It's always darkest before the dawn (An 2, Mois 6, Semaine 4) [Tour X - Terminé]

It's always darkest before the dawn

Torrisla

Isla referma la porte, laissant l'Impératrice profiter d'enviables instants de paix, même relative. La soirée, explosive, s'était terminée par l'abdication d'Orys, puis le départ de Torrhen. La réunion stratégique n'avait alors eu de stratégique que le nom, car aucune décision d'importance n'avait pu être prise. Les peyredragoniennes d'âme étaient restées toutes les deux, partageant dans l'ombre de la nuit un moment comme Isla n'en avait pas connu depuis longtemps. En fait, elle n'aurait su dire à quand remontait leur dernière conversation aussi paisible. Après la tempête, le calme. Pourquoi disait-on l'inverse en général ? Pendant des minutes qui avaient paru durer des heures, les quatre impériaux s'étaient écorchés, attaqués, tourné le dos. Même Isla, déroutée face à la violence des affronts, avait perdu son calme et avait bien failli lâcher prise. Un trop plein d'événements, de rancœurs passées ou présentes, de non-dits qui n'avaient pu s'exprimer autrement que par la colère, l'agacement, le désengagement. Et en moins de temps qu'il ne fallait pour le dire, Isla avait bien failli tout perdre.

D'abord Torrhen, consumé par sa culpabilité pour son enfant, meurtri par l'éloignement de son épouse, déchiré par son amour pour sa conseillère. Puis Rhaenys, esseulée dans sa tourmente, persuadée d'être la cause de toute cette tristesse. Et enfin Orys, écœuré par tant de sacrifices incompris. L'heure n'était pas encore aux enseignements tirés de cette soirée. Mais plutôt à la guérison des blessures ouvertes. Isla prit une seconde pour respirer, encore près de la porte derrière laquelle Rhaenys s'endormait, du moins l'espérait-elle. Elle aurait pu filer s'endormir, elle aussi. Le sommeil serait sans doute réparateur, après pareille soirée. Mais quid du lendemain ? L'insulaire espérait avoir la force d'affronter les restes fumants de ce qu'ils avaient enfermé dans cette pièce, quoi que ce soit. Pour l'instant, elle n'avait qu'une seule envie, à laquelle elle comptait bien céder : retrouver Torrhen.

Un rapide coup d'œil dans les appartements préparés à l'étage où elle se trouvait l'informa qu'il n'était pas là. Elle se détourna, et repartit vers l'escalier qu'ils avaient emprunté plus tôt, pour couvrir leurs discussions stratégiques. Et qui avait finalement servi à couvrir leurs disputes. Ou pas. L'air gêné sur le visage des quelques personnes qu'elle avait pu croiser lui confirmait que les éclats de voix avaient du porter bien au-delà de ce qu'ils avaient tenté de dissimuler. Trop tard, de toute manière. Il fallait gérer les conséquences, maintenant. Comme toujours. Quelle ironie, de prendre son temps pour élaborer un plan de sauvetage, alors que le naufrage dont ils auraient du se préoccuper se trouvait juste là.

En bas, tout était calme. Au cœur de la nuit, seuls demeuraient quelques soldats encore éveillés, à manger, boire ou plaisanter presque en silence, jouant aux cartes ou aux dés. Une activité plutôt paisible, pensa Isla, à l'opposé de ce qui les attendrait sans doute lorsqu'ils empoigneraient leurs épées pour défendre l'Orage, l'Empire, et leurs familles. Un homme passa près d'elle, les bras chargés, et la salua, elle ne répondit que par un signe de tête respectueux. C'est alors qu'elle le vit, à l'autre bout de la pièce, dans une petite alcôve, la porte entrouverte. Il était penché sur une table, lisant sans doute quelque chose qu'elle ne distinguait pas encore à distance, à part quelques papiers empilés les uns sur les autres.

Isla traversa la taverne jusqu'à arriver près de lui. Elle entra, le regarda, puis se retourna pour fermer la porte et les couper du reste de la taverne. Elle s'approcha, attrapa son bras pour qu'il se tourne vers elle, et vint se serrer contre lui. Elle enfouit sa tête contre son torse, posant sa tempe contre son épaule, remontant ses bras dans son dos pour l'amener aussi proche qu'elle pouvait. Elle ferma les yeux un instant, respirant son odeur, sentant son cœur battre contre le sien, sans dire un seul mot. Là. C'était mieux. Le déroulé de la soirée se rappela à elle, encore frais. L'attitude de défiance, la posture de méfiance, le pas de recul, les doigts accusateurs, le ton explosif, ... Mais son regard, enveloppant. Sa main, rugueuse et chaude. Ses mots, porteurs de vérité. Sa vérité, celle qui les liait tous les deux à présent. Ce secret partagé, qui n'en était plus tellement un, d'ailleurs. Elle tenta de chasser de son esprit les tumultes qui y régnaient encore, sans pour autant vraiment y parvenir. Elle lui dit alors, agrippant entre ses doigts le cuir de son vêtement :

« Ne me lâche pas... »

(c) a m i t y

dark have been my dreams of late

Where now the horse and the rider? Where is the horn that was blowing? Where is the hand on the harpstring and the red fire glowing? Where is the spring and the harvest and the tall corn growing? They have passed like rain on the mountain, like a wind in the meadow. + aeairiel.

hēnkirī:

It's always darkest before the dawn

Torrhen Braenaryon & Isla Chelsted

HAYSTACK HALL, AUBERGE, MOIS 6 SEMAINE 4 DE L’AN 1 DE L’ERE DES LUTTESs

J’ai du mal à me concentrer. Je me sens épuisé. Et pour une nouvelle fois, comme le million d’autres fois qui précèdent cet instant, je me sens fatigué. Comme toujours. J’ai l’impression de passer une vie qui m’éreinte, dans l’épuisement le plus complet. Je lis les rapports, les missives. Les nouvelles se précisent, un tant soit peu. Mais pas assez encore pour déchirer le brouillard de guerre, et savoir où, quand, et comment porter mes efforts. Je vais devoir me battre, ici. Et peut être y mourir. La mort comme hypothèse de travail. Le vœu de tout chevalier, de tout guerrier de noble naissance ou de la plus basse extrasse, c’est d’accomplir son devoir sans pour autant faire de la peur de la mort l’Alpha et l’Omega de sa conduite. Trop de peur paralyse. Pas assez rend stupide, et pousse au plus inutile des sacrifices.

Je n’arrive pas à entrer sur le terrain, par la lecture des mots et des chiffres qui composent les informations dont je dispose. Je n’arrive pas à me projeter.

Je viens ici me battre presque à l’aveugle, entraînant beaucoup de ce qui compte pour moi dans cette aventure hasardeuse. Je me prends la tête entre les mains. Combien de temps aurais-je dû couper pour être efficace ? Je ne sais pas. Dans un moment hors du temps, je m’interroge sur tout ce qui compose mon existence, sur tout ce qui peut porter à confusion et tout ce qui importe vraiment. Je tente de faire le tri…

A l’étage, Isla essaie de prendre soin de Rhaenys. Je devrais y être, aussi. Tout m’y pousse. Tout m’enjoint à le faire. Mais une force irrépressible me maintient sur ma chaise ; le respect que j’accorde à la volonté de ma Dame, qui m’a déjà confié ne pas supporter mon contact, ni celui d’aucun homme depuis que mes semblables lui ont arraché notre fils mort-né des entrailles. Je me redresse quand je vois Isla venir vers moi. Engoncée dans une robe du vert Chelsted parfaite, qui la met en valeur sans ostentation. Cheveux noués dans ces élaborés chignons peyredragoniens. Magnifique. N’importe qui dans cette auberge m’envierait, pour une telle compagne. Plus encore avec son pas assuré, et son air altier, presque souverain. Et pourtant, le fond de ses yeux ne me trompe pas. Je la connais, car j’ai ouvert le livre de son âme, et y ai plusieurs fois compulsé bien des pages.

La belle se retient,e t quand elle ferme la porte, je suis là pour la cueillir. Je suis assez large pour lui permettre de se blottir là, contre moi. Blessée, meurtrie. Rhaenys a été dure, mais lui a reconnu toutes ses qualités, tout ce qu’elles étaient jadis. Peut être, ce qu’elles seraient à nouveau un jour. Orys a été plus cruel. Mais plus que le comportement des uns et des autres, je sais que la jeune femme sera surtout touchée par les faits posés là comme autant d’armes de guerre, entre nous, entre elle et les autres. J’expire lentement, contre elle. Je la serre plus fort, une main au creux de ses reins, une autre entre ses omoplates. Eprouvés, l’un comme l’autre, par la cruauté d’une existence impérieuse qui nous écrase. Elle souffle, heurtée.

| Jamais. |

Elle m’a trop confié et donné d’elle, trop sacrifié pour être ici, avec moi. Je laisse reposer mon front contre le sien. Je pourrais demander comment va Rhaenys, j’en brûle d’envie. Mais je ne peux pas la laisser se mettre, pour quelque raison que ce soit, entre mon épouse et moi. Mon inquiétude, je la dois à Rhaenys. Pas en la considérant comme une passe-plats.

| Je ne vais pas t’accabler de mes excuses, je l’ai déjà fait en haut. Sache juste que si tout cela devient trop dur, je le comprendrais. Je le respecterais. Même si ça devrait me faire mal. |

Etre la maîtresse du potentat d’un Empire entier, c’est forcément lourd de conséquences pour la belle qui succombe à cet attrait. J’embrasse son front. Je ne la lâche pas. Je la serre plus fort, emplis mes poumons de son odeur.

| J’ai besoin que tu me dises comment tu te sens. |

Je relève d’un index à l’horizontale, sous son menton, son visage si doux et si délicat face à ma vilaine trogne, ravagée par les cicatrices, tannée par le soleil, éreintée par le froid mordant. Je l’embrasse, du bout des lèvres, avec une infinie tendresse.

| Et j’ai besoin de te dire que je t’aime, aussi. |

(c) DΛNDELION

Fire, Blood & Winter | House Braenaryon
Let it be War

I never wanted this. I never wanted to unleash my legions.
Westeros have only one chance to prosper and if you not seize it, then I will.
So let it be war ! From the skies above the Wall to the dornish sands. Let the seas boil. Let the stars burn.
Even if it takes the last drop of my blood, I will see the kingdoms freed once more.
And if i cannot save it from the felony and the dishonor, then let Westeros burns.

It's always darkest before the dawn

Torrisla

Enlacés, seuls dans cette petite pièce, à jamais, comme il venait de le dire. L'idée était alléchante, la vision saisissante. A cet instant, elle aurait donné n'importe quoi pour qu'elle se réalise, et qu'on trouve dans des milliers d'années leurs deux corps, accrochés. Se demandant quelle histoire tragique avait pu les attirer ici pour y finir leurs jours. Pourtant, elle savait qu'il y avait trop à faire, tant à faire. Mais elle se sentait lasse, fatiguée émotionnellement d'un combat mené sans armes et ne résultant en aucun mort. Simplement des blessés, dans leurs sentiments, dans leurs égos, peut-être. Mais une sorte de communion, néanmoins, perceptible à présent par l'insulaire, tandis qu'il la serrait encore plus contre lui. Elle profita de cet élan de protection, incapable de mettre un quelconque masque ou de minimiser sa peine. Elle ne réagit pas à sa première intervention, qu'elle écouta néanmoins avec la force qu'il lui restait. Il lui offrait une porte de sortie, si elle le souhaitait. Une libération, peut-être, de ce savoureux - tout autant que douloureux - mélange de devoir et d'amour, avec une pincée de nostalgie et d'ambition. L'abandon n'était pas une solution, cela ne l'avait jamais été. S'il y avait bien quelque chose de positif à être sorti de ce fiasco, c'était l'amour qui les liait tous les deux. Et c'était une raison suffisante pour endurer, et croire en un avenir meilleur.

Cela suffisait en tout cas à l'insulaire pour tenter de guérir son cœur, qui à chaque battement lui faisait mal, prêt à se casser. Il redressa sa tête, et elle plongea dans ses yeux, puis l'embrassa. Un baiser léger, scellant tout juste leurs lèvres pendant une seconde. Doux. Calme. Tendre. Son "je t'aime" la fit sourire, un sourire triste, mais un sourire néanmoins.

« Je t'aime aussi. »

Elle toucha son nez du bout du sien, puis se replaça contre lui, poussant un long soupir. Sa question précédente la laissait plus pensive. Comment se sentait-elle ? Elle pourrait tenter de minimiser, si elle en avait la force. Mais elle lui avait promis l'honnêteté, en plus de sa loyauté et de son amour. Il méritait de savoir. Et puis il l'avait vécu, lui aussi.

« J'ignore comment je me sens. »

Elle ouvrit les yeux, contre lui, prenant exemple de cet homme qui la réconfortait, de ce rempart rassurant derrière lequel on se sentait en sécurité. Même si la tempête, qu'elle soit au dehors ou dedans, grondait. Elle fit un effort pour essayer de détailler un peu plus sa réponse, peu satisfaisante finalement.

« Je n'arrive pas à me défaire de l'idée que tout ceci aurait pu être évité... Et pourtant, cela me semblait nécessaire... tu vois ? Mais est-ce qu'il existe une seule situation dans laquelle un débordement pareil pourrait se justifier ? Je ne crois pas, enfin, je ne sais pas. »

Elle se sentait confuse, ne savait pas exactement où elle voulait aller avec ce qu'elle lui disait. Mais avoir parlé, même un peu, avait rendu sa voix un peu plus sûre, et son esprit semblait se remettre en marche, un peu. Car elle eut envie d'en rajouter.

« J'ai l'impression d'avoir provoqué tout ça. Si je m'étais concentrée sur Rhaenys, pour l'aider à guérir, peut-être que cette réunion aurait pu se passer différemment. Au lieu de cela, je suis tombée amoureuse de son époux, qui n'avait rien demandé et qui en souffre aussi, et je... J'ai l'impression de suffoquer, parce que je suis l'origine et que sans moi tu ne serais pas dans cette position. »

Elle sentit les larmes monter, lui piquer les yeux, mais elle se contint. Ce fut celles de Rhaenys dont elle se souvint, rajoutant à sa peine. Sa respiration s'accéléra, tandis qu'elle déglutissait pour pouvoir reprendre.

« Mais il y a pire. C'est que je ne changerais rien. Je ne regrette pas de t'avoir rencontré. D'avoir passé tout ce temps avec toi. De t'aimer, et d'être aimée comme tu le fais. Même si ça blesse les autres, ou que ça créé des tensions. Même si ça se met en travers de nos réunions stratégiques, de l'Empire même. Alors que c'est l'exact opposé de tout ce que je me suis toujours juré de faire. »

Isla regrettait les événements qui les avait amené jusque là. Mais pour ses sentiments, elle ne regrettait rien. Elle qui n'avait jamais eu à se justifier de quoi que ce soit se sentait pourtant obligée de le faire, comme si un regard extérieur venait de lui faire prendre conscience du jeu dangereux auquel ils jouaient, tous autant qu'ils étaient. Des vies étaient dans la balance. Et ils avaient gâché ces précieuses minutes à se disputer au lieu d'accomplir leur objectif. Elle se détacha légèrement, ses mains toujours sur lui, puis le regarda avec intensité, cherchant des réponses.

« Comment tu fais Torrhen, pour toujours faire le bon choix, celui du devoir ? Le choix avec lequel tu sais pouvoir vivre. Le choix que tu sais appréhender. Il faut que tu m'apprennes... sinon je vais perdre pied. »

Avant que tout ne soit jeté aux oubliettes par son imprudence. Son compas était toujours orienté vers le devoir, celui qu'il mentionnait sans cesse. Peut-être que la solution était là, finalement. Chasser le reste, se concentrer sur l'objectif. Isla ignorait si elle en était capable. Mais elle avait tellement mal qu'elle était prête à tout pour chasser cette douleur.

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Torrhen Braenaryon & Isla Chelsted

HAYSTACK HALL, AUBERGE, MOIS 6 SEMAINE 4 DE L’AN 1 DE L’ERE DES LUTTESs

Je sens son odeur. Son souffle, contre ma tunique. Ses bras qui me serrent. Pas de variation de pression, rien qui n'indique qu'elle ai besoin d'autre chose, Isla. Et moi non plus. Pour le moment c'est assez. C'est tout ce que je souhaite. Rien de moins, rien de plus. Je la sens épuisée, et je le suis aussi. Les temps à venir seront durs. Il faudra les reins pour les encaisser. L'endurance, et tout le reste. Il faudra serrer les dents. Se préparer au pire, comme toujours. Qui ne manquera pas d'arriver dans différentes mesures. Jamais je n'aurais cru partir à la guerre avec autant de peurs et d'appréhensions, dont beaucoup sont liées à la présence non pas d'un amour dans les parages, mais deux. La situation est en prime bien pire que lorsque nous avions laissés les jumeaux dans le Train de l'armée impériale. Mais j'ai confiance. J'ai la Foi. Il y a ce mur que j'ai érigé, devant tout ce qui menace ma bonne conscience. Cette forteresse si froide et si venteuse qu'on s'y sent seul même accompagné, mais qui permet d'endurer tous les dangers.

Son sourire, lui, provoque le même genre d'effet que subit le Mur quand vient l'été. Il fond, et se lézarde. Mais il reste bien en place, malgré tout.

Pour l'instant.

| Je le sais. |

Je souris en retour. La serre plus fort, tirant au creux de son dos comme pour la priver se son souffle. Mais je relâche. Le but est de manifester mon amour, la réciprocité de mes sentiments. Pas de la casser en deux. Et la serrer fort me donne envie d'aller l'étreindre ailleurs, ce qui n'est sans doute pas le moment ni l'endroit. Le goût de ses lèvres m'obsède à mon tour, m'enivre. Qu'aurions-nous connu, du temps de la Rhaenys joyeuse et pleine de vie, en plus de nos impulsions à l'un comme à l'autre ?

La belle reprend la parole, et m'explique pourquoi elle se sent mal. Je comprends ce qu'elle confie, conçois ce dont Isla souffre. Je sens aussi que l'insulaire prend de la confiance, de l'assurance, à mesure que nous parlons. Je comprends aussi le sentiment de culpabilité qui l'étreint. Je vois son regard rougir, s'humecter plus encore. Je vois à sa poitrine qui se gonfle toute la charge émotionnelle qui l'atteint, et qui la fait chanceler. Je la laisse replacer ses mains sur moi, et j'écoute tout ce qu'elle me confie sur ce qu'elle semble admirer, chez moi. Cela fait écho à l'histoire d'une vie...

Des coups de bâtons, épée trop lourde péniblement soulevée à deux mains dans la boue de Winterfell. De l'eau pleine de sang, sur une plage de galets dans la brouillard. Aux assauts furieux d'un lit conjugal, au lendemain d'un mariage de raison. Aux assauts cette fois d'une enceinte, au milieu d'un fleuve. De chevauchées, tant et plus de chevauchées. A la neige, et à la mort tout autour de moi. Au Feu, au Sang, à l'Hiver, au regard d'émeraude d'une nymphe qui me toise. Au conseils avisés, à la verve d'une femme battue qui s'y connait mieux que moi en écrits de toutes sortes.

Je prends ses deux mains dans les miennes, rétablissant entre nous une distance plus raisonnable que nos corps serrés quand Isla évoque qu'elle ne renoncerait pourtant pas à nos liens, malgré toute la panade dans laquelle nous nous trouvons.

| Je suis désolé que tu souffres de tout ceci. Sans doute plus que d'autres, plus que moi, et plus qu'Orys aussi. Ce n'est pas un concours de lamentations, mais ta position est la plus frustrante. La plus aventurée, je pense. |

Je lui souris, caresse sa joue et capte son regard, si beau. Lui souris, avec un peu d'innocence.

| Et oui, tout cela, c'est un peu ta faute. |

Mon sourire se fait plus tendre.

| Mais qui est le premier propagateur de la maladie de l'amour, Isla ? Celle qui succombe d'abord à contrecoeur, celui qui tait ses ardentes inclinaisons des mois durant ? L'absence, Isla, c'est cela qui nous fait faire les pires folies. Avec des « si », je serais mort il y a bien longtemps, sans doute. Ou heureux à Winterfell, mais sans envergure, et plus de gens malheureux dans l'ombre du Noir. Avec des « si », ton premier mari aurait été aimant, et t'aurais donné tant et plus de bonheur que jamais ton joli cœur n'aurait désiré un homme à la gueule de biais, plus loup qu'homme. |

Mon sourire se fâne un brin, et je baisse les yeux.

| Peut être la fatalité m'est moins douloureuse parce que je vis depuis bientôt quarante-trois ans. Quinze de plus que toi. Je n'ai pas plus souffert que toi en moyenne, j'ai juste souffert plus longtemps. |

Rien n'est jamais vraiment comparable, de toute façon. Je prends ses mains dans les miennes. Embrasse leur revers. Traîne vers son poignet, son avant-bras. Redresse vers ses yeux les miens, à moitié masqués par ma crinière poivre et sel qui retombe en pagaille.

| Le devoir est-il un bon choix, Isla ? J'ai accepté l'adultère criminel de ma première femme. J'ai accepté de perdre chacun de mes quatre frères sans jamais chercher à les protéger du leur. Mes enfants souffrent, eux aussi. Parce que je reste engoncé dans mon devoir. Je reste l'époux d'une femme qui avait besoin de tout en ce monde ; amour, joie, culture et gloire, quand je ne suis qu'un chasseur, un faiseur de veuves. J'ai commis des meurtres, Isla. Certains de sang-froid ; prisonniers, exemples, escarmouches. Est-ce que le bon choix c'est toujours de vivre pour son devoir? |

Je réfléchis, un temps, mon regard dévie vers la chandelle éclairant mon travail. Je me souviens du crissement du cuir d'un ceinturon qui se tend, qui se prépare à cingler. Des larmes amères. Du sang qui me brûle, ou qui me déserte et me laisse froid comme la Glace qui m'a vu naître. Je réfléchis, à tout ça. Je murmure presque, je lâche dans un souffle.

| Le devoir est mon armure, parce que j'ai peur, Isla. |

Peur, oui. Je n'ai jamais prétendu y être insensible... Mais je ne me pose jamais la question de savoir ce que je crains exactement, hormis ce que je vais subir dans le feu d'une bataille.

| J'ai peur que tu te lasses de cette situation, d'attendre une paix qui ne viendra jamais, et que tu me laisses. J'ai peur que Rhaenys ne m'aime plus, alors que je l'aime tellement. J'ai peur de ne pas savoir vous aimer à votre juste valeur, puisque je n'ai jamais aimé deux femmes en même temps, et que je ne sais comment faire. J'ai peur que mes enfants découvrent la vérité, ou qu'ils me détestent pour mon œuvre. J'ai peur pour eux, tout simplement, car l'ennemi cherche à tous les abattre, ou à les retourner contre moi. Et j'ai peur de me damner, et de provoquer la ruine d'une génération, en cherchant à combattre le feu par le feu. |

Je lui montre mes mains, dressées entre nous.

| Je suis le tueur, et Rhaenys la harpiste. Je mène les gens à la guerre. Et elle, elle les berce d'une ode à leur propre gloire, à leur force à chacun. Nous ne sommes pas des bâtisseurs. J'ai peur de m'être trompé depuis le tout début, et que tout ceci n'est qu'une folie. |

Tout, tout. Du choix que j'ai fait sur la tombe de ma première épouse à la création de l'Empire, aux mariages, et à tout le reste. Et j'entends, je vois mon père. Mort plus jeune que je ne l'étais quand j'ai fondé ma nouvelle dynastie.

| Si je m'arrête dans l'exécution de mon devoir, je me perdrais, tu comprends? |

Et tranche.

| Je ne sais pas si c'est ce dont tu as besoin, Isla. Il y a beaucoup de beauté et de gloire à faire ce que tu fais, à endurer ce que tu endures. A éprouver ce que tu éprouves. Tu fais ton devoir, et tu es humaine à côté. C'est tout ce qui importe. Et c'est pour cela, comme pour bien d'autres choses, que je suis tombé amoureux de toi alors que ce n'était que folie. |

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So let it be war ! From the skies above the Wall to the dornish sands. Let the seas boil. Let the stars burn.
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And if i cannot save it from the felony and the dishonor, then let Westeros burns.

It's always darkest before the dawn

Torrisla

Isla se souvenait très clairement de la dernière fois où elle avait choisi le devoir plutôt que l'amour. Lorsqu'elle s'était mariée, sur insistance de son père, en dépit de son amour pour la princesse. A l'époque, elle n'avait pas réellement pris conscience de la portée de ce qu'elle avait fait. C'était après, seulement, qu'elle avait compris. Alors depuis, elle tentait de réparer ce qui l'était, et même ce qui ne l'était pas. Elle-même, Rhaenys, sa relation avec Orys... Tant de choses sur lesquelles elle n'avait pas de contrôle, malgré ses tentatives désespérées d'en gagner. Un choix, imposé, qui avait tout fait basculer. Le dernier jour de sa vie d'enfant, et le premier jour de sa vie d'adulte. La seule bénédiction sortie de ce mariage malheureux a vait finalement été Torrhen, qu'elle avait rencontré après le trépas de Ronald. Là encore, elle ne s'était attendue à rien de particulier. Après tout, même si le geste était inhabituel - quel Empereur prenait le temps d'écrire à une femme dont le mari venait de mourir... il devait y en avoir des dizaines - il restait probable. Mais, la rencontre avait eu son lot de surprises, également. Rapidement, il était devenu son roc, dont le sens du devoir inébranlable lui rappelait les falaises de Peyredragon, malmenées par les puissantes vagues qui s'y abattaient parfois. Mais qui jamais ne faiblissaient, et qui restaient en place, à jamais. Pour la contemplation des générations futures. Et le souvenir, impérissable.

Il s'excusa, à nouveau, malgré son souhait de ne pas le faire une nouvelle fois, insistant sur la fragilité de sa position, la frustration qu'elle impliquait, par sa nature même. Il caressa sa joue, partageant son avis sur le fait qu'elle était à l'origine des maux qu'ils avaient rencontrés lors de cette soirée. Elle resta silencieuse. Il compléta, affirmant sa propre part de responsabilité, et sur sa souffrance, plus longue selon lui, ce qui expliquait sa résilience. Peut-être avait-il raison. Le temps pourrait certainement lui apprendre à affronter, encore et toujours. Et à se relever, plus forte encore que la fois précédente. Après tout, elle l'avait déjà fait. Péniblement, elle avait recollé les morceaux de son cœur brisé, de son corps meurtri, après le décès de son mari. C'était long, et compliqué. Le progrès n'était jamais linéaire, et parfois elle rechutait, elle doutait, se demandant s'il n'y avait pas un peu de vrai, lorsqu'il l'insultait. Mais il semblait lui concéder - quelques mots le trahissaient - que le devoir n'était pas forcément toujours le meilleur chemin. Elle secoua la tête, fronça les sourcils, soudain plus dure.

« Non, non, non... Tu ne peux pas accepter ce que je suis en train de te dire. Tu es l'Empereur, et je suis ta conseillère. Je dois t'aider à construire cet Empire, pas le condamner avant même sa naissance. Tu devrais me réprimander parce que j'ai fait passer mes intérêts personnels avant le reste. Parce que je vous ai priorisés, elle, et toi, au lieu de mes devoirs. Tu ne peux pas tolérer un comportement pareil, tu ne le dois pas. »

En guise de réponse à sa demande silencieuse, ce fut à son tour de poser des questions. Il énuméra des éléments de son passé, revenant de lui-même sur des actes qu'il avait commis, dont certains lui étaient familiers. Il sembla réfléchir, un instant, le temps de collecter ses pensées, quittant ses yeux pour les poser ailleurs. Les mains dans les siennes, elle l'écouta, sans le couper. Puis il en vint au principal. Le cœur du sujet. Le nerf de la guerre. Une chose qui semblait à la fois le travailler depuis un moment mais également prendre forme à mesure qu'il en parlait. La peur, qui le tenaillait, sur toutes sortes de choses. Lui-même, Rhaenys, Isla... Ses enfants. Leur relation. Découvrir la vérité, lui en vouloir. Il se livra, d'une honnêteté brute, comme il l'avait déjà fait par le passé. Cette confiance établie entre eux, au delà de tout lien physique, lui permettait de le faire, tout comme Isla le pouvait, avec la certitude de toujours trouver en l'autre un refuge, contre vents et marées. Son devoir lui permettait de contrôler cette peur, et de ne pas s'y perdre. Les pièces du puzzle qu'elle voyait dans ses yeux semblaient s'assembler, à présent. Mais il n'était pas seul.

« Moi aussi, j'ai peur. »

Elle baissa les yeux sur leur contact, se pencha légèrement pour déposer des baisers sur ses doigts, le dos de sa main. Elle les ramena près d'elle, tout près de son cœur.

« J'ai peur d'avoir failli à la protéger, au moment où elle en avait besoin et qu'il soit trop tard maintenant. J'ai peur que nous soyons obligés de vivre dans le secret, toi et moi, alors que mon cœur me hurle qu'il n'y a rien à cacher. Je crains, tous les jours, que la tâche devant nous soit trop imposante. J'ai foi en toi, j'ai foi en l'Empire. Mais j'ai peur de mes propres insuffisances et de ce qu'elles peuvent impliquer. De ne pas réussir à faire le bon choix, le moment venu. »

De quel choix s'agissait-il ? Isla ne le savait pas. Mais elle doutait, après ce soir. Elle doutait que l'amour soit toujours la solution, le chemin à prendre.

« J'ai peur de finir par tout perdre, qu'on me force à baisser les armes sans avoir eu l'opportunité de me battre. »

Elle l'embrassa, de façon plus appuyée. Ca elle savait, ce chemin là était clair. Ce chemin les avait mené jusqu'ici. Oui, mais dans quel état ? Mêler travail et plaisir était chose ardue, lorsque ce n'était pas maîtrisé. Et comment maîtriser tant de relations si différentes, bien qu'enrichissantes ? Isla ne le savait pas non plus. Et si elle l'avait su, elle ne serait pas dans cette situation. Et lui non plus. Ce qui était réellement le pire, en fait.

« Tu dis que le devoir n'est peut-être pas toujours la meilleure solution, mais regarde, il t'a mené jusqu'ici. Et si c'était la seule façon, d'y arriver ? T'es tu déjà demandé pourquoi toi, tu avais réussi à accomplir tout ce que tu as déjà fait ? Tu es peut-être plus vieux que moi, mais tes réussites restent impressionnantes. Tu t'es donné, corps et âme. Tu as sacrifié, et tu le ferais encore. Pour quoi, sinon pour ce devoir, qui t'accompagne jour et nuit ? Tu fais tout pour atteindre cette vision que tu as, et c'est pour cela, notamment, que je t'aime. »

Parce qu'il était si différent d'elle, de bien des façons, mais celle-ci étant la plus cruciale. Même si parfois, ils étaient en désaccord, car elle était fondamentalement motivée par l'amour, et lui par le devoir. Isla ne pensait pas avoir en elle cette même détermination, cette même rage de vaincre et de se relever, coûte que coûte, tant que l'objectif n'était pas atteint. Chaque coup dur la privait de sa capacité de réflexion, de son esprit aiguisé, le temps de se remettre. Comment faisait-il, pour le faire, encore et encore ? Et prendre des décisions aussi importantes pour ce continent, qu'ils s'évertuaient à construire ensemble en dépit de tout le reste ? Elle le rejoignait néanmoins sur un point, tout ceci n'était que folie. Dans laquelle ils avaient plongé tête la première, en y repensant bien. Mais comme dit juste avant, elle ne regrettait rien. Sa dernière intervention la laissa pensive, une seconde, avant qu'elle ne reprenne. Le devoir et l'amour n'étaient, dans son cas, que deux facettes d'une même pièce.

« Mais le fais-je vraiment, mon devoir ? Je ne le fais pas parce que je le dois. Je le fais par amour. Pour toi. Parce que je crois en ton projet, et parce que je veux être un soutien sur qui tu puisses compter. Mais si demain, tu me demandais de tout quitter pour partir avec toi, je le ferais, et ça n'a rien à voir avec un quelconque devoir. »

Elle s'interrogea. Le ferait-elle réellement ? Elle avait le sentiment que oui. Mais il y avait Rhaenys, aussi. Pouvait-elle vraiment l'abandonner ? Probablement pas. Et elle était de nouveau tiraillée entre sa loyauté d'enfance pour l'impératrice, et son amour illégal pour Torrhen. Ses sentiments pour lui étaient clairs. Mais leur existence même compliquait tout.

« Avec des "si", on peut tout imaginer. Y compris un monde où nous pourrions être libres de vivre comme on l'entend. Ou un monde dans lequel mes décisions seraient motivées par le devoir, comme les tiennes. Je ne suis pas sûre d'en être capable. Pourtant, si j'avais fait ça, dès le début, on en serait pas là. »

(c) a m i t y

dark have been my dreams of late

Where now the horse and the rider? Where is the horn that was blowing? Where is the hand on the harpstring and the red fire glowing? Where is the spring and the harvest and the tall corn growing? They have passed like rain on the mountain, like a wind in the meadow. + aeairiel.

hēnkirī:

It's always darkest before the dawn

Torrhen Braenaryon & Isla Chelsted

HAYSTACK HALL, AUBERGE, MOIS 6 SEMAINE 4 DE L’AN 1 DE L’ERE DES LUTTESs

Folie... Pourquoi un homme voudrait aimer plusieurs femmes, quand il est déjà si dur de s'en faire aimer d'une seule ? Ou de se faire aimer tout court ? Par gourmandise, par faiblesse pour la chair ? Par égo ? Pour pallier aux insuffisances de l'une, de l'autre, des siennes en propre ? Je ne sais pas. Mais ça me semble si compliqué. C'est le fantasme de tout homme qui aime les femmes, que de se retrouver au milieu d'elles. Mais il suffit d'entrevoir pour de vrai cette possibilité, pour contempler tout ce qu'elle recèle de dangers et d'insuffisances. Se faire aimer des deux, c'est prendre le risque de déséquilibrer la relation avec l'une, avec l'autre, avec tout le monde. D'être insuffisant partout. Je n'aime pas cela. Je n'ai jamais aimé tout ce qui remet en question ma maîtrise sur le monde. Aimer Isla, c'est ouvrir la porte à l'imprévu. Au chaos. Aimer Rhaenys seule y suffisait bien assez... Mais maintenant c'est trop tard. Je suis pris dans leurs filets à toutes les deux, et je ne suis pas homme à me débiner. Par pour ça, en tout cas. Je sais quand les gens comptent sur moi, et j'ai la faiblesse de croire que la valeur d'un homme se mesure à la hauteur de ses engagements.

Isla se fait plus dure. Un peu comme lorsque vient le moment de parler de ses ambitions, de ses plus sombres désirs. Je sais tout ça. Je sais de quelle trempe elle est, elle qui n'a jamais tenu une épée. Malheur à celui qui lui voudrait du mal désormais ; agneau sacrificiel offert en mariage qui plus jamais ne se laissera remettre au collet. Je prends ce chemin avec elle, alors. Je vois ce qu'elle veut dire, comprends sa réaction. Je croise mes bras, devant elle.

| Alors que dois-je faire, conseillère ? Dois-je te répudier en secret, rejeter ton amour et ton attention ? Dois-je rompre toute proximité avec l'Impératrice, aussi ? Abdiquer toute camaraderie avec le Prince Baratheon, et l'envoyer sur le front auquel il a trop manqué? |

Je me rapproche d'un pas.

La jauge. Quelle est la solution aux tourments qui nous habitent, qui nous menacent ? Je n'en ai pas. Je doute qu'elle en ai, elle aussi. Je l'accepte. On ne maîtrise pas tout. Première leçon d'un champ de bataille. Première leçon d'un commandant dans un théâtre sur lequel on se bat jusqu'à la mort. La belle me confie ses peurs, ses appréhensions. Je sens ses mains guider les miennes jusqu'à son poitrail, devant son cœur. Ma voix se fait souffle, presque murmure. Elle est tendre, et douce, tranche avec le timbre dur et grave de mes cordes vocales.

| Alors, bats toi. Pour elle, pour moi, pour l'Empire. Envers et contre tout. Partout, tout le temps. Ce n'est qu'une consolation qui ne vaut que la valeur qu'on lui accorde, mais la sensation d'avoir fait son possible est toujours un réconfort ; elle évite les regrets, et l'essentiel des remords. |

L'une de mes mains se dégage, et caresse sa joue du pouce.

| On ne peut tout réussir, Isla. J'en suis la preuve vivante, et bien réelle. |

Mariage. Batailles et guerres. Diplomatie et politique. Jusqu'à la gestion de ma propre dynastie, de mon sang. Mais c'est ainsi. On se doit de continuer, pour donner du sens à tout ce que l'on a sacrifié et qui nous pousse pourtant à sacrifier encore. Ce baiser que nous échangeons est plus vigoureux, plus intense. Nous sommes ensembles ; c'est une certitude. Nouvelle, à l'échelle de ma vie. Elle me rappelle ce que j'ai perdu avec Rhaenys, mais ça reste différent. Isla a du poids sur des choses qui m'échappent, et la réciproque est vrai. Différente de Rhaenys. Et complémentaire. Elles n'ont pas à être mises en concurrence pour mon amour ou mon respect.

| C'est peut être la seule façon d'y arriver. Et ton destin te pousse aussi aux sacrifices, car comme Rhaenys, comme moi, tu ne t'es pas contentée d'une position à notre suite, silencieuse et en retrait. Mais non. Tu nous endures, elle, et moi, pour nous pousser, nous émuler. |

Je capte son souffle, l'inspire et m’enivre.

| Et en quoi tes motivations valent moins que les miennes ? Nous ne sacrifions que par amour, Isla. Le tiens est encore plus beau puisqu'il est désintéressé. |

J'entends sa promesse. Une loyauté totale, infaillible. Elle élance mon cœur si fort que c'en est douloureux. En aurais-je envie ? Ce n'est qu'un fantasme, une gageure d'adolescent. Je ne saurais pas tourner le dos à tout ça. Parce que j'ai toujours vécu là dedans, et parce que j'en ai besoin. Je souffle, contre ses lèvres.

| Si tu avais fait ça depuis le début, on n'aurait pas connu tout ça. |

Je relève son nez du mien, marqué par la cicatrice qui le survole. L'embrasse. Souffle contre ses lèvres.

| Si tu avais fait ça depuis le début, je perdrais peut être Rhaenys pour toujours, car je pense que tu es une des clefs pour la réveiller de son cauchemar, aujourd'hui plus que jamais. |

Je la hisse sur le bureau, contre lequel j'avais repoussé son bassin. M'insinue entre ses cuisses, une main remontant son dos, l'autre qui s'infiltre sous sa robe et remonte sa jambe, ses dessous. Dure, calleuse. Possessive.

| On ne peut pas vivre normalement. Peut être le pourra-t-on un jour. |

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Fire, Blood & Winter | House Braenaryon
Let it be War

I never wanted this. I never wanted to unleash my legions.
Westeros have only one chance to prosper and if you not seize it, then I will.
So let it be war ! From the skies above the Wall to the dornish sands. Let the seas boil. Let the stars burn.
Even if it takes the last drop of my blood, I will see the kingdoms freed once more.
And if i cannot save it from the felony and the dishonor, then let Westeros burns.

It's always darkest before the dawn

Torrisla

Il la cherchait, à rentrer dans son jeu. A imaginer avec elle ce qu'il devrait faire, en tant qu'Empereur en cas de déloyauté, comme elle venait de l'apostropher. Ses questions, elle ne les avait pas anticipées, bien trop appliquée à énumérer ce qui lui trottait dans l'esprit, pour s'en libérer. Et pour répondre à sa demande, aussi. Piquée au vif par ses questions, elle l'observa croiser ses bras, la toiser avec son regard pénétrant, se replaçant dans son rôle de supérieur et réfléchissant à haute voix à ce qu'il pourrait faire si pareille situation se produisait. Son cœur s'accéléra. Mais elle ne lui répondit rien. Elle ne savait pas. Elle n'avait pas de solution, parce que si elle en avait une, ils ne seraient pas en train d'avoir cette conversation. Tout serait plus clair, plus simple. Alors elle comprit que peut-être, il faisait comme il le pouvait également, à tenter de jongler entre les uns et les autres, pesant le pour et le contre, constamment. Et tentant de vivre avec ces décisions qui pouvaient tout aussi bien impacter des dizaines de milliers de personnes, tout comme son cercle de proches. Le lot de tout chef, la rançon de la gloire, peut-être. Une énigme en tout cas, aux yeux d'Isla, qui se sentait totalement dépassée par de telles considérations.

« Je ne sais pas... » lui répondit-elle, légèrement agacée en constatant qu'il avait raison.

Son encouragement à se battre pour eux, pour elle, pour l'Empire trouva son écho en elle, comme un chant dont les paroles avaient été oubliées par les récents événements. Il fallait accepter que des choses resteraient à jamais hors de son contrôle. Mais il y en avait d'autres sur lesquelles elle pouvait agir. Elle lui sourit, plus franchement cette fois, en même temps qu'un frisson la traversait, causé par sa main sur sa joue.

« Se battre, c'est aussi prendre le risque de perdre. Et c'est terrifiant. »

C'était ce qu'elle redoutait plus que tout. Perdre ce qui comptait pour elle. Dire adieu à tout, à nouveau, et s'engager seule sur un chemin où personne ne pourrait l'accompagner. Plus le temps passait, plus elle se rendait compte que sa place était aux côtés de Torrhen et de Rhaenys, mais pas seulement pour l'Empire. Ils se complétaient, tous. Et même si c'était encore récent - quelques mois depuis leur rencontre - elle avait le sentiment d'appartenance qu'elle n'avait pas ressenti depuis Peyredragon, ce qui l'encourageait à penser que c'était la bonne voie. Sans pour autant pouvoir réellement l'expliquer. Ce n'était pas à Torrhen qu'elle allait apprendre qu'une bataille pouvait être perdue, alors elle n'ajouta rien, elle se douta qu'il avait compris son point. Ce soir-là, les émotions se déchainaient, et voilà qu'à présent elle était en train de le dévorer des yeux, se souvenant de l'homme qu'il était au-delà même de l'Empereur. Il n'avait pas bougé. Il avait toujours été là. Pendant leur réunion, il n'avait pas hésité à prendre sa défense, faisant ce qu'il jugeait nécessaire même si cela le plaçait dans une posture de confrontation avec Rhaenys, Orys. Il l'avait déjà fait, par le passé, à Herpivoie. Cette force qui était la sienne la surprenait encore.

Peut-être que c'était ça, la clé. A force de se confronter à la réalité, on finissait par la comprendre et l'apprivoiser. La faire sienne, sinon dans la douleur, dans l'adversité. Dans l'effort, constant, dans l'obstination la plus sombre. Le pourrait-elle ? Non, sans doute pas. Elle était jeune, par rapport à lui. Son conseil valait sans doute son pesant d'or, à bien y repenser. Était-ce la leçon qu'il voulait lui enseigner, dans l'intimité de cette petite pièce, au cœur de la nuit ? Qu'il fallait essayer, quitte à échouer. Qu'il fallait tout faire, à chaque instant. Ne pas se laisser abattre, et se relever, encaisser les coups. Y arriverait-elle ? Peut-être. Se soigner et repartir au combat. Ne rien regretter, finalement, de l'inconséquence de sa propre existence sur cette terre. Ses lèvres proches la privèrent de son souffle, qu'il aspirait sans aucune vergogne. Sa détermination à vouloir tirer les choses au clair s'était effacée, et elle ne l'avait pas vu faire. Ses mains empoignaient fermement son vêtement, ou sa peau même, elle ne savait plus. Ce qu'elle lisait dans ses yeux n'avait plus grand chose à voir avec de la tendresse, car en se jetant dedans, elle y voyait plutôt un désir que les remous de leurs blessures n'avaient pas réussi à faire taire. Ils étaient seuls, dans cette pièce, après tout. Ils pouvaient faire ce qu'ils voulaient. Et son corps, maintenant, qui entrait dans ce défi silencieux, et qui envoyait des signaux qu'elle ne pouvait pas ignorer. Son regard était ancré dans le sien, ses mains étaient contre lui, et les siennes contre elle. Réclamant plus, à présent, que le simple réconfort de leur discussion.

(c) a m i t y

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On se perd, déjà. Mais ne l'avons-nous pas toujours été ? Elle, du fait de son histoire, du grand écart réalisé entre sa jeunesse et sa vie d'adulte, et l'endroit où elle se trouve aujourd'hui ? Et moi, depuis les premiers coups reçus, depuis le premier sang versé ? Nos vies, nos trajectoires, peuvent autant paraître erratiques que prédominées par un destin certain. Je ne saurais répondre. Sans doute y a-t-il des choses qui resteront à jamais du secret connu du seul Grand Ancêtre. Je n'ai pas vocation à tout savoir en ce monde, à tout découvrir. Je manque de temps. Et l'essentiel de ce que je voudrais connaître, je l'ai sous les yeux. Je l'avais aussi, plus tôt dans la soirée.

C'est ça qui compte, qui compte vraiment.

Ce à quoi on se raccroche, quand les temps sont durs, quand l'Hiver Vient. Nos enfants, et l'avenir qu'on va leur donner. L'héritage qui persistera après nous. L'amour, tout ce que l'on fait par amour. De belles choses, même si elles doivent être terribles, quand c'est l'amour des autres qui nous guident. Et de bien plus terribles quand on n'aime que soi. Pire, quand on n'aime personne. Par quoi a été mû le Noir, en son temps ? Son héritage, pour ses enfants, ou pour la seule gloire de son nom ?

Et moi, en définitive ? Toujours nous nous berçons d'illusions, tous autant que nous sommes.

Je sens Isla frissonner. Doucement se rouvrir. Je lui souris. Nous nous sourions mutuellement, répondant sans cesse à l'arc que l'autre arbore au coin de ses lèvres, nous entraînant sur cette voie par cooptation tacite, et pourtant absolue.

| Si on ne se bat pas... On nous prendra de force tout ce qu'on ne voulait pas perdre. Se battre, c'est la seule solution. Toi plus que quiconque sait qu'il n'y a pas de sécurité réelle, en ce monde. Qu'on n'est jamais à l'abri du mal, sous toutes les formes qu'il peut prendre. |

Je fais référence à son époux, qui l'a battue, et l'a violentée. Leur union n'a pas duré si longtemps, mais j'imagine qu'à ses yeux à elle, ils auront duré l'éternité et un jour. Bien trop pour que ce soit endurable.

J'ai vu son regard changé. J'ai vu l'étincelle se rallumer dans le fond de ses yeux, et s'enflammer tout à fait. Elle et Rhaenys, pour la millième fois si semblables, au moins sur cet aspect. Je ne sais pas ce qui l'a ravivée. Sont-ce mes mains, mes lèvres ou mes mots ? Ce n'est pas si important. Beaucoup de mal a été causé, aussi. Des vérités cruelles ont été lâchées, des jugements abrupts ont été tranchés. Mais au delà de tout ça, il y a eu beaucoup de souffrances. Toujours lâchées avec conscience. Pas pour heurter les autres. Le plus dur aura d'abord été de les cracher, de les assumer à haute voix. Nous aurions pu mieux faire. Nous aurions dû...

J'ose y voir un premier pas, un signe.

Si je suis ici, si Isla m'aime toujours, c'est que les choses vont bien, non ? Le reste, ça viendra avec le temps. J'en suis persuadé. Ou je m'auto-persuade. Pour ce soir, ce sera assez.

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Torrisla

Quelle témérité. Quelle inconscience, de s'adonner à de tels plaisirs à deux pas du reste de l'armée, qui devait sans doute feindre de ne rien entendre, à ce stade. A deux, ils jetaient la prudence qui aurait du être la leur dans le feu de leur désir. Sans hésitation, sans crainte. Comme si rien d'autre n'importait, alors que c'était exactement l'inverse. S'ils avaient écouté leur sens du devoir, ils ne seraient pas là. A se dévorer des yeux, sinon plus, à s'embrasser, à se toucher. Leurs sourires se répondaient, s'entraînaient l'un avec l'autre. Complices, ils savaient maintenant comment se parler, comment se toucher, pour faire de leurs étreintes des moments qu'ils chérissaient. Isla l'aimait, ce Vieux-Loup. D'un amour franc et déraisonnable. D'un amour qui répare tout ce qu'il touche, et qui était nécessaire durant ces temps qui courraient, d'injustice, d'affrontements et de pertes. D'un amour salvateur autant qu'il pouvait détruire, la preuve en était de leur réunion impériale. Elle lui sourit, nimbée soudain d'une aura de confiance et d'apaisement, lorsqu'il lui demanda d'être discrète pour ne pas qu'ils soient découverts, alors que le message caché derrière n'avait rien de paisible. Ses baisers enflammaient tout le long de ses nerfs, qui envoyaient à la suite des signaux d'alerte à son cerveau, la maintenant en tension, l'obligeant à rester alerte. Mais c'était délicieux, alors elle baissait la garde, encore et encore, devant ce féroce combattant pour lequel elle n'avait plus de secret.

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Une folie. Pas pour les autres, mais pour nous. Les autres s’en fichent. Certains se moqueront, d’autres respecteront le lien induit par d’éventuelles rumeurs. Les autres… Le Roi Loren Lannister était connu pour être le jouet permanent de ses impulsions à l’égard de la gente féminine. Argilac Durrandon, pour prendre ce qu’il désirait, de briser jusqu’à la cohésion de certains couples pourtant mariés. Harren le Noir était l’objet de peu de rumeurs, sinon d’esquinter son veuvage avec des femmes précisément ciblées. Je me souviens des confidences de Myria Hoare, lorsqu’elle venait proposer ses mots et ses poisons… Jusqu’aux rumeurs jadis portant son mon père et ses amies, pour pallier à la faiblesse de ma propre mère, pour pallier à sa bigoterie et sa dévotion aux Dieux Anciens. Brandon n’était pas né pour rien, et c’était le seul à avoir été reconnu. Beaucoup de souverains sont connus, pour leurs amours, légitimes ou non. Non, la douce que j’aime ici, entre mes bras, n’est pas folle de m’aimer pour l’impact que ça aura sur mon pouvoir, ou ma légitimité. Elle est folle de le faire car mon existence toute entière me pousse dans les bras de la mort et de la gloire, les deux ensemble, et parce que se faisant elle se ferme fatalement aux amours légitimes, au mariage, à la constitution d’un foyer… A moins de mener ces deux combats-là de front ? Qui serais-je pour l’y conduire, quel genre d’homme ? C’est folie aussi, parce que moi, je m’imprègne d’elle. Je l’aime, et la désire. Elle ne me repousse pas quand les choses deviennent difficiles.

Une petite voix me dit que nous n’avons toutefois pas encore été éprouvés comme je l’ai été avec ma femme, qui a préféré se murer loin de moi dans une forteresse de solitude. S’il n’y a nul plaisir ni aucun bonheur, à quoi cela sert de régner, de tout sacrifier ?

La vie est une garce imparfaite, le genre de gueuse qui vous prend vos pièces et ne vous en donne jamais assez en rétribution de l’investissement. Elle a ses bons côtés, mais toujours la tourmente nous retrouve et nous étreint. Nous devons rester prudents. Plus que nous ne le sommes ce soir. La poignée de Demalion m’est acquise ; la Garde est formée des plus vieux compagnons de guerre. Jamais il n’y eut de rumeurs sur moi et sur les autres. Je tiens à ce que cela continue. J’ai moins confiance dans les civils, qui ont dû aller se coucher, sauf le tenancier, qui tiendra sa langue, au risque de la perdre. Il n’y a pas que des désavantages à être dépeint comme un Loup, comme un barbare descendu du Septentrion.

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Torrisla

C'est en prononçant ces mots qu'elle prit conscience de la précarité de leur position. Et si cette fois, c'était la dernière fois ? Leur dernier moment à deux de cette sorte, voire leur dernier moment tout court. Ce qui les attendait, au devant, personne ne le savait. Mais ce triste destin pouvait bien être porteur de larmes, de sang et de mort. Etre la maîtresse de l'empereur n'était pas sans conséquences, même si pour le moment, Isla s'en sentait tout de même relativement épargnée. Et si le prix à payer pour leur amour était le plus élevé de tous ? Alors cette étreinte fulgurante prenait un goût de cendres, mimant comme une envie désespérée de se raccrocher à la vie, à l'amour, avant la destruction du monde. Une lutte indiscible contre un ennemi invisible, le temps, et contre une incertitude prégnante, la guerre.

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