Roward Martell n'était pas connu pour être un grand stratège, ou du moins, un général victorieux. Commandant en chef malheureux des armées de Dorne durant la guerre contre le Bief, il avait pu remporter quelques combats, mais aucun décisif. Abdiquant ses espoirs pour le trône de Dorne à Mahée Allyrion, il avait cherché à obtenir les moyens de sa vengeance contre les Valtigar... Il avait marché sur La Grâcedieu et là, avait mis le foin dans les déploiements Valyriens dont les lignes étirées avaient été mises à mal par ce mouvement plein centre.
Le plus étrange dans la foulée avait été l'étrange passivité des deux camps, qui ne cherchèrent plus aucun mouvement offensif durant plusieurs semaines. Etaient-ce les mouvements rapportés de dragons dans les environs qui avaient échaudé le Martell, ou la crainte de mouvements qu'on lui rapportait vers l'amont autant que vers l'aval de la Sang-Vert ? Pendant ce temps, les valyriens mettaient ce temps à profit pour rapatrier leurs troupes avancées vers Vaith, tandis que de nouvelles levées venaient des côtes Est et Sud du pays, avec également des renforts venus d'Essos... Patiemment, les valyriens reformaient de nouvelles forces pour remonter leur infériorité numérique, pendant que Roward Martell tentait de s'en prendre aux ravitaillements ennemis. Dans tous les cas, c'est lui qui souffrait le plus des manœuvres adverses. D'une armée près de deux fois supérieure à celle des Valtigar, l'ancien Prince de Dorne était désormais en infériorité numérique. Il demanda des directives et des informations à Mahée Allyrion qui, manquant d'expertise militaire en matière de batailles rangées, lui laissa le soin de continuer la campagne comme il l'entendait...
Dans l'expectative, le Martell choisit de faire confiance à son instinct plutôt qu'à attendre de se battre comme on l'avait toujours attendu de lui. Finies les charges bravaches, les offensives effrénées. En face, l'ennemi était commandé, déterminé, et méthodique. Le paradoxe entre les deux approches se fit clairement jour, assez rapidement.
Le Général Pausanias Tancreidon, en charge de l'armée avant que le Prince Maegor ne revienne avec son dragon, prit sur lui d'avancer de deux directions vers l'armée Martell. Il en repéra une sur un sentier connu, les forces qui revenaient de Vaith. Mais ne repéra pas celles sur la Sang-Rouge. D'instinct, le Prince Roward prit toutefois la meilleure décision en se préparant à la manœuvre avant le combat. Constamment aux avant-postes, il fit bouger son armée par modestes contingents qui tous passèrent par les maquis de la Sang-Vert, sur de petits sentiers d'éleveurs ovins. L'essentiel de sa cavalerie, nombreuse, et fortement aguerrie, surclassait en patrouilles et en raids audacieux la cavalerie auxiliaire dornienne des Valtigar, ou les montés valyriens eux-mêmes.
Habilement, les Martell firent tout pour que l'ennemi poursuive vers l'Ouest, organisant des mouvements du ravitaillement de charroi de l'armée, et plusieurs colonnes d'infanterie des levées féodales de la Principauté. Vers la source du fleuve Le Fléau, peut-être ? Pour y reprendre la guérilla depuis le désert, moins propice aux valyriens ? Cela semblait folie. Le Prince Maegor était à l'étranger, d'après la rumeur. Mahée Allyrion avait prévenu que le dragon noir avait été aperçu au dessus des Montagnes Rouges, vers le Nord-Ouest... Alors, cela paraissait jouable, et on ne vit pas le monstre revenir, ni le second, celui du Prince Aerymor qui s'en était pris à Le Tor et qui était reparti vers l'Est... Roward continue d'écranter tous ses mouvements d'un rideau de sa nombreuse cavalerie légère, l'utilisant finalement à plein escient, mettant à profit les erreurs passées.
Les valyriens commencèrent à remonter éclaireurs et montés sur la piste de l'Ouest, pour tenter de l'accrocher en attendant dragons et renforts, gros de la troupe... En face à face, peu de doutes quant à la capacité des légionnaires valyriens à l'emporter.
Refusant le combat, Roward Martell ne pouvait que surprendre son adversaire en prenant une direction à laquelle celui-ci ne s'attendait pas.
Pendant qu'une partie de sa cavalerie et de son ravitaillement, de ses bagages, fonçait vers le Fléau, ses éclaireurs guidés par des cavaliers Allyrion et recrues locales, farouchement autonomistes et rejetant les Valyriens, guidèrent l'armée en sinueuses colonnes dans la garrigue touffue du sud de la Sang-Vert.
Le général Tancreidon, sans jamais avoir lancé toutes ses forces à la poursuite de l'armée Martell, apprit au bout de quatre jours qu'il avait été leurré. Le pire avait été évité car il était resté prudent, sans marcher résolument vers l'ennemi repéré. Des messagers parvinrent au camp valyrien à bride abattue, hurlant que l'ennemi avait été aperçu au nord de Salrivage, marchant sur la cité de la Princesse Nymeria ! Deux heures plus tard, ce furent d'autres nouvelles qui parvinrent de Lancehélion, cette fois.
Un coup d'état avait été tenté pour renverser les Valtigar. Aucun détail sur la situation des Valtigar, ou du Prince Aerymor ou sa femme la Princesse Nyméria.
Le Général Pausanias, attendant toujours le renfort du Prince Maegor, se retrouvait au milieu de lignes peut-être débordées par l'ennemi, peut-être coupé de son ravitaillement et de ses soutiens, avec toute une partie de son armée dont la loyauté paraissait maintenant douteuse...
Drôle d'expédition, qui commence furieusement à rappeler celle menée par le Tigre de Volantis un an et demi plus tôt et qui s'était achevée dans un bain de sang sur un rivage, durant un rembarquement, alors que les Légions avaient été trahies par Lancehélion.