@Mina Swann & @Aenor Estremont

Il était si beau.

Argella ne pouvait pas détacher son regard du petit être qu’elle berçait dans ses bras. Elle se trouvait bien incapable de le lâcher, de peur qu’il ne disparaisse, comme si elle vivait dans un rêve depuis qu’il était sorti de son ventre. Toujours collé à elle, si fort contre sa poitrine, elle entendait sa respiration et le battement de son petit cœur. Il avait l’air si fragile, ce petit garçon qu’elle avait tant désiré. Maintenant qu’il était là, elle avait le sentiment de pouvoir respirer, de sourire de nouveau, car la grossesse avait été une épreuve tant la Reine avait été angoissée pendant ces neuf mois, jusqu’à ce qu’il pousse son premier cri. Elle avait eu bien du mal à accepter qu’on l’éloigne un peu d’elle, histoire de le laver un peu, et de la rafraichir également à son tour. Elle avait accepté, à contre cœur, devant l’évidence de son état mais avait rapidement exigé l’avoir de nouveau près d’elle. L’accouchement n’avait pas été de tout repos, la jeune femme était épuisée et endolorie.

Son regard ne pouvait pas le quitter. Elle souriait un peu bêtement quand il ouvrait les paupières et qu’il semblait focaliser ses grands yeux sur elle. Est-ce qu’il la voyait bien ? Impossible à savoir mais la petite chose qui se débattait mollement dans ses bras ne semblait pas insensible au ton de sa voix et à la chaleur de son corps. Tout comme elle, il ne désirait pas être éloigné et se contorsionnait un peu en vocalisant dès qu’on l’éloignait de la poitrine de sa mère. Argella ne s'en plaignait pas, cela lui donnait une raison de le garder tout près d’elle, précieusement conservé contre sa poitrine, lové comme l’objet précieux qu’il était.

Elle l’avait désiré si longtemps. Après deux fausses couches, l’espoir s’était étiolé. Elle avait cru qu’elle n’aurait jamais pu avoir le bonheur de donner la vie à un petit faon. La guerre et la souffrance n’avaient pas permis à la Reine de l’Orage de croire en une fin heureuse. Mais voilà qu’il était là, cet heureux dénouement. La Biche baissa un peu la tête, portant ses lèvres au front chaud du bébé, l’embrassant avec une tendresse qu’elle ne se connaissait pas.

« — Votre Majestée… » La voix la tira difficilement de ce moment d’extase. Elle leva vers celle-ci un regard fatigué et creusé. La nuit avait été tout de même longue, rythmée par les contractions précédant le travail. « Dames Swann et Estremont sont là, comme vous l’aviez demandé. » La Biche sourit sans répondre et tourna son regard vers la porte lorsque celle-ci s’ouvrit pour faire entrer les deux femmes. « Je peux leur dire de revenir plus tard, pour vous laisser le temps de vous reposer. »

Argella se redressa un peu dans son lit, se fichant un peu de l’état dans lequel elle était. Même si on l’avait aidé à mettre des vêtements propres, elle se sentait encore poisseuse et ne devait probablement pas être sous son meilleur jour. Mais cela ne la dérangeait pas. Elle secoua la tête en signe de dénégation, hochant la tête vers la porte, signe qu’elle ne voulait pas se reposer. Elle était si fière de son petit faon, il fallait qu’elle le montre. Mina Swann et Aenor Estremont étaient ses amies. Elles avaient été là pour elle lors des moments difficiles et avaient toujours été soutenantes. Tout au long de sa grossesse, Argella les avait tenus au courant et il avait été logique que les deux femmes soient les premières à poser les yeux sur l’adorable héritier de l’Orage qu’elle venait de mettre au monde. Les salutations au Royaume viendraient plus tard. Elle n’avait pas assez d’énergie pour proposer plus que cela.

« — Mes amies… » Les accueillit-elle d’un sourire lorsqu’elles s’approchèrent du lit. « Je suis heureuse de vous voir. » Elle les regarda un instant puis reporta son attention sur le petit bonhomme potelé qui gesticulait doucement dans ses bras, incapable de le quitter des yeux trop longtemps. « Regardez comme il est magnifique… Le Prince de l’orage. »

Le nouveau-né s’immobilisa un peu dans ses bras et Argella échappa un soupir de contentement. Elle était épuisée mais apaisée.