bien soin d’elle et de nos cadets.
N’hésite pas à m’écrire, aussi souvent que tu en sentiras l’envie ou le besoin. De mon côté, je ne manquerai pas de tenir informé des nouvelles familiales.
Prends bien soin de toi, petit frère.
Ta sœur,
Alysane
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(An - 9)
Mon très cher frère,
Je n’ai guère de temps pour t’écrire aujourd’hui mais je tenais absolument à t’envoyer cette missive avant que la nuit ne tombe. J’ai en effet une merveilleuse nouvelle à t’annoncer : nous avons le bonheur d’accueillir un nouveau venu dans la fratrie. Il se nomme Robert (du nom, je crois, d’un lointain ancêtre dont je n’ai pas retenu la filiation) et c’est un beau garçon de plus de huit livres qui a fait entendre toute la force de ses poumons au petit matin. Il a des yeux magnifiques qui me rappellent les tiens. Ils oscillent entre le bleu le plus pur et le gris d’un ciel d’hiver
Pardonne la brièveté de ma lettre, il me faut retourner auprès des garçons. Je ne tarderai pas à t’écrire à nouveau, c’est promis.
Prends soin de toi,
Ta sœur,
Alysane
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(An - 9)
Mon très cher Bowen,
Comme promis, je reprends la plume pour te donner davantage de nouvelles. Tout le monde va bien, y compris Robert qui se révèle être un bébé calme et sociable, bien moins remuant que ne l’ont été Edwyle et Tonnie.
Mère se porte également comme un charme et a rapidement récupéré des forces. Néanmoins, je crois que je resterai donc l’unique représentante du beau sexe parmi nous. La délivrance s’est déroulée sans trop de heurts, mais a duré plusieurs heures et a semblé fort douloureuse. Les Anciens Dieux au grand complet ont dû entendre les imprécations de Mère et elle a juré que ce serait le dernier. Elle considère avoir plus que rempli son rôle d’épouse et a d’ores et déjà envoyé une servante lui cueillir des plantes dans la forêt voisine pour concocter une étrange potion dont elle a promis de me confier le secret.
J’ai beau l’avoir assistée pour chacune de vos venues au monde, j’ai beau savoir combien il est merveilleux de vous tenir aux prémices de votre vie, je dois avouer qu’il ne me tarde guère de connaître à mon tour les joies et douleurs de l’enfantement. Mais il semblerait que les soupçons que j’évoquais dans ma lettre du mois précédent ne soient en passe de se concrétiser. Mère a reçu un corbeau de Père ce matin même et elle m’a semblé tout à la fois satisfaite et préoccupée. Des marchands venus de l’Île aux Ours ont empêché toute discussion mais elle m’a invitée à venir la rejoindre cette après-midi pour une collation. Je suppose que j’en saurais davantage à ce moment-là. Une part de moi s’impatiente à l’idée de cette discussion. Il me semble que les minutes s’étirent interminablement depuis ce matin. Mais les changements qui risquent d’y faire suite me donnent le vertige.
Il me faut te laisser, notre fidèle Benfred vient de m’informer que Mère m’attendait. Je reprends cette lettre dès que possible. Je ne doute pas d’avoir plus d’informations à te donner d’ici là…
Nous avions raison… Nos parents m’ont bel et bien choisi un époux. Mère patientait dans le petit salon attenant à sa chambre et à peine étais-je entrée qu’elle m’entretenait mariage, devoirs conjugaux et cette conversation est allée bien plus loin que je ne l’aurais souhaité. Sans rentrer dans des détails qui risqueraient de choquer tes chastes oreilles, disons que j’en sais désormais bien trop à mon goût sur la vie conjugale de nos parents.
Je ne te ferais pas l’affront de ménager l’attente, comme elle le fit. Je suis désormais officiellement promise à Lord Byron Manderly, de Blancport. Je suis… à vrai dire, je ne sais pas ce que je ressens.
Je suis assez rationnelle pour n’avoir jamais pensé partager un mariage d’amour, comme nos parents. Et sous toutes apparences, Lord Manderly est un excellent parti, sa richesse et sa puissance ne sont pas négligeables et il est décrit comme un fort bel homme.
Malgré cela… je ne parviens pas à me réjouir. Tout puissant qu’il soit, il a près du double de mon âge ! Il a déjà été marié, a deux filles et il est de notoriété publique que ses relations avec sa première femme étaient plus que compliquées. Certaines rumeurs affirment même qu’il aurait porté la main sur elle sans hésiter ! D’autres prétendent qu’il n’a cessé d’être infidèle et qu’il aurait même reconnu la paternité d’au moins une bâtarde. Qui plus est, Blancport est si loin…
Oh Bowen, je sens les larmes perler à mes paupières à la seule idée de partir à plus de deux cents lieues de chez nous. Mère dit que je suis assez forte pour supporter le poids d’une telle union mais j’ai bien senti que le choix de Père ne l’enchantait pas. Qu’adviendra-t-il, si les rumeurs s’avèrent fondées ? S’il est aussi violent, imprévisible et versatile qu’on le dit ? Je ne sais comment je pourrais le supporter. J’ai si peur…
Pardonne-moi, petit frère, d’ainsi t’accabler sous mon chagrin. Tu es le seul en qui j’ai toute confiance, le seul à qui je puisse confier mes craintes. Prie pour moi, si tu le peux. J’aurais bien besoin de ton soutien et de ton amour dans les semaines et mois à venir.
Prends soin de toi,
Ta sœur,
Alysane
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(An - 8 )
Mon cher Bowen,
Je ne peux te dire encore combien je suis heureuse que tu sois venu à Blancport assister à mes noces. Nous voir tous réunis, après tant d’années de séparation, m’a mis du baume au cœur. J’ai malheureusement conscience que de tels moments ne se reproduiront plus guère, à l’avenir. Trop de distance nous séparera désormais les uns des autres. J’ai l’espoir toutefois que nos lettres continueront d’adoucir l’éloignement.
Nos retrouvailles m’ont aussi rappelé que nous formons un tout. Les cinq doigts d’un même poing, unis dans l’adversité. Bien sûr, il est un peu tôt pour dire pareilles choses de Tonnie et Robert, mais je suis convaincue que le futur nous trouvera unis. Ensemble, nous sommes plus forts et cette pensée me rassure aux premiers jours de mon mariage. Bien que je n’ai, pour le moment, guère eu de désagréments à déplorer. Bien sûr, pour l’heure, Blancport est loin de représenter un foyer à mes yeux. Mais je pense qu’avec le temps, je pourrais apprendre à l’aimer.
Quant à Lord Manderly… J’ai promis de te rapporter chaque geste, chaque parole qui pourrait confirmer les dires que nous avons entendus à son encore. Mais là encore, je n’ai rien de négatif à te rapporter. Il m’a été confirmé qu’il a bel et bien une bâtarde en ville. Tu imagines sans peine que je n’ai pas osé le questionner à ce sujet. L’enfant ne vit pas avec nous et peu m’importe qu’il lui accorde un peu de son attention, pourvu qu’il ne revoit plus sa mère (nous avons d’ailleurs eu à ce sujet une conversation des plus épineuses, mais il serait trop long de t’en conter l’intégralité ici). Pour ce qui me concerne, je n’ai eu de sa part que des mots courtois et des gestes délicats. J’avoue en être la première surprise. Moi qui pensais épouser une brute rustaude, je me retrouve en compagnie d’un homme certes dans la force de l’âge mais somme toute charmant, qui n’a encore jamais prétexté de mon jeune âge pour me tenir à l’écart de ses affaires. Il semble au contraire sensible à l’intérêt que je porte à Blancport et, tu me connais, je ne demande pas mieux que d’apprendre.
Bref, malgré nos craintes et nos réserves, mon union se présente aujourd’hui sous les meilleurs auspices. Le temps seul nous dira si cette belle humeur n’est qu’une brise passagère, mais pour l’heure, je préfère m’en réjouir sans trop chercher à deviner ce que nous réserve l’avenir.
Prends bien soin de toi,
Ta sœur,
Alysane
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(An - 7)
Mon très cher Bowen,
Je te remercie des pensées que tu as partagé dans ta dernière lettre. Les points que tu soulignes concernant les difficultés d’approvisionnement de nos campagnes sont très justes. Quant à trouver des solutions, il me semble que c’est chose faisable. Somme toute, je suis persuadée qu’il est plus ardu d’identifier un problème que d’en trouver la solution et je réfléchirai plus attentivement aux possibilités qui s’offrent à nous. J’en ferais part également à Byron qui sera, je n’en doute pas, lui aussi sensible aux problématiques que tu soulèves.
Je me rends compte que je ne t’ai plus parlé de lui depuis longtemps. Ma foi, c’est que je n’ai guère à dire sur le sujet. Je mentirais en prétendant qu’il est l’amour de ma vie (je crois d’ailleurs n’avoir jamais rencontré ce sentiment, hors des émois innocents de mon adolescence) mais je crois pouvoir dire que je suis heureuse à ses côtés, et j’aime à penser que la réciproque est vraie. Il me tient informée des diverses nouvelles de son domaine et j’apprécie cette attention. Je me sens ainsi autant son épouse que la dame de Blancport et il y a fort à faire. La ville est sans commune mesure avec notre chère maison et chaque jour apporte son lot de nouvelles questions à résoudre. Au moins mes journées sont-elles bien remplies, et par des occupations qui me siéent bien mieux que la couture et la broderie.
Il me faut pourtant pratiquer par moments, afin d’enseigner ces disciplines à ses deux filles. Il estime en effet qu’une Lady doit maîtriser ces activités. Tu le sais, mon point de vue diverge quelque peu. Néanmoins, je m’y plie de bon cœur. Cet apprentissage me donne l’occasion de me lier davantage avec ces petites et ne m’empêche pas de leur transmettre d’autres valeurs plus… pratiques. J’avoue avoir peine à les considérer comme mes filles. Sans doute est-ce lié au fait que nos benjamins sont plus jeunes qu’elles encore. Pour l’heure, j’ai réussi à tisser quelques liens avec la plus petite des deux, Alys. Elle n’est âgée que de sept ans et c’est une enfant adorable, rieuse et souriante. Je regrette qu’il n’en soit pas de même avec son aînée. Arra me fait bien sentir, du haut de ses onze ans, que je ne suis pas à ma place ici. Je ne peux l’en blâmer, contrairement à sa sœur, elle conserve le souvenir de leur mère. Son hostilité est la seule chose qui me chagrine réellement au quotidienne. Enfin, elle s’apercevra vite que je suis aussi têtue qu’elle et je ne doute pas de parvenir à l’amadouer avec le temps.
Les heures filent et je dois me préparer pour le dîner. Nous recevons ce soir Lord Locke et son épouse, qui nous viennent tout droit de Châteauvieux. Mais avant d’achever cette lettre, j’ai une merveilleuse nouvelle à partager avec toi (j’imagine d’ici ton visage quand tu comprendras que j’ai laissé couler tant d’encre avant d’en venir à l’essentiel !). Je n’ai plus eu mes cycles depuis deux mois maintenant. Il se pourrait donc que l’héritier des Manderly voit le jour au printemps. Mais je t’en conjure, garde le secret pour l’heure. Il est trop tôt pour répandre la nouvelle et je n’ai averti personne, hormis Mère et toi.
Prends bien soin de toi,
Ta sœur,
Alysane
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(An - 6)
Mon cher frère,
Ta dernière lettre m’a fait le plus grand bien. Pardonne-moi de ne pas t’avoir écrit plus tôt. Il était cruel de ma part de te laisser sans nouvelles, mais j’espère que tu comprendras que l’idée même de parler encore m’était insupportable. Cette perte me fait si mal… Je ne parviens pas à m’habituer à ce vide, au trou béant qui s’est ouvert dans ma poitrine. Je m’éveille encore la nuit, le front mouillé de sueur, une main sur le ventre, cherchant en vain cette rondeur qui a disparu. Et chaque nuit, la réalité me heurte avec plus de violence encore. Les mots me manquent pour exprimer la douleur immense qui me déchire à l’idée de cet enfant que je n’ai pas eu le bonheur de connaître.
Oh, tu aurais dû voir le bonheur dans les yeux de Byron quand je lui appris la nouvelle… Et le déchirement quand les mestres sont venus lui porter le glas de nos espoirs. Il ne m’a rien reproché, n’a eu pour moi que des paroles douces malgré son chagrin. Tout le monde, des femmes de chambre aux mestres, m’a assuré que rien n’aurait pu aider mon bébé à survivre, que c’était la volonté des dieux. Mais quels dieux seraient aussi cruels ? Que leur importait mon enfant ? Je ne parviens à me défaire de l’idée que c’est moi qui ai failli. J’étais la seule à pouvoir le protéger, la seule à pouvoir le chérir jusqu’à sa venue au monde et j’ai échoué. J’ignore si je parviendrais un jour à me pardonner.
Oh Bowen, si tu savais comme ils m’épuisent tous, avec leurs airs désolés et leurs condoléances forcées. Il n’y a guère que Byron que je tolère à mes côtés ces jours-ci – peut-être parce que je le sens aussi affecté que moi – et la jeune Talya. Ta protégée nous est arrivée la semaine passée et je commence à voir ce qui a pu éveiller ton attention. Elle n’a rien dit, n’a eu pour moi aucune vaine parole de réconfort mais sa présence silencieuse et attentive me fait le plus grand bien. En mon absence, l’intendant l’a affectée aux cuisines mais il est possible que je l’appelle à mon service.
J’espère que tu te portes bien et que jamais, ô grand jamais, tu n’auras à connaître l’épreuve qui me ronge aujourd’hui. Pardonne les sombres pensées qui habitent cette lettre. Sans doute le temps œuvrera-t-il à adoucir mes pleurs mais pour l’heure, j’ai peine à trouver le sourire. Mes prières t’accompagnent et, si tu en as le temps, prie aussi un peu pour cet enfant que j’aurais tant aimé te présenter.
Prends bien soin de toi surtout,
Ta sœur,
Alysane
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(An - 5)
Mon très cher frère,
Je suis comblée d’avoir pu te compter parmi nous la semaine dernière. Cette visite royale a occasionné bien du remue-ménage mais après tant de mois de repos, cette agitation était la bienvenue. Surtout, je suis tellement heureuse d’avoir pu te présenter ton neveu. J’avoue que je n’imaginais pas pouvoir ressentir tant de bonheur, surtout compte tenu des épreuves passées. Je me surprends à rester des heures entières près de son berceau à le regarder dormir. Son sommeil est si calme, sa respiration si régulière… Cette vue m’apaise et s’il n’était cent questions pour requérir mon attention, je pense que je ne quitterai jamais sa chambre.
Je conserve précieusement le petit poing de bois que tu as sculpté pour lui. Bien sûr, il serait délicat de le placer trop en évidence, alors je l’ai glissé dans les plis de ses draps, pour qu’il accompagne ses rêves. J’ai beau être fière d’avoir mis au monde l’héritier des Manderly, mon cœur reste dévoué aux Glover et j’ose espérer pouvoir lui enseigner l’amour de nos deux maisons.
Je crois d’ailleurs qu’il serait des plus aisés d’envisager une nouvelle alliance entre Glover et Manderly. Depuis votre départ, la petite Alys ne parle plus que de toi. Il semblerait que cette demoiselle t’ait trouvé fort charmant et elle ne cesse de me questionner à ton sujet. Quel est ton plat préféré, comment se nomme ton cheval, quels jeux apprécies-tu… Ma belle-fille est désormais intarissable ! J’ai bien tenté de lui objecter de votre différence d’âge mais elle m’a rétorqué que son père et moi avions bien plus d’écart encore. Et quand, en désespoir de cause, j’ai fini par lui dire que tu prendrais sans doute épouse avant qu’elle ne soit en âge d’y penser, elle m’a rétorqué qu’elle ne voyait aucun inconvénient à ce que tu prennes femme, pourvu que tu sois disponible quand son tour viendrait.
Te voilà donc averti, petit frère. Ta première prétendante est plutôt tenace, malgré son jeune âge ! Depuis trois jours, elle n’a cessé de s’enquérir de ma prochaine lettre et je n’ai obtenu la paix qu’à la promesse solennelle de joindre à celle-ci le court poème qu’elle a rédigé à ton attention. Tu le trouveras sur le second feuillet que je t’envoie. Sur ces tendres mots, je te laisse découvrir tes nouvelles amours.
Prends bien soin de toi,
Ta sœur,
Alysane
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(An - 2)
Mon cher Bowen,
Les inquiétudes que tu exprimes dans ta dernière lettre me touchent, mais je ne peux envisager de ne pas me joindre à vous à l’occasion de cet anniversaire qui promet d’être une réception dont l’on se souviendra longtemps. Je me sens encore faible, mais mon corps ne tardera pas à se remettre. Si difficile qu’il me soit de dire une chose pareille, il me semble qu’il s’habitue à la douleur. Mon cœur, en revanche, ne peut s’y résoudre. Je pleurerai mes enfants jusqu’à mon dernier jour, mais demeurer à Blancport ne leur offrira pas cette vie qui leur a été refusée. En revanche, la perspective de vous revoir tous et de retrouver les murs de notre enfance adoucit quelque peu ma peine. En outre, il est grand temps que je présente à Mère son premier petit-fils.
À ce sujet, t’ai-je raconté la dernière idée de ton neveu ? Il aime à flâner dans la bibliothèque du château – par les Dieux, comme il me fait penser à toi quand il reste ainsi des heures durant, le nez plongé dans des livres dont il ne comprend, pour l’heure, pas un mot ! Bien sûr, ne sachant pas encore lire, il s’attarde surtout sur les illustrations et a mis la main récemment sur un ouvrage traitant des dragons. Il s’en est allé interroger Mestre Ronan qui lui a expliqué en quelques mots toute la férocité de ces créatures. Et face à la stupeur du petit, il a cru bon d’ajouter qu’il n’y avait rien à craindre de ceux dessinés dans le livre. Benjen a été tant impressionné par la description qui en a été faite et par l’assurance tranquille de notre bibliothécaire qu’il a désormais décidé de devenir « Mestre des dragons ». Il faut le voir parcourir tous les couloirs en babillant pour l’expliquer à qui veut l’entendre.
Enfin, je gage qu’il t’en fera lui-même le récit, si cette lubie survit aux deux longs mois de voyage qui nous attendent. Byron ne pouvant s’éloigner si longtemps de Blancport, nous a prévu une escorte conséquente, afin que nous puissions voyager en toute sécurité. Je te tiendrais informé tout au long de notre avancée. Qu’il me tarde de revoir Motte-la-Forêt et nos parents…
Prends bien soin de toi petit frère, nous serons bientôt réunis.
Ta sœur,
Alysane
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(An 0, troisième mois)
Bowen,
Ton corbeau est arrivé hier. Pour l’heure, je n’ai pas les mots pour te répondre. Mon cœur saigne, mon âme hurle. Je ne parviens pas à y croire vraiment.
Byron m’a également écrit, pour me dire qu’il serait à vos côtés pour une expédition punitive. Prends soin de lui, d’Edwyle et de Père. Lavez l’affront qui nous a été infligé.
Surtout, prend bien soin de toi. Je ne supporterai pas de te perdre.
Ta sœur,
Alysane
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(An 0, quatrième mois)
Mon cher frère,
Le Nord tout entier résonne de vos prouesses et de la fièvre vengeresse qui a fauché les barbares ayant osé s’en prendre à notre foyer. Mais je te sais gré d’avoir pris le temps de m’écrire dans cette tourmente pour me raconter les événements tels que tu les as vécus. Par tes mots, par tes yeux, j’ai comme le sentiment d’avoir participé aux représailles qu’il nous fallait mener. Je passe chaque nuit à penser à eux, à prier les Anciens Dieux de leur apporter le repos, et je ne doute pas que la vengeance implacable que vous avez menée puisse apaiser leurs âmes.
J’espère du moins qu’ils sont plus en paix que moi. Je ne parviens toujours pas à accepter le récit des événements que tu m’as livré. Je ne blâme pas Jeor d’avoir voulu sauver sa vie. Au moins les circonstances du drame nous sont-elles parvenues, grâce à lui. Mais ce récit a éveillé en moi une soif de sang qui m’effraie. Oh, Bowen, tu sais combien j’ai la violence en horreur. Pourtant, je ressens une joie féroce à l’idée que parmi les centaines d’hommes crucifiés le long de nos routes se trouvent peut-être ceux qui ont porté le coup fatal. Et la mort de leurs frères ne m’émeut pas davantage. Bien au contraire, je me réjouis de leur agonie, de leurs souffrances que j’espère immenses.
Ce sentiment de jubilation me rend malade autant qu’il me porte pour m’aider à affronter le quotidien. J’ignore comment le gérer, comment me débarrasser de cette allégresse qui me fait honte. Je prie pour que le temps vienne à effacer ces envies meurtrières, il m’est trop pénible de les imaginer perdurer. Prie pour moi, petit frère, si tu le peux.
Prends bien soin de toi, surtout.
Ta sœur,
Alysane
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(An 0, septième mois)
Mon très cher Bowen,
Tu seras heureux, j’en suis sûre, d’apprendre que les préparatifs vont bon train. J’aurais aimé demeurer quelque temps à Winterfell, profiter des charmes de la société mais pour rien au monde je n’aurais laissé l’organisation de ton mariage à une autre. Les chambres des convives sont d’ores et déjà prêtes – nous attendons les premiers arrivants pour la prochaine semaine – et je vous ai réservé, à ta jeune épouse et toi, l’une des plus belles suites du château.
Je connais bien mal la demoiselle de Cerwyn. Notre rencontre à l’occasion du mariage de la princesse Jeyne m’a laissée l’impression d’une jeune femme à la fois discrète mais ferme, douce et décidée. Je m’en réjouis. Motte-la-Forêt aura besoin d’une dame de poigne pour sortir des récents marasmes et toi d’une femme de cœur. De là où ils sont, je suis sûre que Père et Mère auraient approuvé ton choix.
À propos de mariage… Je serais curieuse d’avoir ton sentiment concernant l’annonce pour le moins insolite qui nous a été faite par le roi Torrhen. Cette union avec la dernière des Targaryen ne m’inspire guère, je dois bien te l’avouer. L’idée même me semble pour le moins incongrue. Nous n’avons guère en commun avec les gens du sud, et à plus forte raison avec ces inconnus venus de l’autre côté du détroit. Enfin, jamais je n’oserai mettre en doute les décisions de notre roi. Sans doute voit-il dans cette alliance des avantages qui me dépassent. Puissent les Anciens Dieux lui donner raison et éloigner de nos terres le spectre de la guerre.
Il me tarde de te voir arriver et de pouvoir échanger avec toi à ce sujet. Et plus encore de pouvoir t’accompagner à l’autel. Ce sera une belle fête, je te le promets, prémices, je l’espère, d’un mariage qui te comblera.
À très bientôt petit frère, prend bien soin de toi.
Ta sœur,
Alysane
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(An 0, dixième mois)
Mon très cher frère,
J’espère que tu te portes bien au milieu de toute cette tourmente et que tu gardes un œil attentif sur Edwyle, autant que faire se peut. Je sais les discordes qui vous divisent, mais prends patience. Lui aussi grandira à son tour, et je suis certaine que vous trouverez un jour matière à des relations plus harmonieuses. Si importantes que soient vos querelles, il n’en demeure pas moins notre frère et je ne pourrais supporter de perdre l’un de vous.
Il y a longtemps que tu ne m’as pas donné de nouvelles du front. J’imagine qu’il est parfois douloureux pour toi d’évoquer ces sujets et que tu souhaites m’épargner. Je te remercie de cette tendre attention mais tu sais combien je tiens à tes récits, si durs soient-ils. Et je préfère de très loin être informée de source sûre par tes mots que par les rumeurs qui courent et nous promettent monts et merveilleux un jour, et les défaites les plus amères le lendemain. Je t’en prie, si le temps t’en est donné, dis-moi ce qu’il en est vraiment. Tu es peut-être le seul en qui je puisse avoir toute foi, je sais que Byron ne pourra s’empêcher d’édulcorer la réalité pour ne point m’effrayer.
Je ne crois pas t’avoir déjà félicité pour la merveilleuse nouvelle qui m’est parvenue la semaine passée. Un futur Glover… Mon cœur se réjouit à cette pensée. Je prie les Ancieux Dieux pour qu’ils épargnent toute épreuve à Maedalyn. Puisse sa grossesse se passer sous les meilleurs auspices. Je l’ai d’ailleurs invitée à me rejoindre à Blancport, j’ignore si elle t’en a parlé. J’ai une affection immense pour notre foyer, mais force est de reconnaître qu’en cette saison, et en pleine reconstruction, le château de notre enfance n’est pas forcément le lieu idéal pour une femme dans sa condition. Je serais plus rassurée, et toi aussi je suppose, de la savoir en sécurité à Blancport ou même à Winterfell.
Il est d’ailleurs possible que je me rende d’ici peu à la capitale. Comme toujours, je t’en tiendrai informé pour que tu saches où adresser tes lettres. Tu as certainement eu vent des dernières lubies du Grand Septon ? En l’absence de Byron, il se pourrait que j’ai à faire le déplacement pour apaiser les fanatismes religieux de tout bord et rendre compte de la situation sur nos terres. Mais pour l’heure, je ne peux m’éloigner de Blancport. Les déclarations ridicules de ce chefaillon religieux ont semé le trouble dans mes rues. Nombreux sont les nouveaux croyants par ici, qui aimeraient faire triompher leur foi. Et tout aussi nombreux sont les adeptes des Anciens Dieux qui souhaitent leur faire ravaler leurs croyances, dans le sang si nécessaire.
N’aie crainte, pour le moment, nous avons la situation bien en main. Pour l’heure, la milice a évité tout débordement et nous traquons et punissons sans aménité ceux qui se permettent de troubler l’ordre public. Il me faut d’ailleurs te laisser, je dois rencontrer le responsable des patrouilles du quartier nord.
Prends bien soin de toi petit frère.
Ta sœur,
Alysane
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(An 0, douzième mois)
Mon très cher Bowen,
Une brève missive pour t’informer que j’ai été conviée par Lord Walton à le rejoindre à Winterfell pour évoquer les problématiques posées par cette croisade inepte. Je pars ce jour avec Benjen et quelques hommes.
Je t’écrirai dès mon arrivée.
Prends bien soin de toi,
Ta sœur,
Alysane