J’étais assise en tailleur sur une caisse, toujours vêtue comme l’as de pique, avec un gilet en laine épais, par-dessus une chemise d’homme dont j’avais dû retrousser les manches pour retrouver mes mains, une jupe trop grande pour moi qui tenait avec un morceau de corde, et d’épaisses chaussettes qui tenait en place mes vieilles sandales cassées. J’étais assise sur la caisse d’un marchand à raconter une histoire pour un public d’enfants et d’adultes toujours plus nombreux. Je venais au quotidien pour raconter mes histoires et gagner au passage quelques pièces pour aider les gens de l’équipage des chattes humides. Mais surtout ma petite étoile qui venait prêter ses services de guérisseuse à qui le voulait. Et elle veillait sur moi de loin, n’aimant pas que je sois seule parmi une population étrangère. Je m’arrêtai un instant pour reprendre mon souffle.
« Et les étoiles brillèrent avec plus de force encore cette nuit-là, alors qu’il levait la main pour la poser sur la pierre sacrée. Les écritures, jusque-là effacées, se mirent à luire d’une force sans pareil, créant dans la caverne une lumière grise qui couvrait toutes les autres couleurs. »
Un petit s’accrocha à sa maman, terrorisé par mon histoire. Je repris calmement.
« Le héros inspira profondément et il sortit son poignard, taillé dans l’os de son frère. Il savait que cette ancienne magie était un couteau, elle pouvait être aussi positive que négative et quand bien même la création de cette lame avait été une souffrance absolue… Elle pouvait maintenant tout rétablir. Alors il la leva et la planta au travers de sa main, elle traversa aussi bien la chaire que la roche et la lumière venue des écritures ondula, passant du gris à un bronze chatoyant. Il se sentit faiblir, mais il résista jusqu’à ce que la lumière, devienne aussi chaude que cella du soleil. À cet instant, il retira la dague de sa main et s’écarta du rocher. Maladroitement, il se dirigea vers la sortie de la grotte, sa main s’était recroquevillée sur elle-même devenue noire et sèche, ses cheveux avaient blanchi… Dehors, le monde stérile avait retrouvé ses couleurs et ses yeux peu habitués à tant de lumière et de beauté, se mirent à pleurer. Il avait sacrifié beaucoup… Peut-être que lui n’en profiterait pas, mais ses enfants oui. Alors à genoux dans l’herbe, il se mit à sangloter, heureux d’avoir réussi sa mission. Tout ce qu’il voulait maintenant, c’était rentrer pour faire une couronne de fleur à sa petite fille. »
Je finis mon histoire sous les applaudissements et quelques jets de pièces dans l’écharpe que j’avais mise au sol. Je remerciais tout le monde alors que des enfants me réclamaient déjà une nouvelle histoire. J’eus un rire en effleurant leur tête avant de voir du coin de l’œil une escouade de garde avec… oups. La reine. Je m’inclinai bien bas en silence et sans oser m’approcher. Pas sûre qu’elle souhaite me parler. Je grimpai souplement sur la caisse pour regarder, pour voir si mon étoile était dans les parages, mais non. Je sautais sur le sol pour récupérer toutes mes affaires. Elle avait dit quoi Dyanne ? Elle voulait des légumes frais. J’entendis un petit raclement de gorge et me retournai pour voir un garde. Trop proche je fis un pas en arrière. Je ne faisais plus de passe depuis longtemps…
« Oui ? »
Je n’étais pas très à l’aise…
Hura
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Revenir dans le Val lui avait procuré une sensation quelque peu étrange. Elle était partie toute jeune Reine, et même si elle n'était pas une inconnue au sein du royaume où elle avait grandi, notamment par la réputation de la maison dans laquelle elle était née et également à cause de celle de son père qui n'était certainement plus à faire, elle était passée de cousine du Roi et ancienne dame de compagnie de la défunte Reine, à épouser et souveraine d'un pays en pleine guerre. Elle n'avait eu le temps de rien entre son mariage à Chêne-en-Fer, après les noces, il avait été décidé qu'elle suive Ronnel, au moins jusqu'à la Porte Sanglante pour essayer de donner au plus vite un héritier à la couronne, ce qui avait été plus qu'efficace et c'était d'une certaine façon, la seule véritable contribution qu'elle avait eu l'impression de faire pour le bien du peuple valois. Mais est-ce que tout le peuple valois pouvait se réjouir d'une telle nouvelle dans un moment de déchirement si profond entre les uns et les autres, divisé par une crise politique et les aspirations de chacun qui augmentaient petit à petit le gouffre qui semblait s'ouvrir sous ses pieds. Au final, elle n'était pas restée longtemps là-bas non plus, il avait perdu les combats et l'idée de continuer avait semblé être si terrible pour eux, qu'ils avaient fini par capituler. Alors oui, elle avait joué le rôle de Reine. Oui, elle avait représenté le Val, essayant de défendre autant la couronne que la population qui y habitait et qui avait tant souffert. Ce n'était certainement pas une mince affaire, vu les critiques et les reproches qui avaient pu fuser par moment. Mais elle avait réussi à faire quelques belles rencontres à Fort-Darion, avant d'à nouveau quitter la capitale impériale pour le Nord et sa rencontre avec Eleanor Stark, et de rejoindre finalement Roche-aux-Runes.
Ysilia avait été profondément heureuse de retrouver de regagner le domicile familial, mais elle était consciente également qu'elle devrait bientôt partir, qu'elle ne pouvait pas rester ici éternellement. Elle n'était plus une Royce, mais la Reine du Val et cela voulait donc dire qu'elle devrait rejoindre l'une ou l'autre des cités ou plutôt des forteresses qui avaient à vocation d'accueillir la famille royale et toute la Cour qui allait avec. Alors, elle avait eu envie de faire un dernier tour au cœur de la cité, prenant avec elle le petit Donnel pour cette balade entre une sœur aimante et un petit frère fougueux, et bien évidemment, de nombreux soldats pour assurer sa protection. Car même ici, même chez elle, on n'était jamais sûr de ce qu'il pouvait se passer. Elle s'avança alors, serrant avec force la main du petit garçon pour qu'il ne s'enfuit pas en courant parmi les badauds présents. La future mère s'arrêta enfin, alors qu'une conteuse venait à raconter une histoire. Joli ou non, cela semblait avoir ramené un peu de monde autour. Ysilia prêta alors l'oreille à ce qui était conté. Le texte était rude, même si la conclusion était pleine de promesses. La jeune Reine se pencha vers un garde pour aller demander à la jeune femme, une histoire pour le petit garçon qui l'accompagnait. Il s'inclina, puis se dirigea vers la conteuse qui eut un mouvement de recul en le voyant soudainement si proche. « Sa Majesté, voudrait savoir s'il était possible d'avoir une nouvelle histoire pour son jeune frère, ici ou ailleurs, comme cela vous plaira. »
ysilia royce
le courage n’a pas d’âge.
Ysilia Arryn
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Je n’étais vraiment pas à l’aise face au garde. Vraiment pas. Je me mordis un peu les lèvres en cherchant mon étoile du regard. J’aurais préféré qu’elle soit là. Mais soit, qu’importe. Je restais en retrait en écoutant la proposition. J’inclinai la tête pour voir la reine et… Non, il n’était pas prince, c’était juste un petit garçon. Je tournai la tête à nouveau pour voir où était mon étoile. Elle n’était pas ici et elle ne pourrait pas me retrouver si je partais. Je me mordis les joues à nouveau avant de choisir une réponse.
« Je préfère rester ici. Si cela ne la dérange pas. J’ai encore d’autres histoires oui. »
Je tirais machinalement sur la manche en laine de mon gilet trop grand. Je regardais la reine à nouveau avant de détourner les yeux. Je reculai à nouveau pour avoir un peu plus d’espace. Je trouvai vraiment que le garde était trop proche de moi, je n’aimais pas cela. J’aurais préféré m’adresser directement à elle, mais je crois que je n’avais pas trop le droit. Je reviens vers le garde.
« Elle peut s’installer comme elle le souhaite avec son frère. »
C’était quand même un peu étrange de voir des nobles à pied. Généralement ils étaient en carrosse, palanquin… Enfin, ça c’était à Braavos. Je me frottais machinalement le nez avant de m’installer sur mon tonneau pour que cela soit plus confortable pour moi. J’essayais de trouver l’âge de l’enfant, mais, je n’étais pas très bonne pour ça. Cinq ou six ans sans doute. Pas beaucoup plus au premier coup d’œil. Je fermais un instant les yeux pour rassembler mes idées. Que pouvais-je bien lui raconter ? Mon esprit flotta un instant jusqu’à trouver un bourgeon d’idée et je rouvris les yeux avant de m’incliner légèrement devant la reine et son frère.
« Je me présente, je suis Hura, conteuse venue de Braavos. »
On devait entendre mon accent particulier lorsque je parlais westerosi. Mais il était hors de question que je ne parle de dragon ici. De ce que j’avais entendu, ils en avaient un assez mauvais souvenir. Ce que je pouvais comprendre. Je continuai mon petit numéro habituel.
« Je viens de loin et j’ai entendu bien des histoires, contes et légendes, venant des terres connues et même inconnues. Je ne puis affirmer que tout est vrai, car ce sont parfois des récits que j’ai entendus qu’une seule fois. Mais toute histoire, vraie ou fausse, mérite d’être écouté. Permettez-moi de vous amener sur des terres lointaines et étranges dont vous ignorez le nom et dont on m’a fait jurer de le tenir secret pour protéger sa richesse. »
Je regardai l’enfant et il semblait captivé. Ainsi que d’autres passants qui s’étaient arrêtés. Alors, je me mis à raconter d’une voix claire la naissance d’un enfant né d’aucun parent, né des étoiles mêmes ! Une enfant aux cheveux de jais née sur une terre froide, et qui de son seul contact faisait fondre la neige et la glace. Une vie dure, car au début, les brigands se servaient d’elle pour piller et voler, elle-même devenant mauvaise, semant mort et désolation tout autour d’elle, devenant simplement une méchante. Jusqu’à ce que quelqu’un prenne le temps de voir au-delà de ses capacités, de chercher son véritable cœur pour l’entendre elle, apaiser ses souffrances et lui offrir autre chose que la violence et la mort. C’est cela que je racontais, qu’il suffisait parfois de simplement écouter le cœur de l’autre. Je crois que cela plaisait au petit. Je terminai mon histoire et quelques pièces tombèrent devant moi alors que je me levai, je les ramassai pour les glisser dans mes poches avant de m’approcher un peu de l’enfant et de me mettre à sa hauteur.
« Est-ce que mon histoire vous a plu messire ? »
Je relevai la tête vers la reine avec un petit sourire aux lèvres.
« Et vous majesté, est-ce que cela vous a plu ? »
J’aimais bien avoir des retours et le petit garçon semblait être très vif.
Hura
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