— An 2 Mois 7 Semaine 3
@Khayley Ardoise

La lumière commençait à décliner sur Castral Roc et la chaleur quittait doucement les environs, emprisonnée dans les murs du château. Pour une personne venant tout droit des contrées froides du Nord, la température de l’Ouest serait chaude, humide et presque étouffante. Mais elle était de Crakehall avant tout, un peu plus au Sud que la capitale, où la température y était chaude et où la forêt avait toujours été un refuge délectable. Voilà vingt-quatre ans que la Lannister occupait Castral Roc, et il s’y était passé tant de choses.

La lionne passait le plus clair de son temps à surveiller ce que faisait son Roi de fils. Il était jeune mais elle voyait en lui ce que n’avait pas pu être son défunt Roi de mari. Il avait les épaules pour tenir tête à l’Empire et ses dragons. Il n’empêche qu’elle craignait pour la suite car le Val avait rallié l’Empire deux lunes auparavant et cela rajoutait encore des forces aux armées impériales. Comme s’ils avaient besoin de cela ! Pour le moment, il semblait que l’Ouest avait un avantage sur sa stratégie, mais jusqu’à quand ? Savoir son fils en danger l’angoissait, c’est d’ailleurs la raison pour laquelle elle faisait tout son possible pour que celui-ci ne quitte pas les murs douillets de la capitale de l’Ouest.

Et puis, elle avait entendu autre chose, de la part du Bief. Elle avait entendu parler d’une captive qui avait la capacité de voir bien au-delà du simple horizon. La Foi n’apprécierait pas cette hérésie, cette idée sortie tout droit des vieux comptes de sorcières. Mais pouvait-elle vraiment dédaigner une telle source d’informations ? Il lui fallait avant tout savoir si cela était bien la vérité. Son bourreau se délecterait bien de nouvelles têtes à couper si elle devait conclure les dons supposés de la Nordienne comme de fallacieux mensonges.

La Reine-Mère était, comme souvent, habillée de riches soieries aux couleurs du Lion Lannister. La soie couvrait joliment son corps, le révélant tout autant à d’autres endroits pour ne pas lui tenir trop chaud. Alors qu’elle était dans ses appartements, réfléchissant aux avancées de la guerre et au pion qu’elle aimerait rajouter sur l’échiquier pour devenir les mouvements ennemis, on vint toquer à sa porte.

« — Majestée, c’est… »

Elle fit un mouvement de la main, intimant au garde de se taire avant qu’il n’ait terminé sa phrase.

« — Je sais qui c’est. Faites-la entrer. »

Elle tenait entre ses mains le papier que lui avait envoyé Ghabrielle Rowan, de leur accord sur la livraison de la marchandise vivante. Ses prunelles acérées se posèrent sur la frêle silhouette qui rentra dans ses appartements, étroitement escortée par deux hommes du Bief. Elle l’observa faire une révérence gauche et rejoignit les hommes en quelques enjambés, faisant volter la soierie au passage.

« — Votre Majestée… » Il semblait hésitant devant le regard froid de la Lionne. « Voici Khayley Ardoise, comme convenu. » Cherchant ses mots, il lui tendit un parchemin.

Sans dire un mot, elle prit le morceau de papier qu’il lui tendait, l’ouvrit et lu rapidement les notes. Aucune émotion lisible sur son visage, elle reporta son attention et son regard sur les deux hommes et haussa les épaules.

« — Bien, partez maintenant. » Elle n’avait aucun intérêt à les garder plus longtemps. Et les hommes prirent rapidement congé.

Il était désormais temps d’en savoir plus sur cette jeune femme, sur ces dons dont faisait état Ghabrielle, et sur ce qu’elle pourrait apporter dans la guerre.

« — Lady Ardoise… » Elle parlait d’un ton plus doux, presque mielleux, ferme néanmoins. « Vous voilà bien loin de chez vous. J’ose espérer que vous avez été correctement traitée. Je puis vous assurer que vous le serez ici, à Castral Roc, car nous ne sommes pas les monstres que vos amis Nordiens dépeignent par ignorance. » Elle approcha, prit le menton de la frêle créature entre ses doigts et releva son visage pour faire face au sien. « Que vous a-t-on dit ? »

— An 2 Mois 7 Semaine 3
@Khayley Ardoise

Elle voyait dans le comportement statique de la jeune femme qu’elle avait peur. Était-elle impressionnée de se retrouver en face de la Reine-Mère du Roc ? Ou bien était-ce le fait d’être rendue au plus profond du territoire ennemi ? Jordane se délectait de cette peur qu’elle pouvait sentir à plein nez. Les êtres apeurés étaient toujours bien plus manipulables que les autres. Et cette jeune femme privée de ses sens se retrouvait acculée par la Lionne comme si elle avait été sa proie. Il était cependant hors de question qu’elle fasse peur à la petite antilope qui lui faisait face, elle avait absolument besoin de sa confiance afin qu’elle soit sincère avec elle. Il lui fallait donc agir avec douceur et confiance.

Alors qu’elle tenait le visage pale de la jeune dame du Nord entre ses doigts, elle voyait ses prunelles aveugles vibrées comme si elles cherchaient quelque chose sur quoi se fixer sans jamais rien trouver. Elle ne pouvait s’imaginer être aveugle elle-même. Elle en ressentirait presque de la pitié pour la pauvre créature. Naître sans la vue, dénuée de capacité à voir le monde. Ce que cela devait être morne.

« — Soit. » Répondit-elle de cette même voix doucereuse. « Vous verrez, vous apprendrez à supporter la chaleur de l’Ouest, comme l’a fait Dame Jeyne avant vous. » Elle la toisa, cherchant dans les expressions de son visage la meilleure carte à jouer. « Elle vous rejoindra plus tard. » La Lannister relâcha sa prise et fit volte-face.

Prendre en otage une personne aveugle n’avait pas dû être trop difficile. Ce n’est pas comme si elle pouvait se défendre. Elle n’avait pas plus de griffe qu’un lapereau. Jordane tenait toujours le bout de papier dans son autre main, le papier qui lui apprenait les dons de vervoyante de la jeune femme. Elle devait en être certaine. Mais il fallait qu’elle soit accueillante pour que sa proie se détende. Et quoi de mieux pour cela que de lui proposer de quoi se sustenter. Jordane fit claquer ses paumes et deux servantes débarquèrent, à l’affut.

« — Apportez-nous un bon repas, je dînerai ici avec mon invitée. » Elle appuya son dernier mot avec un sourire.

Les servantes se mirent tout de suite en quête, les laissant seule.

« — Vous êtes aveugle, et non pas sotte, n’est-ce pas ? » Lui dit-elle un peu brusquement en retournant auprès d’elle. Elle marqua une longue pause tandis qu’elle la dévisageait, la dominant de toute sa hauteur. « Vous savez pourquoi vous êtes ici, devant moi, la Reine-Mère de Castral Roc. J’ai besoin de vous, de votre don. » Elle ne la quittait pas des yeux. « Est-ce la vérité ? Êtes-vous réellement capable de voir ce qu’il se passera dans l’avenir ? » La question la taraudait bien trop pour qu’elle puisse la conserver plus longtemps à demi-mots.  

Soit elle avait bien récité son texte ruminé dans sa tête depuis plusieurs lunes, soit elle était véritablement sincère. La Lannister gardait sur l’aveugle un regard profond comme si elle cherchait à sonder son âme, à réellement savoir ce qu’elle pouvait voir, si tout était bien réel ou fantasmé par d’autres qui espéraient que les contes deviennent une réalité. Elle aussi, elle avait des espoirs, des fantasmes et des désirs, qu’elle se devait de conserver au chaud pour le bien de son Royaume et de ses enfants. La lionne faisait toujours passer ses lionceaux avant le reste, ils étaient son trésor et elle espérait qu’ils comprendraient la raison de cette facétie.

L’évocation de la Reine venue du Nord sembla être un hameçon sur lequel elle pourrait tirer au besoin. Et, tandis qu’elle continuait à la dévisager de ses prunelles accusatrices, la frêle créature du Nord lui fit entendre ce qu’elle avait aimé entendre. La Lannister eut un rictus, ne sachant pas réellement si elle pouvait être satisfaite de cette réponse. Si elle pouvait faire confiance à cette jeune dame pétrie de peur. Elle la sondait avec une telle intensité que même une aveugle pouvait sentir le poids de son regard alourdir ses épaules.

Jordane prit soin de ne pas l’interrompre alors qu’elle parlait, dévoilait qu’elle pouvait voir l’avenir et même le passé. À quoi cela pouvait-il bien servir de voir le passé ? C’était vers l’avant qu’ils devaient tous aller. Elle rumina ses paroles et se mit à marcher à pas lents, trainant sa longue robe de satin rouge dans son sillage. Une main sur la bouche, elle ne la quittait pas de son regard fauve. Jusqu’à ce qu’elle brise enfin le silence sans s’arrêter de marcher pour autant.

« — Chaque vision vous coûte… » Répéta-t-elle. « Dans ce cas, l’état dans lequel vous êtes aujourd’hui a-t-il un lien avec vos prétendues visions ? »

La longueur du voyage et l’angoisse qu’elle avait pu ressentir lors de cette prise d’otage pouvait probablement être responsable de l’épuisement qui se lisait dans les traits de la jeune femme. Mais cela pouvait également être provoqué par des visions, selon ses dires. Et Jordane avait soif d’en savoir plus.

« — Si ce que vous dites est vrai, vous êtes une femme très spéciale. Un tel don aurait dû être conservé avec davantage de précaution, encore plus venant du Nord dont vos coutumes sont avides de contes dans ce genre. » Elle continuait de marcher lentement, se rapprochant d’elle à certains moments puis s’éloignant à nouveau. « Pourquoi le Roi du Nord ne vous protège donc pas ? » Peut-être se trompait-elle, mais rien de mieux que d’instaurer le doute dans un esprit fragile pour le modeler à sa guise.

Elle se plaisait à entretenir une tension psychologique sur la jeune dame, pour obtenir ce qu’elle voulait d’elle maintenant ou plus tard. La Reine Lannister avait l’habitude de danser de cette manière, elle l’avait toujours fait, encore davantage du temps où son mari était Roi et où elle l’épaulait jour après jour. Elle n’était pas surnommée la Lannister pour rien et sa renommée était désormais bien connu en Westeros. Son invitée était « relativement en forme » certes, ce n'était pas ce qu’elle voyait de ses yeux. La pauvre femme était vêtue de vêtements sales, fatigués par les journées de chevauchée. Sa peau bien que blanche, était recouverte d’une couche de saleté. Ses cheveux sentaient la poussière et son corps la sueur. Pas besoin d’être aveugle pour sentir toutes ces odeurs.

« — Oui, c’est bien ce que je disais. Vous n’êtes rien pour eux. » Elle haussa négligemment les épaules.

Ses pas s’arrêtèrent finalement, à nouveau pour faire face à la jeune femme. Elle était sale, poussiéreuse et puante. Elle allait empester ses appartements si cela continuait.

« — Que diriez-vous d’une petite toilette avant de partager le souper ? » Encore son ton doucereux.

Sans attendre de réponse, elle fit claquer une nouvelle fois ses paumes l’une contre l’autre, ne prenant aucunement garde au sursaut de surprise que cela avait provoqué précédemment chez l’aveugle. Une autre servante pénétra dans la pièce.

« — Préparez rapidement un bain pour mon invitée. Je veux qu’elle soit propre avant que nous passions à table. » Et devant la lenteur de réponse de sa servante, elle claqua à nouveau ses paumes, énergiquement. « Et plus vite que ça ! »

La servante s’affaira aussitôt pour aller chercher de l’eau chaude pour remplir le bain qui attenait à ses appartements. Elles étaient à nouveau seules, face à face. Si Jordane s’attelait à se montrer accueillante avec la jeune femme, elle voulait être sûre d’être prise entièrement au sérieux par la Nordienne.

« — Vous n’avez pas intérêt à me mentir, Khayley. » Sa voix grondait doucement comme autant de menaces planant sous ses paroles. « Chacun sait que je n’apprécie pas les mensonges. Et cela me ferait un mal de chien que de vous donner à mon bourreau. » S’apitoya-t-elle. « J’imagine que vous voulez retourner dans le Nord, mais croyez-moi, vous serez mieux traitée ici, car vous êtes désirée pour ce que vous êtes. Otage certes, mais vous êtes mon présent et pour cela, vous serez bien traitée et ne manquerez de rien. Peut-être pourrez-vous vous sentir bien, ici, parmi les lions. Dame Jeyne saura vous aider à vous sentir bien. Vous prendrez conscience de ce que l’on raconte dans le Nord, des vilenies dont on nous accuse, alors que nous ne faisons que combattre l’idée d’une chevaucheuse de monstre. Vos dons pourront œuvrer pour la paix, pour l’Ouest et même pour le Nord. »

Elle s’était rapprochée d’elle à nouveau, assez proche pour la sentir mais pas assez pour la toucher.

« — Ici, vous compterez. »

Si Jordane se doutait de la blessure que ses mots pouvaient laisser, elle n’en avait cure. Il fallait que cette jeune femme comprenne que l’Ouest était sa seule maison possible. Du moins pour un temps. Car s’il s’avérait qu’elle était réellement pourvue de ce don, et qu’elle puisse lui apporter des informations sur les avancées de l’Empire, ou sur des évènements de l’avenir, alors elle ne pourrait tout simplement plus la laisser partir et risquer qu’elle tombe entre d’autres griffes. C’était un cas auquel elle se devait de réfléchir. Si la Nordienne essayait quoi que ce soit pour se soustraire à son emprise, alors elle n’hésiterait probablement pas à la détruire. Elle n'était pas réputée pour être tendre et, à la tension qui régnait dans le corps de son interlocutrice, celle-ci avait eu vent de sa réputation.

L’idée d’un bain la ravit, son visage s’illumina un peu et elle put lire sur celui-ci le soulagement de se défaire de toute cette crasse. Voilà au moins un sujet sur lequel elles pouvaient s’entendre. Et quand elle poursuivit en se décrivant comme son animal domestique, la Reine-Mère ne put réprimer un rire surpris, amusé. Toujours aussi proche d’elle, elle acquiesça, bien qu’elle ne puisse pas la voir.

« — Si c’est ainsi que vous souhaitez vous considérer, soit. » Elle haussa à nouveau les épaules. « Je n’ai guère besoin d’un animal de compagnie, je ne vous demande pas de me tenir compagnie mais simplement de me dire la vérité sur ce que vous pourrez voir dans vos visions. Quant à savoir ce qu’il adviendrait de vous si vous ne me donnez pas les informations que je souhaite… » Elle marqua une pause, réfléchissant à cette éventualité. « Nous verrons. Je suis bien plus clémente que ce que vous imaginez. Vous seriez dans une geôle si tel n’avait pas été le cas. » Elle chassa cette éventualité comme une mouche agaçante.

La porte s’ouvrit sur deux servantes qui apportaient chacun deux seaux d’eau chaude et parfumée. Elles allèrent déverser le contenu fumant dans la baignoire. C’était bien assez pour la récurer. Tandis que l’autre allait refaire un tour pour chercher de l’eau chaude, la seconde s’approcha un peu brusquement de la Nordienne et l’emporta vers la baignoire, l’éloignant de la lionne. Celle-ci ne la lâcha pas des yeux pour autant.

« — Doucement avec mon invitée, n’allez pas lui faire mal. » Dit-elle à l’intention de sa servante qui se radoucit aussitôt, prenant garde à faire des mouvements plus doux, plus avenants, tandis qu’elle entreprenait de délacer les vêtements de la jeune femme.

« — Ma dame, donnez-moi ce que vous avez dans les mains, je vais le mettre de côté le temps de vous laver. » Elle tendit la main pour qu’elle lui cède le morceau d’écorce que la Nordienne tenait fermement dans la paume de sa main.

« — Faites. Rien n’arrivera à vos affaires. » Appuya Jordane. Elle n’avait que faire d’un morceau d’arbre.

Son invitée oui. Pour un temps indéterminé, toute la vie peut-être. L’avenir lui dirait la suite. Peut-être le verrait-elle dans ses rêves, son avenir à elle. Était-ce seulement possible ? Ou pouvait-elle seulement rêver de grands évènements ? Jordane avait soif de réponse, elle avait envie d’en savoir plus sur les capacités de la jeune femme même si elle restait méfiante tant qu’elle n’était pas certaine de ce qu’elle tenait entre ses griffes.

« — Mon invitée, exactement. Et traitée comme telle. » Elle appuya à nouveau ces termes pour qu’ils rentrent un peu dans sa petite tête.

Si elle avait voulu lui faire du mal, elle n’aurait eu qu’à claquer des doigts pour que ses gardes ne l’emportent loin d’elle. Mais que pouvait-elle craindre de ce charmant petit minois sale ? Elle la fascinait autant qu’elle la terrifiait. L’idée qu’elle puisse savoir des choses qui allaient arriver lui tordait les tripes. Et si elle voyait seulement la mort de l’un de ses enfants ? Non. C’était impossible, impensable. C’était qu’elle mentait, qu’elle lui voulait du mal. Cette pensée la renfrogna tandis que la Nordienne était prise en charge par ses servantes. Elle remit finalement son morceau d’écorce à la servante qui le posa sur une petite table, non loin de la baignoire. Son regard s’attarda sur l’écorce. Pourquoi s’accrochait-elle tant à cette chose insignifiante ?

Quand la jeune femme se retrouva dévêtue, Jordane ne cilla pas. Elle regarda un instant ce corps dont la peau laiteuse laissait voir chaque hématome sur son corps comme autant de tâches sombres. Elle était amaigrie, ses côtes étaient visibles alors qu’elle avait pourtant dû être correctement nourrie. Peut-être était-ce ce qu’elle avait voulu dire par le coût de ses visions.  Jordane détourna son regard finalement, quand la Nordienne se laissa glisser dans l’eau fumante sous le regard de sa servante, bientôt rejointe par une autre qui avait ramené un seau d’eau supplémentaire, vu l’état de la catastrophe. Une odeur de savon ne tarderait pas à remplacer l’odeur de poussière qu’avait emmené la jeune femme. Celle-ci entreprit de se récurer le corps tandis que ses servantes lui brossaient les cheveux, retirant les nœuds.

Pendant ce temps, Jordane alla s’asseoir dans un fauteuil. Elle avait gardé le bout de papier dans sa main et, alors que les autres servantes ramenaient le souper et allumaient les bougies pour éviter qu’elles ne se trouvent trop dans l’obscurité, elle profita de l’une d’entre-elles pour faire disparaitre le mot dans la flamme dans un crissement de parchemin enflammé. La table était peu à peu dressée et il ne restait plus qu’à habiller son invitée qui sentait désormais bon le savon parfumé. Une robe appartenant à ses enfants serait trop belle pour elle, pensa-t-elle, mais elle ne pouvait tout simplement pas l’habiller de haillons.

« — Amenez une robe en soie que Dame Jeyne ne porte plus. » Enceinte comme elle l’était, elle n’aurait pas le loisir de l’utiliser tout de suite.

Une de ses servantes hocha la tête et s’extirpa rapidement de ses appartements pour aller en quête. Elle revint quelques minutes plus tard avec une robe aux couleurs de la maison Lannister mais bien moins rouge que l’étaient ses propres vêtements. Elle était plutôt dans les tons jaunes. C’était une robe que Jeyne Stark avait porté avant de devenir Reine avec son Roi de fils. Elle ne devait même plus savoir qu’elle existait, et cela servirait sa cause. Jordane attendit patiemment qu’on habille sa poupée puis la rejoignit. Elle attrapa au passage le morceau d’écorce si cher au cœur de la jeune femme puis lui prit délicatement la main.

« — Maintenant que vous êtes propres, un bon repas vous fera le plus grand bien. » Elle sourit, afin que cela s’entende dans sa voix. « Dites-moi, pourquoi est-ce si important pour vous ? » Elle lui mit le morceau d’écorce dans la paume de sa main.

La frêle créature semblait s’être un peu ragaillardis. Elle avait un peu plus d’aplomb dans ses jambes, plus de force dans sa voix. Le bain chaud avait dû la soulager autant qu’il soulageait les narines de la Reine-Mère. Elle referma aussitôt sa main quand elle sentit le contact de l’écorce contre sa paume, comme un nourrisson refermant sa main sur le doigt par réflexe. Jordane ne tenta pas de conserver son bien, cette chose insignifiante qu’elle qualifia de « promesse ». Il n’existait pas de promesse assez forte qui ne puisse pas être détruite. Avec du temps, les mots murmurés devenaient bien lointain, soufflés jusqu’à ce qu’ils ne disparaissent complètement, comme s’ils n’avaient été que des rêves, des pensées chimériques, des espoirs perdus.

Était-ce une promesse adressée à ses parents, à Jon Stark, ou bien peut-être à un homme ? Assurément, la jeune femme devait être vierge. Personne ne pourrait jamais s’acoquiner d’une vervoyante. Et la façon dont elle se comportait, à la façon d’un animal apeuré, démontrait bien qu’elle avait probablement raison. Les femmes vierges étaient les plus manipulables.

« — Les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent. Vous qui voyez beaucoup de choses, vous devriez savoir ça. » À nouveau, elle haussa ses épaules. Ce n’était pas dit méchamment, simplement un fait pour la lionne.

Sa main était encore posée sur celle de la Nordienne. Elle sentit sa douce chaleur, presque fiévreuse alors qu’elle sortait tout juste du bain et que sa peau était encore légèrement humide. Elle resserra sa prise sur cette main, avec une étonnante douceur, et l’entraina avec elle près de la table pour l’installer avec elle pour le souper. Elle fit attention à ne pas mettre d’obstacle dans son chemin car il lui semblait qu’une simple chute suffirait à la briser en deux tant elle avait l’air fragile.

« — Je n’en doute pas. Les mets de Castral Roc sont les plus raffinés de Westeros. » C’était de la vraie nourriture qu’ils servaient ici, pas des plats en sauce qui vous tenaient tant au ventre que vous en aviez envie de dégobiller pendant plusieurs heures après en avoir mangé. « Mangez autant qu’il vous plaira. » Elle ne lui fit pas remarquer à quel point elle était maigre mais cela pouvait probablement se lire entre les lignes.

Jordane s’assit en face d’elle et n’eut guère besoin d’ordonner qu’on lui serve du vin de la Treille que son verre était déjà rempli. Elle avait ses habitudes et ses servantes le savaient. Un peu de vin fut également servi pour la jeune femme bien qu’elle craigne que l’alcool puisse la rendre rapidement saoule, vu le peu de graisse qu’elle avait sur les os. Ses servantes s’en allèrent sur demande de la Lannister puis elle entama le repas, invitant la Nordienne à en faire de même, un gibier cuisiné avec de petits légumes croquants. Une, puis deux bouchées qu’elle prit le temps de mastiquer, le silence s’installa de concert. Jusqu’à ce qu’il soit brisé.

« — Parlez-moi un peu de ces visions que vous avez. Vous pouvez voir le passé ou le futur. Comment pouvez-vous être certaine que cela se passe avant vous ou après ? Avez-vous déjà vu quelque chose qui s’est réellement déroulé ? » Une pause. « À quel point vos visions peuvent-elles être prises au sérieux ? » Une question importante.

Ses questions étaient nombreuses et elle se faisait violence pour ne pas toutes les poser à la fois. Elle savait aussi que l’endurance de la jeune femme serait mise à rude épreuve et qu’elle devrait probablement remettre à plus tard la suite de leur entrevue, en fonction de l’état physique et psychologique de la Nordienne. Elle aurait les réponses à ses questions bien assez tôt, que ce soit aujourd’hui, ou demain. Il fallait donc trier sur les informations qu’elle voulait savoir en premier. Tandis que son invitée commençait à manger prudemment, Jordane picorait avec appétit dans son assiette. Mais elle aurait besoin de bien plus que d’un festin pour être rassasiée en ce moment présent.

Attentive aux réactions de Khayley et à ses paroles, elle l’écouta sans la couper dans son récit. Elle remarqua une cicatrice sur la main que la jeune femme gratta quand elle reprit doucement la parole. Peut-être une simple coïncidence, ou bien un vestige qui la chatouillait ? Les informations qu’elle voulait bien lui donner arrivaient pas bribes. Des informations cryptiques, qu’il fallait déchiffrer parfois dans l’après-coup tant le sens du rêve ne venait pas de soi. Cela se méritait que de voir l’avenir, que de pouvoir plonger dans d’anciens souvenirs, que de scruter des prophéties.

Quand elle évoqua le rêve de l’empoisonnement des Hoare dans la tente principale, les prunelles de la lionne s’immobilisèrent sur la jeune femme. Voilà ce qui l’intéressait. Des faits concrets, c’était tout ce dont elle avait besoin.

« — Et vous les voyez ? » La curiosité était évidente. « Vous qui ne voyez pas ici, vous êtes dotée de votre vue dans vos rêves ? Comment pouvez-vous alors reconnaitre les visages des personnes que vous n’avez jamais vu avant ? Comment pouvez-vous être certaine que vous ne vous trompez pas de personne ? » Elle réfléchissait en même temps à ce casse-tête. « À qui en avez-vous parlé, quand vous en avez rêvé ? Au Roi ? » Elle voulait savoir à quel point il était au courant pour ses visions.

Il était difficilement pensable qu’une aveugle puisse voir quand elle fermait les yeux. Cela posait toutes sortes de questions sur ce qu’elle pouvait voir, sur ses capacités à discerner les différents protagonistes. À la façon dont elle parlait, il ne lui semblait pas qu’elle inventait. Comment pouvait-elle inventer pareilles choses ? Il faudrait qu’elle soit sacrément atteinte. La précaution restait de mise, mais elle avait envie d’y croire un peu.

« — Y-a-t-il un calendrier dans vos visions ? Peuvent-elles apparaitre à n’importe quel moment ? » Elle marqua une nouvelle pause. La jeune femme avait arrêté de manger et elle également, par mimétisme et par soif d’apprendre. Elle reprit un peu de vin mais prit garde à ne pas trop en boire. Ce n’était pas le moment de se sentir bourrée par l’excès de nourriture et d’alcool. Ses sens devaient rester clairs. « Comment pouvez-vous savoir qu’un rêve n’est pas une vision ? Qu’une vision n’est pas en réalité un simple cauchemar ? » C’était très aléatoire que de décider des mouvements stratégiques sur un simple ressenti.

Les choses étaient difficiles à se représenter et à imaginer. Comment pouvait-elle voir des symboles à la place des visages ? La lionne plissa les yeux en absorbant cette quantité d’informations. Ces choses lui paraissaient difficilement croyables mais, à nouveau, pourrait-elle inventer pareilles inepties ? Elle porta le verre à ses lèvres et but une longue gorgée de vin qu’elle garda en bouche un moment, savourant le moelleux alcoolisé avant de le laisser s’insinuer doucement en elle par sa gorge. Alors qu’elle l’écoutait, elle retint qu’elle ne lui avait pas dit si elle en avait parlé au Roi du Nord. Cette information en particulier était intéressante. Elle voulait savoir s’il l’avait pris au sérieux, bien que la réponse se logeait dans la simple présence de la demoiselle en ses murs, et de l’absence de missives de la part du Nord pour la récupérer.

« — Vous ne répondez pas à ma question. » Le ton de sa voix était coupant, impérieux. « Est-ce que Jon Stark sait ? »

Elle écouta le reste de ses informations, le fait que ses visions laissaient des traces sur son corps, comme s’il se faisait le lien entre les différentes temporalités. Mais cela, elle ne pouvait pas en être sûre, n’est-ce pas ? Peut-être s’automutilait-elle consciemment ou inconsciemment en pleine crise d’hystérie. Son corps était effectivement abimé, elle y voyait des cicatrices et des hématomes. Mais le chemin avait été long jusqu’à l’Ouest et n’importe qui aurait pu la violenter en laissant ces marques sur sa peau blafarde. La Nordienne chercha un instant de ses petits doigts frêles quelque chose, son regard fixé sur son assiette. Comment un être aussi fragile pouvait avoir un don aussi incroyable ?

Jordane fit la moue, coupa une nouvelle lamelle de son gibier et grignota quelques autres légumes qui croquèrent entre ses dents. Elle mangeait doucement, sans réelle faim, car les aliments manquaient de saveur devant ces réponses qu’elle ne savait toujours pas discerner être véritées ou mensonges.

« — Mais vous avez eu une vision de bataille navale. » Appuya-t-elle. À la façon dont elle avait dit que cela ne concernait pas le fils de Boisdoré, c’est qu’elle avait d’autres éléments. « Qu’avez-vous vu ? » Elle ne lâcherait pas le morceau. « Il n’est pas question d’influencer les Dieux, simplement d’avoir un aperçu sur leurs desseins. Ainsi, peut-être pourrons-nous nous prémunir de davantage de chagrins et d’horreur. » Elle s’arrêta de manger, repoussant un peu son assiette pour prendre à nouveau sa coupe dans sa main. « Voulez-vous la paix, Khayley ? »

La lionne était à l'affut et elle était bien décidée à ne pas laisser une seule information lui échapper. Elle avait appris à écouter entre les lignes et à entendre les silences. Il avait bien fallu qu'elle sache se montrer plus maline que les autres, plus rusée pour se faire une place au plus haut. La Nordienne finit par lui donner l'information qu'elle recherchait : Le Roi du Nord savait. Quant à savoir pourquoi il ne cherchait pas à retrouver la jeune femme, c'était une autre histoire. Peut-être ne croyait-il pas à ses visions ? À moins qu'ils ne veuillent pas risquer de faire confiance à de simples visions sur des avancées stratégiques. Il n'aurait pas tout à fait tort.

« — Jon Stark sait. Il ne vous fait pas confiance ? » Elle s’était adoucit.

Le corps de Jordane se crispa lorsque la jeune femme lui déclara ne pas aimer les visions de guerre. Elle retroussa un peu ses lèvres en un rictus d'agacement. En avait-elle quelque chose à faire de ce qu'elle aimait ? Était-elle pour lui faire plaisir ou pour faire comme bon lui semblait ? Sa main se crispa sur le verre qu'elle tenait encore dans sa main et elle vit son reflet dans le rouge sirupeux. Elle darda ses prunelles sur celles vides et hagardes de la jeune femme, et se contint pour ne pas étrangler cette petite idiote. Elle la laissa poursuivre, en silence, ravalant les mots qu’elle gardait au bord des lèvres. La flotte Valtigar, peut-être, le retour des Valyriens. Il lui semblait qu’elle éprouvait des difficultés à reconnaitre ses visions et à réellement savoir ce qu’il se passait dans ses rêves. À quoi bon voir des choses si elle ne pouvait pas les relier à de véritables informations.

« — Il est impératif que vous sachiez me donner des informations plus précises. Vous n’êtes pas bourrée, je crois, vous pourrez me donner un calendrier de ces visions, après ce festin. » Qu’est-ce qu’elle allait faire avec ces bribes d’information ? « Qu’est-ce que ce conte ? » Est-ce que cela pouvait lui servir ?

L'agacement se lisait sur son visage, heureusement son interlocutrice ne pouvait pas le voir. Ou peut-être cela l’aurait-elle fait taire. Cela l’aurait probablement empêché de lui évoquer de vieilles comptines de marmots qu’elle ne voulait pas entendre. Jordane échappa un soupir.

« — Il est certain que vous n’êtes pas une ‘simple aveugle’. » Sinon elle n’aurait pas pris la peine de supporter sa présence. « Vous avez la chance de voir des choses que nous ne pouvons pas imaginer. Vous aurez l’opportunité d’œuvrer pour la paix, à votre niveau, il vous faudra être honnête. » Elle se recula de sa chaise et avança doucement sa main vers celle de la jeune femme. « Je sais que cela est difficile à voir pour le moment, mais nous sommes du même côté, nous voulons la paix pour protéger les personnes que nous aimons. » Ronronna-t-elle.

Le Roi du Nord ne lui faisait clairement pas confiance. Ce qu’elle qualifiait de prudence se révélait probablement être de la méfiance. Elle pouvait appeler cela comme elle voulait, et nier les véritables suspicions de son Suzerain. Il était clair qu’elle n’était pas un cadeau pour le Nord. Ses visions dérangeaient car elles apportaient beaucoup d’inconnus sur les évènements à venir, les souvenirs passés. Jordane l’écouta à nouveau tandis qu’elle se forçait à lui décrire le mieux possible sa vision. Elle faisait déjà des efforts, peut-être qu’elle pourrait faire quelque chose d’elle. La lionne n’ajouta rien car il n’y avait rien à ajouter à ses paroles. Elle pourrait voir en temps voulu ce que ses visions pourraient lui apporter. Pour l’heure, elle n’était pas certaine que ce présent soit si utile que cela. Mais la curiosité restait présente.

Elle lui expliqua alors le conte du corbeau blanc que Jordane écouta d’une oreille distraite. La jeune femme se décrivait comme une simple aveugle puis osait se comparer à un animal fantastique qui avait le pouvoir de réellement voir l’avenir. Ce corbeau pouvait-il au moins donner un avenir clair, contrairement à l’aveugle qui se tenait à sa table.

« — Je ne porte aucune croyance en les contes Nordiens… » Souffla-t-elle. « …Je préfère voir les choses comme elles sont. Et ce que je vois, c’est une jeune aveugle qui peut potentiellement aider mon Royaume à se défendre des attaques impériales en me disant à l’avance d’où viendra la menace. » Le pragmatisme avant tout, même si demander de l’aide à une supposée vervoyante n’était pas tant pragmatique.

Elle admira les yeux vides de sa proie qui se mirent à briller lorsqu’elle initia le contact de sa peau contre la sienne. Elle mettait une certaine énergie dans le fait de rester immobile face aux attaques lancinantes du fauve mais que pouvait-elle réellement faire pour se défendre ? Un simple claquement de doigt, c’était tout ce qui la protégeait de la fin et du néant. La Nordienne émit finalement des doutes sur le rapprochement de leurs idéaux et un léger rire s’extirpa des lèvres de la Lannister.

« — Désormais, vous êtes à Castral Roc et vous ferez comme bon me semblera, si vous voulez avoir une chance de rejoindre votre glacier un jour. » Elle était sienne. La lionne restait près d’elle, conservant cette même tension sur la jeune femme. « La paix de l’Ouest sera également la paix du Nord, que vous ne le vouliez ou non. » Et s’ils devaient détruire pour imposer cette paix, soit. Elle posa sa voix, conservant ce ton doux et mielleux, qui se raffermit soudain alors qu’elle tenait la main de la frêle demoiselle entre ses griffes. « Vous êtes ici en invitée mais vous auriez tôt fait de ne pas trop abuser de cette hospitalité et de vous endormir, dame Ardoise. »

Elle relâcha sa prise brusquement et se redressa pour s’éloigner de la jeune femme, libérant la tension qu’elle exerçait sur elle jusqu’alors. Les deux femmes étaient toujours seules, Jordane n’en avait pas fini avec sa proie. Juste une dernière chose.

« — Vous ferez noter, chaque jour, à votre réveil, vos rêves. Et vous resterez discrète, je ne veux pas que vous vous baladiez librement dans le château. Aussi, vous serez accompagnée d’une servante en tout temps. » Même s’il y avait peu de chance qu’elle ne disparaisse, c’était surtout pour garder un œil sur les réactions qu’elle pourrait avoir, et les éventuelles reprises de sa ‘maladie’. « Pour l’heure, allez-vous reposer. Vous pourrez rejoindre Dame Jeyne demain. »

Elle claqua ses mains et plusieurs servantes pénétrèrent aussitôt dans la pièce pour venir récupérer les assiettes et remplir la coupe de la Reine-Mère. Celle-ci marqua une pause, but à nouveau une longue gorgée de vin, dévisageant l’aveugle.

« — Je compte sur votre intelligence et votre loyauté, Khayley. Ne me décevez pas. »

L’une des servantes se rapprocha de la jeune femme, lui prit les mains pour l’aider à se relever tandis que Jordane ne la quittait pas des yeux.

Lui serait-elle seulement utile ?

La simple présence de la Nordienne en ces murs était un paradoxe pour une femme dont les croyances résidaient en la Foi des Sept. C’était également la raison pour laquelle il ne valait mieux pas que trop de personnes sachent qui était cette jeune femme, et qu’elle utilité pouvait-elle avoir auprès d’elle. Nul doute que le Grand Septon n’approuverait pas. Elle y ferait face si elle le devait, comme elle avait toujours fait face par le passé quand cela fut nécessaire. La lionne était immobile, ses prunelles dardées sur le corps fragile de l’aveugle tandis que celle-ci se soumettait à son autorité, répondant docilement à ses ordres. Elle répondit par un fin sourire mais n’ajouta rien d’autre à son attention. Il n’y avait rien d’autres à dire pour le moment, c’était à sa proie de se révéler utile. Si elle ne l’était pas pour ses visions, elle pourrait l’être d’une autre manière.

L’aveugle fut levée de sa chaise par sa servante qui l’emmena finalement hors de la pièce tandis que la lionne conservait ses pupilles braquées sur sa silhouette jusqu’à ce qu’elle ne disparaisse dans l’embrasure de la porte. Le silence s’installa dans ses appartements quand les servantes eurent fini de débarrasser le souper, prenant congé jusqu’à ce que la Reine-Mère ne décide de mettre ses habits de nuits. Elle n’était pas encore décidée à se coucher. La nuit était encore tôt et elle se questionnait sur sa prochaine manœuvre. Devait-elle en parler tout de suite à son fils ? Au moins pour qu’il soit au courant du présent déposé par Ghabrielle Rowan. Lyman pourrait-il comprendre son intérêt pour cette sorcellerie ?

Jordane errait de nouveau dans ses appartements, l’esprit embrumé par ses réflexions et les vapeurs du vin, incertaine quant à la décision qu’elle devait prendre. Des minutes étaient passées, peut-être une heure, quand l’une des servantes qui étaient parties avec l’aveugle cogna à la porte et se présenta avec un bout de parchemin dans une main. La lionne ne s’attendait pas à un retour aussi rapide, si bien qu’elle crut d’abord que la Nordienne avait essayé de s’échapper, jusqu’à ce qu’elle perçoive le bout de papier dans le creux de la main de la femme de chambre.

« — Votre Majestée, la jeune femme a eu une soudaine absence quand nous l’avons emmené. Elle ne se réveillait plus, elle était brulante de fièvre… » La pauvre semblait paniquée comme si elle ne comprenait pas elle-même ce à quoi elle venait d’assister. « Elle nous a conté ça à son réveil. » Et elle lui tendit le papier.

La Lannister prit brusquement le parchemin dans sa main et l’ouvrit pour y découvrir les mots qui y avaient été noté par sa servante. Une ville prise par la bannière au loup-garou. Elle eut un rictus. Elle qui disait ne pas voir les bannières, semblait les avoir clairement vu cette fois-ci. Il fallait qu’elle en parle à son Roi de fils.

« — Obtenez plus d’informations. Je veux être informée de tout. » Ordonna-t-elle d’un grondement.

Elle sortit de ses appartements pour rejoindre d’un pas décidé, ceux de son fils. Qu’importe ce qu’il penserait de cette manœuvre, elle devait le mettre au courant avant qu’il ne l’apprenne d’une autre façon.