Tout ce qu'il avait accompli au cours des derniers mois ne pouvait lui apporter une entière satisfaction et il se sentait petit à petit pris au piège sans parvenir à résoudre un seul des problèmes qui se présentait à lui. Cela le rendait fou, et il avait l'impression de tourner en rond, prit dans une spirale sans fin, dont il ne parvenait pas à voir le bout pour le moment. Et continuer à faire l'état des lieux constant de la situation ne l'aidait en aucune façon. Jon manquait de sommeil, entre les mouvements de troupes, les différentes escales, le harcèlement des troupes ouestriennes pour finalement se faire tirer comme des lapins avec des arcs, ça venait profondément à l'énerver. Surtout que tout cela avait été causé par son beau-père en personne. Jon avait quitté sa femme enceinte, sa toute jeune petite fille car le Conflans venait à réclamer de l'aide, encore et encore. Le Nord, comme toujours, se devait d'accourir pour soutenir son premier allié au sein des Royaumes Fédérés, combien de soldats étaient morts pour pouvoir protéger ce territoire ? Certes, il était en plein cœur des différents gouvernements de Westeros. Il représentait la route privilégiée pour que les alliés et les ennemis viennent à s'opposer directement, soit dans la région, ou alors pour rejoindre un autre fief et y mener le combat. Jon avait pacifié le nord du secteur, et après être reparti, Salvemer avait fini par retomber entre les mains des Bieffois alors que Vivesaigues était assiégée par l'Ouest. Jon avait rejoins Fort-Darion, puis la capitale du Conflans et avait réussi à défaire un des fortins de l'ennemi, en perdant bon nombre d'hommes du Nord pour cela. Et comment avait-il été remercié ? Par un Lyham qui l'avait accusé de ne pas vouloir en faire plus contre l'ennemi, de ne pas être à la hauteur, de ne pas avoir de véritable envie d'aider le royaume ou sa belle-famille, puis ensuite il lui avait balancé dans le visage qu'il avait contacté l'Ouest pour négocier avec ce dernier, sans suivre les règles notées dans la Constitution Impériale.

Alors si Vivesaigues avait été sauvé, l'Ouest prenant la fuite pour se calfeutrer derrière leurs hautes montagnes, Lyham avait rechigné à leur courir après, et il avait fallu l'intervention de Rhaenys en personne pour qu'il se décide à remettre ses forces armées en marche pour suivre l'ennemi. Trop tard pour les rattraper, une fois à la Dent d'Or, l'opposant était à l'abri et tenter un passage à travers les cols serait une erreur monumentale, et un massacre volontaire des troupes nordiennes et conflannaises. Alors, il fallait trouver un autre passage, faire une autre action pour pouvoir déstabiliser l'ennemi, il était venu jusqu'à Château-Rosières en compagnie de Lyham. Il ne lui était plus véritablement possible de le laisser se balader sans garder un œil sur lui, d'une façon ou d'une autre, il avait largement perdu la confiance de son gendre et il redoutait d'autres prises de décisions incongrues. Et il était hors de question que ce dernier vienne à le mettre un peu plus encore dans la panade alors que lui faisait tout pour le sauver, depuis des mois, loin de sa famille, alors que son épouse était sur le point d'accoucher d'ici quelques semaines, et en sachant pertinemment, qu'il ne serait jamais rentrer à temps pour pouvoir assister à la naissance de ce nouvel enfant, sans pouvoir tenir la main de sa femme pendant un moment si important, alors qu'il avait failli la perdre la dernière fois qu'elle en était passée par là. Et puis, il y avait toutes ces autres sources d'angoisses qui étaient arrivées. La défaite des troupes plus au nord du Conflans venait à menacer l'aide nécessaire, même essentielle pour rejoindre le royaume du nordien alors que Fer-Nés et Ouestriens étaient en train d'attaquer ses côtes. Tout venait à s'emmêler dans son esprit, et les nœuds n'étaient pas simples à dénouer, mais au moins, il avait une certaine ligne directrice et il ne cessait de prier les Anciens Dieux pour qu'il vienne à protéger ses soldats et son peuple, où que celui-ci puisse bien se trouver.

En attendant, il s'était donc enfermé dans une des salles du château, regardant les différentes cartes disponibles, ruminant dans sa barbe les idées qui pouvaient lui venir à l'esprit. Il avait appris que les troupes nordiennes qui avaient rejoint Vivesaigues après la bataille, étaient enfin présentes ici, mais surtout, une personne d'importance avait également fait le voyage en leur compagnie. L'ancienne Reine déchue du Conflans, l'ancienne épouse de Yoren Hoare, le bâtard qui avait été légitimé avant qu'il ne finisse par mourir, notamment sous les armes du Nord. Aujourd'hui, elle semblait s'être tournée vers la cause impériale, mais il ne la connaissait pas, et donc comme à chaque fois, il préférait la prudence, à la confiance aveugle. Actuellement occupé, il ne savait pas à quel instant ils viendraient à se rencontrer. Néanmoins, quand il entendit une voix féminine s'élever dans son dos, il se retourna et fut surpris de découvrir la jeune femme en question juste là. « Bonjour ma Dame. » Il la détailla de longues secondes, avant de replier quelques unes des cartes devant lui. « Je suis ravie de faire votre connaissance Helena. Je crois ne pas avoir à me présenter, si vous avez su où me trouver. » Lui répondit-il avec un bref sourire sur les lèvres avant de reprendre une carapace un peu solennel. « Et bien si mon père vous a envoyé, c'est qu'il vous accorde toute confiance pour cette mission. Je crains malheureusement que vous arrivez à un moment complexe, autant au sein du Conflans, qu'entre Lyham Tully et moi-même. Certaines de ses actions ont mis à mal la sécurité du peuple qui est aussi le vôtre, et par conséquent, le mien. » Autant qu'il soit un peu honnête avec elle. « Avez-vous fait bon voyage au moins ? Le chemin est long depuis Fort-Darion, et j'espère que l'armée nordienne vous a été plutôt d'une agréable compagnie. Je sais combien les hommes du Nord peuvent paraître un peu rustre pour les femmes plus au Sud, et même pour tout le monde d'ailleurs. »

Il n'avait jamais été évident pour Jon d'accepter cette nouvelle alliance que le Nord et le Conflans se voyaient imposer par l'Empire. Son père ne manquerait pas à dire qu'en signant la Constitution, ils avaient fait le choix l'un comme l'autre que leur relation commune tende vers la paix, ou même qu'elle soit dans l'obligation de finir ainsi, et qu'il n'y avait nul reproche à faire contre ce peuple, car si lui l'acceptait, son aîné devait en faire de même. Cependant, la chose n'était pas aussi aisée aux yeux de Jon. Le Jeune Loup était encore tout jeune quand Torrhen était parti sur le champ de bataille pour combattre Harren Hoare et l'ensemble du peuple qui se plaçait derrière lui et le soutenait dans ses actions. L'enfant qu'il était alors, avait grandi dans cette idée que le Conflans était l'ennemi naturel à combattre et qu'on ne pouvait en aucun cas lui faire confiance. Il y avait eu quinze longues années de guerre, où le Nord avait dû faire face seul, avant que cela ne vienne petit à petit à se généraliser à tout Westeros. Il devait donc avouer qu'il n'était pas arrivé à avoir une confiance aveugle envers la maison Tully, bien que ces derniers semblaient décider à faire honneur à leur nouveau engagement. Et pendant un temps, cela avait également influencé de manière négative son propre mariage avec Eleanor, en dehors des problèmes plus intimes qui avaient jalonné leur parcours. Néanmoins, les choses avec son épouse s'étaient très largement améliorés et aujourd'hui, il lui faisait pleinement confiance, et il formait ensemble, avec leur fille, leur enfant à venir et leur pupille, ce qu'il aimait appeler une famille. La jeune femme un peu naïve, un peu candide, avait su se faire louve et réussir à l'apprivoiser un peu, ce qui n'était pas une mince affaire au vu de l'ampleur de la tâche à accomplir. Au contraire, Lyham Tully avait profondément entaillé l'entente qu'ils existaient entre le beau-père et le gendre, mais surtout entre deux souverains qui se devaient de collaborer ensemble.

Pour ce qui était de Helena, qu'elle souhaite porter le nom de Bracken, ou qu'on vienne encore à l'appeller Hoare, seul le temps pourrait venir à dire si l'un et l'autre parviendrait à trouver un terrain d'entente et surtout à se faire assez confiance pour partager des choses essentiels. Elle pouvait s'être tournée vers l'Empire, elle pouvait croire en celui-ci, le Nord avait été présent dans sa chute à la tête d'un royaume et à la mort de son époux. « Vous n'avez nul besoin de vous excuser. Cela me change un peu d'avoir une présence féminine à mes côtés, plutôt qu'une tripotée de soldats. » Il aurait pu jouer un peu plus les flagorneurs, mais Jon n'avait jamais été véritablement doué pour ça, et surtout, il refusait qu'on puisse le voir comme étant un quelconque homme à femme, qui venait à séduire ces dernières lors des campagnes militaires pendant que son épouse était à la maison auprès des enfants. Il ne manqua pas de hausser un sourcil quand elle vint à lui dire que son père avait toute confiance en lui. Voilà une chose, dont il ne pouvait s'empêcher de douter. Même s'il semblait en effet le penser et même le lui dire par missive, les face à face restaient des moments complexes, ou l'incompréhension était bien souvent de mise. « Espérons alors pour le Conflans et pour le Nord, que mon père, ou plutôt que l'Empereur continue à me faire confiance alors. » Comme un petit pion qu'on déplaçait ici et là. Il eut envie de grogner mais parvient à se retenir pour faire bonne figure et laissa un sourire vague se dessiner sur son visage, sans que lui même ne soit convaincu parce qu'il venait de dire. Il n'oubliait pas que son père avait voulu étouffer l'affaire avec Lyham, lui disant qu'il faisait parler son ego plus qu'autre chose, il était au courant mais n'avait rien fait pour changer les positions du roi Tully. Jon l'avait mis devant le fait accompli par le biais du Collège Impérial et cela n'avait malheureusement pas suffit, ils avaient perdu du temps. Ils avaient une nouvelle destination à présent. « Je vous laisserai vous occuper de sa Majesté alors, pour le moment je préfère gérer les armées selon le cap qui a été choisi pendant le Collège Impérial. » Lui préférait le supporter au minimum.

« Et bien me voilà parfaitement satisfait de savoir que mes hommes n'ont pas été un fardeau pour vous tout au long de ce voyage. Nous ne sommes pas une nation qui se montre toujours évidente, après tout nous sommes le résultat de la terre sur laquelle nous sommes nés. Et dans le neige et le froid constant, nous avons du nous adapter à la rudesse de notre monde à nous. Cependant, nous sommes des personnes de valeur, nous avons le sens de l'honneur, et nous n'avons qu'une seule parole. » Et cela voulait dire beaucoup. Un peu comme dans son mariage, il n'avait pas promis l'amour à sa femme, mais il n'avait pas manqué à sa parole de la protéger quoi qu'il puisse se passer car elle était son épouse, car elle était la mère de ses enfants, car elle faisait parti de la meute. Pour la suite, il resta soudainement silencieux pendant quelques secondes, à moins que cela était quelques minutes, regardant longuement les cartes qu'il avait refermé en entendant la voix de l'ancienne Reine dans la pièce, puis il releva les yeux vers elle, plongeant son regard dans le sien. « Ce qu'il se passe où ? Sur le terrain ou avec le roi ? Ne m'en voulez pas si je ne suis pas un homme prompt à la confiance dès la première rencontre. En toute honnêteté, je n'ai pas été prévenu par mon père que vous deviez venir dans le Conflans, donc encore moins à Château-Rosières, et visiblement votre mission semble concerner bien plus mon beau-père que moi même. Avant que je ne vienne à vous dire plus sur la situation globale, j'ai besoin de savoir pourquoi vous êtes ici, pourquoi vous êtes venus au plus près des combats qui s'annoncent. J'ai bien compris que le Conflans vous tenait à cœur, mais vous auriez été plus en sécurité à Vivesaigues. »

L'Empire était une entité cosmopolite, qui prenait surtout son essence à Fort-Darion, parce que c'était la capitale qui avait été choisie par les Braenaryon, qu'elle avait un certain côté central puisque tous les territoires pouvaient la gagner par voie de terre ou par voie de mer, et parce que forcément, les gens de pouvoir venaient à s'y rejoindre, se rencontrer plus ou moins respect ou diplomatie, mais c'était là où on pouvait avoir la plus grande concentration des représentants des royaumes fédérés. En dehors, cela était plus compliqué. Ses alliés n'étaient pas venus dans le Nord, et il n'était pas prévu que cela se fasse dans les semaines à venir, en tout cas, il était certain que ça ne serait pas pour des festivités et des moments de joie. En ce qui concernait Dorne, Jon n'avait jamais mis les pieds dans ce royaume à l'autre bout du sien et qui avait connu de divers changements et retournements politiques au cours des derniers mois. Il fallait bien avouer que le Roi du Nord avait fini par perdre le compte, et ce n'était pas le front sur lequel il était directement placé, alors il laissait volontiers cela aux personnes qui en avaient la charge. Au final, les déplacements principaux au sein de l'Empire, ne se faisaient que pour défendre les frontières des uns et des autres, et pour cela le Conflans était véritablement celui qui souffrait le plus des différents opposants qu'il se devait d'affronter. Et malgré les dernières tensions qui existaient entre son beau-père et lui, il en était profondément désolé. Pour autant, il n'était pas totalement insouciant vis-à-vis d'eux, l'ennemi pouvait se cacher partout. Il se souvenait parfaitement des Frey qui avaient décidé d'organiser un empoisonnement lors de son mariage, et sa belle-mère, aujourd'hui disparue, en avait malheureusement fait les frais. Il était conscient aussi, que bien souvent, c'était l'influence des Fer-Nés qui avaient compromis le Conflans au cours des dernières années, depuis qu'ils avaient intégré l'Empire et même si Harren Hoare était plus Conflanais que Fer-Né, ce n'était pas le cas de Eren ou de Yoren. Et la femme qui était en train de se présenter à lui, il ne pouvait oublier qu'elle avait été l'épouse de ce dernier. Sans la validation de son père à sa présence ici, ou même au sein du royaume, il n'aurait pas manqué de se montrer profondément contre leur petit face à face.

En attendant, il ne savait pas qu'elle viendrait, il n'avait pas eu vent de l'arrivée d'une ambassadrice, par aucun dignitaire du Conflans. D'une certaine façon, cela marquait nettement la rupture qu'il pouvait y avoir entre les deux souverains, et Jon pour le moment, avait du mal à chercher à renouer un lien solide avec Lyham. Cela mettrait du temps avant qu'ils ne parviennent à reconstruire ce qu'ils avaient auparavant. Mais il valait peut-être mieux que sa relation s'améliore avec son épouse plutôt qu'avec le père de cette dernière. Eleanor, heureusement était loin d'ici et elle n'avait pas à supporter cette ambiance morose entre deux membres de sa famille. Peut-être que Helena parviendrait à faire la passerelle entre les deux, en tout cas, il lui faudrait bien du courage pour ça. « Il faut comprendre que le Roi Lyham, ces derniers temps, a décidé de me tenir à l'écart de certaines choses. Je n'ai rien su de votre arrivée, comme je n'ai rien su de sa décision de négocier avec l'Ouest en dehors de la Constitution Impériale. Je suis Roi Fédéré, ce n'a pas toujours été facile au début, mais je connais les droits et les devoirs et si quelqu'un comme lui commence à remettre les choses en considération, l'Empire ne pourra pas tenir. La duperie, le mensonge est une chose qui m'insupporte et aujourd'hui, cette inconséquence de la part de votre Roi, ce choix qu'il a fait et après sa difficulté à se plier au plan de l'Empire, fait qu'au moment où je vous parle, l'Ouest et les Fer-Nés menacent le Nord. Nous allons être envahi, et moi je suis là. Peut-être comprendrez-vous ainsi que je ne suis pas le plus enjoué des hommes et que je tiens rigueur au Tully pour ces actions dernières. » Il plongea son regard dans le sien. « Je ne vous en veux pas, ne pensez nullement cela, je ne vous connais pas, et inversement. Nous allons devoir composer ensemble et je ne puis qu'espérer que cela fonctionnera. »

Jon n'avait rien contre le fait qu'elle lui propose son aide. Pour autant, le moment n'était pas encore au temps de la diplomatie, et lui ce dont il avait besoin, c'était des hommes, des soldats qui pourraient faire du bien au moral des troupes, venir à palier le nombre de blessés, le nombre de morts qu'il y avait dans les rangs. Il n'était pas question de refuser son aide, mais il doutait qu'elle aurait une véritable marge de manœuvre pour le moment. Cela viendrait sans doute avec le temps, après tout, elle avait déjà été Reine. « Je n'ai pas besoin de demander à mon épouse quoi que ce soit, si vous avez été envoyé ici, encore plus par mon père, c'est que vous avez su le convaincre. Donc je vous crois quand vous défendez votre décision à venir ici, à affronter le danger qui accompagnera également chaque déplacement, chaque instant. Et je sens tout autant dans vos paroles, la conviction que vous avez. Quels nobles pouvez-vous contacter ? Quelles armées pouvez-vous nous ramener ? Le vivier n'est plus aussi abondants, et le royaume vient à être menacé à Salvemer. Je suis preneur de toute personne qui pourrait nous ramener la victoire, soyez certaine de cela. »

Ils étaient tous issus de quelque part, ils avaient tous leurs propres parcours, avec des prises de décisions qui paraissaient bonnes et qui finissaient de manière catastrophique, et d'autres qui semblaient être des risques inconscients mais qui se révélaient finalement être la meilleure chose qu'on pouvait choisir de faire. Le contexte du Conflans appartenait à son royaume, son histoire s'était créée grâce à la population qui y vivait et ceux qui avaient pris la tête de ce dernier. Ils avaient été les ennemis inlassables du Nord pendant si longtemps que Jon ne se souvenait plus de la période qui avait existé auparavant, il était bien trop jeune pour cela. Néanmoins, il avait grandi dans cette idée, qu'ils représentaient l'adversaire par excellence, l'adversaire naturelle même et la preuve en avait été faite pendant plus d'une décennie. Ce n'était pas rien quand on se construisait en tant qu'homme, en tant que prince, en tant que futur roi. Puis un jour, son père avait fait valsé tout cela, mettant un coup de pied gigantesque dans la fourmilière et imposant à l'un comme à l'autre camp, une nouvelle vision de ce que lui espérait pour l'avenir et qu'il voulait mettre en place. Pas en étant tout seul, mais en ayant de nombreuses personnes à ses côtés pour cela. Pour autant, à cette époque encore, Helena n'était toujours pas dans le camp de l'Empire, prête à perpétuer cette lignée de l'ennemi, portant en elle l'enfant qui aurait pu être le prochain roi du Conflans, si Yoren avait été au bout des choses, s'il avait réussi à survivre, et s'il avait donné une nouvelle chance aux Hoare d'être les maîtres de Westeros. Le souverain bâtard n'était plus, et sa belle reine avait été emmené jusqu'à Fort-Darion. Lui qui était si contre à se rendre dans la capitale impériale, une fois qu'il en aurait véritablement l'occasion bien sûr, lui qui ne se sentait pas à sa place auprès de tous ses diplomates, ne sachant jamais s'ils étaient sincères ou ne faisaient que défendre leurs propres intérêts, c'était en réalité là qu'il fallait être pour pouvoir compter un peu et visiblement pour faire les rencontres nécessaires qui pouvaient changer le destin. Car de ce qu'il pouvait comprendre maintenant, celle qui avait été paria il n'y a pas si longtemps que cela, avait la possibilité aujourd'hui de redorer son blason et de tenter d'être le nouveau partenaire du Conflans, la nouvelle arme impériale toute attitrée de Torrhen Braenaryon auprès de Lyham Tully et par extension de lui également.

« Je ne doute pas de la fatigue sincère du Roi Lyham concernant la guerre. Nous en sommes tous là, je le crains, mais le Conflans a bien plus souffert il est vrai, de par sa position de carrefour stratégique entre tous les autres royaumes de Westeros. Que ce soit les manœuvres alliées ou ennemies, tout le monde a foulé un jour ces terres et pas toujours de la plus admirable et raisonné des façons. Je ne vois nullement ça comme une faiblesse, mais comme un réel soucis pour son peuple. Ce n'est nullement ce que je lui reproche. » Il soupira doucement. « Ce que je lui reproche c'est de m'avoir tenu à l'écart, de ne pas avoir fait les choses avec honnêteté. Vous en êtes la preuve, le principe primordial de l'Empire est la collaboration, mais cela ne peut pas être envisageable si on se cache des choses entre nous. Les choses auraient pu être différentes, mais il a remis en cause le plan qui avait été décidé au Collège Impérial, et il nous a fait perdre un temps précieux. » Et le temps ne pouvait se rattraper, maintenant pour mettre à mal l'Ouest et ses troupes qui s'étaient cachées dans les montagnes, ils allaient y laisser beaucoup d'hommes sans être certains d'obtenir un quelconque résultat positif. Dans sa tête, Jon avait eu le temps de faire beaucoup de plans différents pour pouvoir agir, mais il savait qu'en étant seul, il ne pouvait avoir le nombre d'hommes nécessaire pour mettre en place une stratégie solide. « Si vous parlez des prisonniers de l'Ouest, oui nous en avons, mais vous ne les trouverez pas ici. Ils sont à Vivesaigues pour ceux que nous avons réussi à avoir, nous n'avons pas cherché à les emmener avec nous, et les personnalités importantes nous ont soit échappées, soit ils sont morts sur le champ de bataille. Quant aux forces conflanaises ennemies, c'est à Lyham Tully de savoir ce qu'il a fait de ses prisonniers. Je ne pourrai pas vous en dire plus. Ici à Château-Rosières, il n'y avait pas d'opposants puisque la garnison est rattachée à Vivesaigues et donc au souverain. J'imagine qu'il doit y en avoir dans la capitale, à Fort-Darion, ou plus au Nord, du côté des Jumeaux où une partie de mon armée essaie de s'en sortir face à l'ennemi bieffois. De plus je compte aller en direction du Bief et notamment de Pierremoutiers, là, j'imagine que vous serez plus efficace. »

Il ne voyait pas trop quoi lui dire d'autre, après tout, tout ça dépendait de Lyham et il n'avait pas les connaissances nécessaires sur les prisonniers conflanais qui avaient été capturés. « En tout cas, je suis heureux d'apprendre votre revirement de position et que vous soyez ici. Une présence féminine ne pourra être que salutaire ! » Il plongea son regard dans le sien. « Faisons un compromis plutôt, et pourquoi pas servir pour apaiser les nouvelles tensions qui pourraient apparaître en étant auprès de nous quand nous venons à nous rencontrer au moins cela pourra permettre d'avoir quelqu'un de neutre qui aura un regard plus éloigné de la situation actuel. Vous êtes à peine arriver que vous êtes déjà lourdement sollicitée, j'en ai bien peur ... » Il se rapprocha de la table, venant à leur servir deux verres. « Laissez moi faire mon curieux, mais vous avez dit devoir parler de nombreuses choses avec Lyham Tully … Puis-je en avoir connaissance ou cela doit rester secret ? »

La mission que semblait avoir Helena n'était pas une mince affaire loin de là, et Jon n'était pas véritablement prêt à être plus malléable pour lui facilité la tâche. Était-ce vraiment une surprise ? Sans doute que non, le Jeune Loup n'avait pas la réputation d'être un des hommes les plus faciles qui puissent y avoir à Westeros. Élevé dans la pure tradition nordienne, il avait grandi avec des préceptes et une ligne de conduite bien précise qu'il n'avait jamais laissé totalement tomber, et cette façon qu'il avait d'être inflexible était parfois un fardeau lourd à porter et pouvait clairement lui mettre des bâtons dans les roues. Au moins, reconnaissait-il cela, ce qui n'était pas une chose aisée pour lui, y apporter des solutions, il y travaillait parfois, il essayait tout du moins, notamment pour Eleanor et pour sa fille. Car c'était pour elles, pour le Nord qu'il se battait tous crocs et toutes griffes dehors, jour après jour, depuis plusieurs mois, sans retrouver femme et enfant, et en sachant pertinemment tous les risques, toutes les horreurs qui pouvaient arriver tout là-haut, si loin de lui, sans qu'il ne puisse rien faire pour changer profondément les choses. Toute cette frustration, toute cette colère, toute cette fatigue, devait trouver un exutoire, et puisque généralement, c'était son père qui était la catalyseur de tout cela, mais qu'il n'était pas là, il avait fallu trouver quelqu'un d'autre pour venir à le rendre coupable de tous ses maux. Lyham était tombé à point nommé et n'avait cessé de titiller, sans doute inconsciemment, le mauvais état d'esprit de Jon, ce qui n'avait fait qu'aggraver la situation au cours des dernières semaines. Et petit à petit, de nouvelles personnes semblaient se greffer à tout cela, et lui qui avait en horreur la gestion des émotions humaines et de l'humain en général, se retrouvait au seuil de ce qu'il était prêt à accepter ou non. Le Roi du Nord vint à balayer d'un petit geste de la main les paroles de la née Bracken. « Ce qui est fait, est fait. Maintenant, tournons-nous vers l'avenir plutôt, c'est pour cela que nous sommes là, l'un comme l'autre. »

« Et bien si vous parvenez à nous trouver de nouveaux hommes, qui sauront nous être d'un réel soutien et non pas nous poignarder dans le dos à la première occasion qui serait se présenter à eux. » Il se souvenait parfaitement des Grey lors de son mariage avec Eleanor. Ils avaient réussi à empoisonner la mère de la toute jeune souveraine et cela aurait pu être bien plus grave. Et même s'il avait eu beaucoup de compassion pour sa belle-mère, mais il avait été plutôt soulagé de savoir que personne d'autre n'avait été touchée par l'empoisonnement. Alors il se méfiait que les choses puissent à nouveau mal tournées pour eux, surtout que la guerre ouvrait les portes de tous les coups bas. « Venez à Pierremoutiers, cela ne me dérange aucunement. Je ne puis qu'espérer que le charme féminin aura plus de succès si le reste ne fonctionne pas. N'y voyez là aucune offense, mais je crois que vous avez pu voir que je n'étais pas toujours très diplomate mais pour l'art de la guerre je ne me débrouille pas trop mal. » Il hocha la tête et fit un petit sourire. « Vous voilà dans une situation des plus complexes et j'en suis fort désolé, mais avec votre présence, votre détermination, et un peu d'acceptation de l'un et l'autre parti, je pense qu'on pourrait arriver à recréer un certain terrain d'entente. En tout cas, je l'espère. » Il le fallait de toute manière, même si cela ne lui faisait pas extrêmement plaisir, il devait bien le reconnaître. Naturellement, il se décida à poser quelques questions plus personnelles à Helena Hoare et heureusement qu'il n'était pas en train de boire, sinon potentiellement il aurait été capable de s'étouffer avec le vin. « Elle inquiète l'intendante de l'Empire, si elle a été nordienne par le passée, aujourd'hui, elle sert l'Empire, même si elle garde des liens étroits avec le Nord, son fils est notamment mon aide de camp. Mais je croyais que vous aviez été envoyée par mon père ? » Il eut un petit sourire sur le reste de la conversation. « Vous êtes donc potentiellement ma nouvelle belle-mère ? Et comment Eleanor a pris cette nouvelle ? » Demanda-t-il en la regardant dans les yeux.

On ne pouvait effacer l'histoire, pas plus qu'on ne pouvait essayer de la réinventer. Les faits avaient été là, des années de lutte durant, des hommes morts sur les champs de bataille, des familles brisées des deux côtés des lignes, et des blessures si béantes, qu'il ne serait jamais possible de les refermer. Ils pouvaient néanmoins essayer d'avancer, ou plutôt ils avaient l'obligation de le faire, qu'il soit Stark ou non, qu'elle soit Hoare ou Bracken, ils avaient finalement tous signé pour le même combat et de ce fait, ils se retrouvaient l'un comme l'autre dans une même galère. Jon était quelqu'un pour qui la diplomatie était un art des plus complexes, il était bien trop brute de décoffrage pour parvenir à manier toutes les subtilités qui étaient pourtant essentiels dans de nombreux contextes. Il parlait quand cela lui apparaissait nécessaire, important, rarement pour faire des courbettes. D'ailleurs, cette notion même, semblait bien plus être des convenances que l'on exigeait silencieusement dans les royaumes du Sud de Westeros, plutôt que ce qu'on venait à attendre dans le Nord. Différentes cultures, différentes éducations, mais dans tous les cas, ils allaient devoir composer ensemble. Néanmoins, si elle était une amie de son épouse, alors sans doute que cela serait un moyen de les rapprocher. Jon n'avait pas toujours été l'homme le plus simple à appréhender pour la jeune femme qu'était Eléanor, et à sa façon, elle avait également rendu la tâche difficile. On ne pouvait lui reprocher un quelconque manque de respect à son égard, et leur relation était en train de se développer d'une manière tout à fait positive. Il avait compris le caractère de son épouse, et même si en tant que jeune couple, ils pouvaient être maladroit l'un envers l'autre, ils avaient réussi à construire quelque chose. En tout cas, c'était l'impression que lui pouvait avoir à ce sujet. Alors oui, il était prêt à accorder sa confiance ou au moins une certaine crédibilité à l'ancienne souveraine parce qu'elle avait un lien avec son épouse et parce qu'elle ne semblait pas représenter directement une menace pour lui à cet instant.

Il commença alors à énumérer certains possibilités, certaines choses, certaines idées qu'elle pourrait mettre en place, même si pour le gros du travail, c'était avec Lyham Tully qu'il faudrait discuter. Car Jon avait beau porté le titre de Prince du Conflans, qu'il avait hérité par le biais de son mariage, il ne connaissait pas assez le territoire ou la population pour être entièrement efficace. Chacun devait faire de son mieux et s'impliquer à la hauteur de son rôle, présent et à venir. « Je ne doute pas un seul instant que notre collaboration sera prolifique. Profitons du temps que nous allons passer ensemble pour pouvoir apprendre à nous connaître et par la même, à travailler en commun. » Pour le reste, Jon n'était pas prêt à tout oublier des griefs qui l'avaient opposé à son beau-père. Il continua à l'écouter parler sur son père, puis ensuite parler de Nelya Omble. Il connaissait cette dernière depuis longtemps. Les choses de la vie avaient fait qu'elle avait épousé en dernière noce, ni plus ni moins que la figure de Conrad Omble, celui que le Jeune Loup avait toujours considéré comme un second père, et d'une certaine façon, le premier sur bien des points de sa prime jeunesse. Mais la création de l'Empire avait poussé bien des hommes à choisir de suivre le père au lieu de soutenir le fils nouvellement couronné. Conrad était devenu général en chef des armées impériales, et Nelya qui était devenu son épouse, venait à servir la cause impériale, et servir parfois aussi celle du Nord. Les choses venaient à s'imbriquer de façon bien étonnante  à certains moments. L'Intendante avait toute la confiance de son père, de cela il en était certain, mais il venait donc à se demander également si elle avait encore une quelconque marge de manœuvre, comme toute personne qui servait l'Empire, et le couple impérial. « Oh non je doute que l'Intendante ou l'Empereur viendraient à faire quoi que ce soit contre le Roi du Conflans ou celui du Nord, nous sommes censés former un tout ! » Et quel tout. « Je ne peux parler au nom de mon beau-père concernant un possible mariage, nous ne sommes pas assez proches pour avoir partagé une telle discussion, et c'est sans doute préférable. Mais je suis d'accord sur l'importance d'une union entre vous et lui. Cela pourrait permettre d'apaiser bien des personnes au sein du royaume, et permettre d'en convaincre d'autres également. Cependant, lui seul pourra dire s'il est favorable à une telle alliance. » Jon était convaincu pour autant, que Lyham se devait d'accepter, chacun avait du faire des concessions maritales, et même s'il avait déjà un héritier pour lui succéder, la vie pouvait se montrer imprévisible. De plus, le Conflans avait besoin d'une Reine et Helena était une fille du pays, issue d'une grande famille, cela ne pouvait qu'être bénéfique. Soudainement, des voix de soldats nordiens se firent entendre dans le couloir. On frappa à la porte et un de ses hommes loups se présenta alors à lui venant à murmurer à son oreille. Jon hocha doucement la tête avant de se tourner vers la jeune femme. « Je vous prie de mes excuses, je me dois d'aller voir mes hommes, mais j'espère que nous aurons vite le temps de rediscuter de tout cela, ma Dame. » Il inclina respectueusement la tête avant de quitter la pièce.