Compete against the stars

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Il y a des jours plus faciles que d'autres.

Elle n'a jamais été de celles qui réfléchissent trop. De celles qui planifient, s'imaginent des choses, se torturent avec des suppositions, des raisonnements logiques qui échouent toujours. Elle n'a fait que ressentir toute sa vie, s'est posé peu de questions métaphysiques même lorsque les choses devenaient confuses. Même quand plus rien n'avait de sens et qu'on lui disait de ne rien prononcer de ce qu'elle vivait, surtout s'il s'agissait d'autres affabulations blasphématoires dont elle est devenue coutumière.

Personne n'a jamais voulu parler de malédiction. Personne n'a jamais voulu admettre qu'elle était liée à la mort. Personne ne lui a dit quoi faire des questions sans réponse et de l'ombre qui la poursuit, comment s'en sortir, ce qu'il adviendrait d'elle. Et maintenant qu'on a effacé ses repères qu'elle pensait impossible à détruire, certains jours sont plus faciles que d'autres à vivre. Celui-ci est un mauvais jour.

Elle sait que les affaires valoises qui tenaient l'empereur et tant d'autres occupés sont désormais plus ou moins réglées. Beaucoup sont rentrés à Fort-Darion et y ont été accueillis avec liesse. Torrhen Braenaryon lui a déjà écrit, ce qui l'a surpris. Elle n'a cessé de répéter dans sa tête les arguments envoyés par Coralie, mais ne retient rien. Elle n'a pas l'impression qu'elle puisse y faire quoi que ce soit. Les batailles sont nombreuses et les effectifs vite épuisés, elle n'est pas maligne mais l'est suffisamment pour en avoir conscience. Réclamer quoi que ce soit alors qu'elle n'est personne, alors qu'ils sont déjà au courant, lui parait insensé.

Alors souvent, elle pleure d'épuisement.

Elle pleurait déjà pour rien avant, était de ces filles qui fondent en larmes sans raison au milieu d'une foule. Simplement parce qu'une pensée les a attristé, simplement par empathie ou parce que leurs âmes sont vieilles et subissent les assauts de souvenirs qui ne sont pas les leurs. Elle était déjà étrange, incapable de rentrer dans le moule pour faire ce qu'on attendait d'elle, condamnée à se détester. Et aujourd'hui, le schéma se répète. Elle se sent incapable.

Eira quitte la salle dans laquelle elle se trouve pour rejoindre les extérieurs, où elle se sent très vite mieux. Elle essuie les quelques larmes qui ont roulé sur joues et qui ne manqueront sûrement pas d'assombrir encore un peu plus sa réputation. Elle respire profondément, l'air marin lui manque. En tournant la tête, elle remarque une jeune femme. Belle, aux cheveux très clairs comme elle en a déjà vu ici. Ses traits lui rappellent quelque chose, elle croit l'avoir déjà vu auprès de l'empereur. Elle n'est pas certaine, mais ses pensées emmêlées ne lui permettent pas de réfléchir davantage. Elle préfère poser la première question, même si elle est inconvenante, pour éviter d'avoir à expliquer ses larmes qui le sont tout autant.

- Vous, vous êtes quelqu'un d'important, n'est-ce pas ?

Eira détourne le regard, préfère l'horizon à tout jugement qu'elle pourrait lire dans les iris de la jeune femme. Elle fait de son mieux pour poser sa voix.

- Est-ce que... est-ce que vous savez quels sont les plans de l'empereur pour la suite ? Ses priorités, je veux dire.

Elle ravale le pathétique petit hoquet qui manque de ponctuer sa phrase et jette un rapide d’œil à son interlocutrice qu'elle aborde d'une manière qu'elle sait abrupte. Et impolie. Mais qui a le mérite d'être sincère.

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Pando

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All I can do is trust in her. Late nights, I can see the lust in her. Acid rain is a first for her. Skies open up, share a cup with her. Cracking seals, guilty no appeal. Trip down the hill, strawberry fields. Are you even real? She said, "Tell me how you feel", are you even real? Are you even real? Well, maybe I should study my reflection. Best to know how I seem, I seem, I seem. I spend the day, dreaming of connection. Just to feel•• ALASKA (james blake)

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Eira Mallister & Isla Chelsted

La journée touchait doucement à sa fin. Isla l'avait principalement passée à se reposer, à lire dans ses appartements. Depuis son retour du Val pour les négociations post-batailles, elle essayait de prendre du temps pour se reposer un peu, les récents événements n'ayant pas facilité l'apaisement. Les préparatifs des festivités allaient bon train, et ce fut en croisant beaucoup de monde qu'elle sortit de ses appartements, un tome de "Synthèse des lois de l'Antique Valyria" à la main. Le soleil perçait timidement les feuillages, éblouissant par accoups les yeux de l'insulaire tandis qu'elle decendait les marches du grand hall, se dirigeant en direction des jardins. Isla avait toujours trouvé les grandes arches en pierre qui bordaient les jardins chaleureuses et réconfortantes. D'une certaine façon, elles lui rappelaient Peyredragon, même si elle étaient plus claires. Arrivée à l'extérieur, elle s'assit un moment sur un banc, contemplant devant elle. Elle se rendit compte que sa maison lui manquait, pourtant, elle n'arrivait pas vraiment à savoir pourquoi. Tout ce qu'elle avait connu n'existait plus là bas. Sa famille subsistait, et même si elle l'aimait et la protégeait farouchement si elle le pouvait, elle se sentait moins attachée, avec les années qui passaient. Les éloignements successifs depuis ses dix ans, lorsqu'elle avait rejoint le château Targaryen, n'avaient pas permis de conserver des relations aussi proches. Isla le déplorait, d'une certaine façon. Néanmoins, elle pensait toujours à eux, tous les jours, surtout à sa jeune soeur, et elle n'hésiterait pas à rappliquer tout de suite, si jamais elle avait vent d'un problème.

Alors que la question la rendait pensive, elle s'assit sur un banc, près des jardins, profitant de l'air porté par le vent, qui venait jouer avec ses mèches blondes qui descendaient le long de ses épaules. Isla prit une inspiration, profitant du calme relatif des lieux avant la tempête des festivités des Sept Royaumes, qui se dérouleraient dans quelques jours. La célébration pourrait être bénéfique, si toutefois les parties prenantes voulaient bien se prêter au jeu. L'insulaire, elle, avait bien l'intention de profiter du moment pour s'amuser et prendre une bouffée d'air frais. Les derniers événements s'étaient enchaînés. Des développements personnels étaient arrivés aussi. Rhaenys lui échappait, encore et toujours, enfermée dans sa propre souffrance. Elle avait en revanche passé plus de temps avec Torrhen, dont elle appréciait à présent les contours de l'âme, chaque relief de sa complexité qui le caractérisait et qui parfois pouvait le faire souffrir. Depuis leur nuit partagée au Val, ils ne s'étaient que trop peu vus, et il lui manquait.

Isla avait ouvert son livre, appuyée contre le mur froid, parcourant avec avidité les lignes écrites, s'étonnant d'une information ou en enregistrant une autre dans sa mémoire. Une ombre au coin de son oeil attira son attention, et elle tourna la tête. Une jeune femme, rousse, jeune et jolie, venait de faire irruption, non loin d'elle. La voix vibrante, elle prit la parole, dardant sur elle son regard clair qui lui rappelait celui, dur, de sa jeune soeur. Elle semblait ébranlée par quelque chose, sans qu'Isla ne puisse vraiment deviner quoi. Il lui semblait l'avoir déjà vu, mais elle ne savait pas quelle sombre histoire l'avait amenée jusqu'ici. Avec une inspiration, elle referma son livre et se leva, s'approchant de la jeune femme en faisant quelques pas. Quelques sillons humides creusaient ses joues, lui indiquant qu'elle devait avoir pleuré récemment. Cette dernière détourna bien vite le regard et l'insulaire préféra ne pas insister. Elle s'accouda à son côté, posant le livre sur le rebord de l'arche. Elle sortit délicatement un mouchoir de sa manche, et le lui tendit.

Avec un air mi-attristé et mi-désinvolte, elle lui répondit :

« Pourquoi pensez-vous que je connaisse les plans de l'Empereur ? Et même si c'était le cas, il me semblerait assez mal avisé de les dévoiler ainsi, alors que rien n'a encore été formellement annoncé. »

Pour une raison inconnue, la détresse de la jeune femme la touchait. Son interpellation, bien qu'impolie et brutale, l'intriguait et elle décida de ne pas lui en tenir rigueur. Sans vouloir la brusquer, elle prit une inspiration à nouveau, puis reprit, regardant droit devant elle pour ne pas forcer le contact visuel.

« Vous semblez porter toute la misère du monde sur vos épaules, dame. J'ai bien des défauts, mais je sais écouter, si vous le souhaitez. »

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Elle est rabrouée, sans méchanceté toutefois. Sans doute que son interpellation méritait davantage de brutalité en réponse, mais Eira ne s'en plaindra pas. Elle ne sait pas ce à quoi elle s'attendait, essaie peut-être de comprendre certaines choses avant d'aborder son entrevue avec l'empereur, qui ne tardera pas. Elle n'a pas l'habitude d'évoluer en ces cercles là, l'immature Mallister. Et n'a jamais eu l'occasion de souhaiter que ça change.

- Certes.

Elle doit s'avouer battue, et ce très vite. Bien sûr qu'elle ne dira rien, encore moins de cette manière là, encore moins à une inconnue. La rousse soupire, et regrette un peu d'avoir interrompue la jeune femme dans sa lecture. Sans doute qu'il aurait été préférable qu'elle retourne se terrer dans sa chambre, mais elle a décidé d'être impolie. Le menton est toujours haut, toutefois. C'est le sang bleu qui veut ça.

- Je m'excuse de vous avoir parlé ainsi, ce n'était pas correct.

Le menton est toujours haut et les yeux toujours fuyants, difficile de savoir comment se comporter dans une telle situation, face à une personne d'apparence aussi calme. La jeune femme dégage une certaine force, c'est sûr. Ce qui est aussi rassurant que déstabilisant.

- Je m'appelle Eira, de la maison Mallister. Notre fief a été pris par le Bief, il y a de ça quelques semaines.

La riveraine inspire, faisant de son mieux pour ne pas flancher. Ils ont tué tout le monde, qu'elle aimerait lui dire. J'ai perdu tout ce qui m'était connu. Mais elle ne dit rien d'autre, parce qu'elle ne veut pas de la pitié. Elle espère seulement un peu d'aide pour comprendre ce nouveau monde, qu'elle doit considérer comme le sien. Finalement, elle décolle ses yeux du néant pour trouver ceux de son interlocutrice.

- J'ai cru vous apercevoir avec l'empereur, lors de votre retour à Fort-Darion. C'est pour cette raison que j'ai jugé bon de... vous interpeller. Je ne porte pas toute la misère du monde sur mes épaules, ma dame. Seulement la mienne.

Eira réfléchit un court instant, et rit subitement, ayant vaguement conscience de l'étrangeté de la situation.

- Ce qui est déjà amplement suffisant.

Elle jette un coup d’œil à la blonde, cherchant un peu de complicité, de celle qu'elle n'a jamais eu avec sa propre sœur, peut-être. Isla lui ressemble un peu, ou bien ce sont ses souvenirs qui lui jouent des tours, sa mélancolie. Eira essuie maladroitement ses joues de sa main droite, cherche ses mots alors qu'elle ne sait même plus exactement ce qu'elle voulait dire.

- Je n'ai plus envie de raconter, mais j'apprécie votre offre et surtout... j'ai besoin d'aide, je crois.

Elle hausse les épaules, sans doute qu'elle n'en aurait pas eu besoin si elle avait davantage écouté les septas chargées de son éducation étant plus jeune.

- Vous... vous savez parler. Vous avez de l'aplomb, vous comprenez ? Je devrais bientôt m'entretenir avec l'empereur, au sujet de ma maison. Et j'ai peur de ne pas pouvoir tenir une telle discussion. Ma sœur le pourrait, elle. Elle est intelligente, et elle sait ce qu'elle doit faire. Presque toujours.

Son exact opposé, en somme.

- Mais elle n'est pas là.

Eira baisse la tête un instant et cherche ensuite de nouveau le regard de son interlocutrice. Elle est navrée de l'accabler ainsi, de solliciter son aide, de l'arracher à ses propres responsabilités. Mais les occasions de discuter sincèrement sont moindres, elle n'est personne pour en gaspiller.

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Eira Mallister & Isla Chelsted

Isla regretta presque de lui avoir répondu avec autant de dureté. Elle avait parfois tendance à oublier que la dureté du monde avait un coût, pour tout le monde. Et que chacun le gérait comme il le pouvait. Si il le pouvait. Isla avait au moins une chance : elle n'était pas seule. Orys, Torrhen, Raevor... Même Rhaenys, bien que distante. Ses proches étaient avec elle, pour le meilleur et pour le pire. Cette jeune femme semblait bien seule, au delà de ne pas réussir à gérer les soucis qui l'encombraient. Lorsqu'elle se présenta, Isla jeta un oeil à la rouquine. Bien sûr, lady Mallister. Elle aurait pu s'en douter. Elle semblait très jeune. Et elle était jolie aussi, sous toutes les couches de larmes qu'elle avait sur le visage. Des yeux clairs, une chevelure flamboyante. Ses excuses attendrirent Isla, qui avait décidé de ne plus être aussi dure avec elle. Se penchant sur le muret, liant ses doigts, elle se tourna vers elle. Sa stature était haute, elle semblait se grandir. Pourtant, elle avait du mal à la regarder.

« Enchantée de vous rencontrer, lady Mallister. Je suis navrée d'apprendre ce qui est arrivé à votre maison. Nous ferons ce qui est en notre pouvoir pour la récupérer. »

Il lui sembla d'un coup assez ambitieux de s'engager sur quelque chose qu'elle ne maitrisait pas. Mais l'insulaire avait envie de l'aider, malgré tout. Quelque chose en elle lui rappelait la jeunesse de sa petite soeur, et sa propre insouciance envolée lorsqu'elle s'était mariée. Alors cela l'intriguait. Et la poussait à lui parler davantage. Elle hocha la tête à sa question dissimulée, puis reprit :

« En effet, vous êtes observatrice. Je suis lady Isla Chelsted, conseillère auprès de Ses Majestés l'Empereur et l'Impératrice. »

Ce titre lui semblait presque réducteur à présent, au vu des récents déroulés. Tant s'était passé entre eux trois qu'elle se sentait beaucoup plus proche de Torrhen maintenant, que de Rhaenys. Ce qui était loin d'être le cas à son arrivée à Fort-Darion. La jeune fille déclina sa proposition d'écoute, ce qu'Isla comprenait. Elle enchaîna sur la vraie raison de son interpellation tout à l'heure. Puis elle mentionna sa soeur. Isla lui sourit tendrement. Cette jeune fille lui semblait bien plus débrouillarde que ce qu'elle voulait bien admettre.

« Je ne connais pas votre soeur. Mais la jeune dame que j'ai devant moi est toujours sur pieds, malgré tout. Si cela n'est pas un marqueur de force, alors je ne sais pas ce qui le serait. Après tout, vous êtes à Fort-Darion, prête à aller demander l'aide de l'Empereur. Cela demande du courage. Et un peu d'insolence. » termina-t-elle avec un léger sourire.

L'insulaire ne disait pas cela méchamment. Mais il en fallait, du cran, pour aller quémander un besoin presque unitaire dans cette guerre si large et aux multiples enjeux. Eira semblait bien prête à en découdre. Les larmes montraient sa détermination, et le coeur qu'elle y mettait à l'ouvrage. Isla réfléchit à ce qu'elle pourrait lui dire ensuite, pour essayer de lui donner un peu de confiance. Comment définir Torrhen pour qu'elle ne prenne pas peur, tout en reflétant la réalité ?

« L'Empereur vous écoutera, dame. C'est un homme de devoir, alors il doit le faire, oui. Mais au-delà de ça, il se soucie véritablement des personnes. Je suis certaine qu'il vous donnera audience et fera ce ce qui est en son pouvoir pour vous aider. En revanche, laissez-moi vous prévenir que cela ne sera peut être pas de la façon à laquelle vous vous attendez. »

Fin stratège, il semblait à Isla que l'homme avait toujours plusieurs coups d'avance sur tout le monde. Il fallait bien cela pour être empereur des royaumes fédérés. Eira recevrait sans doute de l'aide, mais toute la question était de savoir quand et sous quelle forme.

« Avez-vous des demandes particulières à lui transmettre ? »

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Lady Isla Chelsted a ses propres fantômes, elle le voit désormais, maintenant que toutes les larmes ont séchés. Elle ignore de quelle manière, mais ça ne la surprend pas. Ceux qui demeurent intouchés par la mort se font rares ces temps-ci, mais Isla l'a vu de plus près que les autres lady. C'est peut-être ce qui lui confère son calme, cet aplomb qu'Eira envie tant ? Elle n'en sait rien. Mais elle sait toutefois reconnaître un regard qui a souffert, regrette alors d'autant plus de l'avoir importuner. Sauf que maintenant que la chose est faite, elle ne peut plus reculer.

- Je vous remercie.

Les excuses importent peu en vérité. D'ailleurs, beaucoup en font pour se débarrasser. Dire "je suis désolé" permet souvent d'éluder toutes les autres conversations, questions qui pourraient être posées. Personne ne veut entendre d'histoires tristes. Mais Isla lui semble sincère, bien que presque professionnelle, et ne la prend pas en pitié. Une originalité qui a le mérite d'être remarquée. Eira rit un peu lorsqu'elle lui dit qu'il faut bien un peu d’insolence pour venir réclamer quoi que ce soit à un empereur au beau milieu d'une guerre déchirant l'intégralité d'un continent.

- Eh bien, il faut dire que je n'ai pas vraiment le choix, vous savez. J'adorerais passer mes nuits et mes journées à me lamenter dans mes appartements, rideaux tirés.

Ce qu'elle a fait, en vérité. Un long moment, avant qu'elle ne se décide à continuer à vivre.

- Mais ce qu'il s'est passé n'était pas juste. Ce n'était pas honorable non plus. Je me moque bien des possessions terrestres, du pouvoir et du prestige. Mais pas de la justice, lady Isla. Pas du sang, et des larmes.

Ils étaient censés protéger leurs gens, leurs côtes. Et ils ont échoué. C'est peut-être sa seule véritable demande, la justice. Peu importe la forme qu'elle prendra. Le portrait qu'Isla dresse de l'empereur la fait sourire, elle semble sincère.

- Vous semblez l'apprécier, et c'est un gage certain de qualité.

Elle lui adresse un regard reconnaissant. Après tout, elle est suffisamment aimable pour l'écouter après avoir été interpellée fort brutalement. Et son regard est doux, bien que toujours et encore un peu hanté.

- Et je n'ai que peu d'attentes, en vérité. Je doutais même de pouvoir être entendue. Dans ces conditions, difficile d'être déçue.

Coralie attendrait sûrement des résultats concrets, mais Eira est déjà reconnaissante de ne pas être tournée au ridicule. Quant à ces potentielles demandes, la question d'Isla la fait rire franchement. Loin d'être moqueuse, la rousse réalise simplement l'ampleur du défi.

- Oh bien sûr, j'ai des demandes.

Eira s'éclaircit la voix, se redresse, et fait de son mieux pour avoir un bon jeu d'actrice.

- "Bien le bonjour Votre Grâce, merci de bien vouloir déplacer vos armées jusqu'à la forteresse de feu ma maison dans les plus brefs délais. Merci aussi de renvoyer Eren Hoare aux sept enfers auxquels elle appartient, et ce prestement. Si vous en avez le temps, changer les tapisseries serait un geste d'amitié dont je saurais me souvenir, elles m'ont en effet toujours déplu."

Eira croise ses mains, et lève un sourcil. Sa situation est digne des plus grandes comédies.

- Voilà mon problème, lady Isla. Mes demandes sont égoïstes, sûrement déplacées, mais si je ne les formule pas, le fantôme de mon père me poursuivra toute ma vie jusqu'à sûrement... m'étouffer dans mon sommeil.

Lui ou Coralie, en chair et en os cette fois, qui finirait par prendre une calèche et venir elle-même lui demander des comptes.

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Eira Mallister & Isla Chelsted

La question posée à la jeune fille était surtout là pour permettre à Isla de comprendre ce qui la bloquait tant. Certes, elle était jeune, impressionnable. Discuter avec Torrhen n'avait rien de facile, surtout à son âge, mais venir demander un service à l'empereur était encore plus intimidant. La Chelsted se demanda comment elle aurait fait dans la situation de lady Eira. Aurait-elle eu le cran d'aller demander une telle chose à un homme si important ? Si elle y avait été encouragée par Rhaenys, peut-être. Elle aurait pu lui faire faire à peu près n'importe quoi, de toute façon. La jeune fille fit preuve d'un peu d'esprit, lui répondant faussement qu'elle aurait préféré rester dans ses appartements à se lamenter. Isla en doutait, même si elle ne pouvait pas baser cette réflexion sur des faits et qu'elle ne la connaissait pas. Il émanait une certaine force de son personnage, mais presque dissimulée, comme si elle ne savait pas elle-même qu'elle la possédait.

Isla sourit, l'air distrait, lorsqu'elle évoqua son lien avec Torrhen. Elle l'appréciait oui, et c'était même bien plus que cela. Mais avant même de parler de sentiments, elle avait fini par faire sa connaissance et avait appris à défaire les préjugés le concernant. Eira le ferait aussi sans doute, lorsqu'elle le rencontrerait.

« Nous travaillons ensemble depuis quelques temps déjà. Je n'ai pas la prétention de le connaître entièrement, mais j'ai fini par cerner la personne qu'il est. Du moins je le crois. »

Bon en fait, elle le connaissait, même plutôt bien. Enfin, elle aimait se le dire, lorsqu'elle pensait à lui. Mais dévoiler ce genre de secrets à Eira, même si elle paraissait gentille et préoccupée, serait fort malavisé. Ce n'était cependant par l'envie qui manquait à Isla de le crier sur tous les toits. Elle se contint, reportant son attention sur la jeune fille à ses côtés et sa chevelure flamboyante. Isla l'observa, tandis qu'elle se redressait et jouait devant elle avec une fausse prétention le moment fatidique où elle le rencontrerait. Décidément, cette Mallister était pleine de surprises. Cette désinvolture lui plut, et le fait qu'elle sache rire d'elle même et se tourner en ridicule en disait également long sur son caractère.

« Ma foi, j'espère que vous êtes meilleure oratrice que vous n'êtes comédienne. Tant mieux, l'honnêteté est le meilleur chemin. »

Elle se tourna vers elle, l'écouta détailler ce qu'elle pensait être son problème. La Chelsted secoua la tête, se plaçant face à elle et plongeant son regard dans le sien.

« Que croyez-vous que l'Empire constitue, exactement ? Ce n'est pas juste un mot, sur un parchemin. Ce n'est pas le délire d'un vieil homme fou à lier. C'est un futur, un idéal. Des royaumes unis sous une même bannière. En tant que citoyenne du Conflans, vous êtes également sous la protection de l'Empire. Si un tord vous est fait, il est de notre devoir de le rectifier. Votre cause est noble, lady Eira. Et l'Empereur l'entendra. »

Isla prit une inspiration.

« Quant aux fantômes que vous évoquez... Ne prenez pas offense, mais je pense qu'ils ont mieux à faire que de venir nous hanter. »

Elle en était persuadée. Le souvenir de son défunt époux l'avait accompagnée, quelques nuits après sa mort. Elle avait vécu dans l'expectative, l'imaginant en tremblant franchir la porte de leur maison et recommencer ses sévices. Mais après quelques jours, il n'était pas revenu. Et aujourd'hui, toujours pas. Pourtant, s'il avait pu, il aurait sans doute pu trouver un moyen durable de la violenter, même depuis l'au-delà. Mais elle vivait convenablement, aujourd'hui. Ce qui lui laissait dire que les fantômes avaient sans doute d'autres chats à fouetter - sans mauvais jeu de mot. A son tour, elle se râcla la gorge, et releva le menton de la jeune femme de son doigt fin.

« Allons, le menton bien droit. Tenez vous fièrement. Ici, vous représentez votre maison, une puissante maison du Conflans. En tant que royaume fédéré, vous venez demander justice. C'est votre droit, en tant que citoyenne de l'Empire, mais également votre devoir en tant que dame Mallister. Ayez confiance en vous. »

La plupart du temps, donner l'illusion de la confiance suffisait pour la transmettre.

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Ça lui ferait presque tourner la tête, toutes ces personnes qui gravitent autour du pouvoir, changent le monde dans lequel elle évolue. Ils sont légions à Fort-Darion, qu'ils soient de petits administratifs, de grands décisionnaires. Elle qui n'avait pas l'intention de s'approcher de la politique se trouve servie. Mais Isla ne lui renvoie pas l'image d'une personne détachée, insensible, éloignée des autres. C'était pourtant l'image qu'elle se faisait de ceux qui bougent les pions, renversent les plateaux de jeux. Qu'il est embêtant de se rendre compte que la réalité est plus complexe que ce que l'on imaginait.

- Pourquoi avez vous décidé de vous engager pour cette cause ? De la servir ainsi ?

Et puis elle retrouve ses convenances, une nouvelle fois égarées.

- Toutes mes excuses, vous n'êtes pas obligée de répondre si vous trouvez cela indiscret.

Mais il faut bien en poser des question indiscrètes, si elle souhaite comprendre un peu mieux le monde dans lequel elle essaie - tant bien que mal - d'évoluer. Et contre toute attente, c'est bien ce qu'elle essaie de faire désormais. Si elle se permet de poser cette question, c'est aussi en raison de l'attitude quasi sororale qu'elle perçoit chez Isla, qui lui rappelle un peu sa sœur avec quelque chose de plus doux. Et moins de jugement, aussi. La jeune femme se met d'ailleurs à lui évoquer l'empire, ses principes et ses valeurs. Elle semble sincère, complètement convaincue, engagée. Eira soupire. Il faudra bien qu'elle réussisse à le croire.

- Je vais être honnête à nouveau puisqu'en effet, je fais une bien piètre menteuse. Je ne pense rien de l'empire, Lady Isla. Ma famille s'est déchirée sur le sujet, mes frères étaient aussi convaincus que vous et mon père tellement méfiant qu'il a préféré s'engager auprès d'Harren le Noir. Aujourd'hui, ils sont tous morts. J'en viens alors à me dire que...

Elle se surprend elle-même par cet élan d'honnêteté, ignorant si cela peut s'avérer dangereux de ne pas être entièrement convaincue par l'empire en ses murs. Ignorant même qu'elle avait dans sa tête ce genre d'idées.

- Je ne sais pas, que peut-être, même les meilleures des intentions peuvent produire des résultats regrettables. Je n'accuse rien ni personne et je ne me ferai jamais traitre, je me souviens. Je servirai l'empire puisqu'il m'a accueillie et écoutée lorsque j'en avais besoin. Mais je ne peux pas comprendre le discours dont vous semblez convaincue, ma dame.

Quant aux fantômes, Eira hausse les épaules. Elle en sait bien plus sur les fantômes, en revanche, et elle pourrait lui garantir que certains sont d'humeur taquines. Pour autant, elle préfère éviter de passer (une nouvelle fois) pour la folle du village et tait ses expériences paranormales.

- Ouais, j'espère...

Qu'elle marmonne, certaine de rien. Et puis en vient ce qu'elle était venue chercher, finalement. Son cours de maintien et d'éloquence.

- D'accord, le menton bien droit. Oui. Fièrement, tout à fait. Parfaitement.

Elle martèle entre chaque phrase que prononce Isla, comme si ça pouvait l'aider à intégrer tout ça. Puis elle soupire.

- Merci pour votre aide.

Un sourire, un temps de pause, ses épaules se relâchent et la réalité la frappe de nouveau de plein fouet.

- Je vais sûrement oublier tous ces conseils et me mettre à bredouiller comme la dernière des idiotes, mais merci quand même.

Au moins, elles auront essayé.

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Eira Mallister & Isla Chelsted

La question de la jeune fille la sortit de ses pensées, et ses excuses la firent sourire. Décidément, elle devrait arrêter de tout le temps s'excuser pour un rien, aucun mal n'avait été fait. Elle se livra un peu plus, lui expliquant ne pas partager sa vision de l'empire. Comment Isla pouvait-elle la blamer ? Elle était seule, esseulée dans un lieu qu'elle ne connaissait pas, sans sa famille. Sa maison avait été prise de force par les fer-nés, sans possible espoir pour elle de récupérer son héritage. L'empire n'avait pas pu agir pour elle, pour le moment. Ce qu'elle lui confia, Isla le comprit. Elle hocha la tête distraitement, écoutant avec attention la jeune Mallister, qui faisait déjà preuve de beaucoup de recul et d'intelligence pour son jeune âge.

« Vous m'avez demandé la raison pour laquelle je m'étais engagée aux côtés de l'Empire. La réponse va peut-être vous étonner, mais je ne saurais vous dire pourquoi. »

Elle noua ses mains, posant son regard alentours, en pleine réflexion sur son propre passé.

« J'ai grandi à Peyredragon, avec l'Impératrice Rhaenys. J'ai vu, quelle genre de femme elle deviendrait, lorsqu'elle n'était que princesse. C'est sa force de caractère, son tempérament de feu et sa détermination qui ont gagné mon respect et mon allégeance. »

A y repenser, était-elle du côté de l'Empire par allégeance à ses principaux dirigeants plus que par conviction personnelle ? Difficile à dire, car elle croyait également fermement aux principes énoncés par la constitution, entendus à de nombreuses reprises dans la bouche de Torrhen.

« Mais je comprends vos réticences, lady Eira. Je les ai eues, moi aussi, quand j'ai appris l'union de Rhaenys Targaryen et Torrhen Stark, et l'avènement de l'Empire Braenaryon. J'ai craint que la princesse que j'avais connue n'ait changé, et que son caractère se soit envolé. »

Elle se mit à rire. Cela avait été tout l'inverse, en fait.

« Et puis, lorsque feu mon époux, soldat aux côtés de l'Empereur, a perdu la vie à la bataille de Wayfarer, j'ai pu rencontrer cet homme qui avait changé le destin de la princesse. C'est là que j'ai compris. »

Compris quoi, exactement ? Si elle pouvait parler ouvertement, elle lui aurait dit qu'elle avait compris ce qui en Torrhen avait attiré Rhaenys. Isla se tourna vers elle, levant les yeux pour accrocher son regard.

« Votre sentiment, je crois, n'est pas unique à travers l'Empire. Prudence est mère de sûreté, alors pourquoi faire confiance à un empire nouvellement créé dont les idéaux paraissent si peu concrets et si lointains ? C'est un choix personnel à faire, et chacun doit faire le sien. Vos frères avaient leur opinion, votre père également, il est impossible de leur en vouloir. »

Comment jeter la pierre à ceux qui n'y croyaient pas, ou plus ?

« Pour ma part, servir l'impératrice Rhaenys a toujours été ma priorité. La création de l'Empire n'a pas altéré cette posture, elle n'a fait que la renforcer. Je mets mon expérience à contribution, tout en assistant du mieux que je le peux la Maison Impériale. Je ne saurais même pas ce que je pourrais faire d'autre, si je n'étais pas ici. »

Quand tout n'était parfois qu'un jeu d'apparences et de déceptions, du moins du point de vue d'une famille qui n'avait pas de visibilité sur le haut du pouvoir, abandonner cette loyauté était facile. Lady Eira la première, blessée et meurtrie alors qu'elle était encore toute jeune, avait toutes les raisons de se méfier.

« Faites confiance à votre instinct. Si cela ne suffit pas, interrogez l'Empereur. Je pense que sa vision vous parlera. Et si cela ne suffit toujours pas, vous pourrez toujours venir me trouver. Je tenterai de vous convaincre du bien-fondé de notre Empire. Mais quelque chose me dit que vous vous en rendrez compte avant cela. »

Elle sourit, franchement cette fois, voyant la jeune fille tenter d'imprimer les conseils prodigués, se redressant et arborant un visage ferme et fier.

« Vous serez parfaite, j'en suis certaine. »

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Isla lui raconte. Le début, l'entre-deux, tout ce qui l'a mené ici. À servir l'empire avec l'espoir caractéristique de ceux qui lui sont vraiment dévoués. Et Eira écoute avec attention, désireuse de capter un semblant de ce qui pourrait expliquer tout ça. Elle y trouve quelques réponses, pas toutes. Mais elles lui suffisent.

- Je n'ai jamais été parfaite une seule fois dans ma vie, comprenez bien que je n'ai aucune intention de commencer aujourd'hui.

Elle se permet ce trait d'humour là avant de redevenir un peu plus sérieuse, bien que ça n'ait jamais été son fort. L'impératrice, l'empereur, son mari déjà au service de l'empire. Elle n'a jamais choisi, c'est vrai, a bien été absorbée. Pourtant elle est là, à défendre bec et ongles les impériaux intérêts de ses amis.

- C'est donc l'amour qui vous pousse à servir l'empire.

C'est ce qui lui semble du moins, Eira lui sourit. Elle aime son impératrice, c'est une certitude. Et elle lui est dévouée, infiniment. C'est intéressant, elle ne pensait pas qu'une telle chose pouvait encore arriver. Cela la pousse à rêver qu'il existe encore un monde où les envies de pouvoir, de gloire ou de violence ne priment pas sur tout le reste.

- Vous avez foi en elle, alors vous avez eu foi en cet empire. C'est d'une très rare beauté.

Elle acquiesce, regard dans le vague. C'est quelque chose qui aurait pu se trouver dans les livres qu'elle feuilletait un peu plus jeune, à vrai dire. Et qu'elle ne croit plus désormais. Elle espère seulement que toute la force qu'Isla met dans ses convictions, à remplir les tâches qui lui incombent, lui est rendue au centuple. Que ça vaut le coup.

- Ils ont de la chance de vous avoir, j'ose espérer qu'ils le savent. Mais... un tel engagement auprès des têtes couronnées ne vous donne pas l'impression d'être un peu seule, parfois ?

Elle redirige à nouveau son regard vers elle, scrutant ses yeux clairs. Puis sourit, en repensant à ses frasques, au fait qu'elle n'ait jamais su s'engager auprès de rien ni personne. C'est peut-être pour cette raison qu'on lui a refusé le mariage, elle aurait fait une terrible épouse.

- La seule personne que j'ai tenté de servir était mon père, et je n'ai moi non plus pas eu le choix de le faire. J'ai essayé de le rendre fier, sincèrement.

Eira hausse les épaules, elle a essayé peut-être une quinzaine d'années. Après quoi, il lui était trop difficile d'espérer encore un signe de la part de cet homme. Il ne l'a jamais aimé, ne voyait que le fantôme de sa femme décédée en ses traits. Elle a appris à l'accepter. Elle se demande si l'engagement d'Isla est de ceux là. Désespéré. Sans retour.

- Et je me sentais seule. Tout le temps.

Elle espère qu'Isla, elle, n'est pas en proie à des maux similaires. Il n'y a après tout rien de plus chronophage, fatiguant, que de se consacrer entièrement à quelqu'un. Et pour l'heure, elle n'est certainement pas prête à abandonner le peu de liberté retrouvé pour n'importe quelle personne, ou cause.

- Quoi qu'il en soit, je vous remercie de vous être confiée à moi. Je ne sais toujours quoi penser de l'empire, mais votre discours est touchant.

Et elle ne s'y attendait certainement pas.

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All I can do is trust in her. Late nights, I can see the lust in her. Acid rain is a first for her. Skies open up, share a cup with her. Cracking seals, guilty no appeal. Trip down the hill, strawberry fields. Are you even real? She said, "Tell me how you feel", are you even real? Are you even real? Well, maybe I should study my reflection. Best to know how I seem, I seem, I seem. I spend the day, dreaming of connection. Just to feel•• ALASKA (james blake)

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Eira Mallister & Isla Chelsted

Isla semblait fournir une réponse qui intéressait la jeune femme rousse, qui l'observait avec de grands yeux attentifs. Lorsqu'elle lui indiqua ne pas avoir l'intention d'être parfaite, Isla sourit, détournant son regard une seconde. Elle avait raison, la perfection n'était peut-être pas nécessaire dans ce cas-là. Elle entremêla ses doigts, lorsqu'Eira réagit à ce qu'elle venait de lui dévoiler sur son passé et sur les raisons de son allégeance. Les questions qu'elle se posait montrait une grande vivacité d'esprit chez la jeune femme, un trait de caractère dans lequel Isla se reconnaissait sans peine. Elles n'étaient peut-être pas si différentes finalement.

Elle hocha la tête à l'évocation de son moteur principal : l'amour. Ainsi donc elle avait cerné ce qui la poussait à agir, jour après jour. Ce qui la motivait, sans cesse, ce qui lui faisait prendre les décisions qu'elle prenait. L'amour, sous toutes ses formes et ses coutures, avec toutes les conséquences que cela impliquait. Sa question, légitime au vu de la conversation pourtant, la désarçonna.

« Je comprends. C'est pour mon père et mon nom que j'ai accepté de prendre époux, il y a quelques temps. »

Et quelle erreur ce fut ! Par loyauté envers son paternel, et parce qu'il se souvenait de ses frasques lorsqu'elle était plus jeune et que le scandale de sa relation avec Orys avait éclaté. Si elle devait le refaire... Elle le referait sans doute. Parce qu'à l'époque, elle n'avait pas réellement eu d'autre option. Et même si c'était son père qui avait poussé l'idée, cela aurait pu être un bon plan. Mais Ronald s'était avéré tout aussi monstrueux que cette idée selon laquelle une femme devait nécessairement s'enchaîner à un homme pour survivre. Une idée qu'Isla comprenait néanmoins, même si à présent, elle comprenait surtout qu'il s'agissait plutôt d'un échange, d'une transaction. Et les femmes étaient les biens.

La Chelsted prit une seconde pour réfléchir à la question posée par la Mallister. Se sentait-elle seule ?

« Je suis loin de ma famille, c'est vrai. Je n'ai que de rares nouvelles par corbeaux interposés. Pourtant, j'aimerais savoir comment se porte ma petite sœur, par exemple. »

Son frère, également. Elle se permit une digression, l'observant avec tendresse :

« Vous me rappelez Rowenna, à dire vrai. Il y a quelque chose, dans votre regard, tantôt intense, tantôt pensif, qui me fait penser à elle. Elle adorerait, je pense, être amenée à voyager et à découvrir l'Empire. »

Mais pour l'instant, elle était trop jeune pour le faire. Isla luttait également farouchement contre un quelconque mariage imposé pour elle, tant qu'elle le pouvait. Elle prit une inspiration. Peut-être que lorsque tout serait terminé, elle pourrait retourner les voir. Peut-être qu'ils comprendraient, cet engagement sans faille qu'elle a prit auprès des personnes chères à son cœur.

« Mon seul conseil, si l'expérience peut me le dicter et si vous souhaitez l'entendre, serait celui-ci. Un engagement total ne peut être que désintéressé. Sinon c'est un échange de bons procédés, un marché passé entre deux personnes. »

Elle lui jeta un regard entendu, puis compléta :

« Nul besoin cependant d'un engagement total pour servir une cause, quelle qu'elle soit. »

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Eira plisse les yeux, écoutant la jeune femme parler, raconter, lui donner quelques conseils. Elle finit par lui sourire en constatant que peu importe le royaume, toutes les femmes sont amenées à vivre les événements clés de leurs vies suite à des décisions qui ne leur appartiennent pas. Eira ne pensait pas Isla mariée, à vrai dire un tel dévouement à une cause politique lui semblait incompatible avec le mariage. Mais cet empire permet des choses que l'ancien monde ne permettait pas. Toutes ses neurones encore engourdies par ses enseignements religieux, Eira doit constamment faire face à de nouvelles surprises, de nouveaux changements des mœurs qu'elle a intégré. Et à vrai dire, cela lui plait bien.

- J'ignorais que vous étiez mariée. Je suppose que l'on se sent bien moins seule une fois liée à quelqu'un d'autre jusqu'à la mort.

Eira laisse son regard s'égarer une seconde ou deux. Elle ne peut que supposer puisque condamnée à vivre privée de ce droit, qui était au début de son existence un devoir. Désormais, son père n'est plus. Ses frères non plus. Elle ignore qui pourrait l'obliger à prendre époux et se trouve être parfaitement sûre de ne jamais vouloir faire courir ce risque à un autre homme. Alors elle suppose, en effet. Mais Eira se concentre à nouveau sur Lady Isla et s'attendrit lorsqu'elle évoque sa petite sœur.

- Je m'excuse de mes questions indiscrètes, Lady Isla. J'espère qu'elles ne vous peinent pas.

Eira se sait incorrigible et trop curieuse. Elle était friande de potins il y a quelques mois, laissait volontiers trainer une oreille ou deux en espérant récolter des informations croustillantes. Mais son univers s'est brutalement assombri et les confidences qu'on lui a faites dernièrement ne lui donnent en aucun cas envie de les colporter. Elle est bien trop reconnaissante envers la Chelsted de lui accorder ce moment sans jugement pour ne pas essayer, pour une fois, de se montrer un peu plus délicate.

- Vous me faites aussi penser à ma sœur, à vrai dire. Mais en plus gentille. D'autant que vous ne m'avez pas encore reproché de ne pas me tenir suffisamment droite, ou que sais-je...

Pour ce qu'elle y comprend, à tout ça. Eira grimace en espérant faire rire Isla, mais Coralie lui manque réellement. Et Isla a sa sagesse, cette aura rassurante de femme qui en sait plus qu'elle et se trouve tout à fait disposée à la guider. La rousse lui sourit, heureuse qu'elles puissent se rappeler un peu de chez elles, et des gens qui s'y trouvent.

- Je suis de votre avis, en effet.

Eira acquiesce alors qu'elle se prononce en faveur de cette avis, qu'elle n'était même pas sûre de partager auparavant.

- Il est important de se rester fidèle à soi, avant toutes choses. Je le crois, du moins.

C'est ce qui l'effraie le plus sûrement, dans cette question d'engagement. Que ce soit à une cause ou à une personne, en politique ou dans un mariage. S'oublier. Un engagement total impliquerait sûrement de s'oublier un peu, elle le croit.

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Eira Mallister & Isla Chelsted

La jeune femme venait tout juste de lui dévoiler qu'elle était mariée. Enfin, qu'elle l'avait été. Parfois, elle avait la sensation de l'être encore. Il lui suffisait d'un bruit, d'un souffle de vent, de quelque chose qui la faisait sursauter pour imaginer qu'il était de nouveau là, à ses côtés. Ne la quittant jamais vraiment. Elle se demanda brièvement, suite à leur échange sur les morts, si lady Eira réviserait son jugement, en entendant l'histoire de son mariage. Mais elle n'en dit rien. Ce n'était pas un sujet pour aujourd'hui, et encore moins pour les oreilles encore douces d'une jeune fille en fleur.

Elle secoua un peu la tête, voulant nuancer les paroles de la jeune femme :

« Dans mon cas, c'était plutôt un autre genre de solitude. Mais vous avez raison, si l'on trouve son partenaire, on se sent moins seul. »

Et on apprend, encore plus, d'une richesse démesurée, incontrôlable. Isla l'avait senti, en se rapprochant de Torrhen que la vie avait encore plus à offrir que tout ce qu'elle pensait possible jusqu'ici. Et ce cadeau sans cesse renouvelé, de trouver la bonne personne et de grandir ensemble, main dans la main... Avec toutes les complications que cela pouvait engendrer.

« Pas du tout, lady Eira. C'est assez plaisant de discuter avec vous, en vérité. »

Isla était sincère. Sa présence apportait comme un vent frais à ses journées parfois maussades, parfois ennuyantes. Et puis elle était curieuse de cette jeune fille à l'apparence fragile, à l'aube d'une des choses les plus difficiles à faire lorsque l'on mettait les pieds dans un Empire que l'on ne connaissait pas vraiment, et auquel on ne croyait pas tellement.

« J'imagine que vous n'êtes pas mariée. Est-ce un projet que vous nourrissez ? Ma petite sœur m'a écrit récemment vouloir se marier, alors qu'elle n'a que douze ans ! J'ignore d'où lui vient l'idée, mais je pense que mon père n'y est pas étranger. »

Cette lettre l'avait d'ailleurs mise dans une colère incontrôlable. Rowenna ne savait sans doute pas ce qui l'attendait, en voulant passer le pas. Son père devait sans doute avoir perdu espoir en son aînée, alors il jetait son dévolu sur la deuxième. Isla avait eu la pire des expériences. Et elle dissociait fortement le mariage, politique, de l'amour, inconditionnel. Si elle vivait pour l'un, il était certain qu'elle haïssait l'autre. La Chelsted avait alors pris la plume à son tour, pour écrire un message à son paternel, lui disant tout ce qu'elle pensait de la démarche.

Elle hocha la tête à la remarque fort clairvoyante de la Mallister, qui ne cessait de la surprendre par sa maturité.

« Oui, je crois que vous avez raison. On ne peut jamais se tromper, si l'on reste fidèle à qui on est. »

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Comme beaucoup d'autres lady rencontrées il y a peu, Isla ne semble pas avoir de jolies histoires à raconter sur le mariage. La vision parfaite qu'Eira s'en faisait prend un nouveau coup, qu'elle accuse sans trop de souffrance. Elle se doutait, après tout, qu'un mariage pouvait être risqué. Elle en a eu la confirmation avec lady Daena et on lui parle désormais de solitude, au beau milieu d'une union censée durer jusqu'à la fin de l'un, ou de l'autre. Elle se dit alors que peut-être, sa malédiction n'en est pas une. Que peut-être, elle l'a sauvé quantité de fois. Elle aurait seulement aimé qu'elle le fasse de manière moins cruelle. Et macabre.

- L'avez vous finalement trouvé ?

Qu'elle demande, presque innocente. Sans doute qu'elle aurait été d'humeur à cancaner comme une enfant, il y a peu. Mais elle sent beaucoup de poids, de peine, un brin de tragédie sur les épaules d'Isla. Elle ne cherche pas les ragots, seulement de quoi s'assurer que la jeune femme a trouvé un moyen d'être moins seule, même au sein de son mariage. Peu importe lequel. Elle cherche aussi un moyen de se rassurer elle-même. D'apaiser ses craintes, se dire que peut-être, il y a plus au delà.

- J'en suis ravie, Lady Isla. Votre conversation m'est plaisante à moi aussi.

Eira lui sourit et reporte son regard ailleurs, un peu gênée par tout élan d'affection, elle qui n'en connait aucun. Puis vient le sujet de son propre mariage, qui la fait soupirer. Lourdement.

- En effet, je ne suis pas mariée.

Et elle ne le sera jamais, les astres, le ciel, les dieux ou toute autre entité maléfique l'ayant décidé à sa place. La rousse sourit pourtant en entendant la Chelsted s'indigner que sa soeur pense déjà, plus ou moins, à prendre époux. Eira sait que les petites filles rêvent beaucoup, elle était l'une d'elles. Elles n'ont seulement pas conscience de tout ce que cela implique, et l'apprennent bien trop vite.

- Votre père y est sûrement pour quelque chose, oui. Ou peut-être a-t-elle entendu des dames en discuter... il en faut parfois peu.

Elle aussi rêvait beaucoup du mariage. Une opportunité de s'échapper. D'être quelqu'un de nouveau. D'avoir une famille à elle. Mais rien n'est jamais

- Je ne crois pas avoir envie de me marier, vous savez. Et je ne crois plus y être obligée.

Elle n'est plus sûre de rien, de toute façon, ce qui a quelque chose d'agaçant. Elle n'a rien contre le mariage, encore moins contre l'amour. Mais ce qu'elle voit à la cour ne lui plait pas toujours. Les lady qui se poudrent à outrance sans pouvoir masquer les dégradés bleus qui parsèment leur peau, surtout. Et les autres aussi. Celles qui disent être heureuses mais n'en ont pas l'air.

- Seule, avec mon chat. N'est-ce pas un destin que toutes les jeunes femmes m'envieraient ?

Eira en rit, mais n'est pas certaine que ce soit drôle.

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Eira Mallister & Isla Chelsted

Les jeunes femmes, impériales ou non, Conflanaises ou issues d'autres royaumes, pouvaient rêver, oui. Aspirer à une situation meilleure, à une destinée autrement plus épanouissante. Isla avait rêvé, elle aussi, en son temps. Esprit libre, elle n'avait jamais réellement souhaité une quelconque attache, mais elle y avait été contrainte néanmoins par son paternel, qui n'avait jamais compris son attachement à la princesse Rhaenys, ni même imaginé, en fait, la profondeur de leur lien. Cela lui convenait tant que cela permettait aux Chyttering de bénéficier d'un certain rayonnement, mais Isla s'était pris quelques gifles en son temps, notamment lorsqu'elle avait été surprise dans le lit d'un certain Baratheon qui venait de prendre sa virginité. Quelle époque.

Alors les rêves de la jeune Eira l'inclinaient à une grande douceur envers elle. Personne n'aimait voir ses espoirs brisés, ses aspirations brimées. Mais il faudrait qu'elle soit prudente, néanmoins. Le monde actuel n'était pas pour les tendres, et malgré son jeune âge, Isla était prête à parier qu'elle commençait à s'en rendre compte. Toute la tragique histoire de sa famille le montrait clairement, et son arrivée au sein de l'Empire également. Lorsque la jeune Mallister lui demanda si elle avait trouvé son partenaire, ses grands yeux verts vinrent se fixer aux siens, encadrés par cette chevelure flamboyante. L'avait-elle trouvé, ce partenaire qui mettait fin à sa solitude ?

D'instinct, elle pensa d'abord à Torrhen, dont la présence et l'amour ces derniers temps avaient été d'un précieux réconfort. Pour autant, malgré la force de leur histoire et de leurs sentiments, elle était interdite, condamnée au secret. Et cela créait une sorte de solitude, même si elle était différente de celle éprouvée pendant son mariage. Puis son esprit dériva vers Rhaenys, et le souvenir incandescent de l'impératrice guerrière lui réchauffa le coeur une seconde... avant qu'elle ne se souvienne de son désespoir écrasant.

« Pas exactement. »

Lui répondit-elle, énigmatique. La Chelsted ne pouvait pas réellement lui donner le fond de sa pensée, mais elle ne voulait pas briser ses espoirs pour autant.

« Mais l'amour peut s'exprimer par de nombreuses façons, lady Eira, et elles ne sont pas souvent celles auxquelles on s'attend, ou ce qu'on espère. Il ne faut pas les rejeter pour autant. »

Toutes les solitudes ne se valaient pas, et Isla aurait mille fois préféré passer deux ans aux côtés de l'Empereur que cinquante aux côtés de n'importe qui d'autre.

Isla sourit, à l'évocation de l'avis de la jeune Mallister sur sa jeune sœur Rowenna. Elle hocha la tête.

« J'adore ma petite sœur, mais elle est encore jeune, et candide. Je tente de la protéger comme je le peux de la réalité de ce monde, car je veux croire qu'il peut changer en quelque chose de mieux. »

Si elle voulait se marier, elle ne pourrait pas l'en empêcher.

« Permettez-moi de dissiper vos éventuels doutes cependant. Je ne suis pas contre le mariage. Mon esprit idéaliste voudrait simplement qu'il n'aie lieu que lorsque les deux parties le veulent. Et je déplore que cela ne soit pas si commun. Si Rowenna veut se marier, je ne l'empêcherai pas. »

Mais elle serait vigilante, quant au choix de l'époux et de sa composition. Elle se mit à rire, lorsqu'Eira acheva de définir ses aspirations. Puis plongea son regard dans le sien, gardant à ses lèvres un petit sourire joueur.

« Vous et un chat ? Ma foi, cela semble être un compromis qui me parait être tout à fait acceptable. Un chat ne peut pas vraiment vous décevoir, alors qu'un mari oui. Il est doux et câlin, et ne vous oblige à rien. On ne peut pas en dire de même pour tous les époux ! »

Le ton était plus léger, et la Chelsted reprit, reprenant un peu de calme.

« Je crois en la capacité de chacun à faire des choix pour lui-même, lady Eira. Si vous ne souhaitez pas vous marier, je vous souhaite de tout cœur ne jamais avoir à le faire. »

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Si elle ne comprend pas tout ce qui lui est dit, Eira ne peut s'empêcher d'acquiescer. Elle est jeune et si ses contacts humains se sont véritablement multipliés depuis son arrivée à Fort-Darion, ils restent étonnement peu nombreux. Ayant passé la plus grande partie de sa vie complètement isolée, elle ne peut savoir de quoi lui parle lady Isla. Pour autant, la façon dont elle l'explique et la manière dont elle en a l'air convaincue ne lui donnent aucune envie de la contredire. Et elle se moque bien des préceptes selon lesquels l'amour ne peut exister qu'au sein d'un mariage. S'il en existe d'autres formes, alors elle serait ravie de les découvrir.

- Je suis heureuse que vous en ayez trouvé un peu, dans ce cas. Même si ce n'était pas exactement ce à quoi vous pensiez.

Et à vrai dire, bien que la conversation pourrait être mal interprétée, Eira ne voit pas le mal dans ce qu'elle vient de dire. Elle ne voit même pas ce qu'elle pourrait insinuer, en vérité. La rousse écoute ensuite ce que l'insulaire a à dire sur sa petite sœur. Elle sent aisément tout l'attachement qu'elle a pour cette dernière, sa volonté de la protéger et de l'aider à faire les bons choix. Sans trop pouvoir s'en empêcher, Eira finit un peu jalouse à la fin de ce discours. Elle doute que sa sœur ait de si bonnes intentions la concernant, elle qui a toujours mis leur famille avant tout le reste.

- Elle a de la chance de vous avoir.

Qu'elle admet simplement, ravalant toutes les émotions égoïstes qui la traversent. Elle tait aussi ses doutes quant à la capacité de ce monde à devenir meilleur, jugeant qu'il n'est pas nécessaire d'ajouter une couche de pessimisme à cette conversation fort agréable. Quant au mariage...

- Eh bien... oui, vous avez raison. Nos rangs nous obligent souvent à prendre pour époux de parfaits inconnus. Mais ce n'est pas ce qui m'effraie le plus, je crois.

À tort ou à raison, la Mallister s'estime capable de tomber amoureuse d'à peu près n'importe qui. Ce qui l'effraie en revanche, c'est de les condamner à mort en les épousant. Sauf que ça, elle ne peut pas le dire sans être jugée complètement folle à lier. Eira se tait donc et évoque sa deuxième raison.

- C'est d'appartenir à quelqu'un, qui m'effraie.

Même si en vérité, elle n'a jamais été libre de son existence. Mais c'était son père qui la détenait, ses frères. Un mari, c'est différent. Eira adresse un sourire contrit à Isla, persuadée qu'elle saura comprendre.

- Mais j'espère que votre petite sœur trouvera ce qu'elle souhaite dans le mariage, qu'il soit lointain ou non.

Quant à elle et ses projets félins, le discours d'Isla la fait sincèrement rire et ce pendant plusieurs minutes. Ces moments d'insouciance se comptent sur les doigts d'une main depuis que sa maison a été fauchée presque entièrement par les Sept Enfers et il lui est particulièrement agréable de retrouver un peu de sa jeunesse d'avant.

- Nous sommes absolument d'accord !

Isla respecte ensuite ses volontés lorsqu'elle lui les déclare, ne juge pas, ne conseille pas, accepte seulement. Eira incline la tête en signe de reconnaissance, pour ses mots mais pour toute cette conversation dont elle ignorait avoir besoin.

- Merci beaucoup, lady Isla. Merci pour tout. J'avais besoin de ça.

Peu importe ce que tout ça peut bien signifier.

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