La maison Toland avait été fière. Devenue Garland sur l’ambition de son seigneur, la dynastie de Spectremont avait ambitionné de prendre le pouvoir à Dorne, et de sauvegarder son indépendance devant les vélléités du Bief ou de l’Empire.

Quelques mois plus tard, ne restaient plus que des rejetons perdus, une cité assiégée, toutes ses conquêtes déjà perdues et ses forces, dispersées. La défense de Spectremont n’était plus assurée que par des mercenaires venus du Bief. La fille de Lord Garland, disparue dans une tentative de sortie par les souterrains. Prise pour une paysanne du crû par les éclaireurs Allyrion qui battaient la campagne, la jeune femme avait été prise de force, et payée comme une putain. Les hommes l’accompagnant avaient été tués bien vite. Aucun espoir de secours ne parvint à la citadelle, et le bombardement intense par l’armée princière de Dorne avait eu raison d’une partie de sa muraille qui s’éboulait de plus en plus. De nombreux incendies se déclenchaient partout, et l’espoir s’amenuisait. La population faisait pression pour se rendre, mais la rumeur voulait que la Princesse Mahée n’accorderait ni sa pitié ni son pardon à qui que ce soit dans la cité.

Alors sans trop savoir quoi espérer, Spectremont tenait, encore.

Cassian Garland, le fils de Feu Lord Garland, provoque finalement le chef des mercenaires en duel, pour reprendre le commandement d’une compagnie devenue rétive, voire abusive parfois, envers la population locale. L’homme se gausse, mais accepte. Un pré carré est défini, malgré le bombardement de rocs et de feu des dorniens sur les défenses, bombardement qui ne s’arrête plus depuis des jours.

Cassian commence fort mal. Ses premiers coups sont totalement maîtrisés et le chef des mercenaires a un talent et des compétences visiblement bien supérieures, et l’homme se joue du jeune dornien. Il lui inflige une profonde blessure à la cuisse, une autre entaille à l’épaule, sous les quolibets de la troupe. Mais Cassian n’a rien à perdre, tout à gagner. Il sait que ce qu’il veut, il doit se battre pour le gagner. Le combat reprend derechef, et les orions échangés laissent d’abord éclater toute la détermination rageuse du jeune homme contre l’homme d’expérience, qui constate que l’adversaire sait se mettre à sa mesure. Petit à petit, le reste du duel voit le jeune homme remonter. Ruse de l’expérimenté renard, pour laisser une ouverture à même de terrasser son adversaire ? Mais d’une dernière ruse, Cassian parvient à esquiver le coup de grâce, et sa lame cueille à la nuque le mercenaire, dont la tête à demi coupée asperge de sang leurs environs immédiats. Il s’écroule alors, au sol, sa blessure à la cuisse continuant de gicler de sang à gros bouillon.

La clameur du combat retombe. Il faut un moment pour que dans la bousculade qui s’ensuit, Cassian ramène un peu de calme. Les hommes ne veulent pas forcément lui obéir, une dispute éclate. Trop jeune. Trop inexpérimenté. Trop dornien. Une poignée de soldats le suit toutefois, pour son courage, et l’espoir qu’il peut peut-être encore incarner, mais les autres refusent. Un consensus est toutefois trouvé. Cassian et les hommes qui le suivent vont évacuer la ville discrètement, et partir au loin. Les autres tenteront leur chance devant la Princesse Allyrion…

Les mercenaires, eux, font ouvrir les portes aux hommes de Mahée Allyrion. La princesse leur a proposé le fameux sauf-conduit, s’ils leur livrent le Garland. Les mercenaires, vaincus et sans chef, apprennent qu’Haujardin est tombée. Alors qu’ils se rassemblent pour affronter leur sort, sur la place du marché au milieu d’une ville endommagée par les bombardements de trébuchets et les incendies, Garland est traîné sur un pavois dans les tunnels sous la cité, et ses quelques suivants ayant endossé des frusques civiles se font passer pour des marchands. La ruse ne fait pas long feu, car les nombreuses patrouilles Allyrion, renforcées depuis le tout début du siège compte tenu de la propension connue des Garland à la ruse, et plus encore avec la précédente sortie tentée, ne tardent pas à tomber sur la poignée d’hommes. Qui sont des caravaniers sans chevaux ni marchandises, qui ne semblent pas si bien connaître Dorne et qui traînent près d’une cité assiégée depuis des semaines ?

Le ton monte, et la blessure grave du Garland soulève plus encore de questions. La tension éclate violemment et le sang coule ; les quelques mercenaires bieffois sont vite massacrés, et le blessé, traîné de force malgré ses blessures devant la Princesse qui peut savourer sa victoire ; les survivants de la maison séparatiste sont tous entre ses mains, et leurs dernières forces ont été vaincues.

Alors que la cité est prise, et que les troupes Allyrion honorent leur parole et encadrent les mercenaires pour qu’ils rentrent chez eux, elles prennent également possession des dernières réserves d’or et de navires dans le port. Très vite, la population est fendue de cris et remuée de bousculades. Des cavaliers Allyrion mettent pied à terre, enfoncent des portes. On entend d’autres hurlements, et des coups d’épée. On retrouve les femmes de la maison Garland, égorgées dans les bras de leur grand-mère qui tentait de les protéger. On retrouve les frères Garland, abattus en combattant dos à dos. Cassian Garland lui-même est simplement achevé sur son brancard, et son corps jeté dans un fossé. La Loi du vainqueur s’applique, brutale et sans pitié.

Deux jours plus tard, plus au sud, un convoi de cavalerie Allyrion se présente à Salrivage, pour collecter taxes et bans de la maison Gargalen. Le vieux seigneur, père de feu la Princesse Nymeria, accueille le capitaine et ses hôtes, avant que ceux-ci n’embrasent rideaux et voilages, et tout le mobilier, pour masquer l’odieux forfait dont ils viennent de se rendre coupables ; les sœurs de Nymeria et son père ont été passés par l’épée, ainsi que ceux de leurs gens qui ont tenté de les défendre.

Le jeune Torgen manquait à l’appel. Les recherches ne le trouvent pas, et la population interrogée, brusquée, malmenée pour cracher la vérité, n’en a aucune à livrer. Torgen Gargalen a disparu dans la nature, et disparaît de l’histoire de Dorne en même temps que sont brûlées les archives de sa maison, et de celles de la maison Toland, devenue Garland. La Princesse Mahée Allyrion, connue pour son habileté à gagner à sa cause de nombreux seigneurs, se sera montrée brutale et cruelle avec ses derniers adversaires, et ceux qui auront en premier trahi Dorne pour les Valtigar. Faisant deux des exemples, la Princesse de Dorne n’aura souffert qu’aucune maison ayant prétendu au trône ne survive, en dehors des Martell qui se sont ralliés volontairement.

Le message politique est on ne peut plus clair ; le pouvoir Allyrion ne saurait plus être contesté. L’unité de Dorne, plus jamais remise en question.

La guerre civile s'achevait, pour un temps du moins, dans le sang de ceux qui l'avaient fait perdurer, par l'une de ceux qui l'avaient déclenchée. Les rebelles d'hier étaient les victorieux d'aujourd'hui, et ils ne souffraient plus aucune contestation, ni tâche au blason jadis immaculé de la Principauté.

Il est l’heure, finalement, après des années de péripéties, que Dorne s’unisse. Mais sous la bannière de la Main Dorée, désormais. D’une main d’or gantée de fer.