Ils se cherchent depuis des semaines. Les Ouestriens, d’abord, qui ruminent un siège avorté après tant d’efforts et une armée riveraine réduite à l’embarras et la honte d’une mauvaise manœuvre. Les riverains ensuite, âtres dans la revanche, et les nordiens qui les soutiennent et les renforcent, affamés comme des loups. Ils sont nombreux à se presser, partout, pour se battre. Les bêtes féroces, loups, lions, brochets qui se cherchent et qui se trouvent.

L’armée Lannister est en difficulté, mais loin d’être vaincue. Bousculée par les renforts impériaux et l’armée du Nord, les rouges et or ont dû retraiter de quelques lieues en vue de la capitale du Conflans Fédéré. Les combats n’ont jamais vraiment cessé. Ils ont pris d’autres formes. Les lourdes armes de siège, d’une portée relativement courte et d’une précision relative, en plus d’une cadence de tir famélique, entretiennent la tension en expédiant rocs et traits par-dessus les fortifications de campagne et les cours d’eau, retombent dans la boue détrempée du Conflans. Les combattants des deux camps sont harassés. Mais les nordiens et riverains, un peu plus nombreux, mieux pourvus en cavalerie, sont aussi plus offensifs. Renforcés par les routes qui viennent du nord, de l’est, vers la capitale impériale, ces osts n’ont cessé de devenir plus forts de jour en jour quand les ouestriens pansent leurs plaies et cherchent simplement à tenir leurs positions en attendant leurs propres renforts.

Très vite après les combats de Vivesaigues, l’imposant train Ouestrien, charriant des vivres, du fourrage et du matériel par convois entiers, devient la victime d’assauts foudroyants. Des cavaliers nordiens par dizaines, infiltrés sur les flancs et les arrières de l’armée. Les victimes sont peu nombreuses, essentiellement des métayers et commerçants réquisitionnés par le transport, mais les soldats d’escorte sont impitoyablement massacrés quand ils ne se rendent pas. Les loups volent les chariots et quand ils ne peuvent pas emporter leurs cargaisons, les incendient avec leurs bœufs sous les yeux des renforts Lannister. Très vite, la situation devient préoccupante. La couronne investit lourdement pour nourrir sa troupe loin de ses villes. Mais combien de temps ces convois pourront tenir ? Les meutes de leurs agresseurs s’enhardissent. Chaque jour plus nombreuses, chaque jour plus dangereuses. Le Général Kenning n’a pas le choix. S’il s’agit d’un piège, il doit tomber dedans. Son armée ne peut plus vivre sur un pays qui s’est refermé autour de lui après des semaines de rapines et de réquisitions, alors que l’ennemi est désormais en nombre, et partout. Il envoie ses propres cavaliers en petits groupes, ne pouvant détacher de forces trop imposantes des fortins qu’il tient toujours non loin de la capitale riveraine. Alors il tient, et chasse le loup.

Mais à ce petit jeu, les nordiens ont beaucoup appris dans l’Orage, dans le Bief, dans le Conflans même. Ils frappent et retraitent. Ils chargent à dix, se font contre-charger par deux escadrons à un contre deux, mais ce sont trois groupes camouflés sous le couvert des arbres qui leur viennent en aide. Les ouestriens sont abandonnés à même le sol, les Bolton n’hésitant pas à mutiler leurs cadavres ou à graver des insultes à même leur chair. La guerre devient sale.

Les armées ne passent pas encore à l’attaque. Des renforts affluent près de la cité. Des hommes par centaines, étendards Nerbosc et même Bracken, désormais. Des drapeaux des divisions du Nord renforçant leur Roi.

Une nouvelle bataille risque de maintenant se jouer.

Au nord, les Bieffois jouissent d’une enclave prise par leur Reine Eren à Salvemer, où ont battu en retraite leurs troupes vaincues au Trident. Les Ouestriens comptent-ils, attendent-ils ces renforts ? L’armée Costayne brisée a été reformée, et renforcée des fer-nés loyalistes au nom Hoare que portait la Reine avant d’épouser un Hightower, a pris le bourg de Vyprin d’un élan violent. La population a été soumise au pillage dans l’amère vengeance des horreurs subies sur le Trident sous l’ardent souffle des dragons. Ces forces ne sont qu’à quelques jours de marche. L’Empire sait où elles se trouvent ; leur fuite du champ de bataille d’Herpivoie a été suivie. Les Ouestriens les attendent-ils, ou préférent-ils le renforcement de leur propre pays, avec des promesses venues de l’arrière ?

Les nordiens et les riverains se renforcent encore. L’Empereur a promis des renforts supplémentaires après ses victoires au Val.

Qui le premier prendra l’initiative ? Les deux camps se jaugent, se tuent par petits paquets en attendant le retour de la loi des armes. Les deux camps jouent gros.

Qui l’emporte ici fera ou tomber le Conflans, ou toquera à la porte de l’Ouest.