Le vase me frola d'une infime toise et ce en raison à mes réflexes bien affutés de renard sanguinaire des lices et des champs de bataille et ce en dépit de mon age avancé. Le vieux barbon que j'étais gardait encore toutes ses capacités de bélligérant notoire à ne guère négliger. Ce n'étaient pas les Dorniens qui allaient affirmer le contraire alors que je leur avais résisté à la tète de mes hommes d'armes et chevaliers lors de la bataille des Météores. Ni ma dame à présent en furie rompue à mes étreintes les plus dévorantes par de douces nuits d'été. Je ne pus m'empecher de trouver ce geste bien regrettable car il s'agissait d'un très beau vase. Si, je ne m'abusais il s'agissait d'ailleurs de l'un de ses préférés. Elle n'allait donc point manquer de regretter son élan de colère à mon encontre non sans m'accuser encore davantage d'en ètre le responsable. Mon soleil rouge semblait désormais déchainé et je craignis que ses émotions ne la poussa à continuer d'oeuvrer à me faire payer un crime vieux de plus de vingt ans à présent. D'ordinaire, je m'éclipsais simplement le plus loin possible de ma mie lorsque la mélancolie la tenaillait ainsi et que ses souvenirs de mon infidélité rejaillissait au détour d'un couloir quand elle reconnaissait le visage de son ancienne camériste dans les traits de mon fils naturel. Bien que d'une bravoure reconnue de tout le royaume, j'étais un homme suffisamment sage pour savoir lorsqu'il fallait battre en retraite face à un adversaire supérieur. 

Aucune honte à cela car il fallait parfois mettre son égo de coté afin de pouvoir reprendre la lutte dans les jours suivants. Or, je ne connaissais guère de dragon plus féroce que dame Louanne Florent lorsqu'elle souhaitait se venger de l'humiliation qui mème une vingtaine d'années plus tard ne s'était en rien tarie dans son coeur par ailleurs bon et pur. Allez comprendre l'esprit des femmes ! Elles pouvaient accepter de fermer les yeux sur une offense si cela leur permettait d'obtenir un gain mais elles ne parvenaient pas à pardonner à un époux une faute antidéluvienne. Bon pour sa défense, il fallait dire que cette liaison avec sa dame de compagnie en sus de produire un rejeton de sexe masculin que j'avais immédiatement pris sous mon aile les débuts de notre union s'étaient avérés particulièrement douloureux pour elle. Charmé par mon coté fantasque, exubérant, chevaleresque, cultivé autant que ma piété ainsi que ma carrure doublé d'une bouille angélique je n'avais été que le seul à me morfondre de ce mariage. Ce qui en soit représentait une injure en tant que telle mais qui avait été aggravée par mon comportement déplorable durant cette période. Distant, désagréable, taciturne, agressif et irresponsable j'avais fait volé en éclat l'idéalisation qu'elle eut de moi. 

Et tant pis si depuis la naissance de notre premier enfant je n'ai eu de cesse de me rattraper vis à vis d'elle en lui témoignant tout mon amour passioné de mille manières. Que je n'ai plus jamais déshonoré son nom en m'affichant avec une autre. Que je n'ai plus eu d'yeux que pour elle. Que je n'ai pas arreté de le clamer devant le Bief tout entier. Tant pis si l'affection que je lui portai était à présent d'une sincérité absolue. Tout cela n'avait aucune valeur et ne constituait qu'un bien maigre rempart face à sa douleur. Chaque fois que je la voyais ainsi j'étais pris d'une haine farouche à mon propre égard mais à part aller me faire cabosser par un entrainement contre plusieurs de mes chevaliers à la fois ou en galopant à travers le domaine au cours d'une chasse endiablée en compagnie de mes meilleurs pisteurs et de mes fils ainés je n'avais que peu de moyens de l'extérioriser. J'aimais follement mon épouse et elle le savait mais cela n'y changeait rien parce que le passé lui ne pouvait ni disparaitre ni ètre changé d'un coup de plume. Aussi reculant de quelques pas, je sentis que mes bottes écrasaient encore un peu plus les débris malheureux de la principale victime de la vendetta conjugale. Un filet de transpiration dégoulina lentement de mon torse dénudé tandis que je dressais deux mains en guise de drapeau blanc face à mon épouse qui souhaitait visiblement en découdre absolument dépitée que son jet n'ait guère porté ses fruits. 

Continuant de m'éloigner en douce à reculons, je fus à mon tour touché par le dépit en me rendant compte que mon dos se trouvait à présent plaqué contre le mur de la chambre. Il faisait nuit et nous venions de monter pour le coucher. Je me fis la réflexion que mes gardes et mes chevaliers se gauseraient durant des lunes et des lunes que dis je des années plutot s'ils contemplaient le spectacle de leur seigneur et maitre déambuler dans la forteresse poursuivi par son épouse la dame de céans en chemise de nuit. J'avais tout de mème une réputation de commandant à tenir. Cependant malheur ne frappant jamais à moitié, j'eus le réflexe de ricaner de ma propre imagination. Et cette fois, le bol me frola de si près que j'en ressenti le souffle de la course ! Mes yeux s'écarquillèrent de surprise devant la vitesse d'exécution de son mouvement. J'eus presqu'envie de la féliciter. Mais, je ne ferais que l'exaspérer davantage aussi gonflant de toute mon autorité je m'avancais avec assurance avant de tonner. 
"Il suffit ma mie ! Comptez vous martyriser tout le mobilier avant d'apaiser votre courroux ! Je vous signale que vous ètes celle qui l'avez choisi. Alors inutile de vous plaindre si le prochain ne s'avère pas à votre gout. Si vous continuez ainsi vous allez réveiller tout le domaine. Vous imaginez vous la tète de notre fils débarquant ainsi l'épée à la main inquiet pour ses vieux parents et tombant nez à nez avec son pater blessé par la réception d'une jarre ! Je vous en prie."

Un haussement de sourcil aussi ravissant que conflictuel ne m'indiqua que trop bien l'état d'esprit dans lequel se trouvait plongée mon adorable mais néanmoins furieuse épousée. J'eus pu passé des journées entières à étudier ce mouvement facial que je connaissais par ailleurs par coeur depuis de nombreuses années à présent mais dont je ne me lassais toujours pas d'apprécier sur le visage délicat au teint d'albatre de la née du Rouvre. Il apparaissait comme bien surprenant que je sois autant émerveillé par un simple déplacement de quelques poils faciaux chez la maitresse des lieux. Mais, n'était ce pas ainsi que le feu consummateur de la passion fonctionnait chez nous autres enfants des Dieux ? De manière aussi mystérieuse que stupide et un brin sournoise car le haussement de sourcil en question s'avérait souvent le prémisce d'une tempète chez Louanne. En venir à désirer contempler ce qui ne pouvait que s'avérer le révélateur déclencheur de dangereuses crises n'était il pas apparenté à une forme de masochisme. Quoi qu'il en soit, c'est dans le constat de ce modeste et fugace indice que je compris que mon épouse n'était pas prète d'apaiser les tourments de son ame et donc l'intensité du tourbillon de sa colère. 

Il me semblait qu'une maison noble avait pour devise Notre est la Fureur ou un autre axiome du genre. Je ne pus m'empecher de me faire la réflexion interne que cela conviendrait parfaitement à ma dame. Suivant le regard courroucé de ma mie, j'écarquille mes propres sourcils en constatant que la trajectoire de ses yeux ambres semblent s'orienter vers le cruchon en ferraille posé sur mon bureau un peu plus loin. Oh ! Par les Sept ! Louanne ! Fort heureusement pour nous deux, c'est dans la parole que le venin de la rancoeur semble vouloir s'exprimer à présent chez ma moitié. Je n'étais plus tout jeune et récolter un coup de ferraille sur mon corps dénudé ne saurait me laisser indemne. Mes réflexes guerriers avaient bel et bien leurs limites. Et si sur un champ de bataille parfaitement armuré je pouvais me laisser aller à une flamboyance moqueuse ce n'était guère le cas à demi nu dans mes appartements seigneuriaux. Le plus cocasse dans toute cette affaire s'apparentant vaguement à un réglement de compte conjugal était que si elle me blessait Louanne en serait la première mortifiée et prendrait soin de moi comme l'un de ses enfants. Je le savais pour l'avoir déjà vécu par le passé. Aussi, c'est avec une moue compatissante et une voix apaisante que je lui rétorquais avec douceur flatté de la manifestation de son affection par l'inquiétude.

"Ma mie. Voyons. Kevan est un chevalier. Il sait que notre devoir est de combattre pour notre sire. Il n'est plus l'enfant que vous voyez encore en lui. Au contraire, je pense qu'il serait ravi de prendre ma place et de se rendre sur le front au nom de notre maison pendant que je me trouverai ici avec notre famille."

Me rendant soudainement compte que soulever l'enthousiasme guerrier de notre fougueux héritier n'est probablement point la meilleure manière de convaincre mon épouse de ne pas se laisser aller à l'abatttement avant mon départ pour l'Ost royal dans l'Orage voisin, je tente de remettre mes idées en place afin de mettre un terme à toute cette confrontation pesante. L'atmosphère orageuse reste proche de l'explosion mais Louanne semble reprendre ses esprits car elle dépose nonchalemment le vase que dis je son arme de prédilection sur une commode. J'en profite pour séparer l'espace nous séparant en quelques pas. Plus leste que le renard emblème de notre maison. Toujours aussi hérissée qu'une panthère noire menacée dans son environnement naturel et en dépit de son regard assassin qu'un Dornien aurait pu m'adresser l'an dernier au cours de la campagne, je la saisis dans mes bras et verrouille mon étreinte de sorte à placer sa tète contre mon torse. Sa cascade de cheveux roux comme le soleil couchant chatouillant délicatement ma peau.
"Votre inquiétude est bien légitime Louanne. Car la noblesse du royaume a déjà payée un bien lourd tribut dans cette guerre totale et en paiera un plus grand encore. Raison pour laquelle notre fils doit rester ici à vos cotés. Nos autres garcons sont trop jeunes et moi trop vieux. Kevan est dans sa prime jeunesse. Voilà pourquoi je prends mon frère et mon batard avec moi ainsi que mon neveu. Afin que la maison soit suffisamment représenté sur le front mais que le futur de notre nom reste bien en sécurité qu'importe sa rancoeur à ce sujet. Cependant, je puis vous faire une promesse ma mie. Je ne tomberais pas. Faites moi confiance. Dorne et ses pillards n'a pas su venir à bout du Renard Sanglant. Les Orageois ne réaliseront guère davantage l'exploit. Je dois vous revenir et vous donner de nouveaux enfants. Aceptez ce serment sur ma lame."

Les mots qui fusèrent prestement qu'une salve de carreaux d'arbalètes des lippes rougeoyantes de mon épouse furent si douloureux que je la laissais quitter mon étreinte sans difficultés. Frappé en plein coeur comme à l'accoutumée par le rappel de ma première et unique faute. Et bien que je méritasse fort certainement cette offense rendue. J'eus la sensation d'un uppercut dans la machoire face à l'attitude de Louanne. Oh, ce devait ètre la centième fois depuis la naissance d'Arthur qu'elle me faisait regretter amèrement ma désinvolture, mon mépris et mon manque de considération de jadis et mon instinct me soufflait qu'elle ne manquerait guère de le refaire chaque fois que son coeur en souffrirait. Hélas, en cette soirée mes échapattoires favoris s'échappaient de ma portée. Elle me tourna le dos et croisa fermement les bras sur sa poitrine et de longs instants s'étirèrent ainsi au cours desquels je contemplais immobile son dos finement recouvert d'une modeste chemise de nuit de lin. La nuit plongeant dans la chambre seigneuriale se voyait combattue par les chandelles disposées ca et là. Réprimant mon réflexe de l'approcher de nouveau du moins dans l'instant, je lui répondis.
"Je ne fais qu'accomplir mon devoir de banneret du roi Manfred en sus de défendre l'intégrité du royaume et donc de notre domaine. Ainsi que la Foi des Sept trop souvent bafouée par les impis, paiens et hététiques de ce continent. Quant au domaine, tu le gères souvent bien mieux que moi Louanne et je loue en chaque instant les Sept de m'avoir offert une épouse aussi compétente, brillante, intelligente, capable, maline, sublime, forte, digne et altière. Je devrais mème certainement te la laisser pour de bon."

Ayant placé mes premières attaques à l'encontre de sa sombre humeur hybride entre la mélancolie et la rancoeur, je m'approchais finalement de nouveau de mon épouse. Puis, me plaquant contre elle dans son dos je déposais un baiser dans son cou puis son oreille avant de murmurer d'une voix suave.
"Le mobilier sera certainement à mon gout s'il est au votre. Celui ci étant d'un raffinement sans égal avec celui du rustre que je suis. Quant aux catins, cela fait à présent bien longtemps que je ne les remarque mème plus. Tant vous les éclipsez toutes de votre éclat. Je préfère encore me morfondre de votre souvenir que de vous trahir à nouveau. Si cela était possible je vous emmenerai d'ailleurs avec moi de manière bien égoiste mais cela n'est guère autorisé et bien dangereux. Et puis qui empecherait notre fils de laisser libre cours à ses penchants libidineux en notre absence. Ce jeune homme a hérité de votre beauté."

Certains adages clament qu'il n'y a rien de plus puissant que l'amour d'une mère pour ses enfants. Un réflexe instinctif profondément ancré dans les gènes de toutes les parturiantes quelle que soit son espèce. Or, Louanne dame de la maison Florent ne faisait absolument guère abstraction à la règle bien au contraire d'ailleurs puisque je ne l'avais jamais constaté plus féroce que lorsqu'il s'agissait de ses enfants. Dès lors que la situation était liée à l'un de nos rejetons ma moitié se métamorphosait en véritable manifestation humaine de notre animal emblème. Comme si l'esprit de Florys la Renarde en personne s'emparait d'elle durant ces instants. Oh, feue ma mater s'avérait elle aussi très protectrice envers ses marmots mais néanmoins à un niveau bien moins élevé que mon épouse considérant que l'ordre des choses était que ses enfants deviennent à leur tour adultes et affrontent par la mème les périls de l'existence. 

En somme, dame Serena Tyrell devenue Florent avait incarnée un reflet à peine plus poli de son terrible époux tapageur. Mais, ma mie bien que capable d'une fureur presque implaccable en fonction des circonstances se révelait aussi douce que protectrice dès que son sang entrait en compte. Or pour ma part, j'étais bien moins fleur bleu que pragmatique dans ma vision de ma famille. Héritage d'une éducation bien orientée vers l'ambition et le devoir de faire rayonner sa lignée prodiguée par un pater brut de décoffrage réhaussé d'un statut de premier né signifiant le rang de chef de famille. Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit ! J'adorais littéralement mes enfants. Ils représentaient mon plus grand accomplissement ainsi que mon trésor le plus précieux mais ils n'étaient pas à mes yeux des petites choses fragiles qu'il fallait protéger à tout prix contrairement à la vision maternelle. 

Kevan était chevalier depuis plus d'un an à présent ce dernier devrait mettre son entrainement à l'épreuve dans les mois à venir. Cela ne faisait aucun doute au vu de la situation politique du continent et plus précisement du sud. Kevan allait devoir prouver sa valeur de commandant militaire autant que de combattant individuel. Ce qui en soit consisterait un baptème du feu nécessaire à une accession prochaine au rang de seigneur. Un baptème du feu obligatoire pour sa crédibilité aux yeux de ses sujets et ce surtout parmi les soldats. Quant à Siam, elle était ma fille unique et donc par conséquent ma préférée conformément au fait que les pères préféraient leurs filles et les filles leurs pères. Cependant, je n'hésiterais guère une seconde à l'unir à un allié puissant du royaume tel qu'un seigneur d'une maison de premier plan des terres de l'Ouest. Néanmoins, au regard de l'état émotionnel particulièrement tendu de mon épouse je jugeais plus opportun de tenir ma langue et de me montrer diplomate. 

"Prions en ce cas les Sept afin qu'ils me pretent encore une très longue vie car nul seigneur du Bief pourrait prétendre l'ètre sans mener ses hommes au combat. Tu le sais aussi bien que moi. Il ne pourrait gagner le respect de ses sujets sans cela. Or, pour faire briller une maison l'on doit disposer tant du soutien de ses sujets que de la loyauté infaillible de ses soldats. Il ne devra me remplacer que si je meure or je ne compte absolument pas te quitter lune de mes nuits."

Le contact de la tète gracieuse autant que gracile de mon épousée sur mon torse glabre d'albatre m'apporta un profond réconfort quant à la perspective de devoir de nouveau abandonner ma possession la plus précieuse derrière moi. Ma famille. Mes enfants et ma moitié... J'allais une fois de plus devoir me priver des miens afin d'accomplir mon devoir de seigneur du royaume et banneret fidèle du trone de Chène. Je ne verrais pas mes garcons continuer de pousser et ce pour une durée indéterminée. Je ne pourrais pas continuer de peaufiner l'éducation de mon ainé. Je ne pourrais pas me ravir de voir la fleur qu'était devenue ma fille ni profiter des derniers moments en sa compagnie avant qu'elle ne soit envoyée au loin chez son futur époux. Et surtout je ne pourrai guère me réveiller avec mon amour à mes cotés chaque matin sa chevelure de feu éparpillée sur mon épaule et me poussant à la souffler avant de déposer un baiser sur les lippes tout aussi pourpres. Aussi, je profitai de ce face à face avec une ardeur innatendue. Hélas, la fureur rennouvelée de mon épouse la fit me repousser tant physiquement que verbalement. Ce fut le report de son inquiétude sur son fils adoptif et son neveu par alliance qui me fit sortir de ma torpeur. Ma mie avait vraiment un coeur profondément pur pour ne pas faire rejaillir sa rancoeur sur mon fils naturel comme le faisait de nombreuses autres dames. L'émotion me serra le coeur durant un long instant. Quelle chance j'avais que les Sept m'aient béni avec une épouse pareille ! Je me devais de me montrer encore plus fidèle envers eux que je ne l'avais été durant toute mon existence. 

"Je te promets que nous reviendrons tous en un seul morceau. Ton fils adoptif, ton neveu, ton beau frère et moi mème. Nous reviendrons victorieux et auréolés de gloire, de présents de guerre et d'ardeur à vous régaler de nos récits de bataille. Quant à moi, cela ne sera pas la seule ardeur dont je te gratifierais." 

Lui rendant son sourire en coin par une expression mutine particulièrement guoguenarde, je me fends d'un haussement d'épaule innocent suite à sa remarque quant à ma langue particulièrement bien pendue. Nous jouons avec les armes que nous donnent les Dieux. Aussi, je lui répondis d'une voix charmeuse. 
"Oh mais je ne fais nullement exprès de m'exprimer ainsi ma mie. Vous ètes la source de ces louanges aussi à l'instar du poète elles me viennent naturellement en votre compagnie. Ne me blamez pas pour la passion dans mes propos car vous en ètes la muse. Quant aux raisons m'éloignant de vous je les maudis mille fois Louanne. Mais, je me targue d'ètre un homme d'honneur et de parole au sein du royaume depuis mon accession au rang de lord. Et tu sais que j'aime la guerre pour les frissons et les lauriers qu'elle rapporte. Cependant, je te réitère ma promesse de te revenir en vie."

Plaqué tendrement contre le dos finement couvert de mon épousée, je lancai le deuxième acte de mon opération de reconquète de son coeur à présent que la voilà déjà plus apaisée que naguère. Une étreinte ferme mais douce et quelques baisers jetés tels des éclaireurs envoyés en avant de la colonne afin de rassurer le commandant sur la sureté de la route choisie. La renarde de Rubriant renversa le rapport de force en se retournant et en passant ses bras autour de mon cou. Je savais qu'elle avait conscience de mener de nouveau la danse après avoir réussi à m'acculer contre un mur quelques minutes plus tot. Je ne saurais accepter de me retrouver en position de faiblesse devant plus de trois personnes. Mon roi, mon septon et mon épouse. Un rire franc et sauvage s'échappa de mes lippes closes suite à sa remarque sur notre fils et sa vertu. Un rire empreint d'une certaine dose de soulagement quant à la fin de la tempète de notre passé douloureux. 
"Ma mie. Il reste un jeune homme en plein dans la fougue de sa jeunesse. Qu'il séduise autant qu'il le souhaite tant qu'il ne nous gratifie pas d'une pléthore de petits enfants illégtimes. Il faudra penser à lui trouver un parti intéressant. Pourquoi pas du coté de ses cousines Tyrell ? Quoi qu'il en soit, je vous fais confiance quant au maintien de sa vertu. Nul doute qu'il préfererait se trouver face aux piques Orageoises que risquer votre courroux. Les hommes de cette famille sont décidemment plein de bon sens." 

La douceur des lèvres de Louanne sur les miennes me fit ressentir une plénitude sans égale. Ce baiser fort chaste me permit d'oublier durant quelques secondes la gravité de la situation stratégique, les périls guettant le royaume ou mème le risque que je ne revienne pas vivant de la campagne de l'Orage. Les lippes de ma femme avaient ce pouvoir de me faire oublier mes responsabilités ainsi que mes soucis quels qu'ils soient. Aussi, je me sentis particulièrement lache de fuir son regard face à son insistance de me faire promettre la mesure sur le champ de bataille. Mais, elle finit par saisir mon visage de ses mains doucereuses pour me forcer à plonger mes yeux d'un gris acier dans les ambres de ses prunelles afin de lui offrir une réponse. Maugréant dans ma barbe comme un marmot boudeur.
"Parfois, il est nécessaire de faire preuve d'audace et de fureur afin de vaincre un ennemi plus déterminé. Mais, je te jure solonellement de ne pas me mettre en danger inutilement au cours de la campagne. Mon égo n'a pas le pouvoir de dépasser mon envie de te retrouver." 
Puis, mettant un terme à la discussion de la meilleure et plus expéditive des manières j'enlace mon épouse avant de l'embrasser fouguesement. Il y avait tant de choses dont nous devions parler cette nuit. Mais la nuit serait longue. Nous avions tout le temps. Soulevant Louanne du sol je la laissais s'accrocher à ma carcasse meurtrie.
"Ta colère est t'elle passée ou devrais je m'attendre à de nouvelles représailles ma mie ?"

"Tes mots me prouvent chaque jour qu'en sus d'ètre une beauté vénérable tu es une femme d'une grande sagesse. En effet ma mie tu as bien raison. Il y a bien des manières de faire briller sa maison, son nom et sa lignée. Le commerce. La culture. La piété. La diplomatie. Cependant, la voie des armes est et a toujours été la préférée des males. Et il en sera toujours ainsi. Ne te fache point. Nous avons besoin de prouver notre virilité à nos semblables. Ce sont nos traditions martiales. Nous sommes le berceau de la chevalerie. Je ne mourrais pas Louanne. Je ne mourrais pas. Je veux vieillir à tes cotés ici dans notre foyer en te faisant rougir de mes grivoiseries mème lorsque marcher nous deviendra pénible."

Bien que je n'en montre absolument rien masquant l'émotion provoquée par l'attitude farouchement protectrice de mon épousée sous un visage impénétrable d'une mesure implaccable, je suis profondément ravi de cette manifestation sincère de son amour à mon encontre. Si, je joue le seigneur dénué de la moindre crainte quant à la perspective de perdre la vie au champ d'honneur de cette effroyable guerre totale ce n'est guère pour une quelconque réputation car je me trouve en plein coeur de mon fief. Et que nul chevalier de ma suite ni soldat de mon ban ne se trouve dans la plus haute tour de mon donjon. Non, si je fais preuve d'une telle cranerie en cet instant précis c'est uniquement parce que le trouble de ma moitié est particulièrement vif. Louanne avait toujours été une femme d'une dignité rare au comportement altier cependant son caractère s'avérait entier quant aux choses du coeur. Je ne pouvais me permettre d'aggraver sa terreur de me voir partir pour ne plus jamais revenir. 

"Vous femmes savez en effet bien à quel point la guerre est une maitresse cruelle, orgeuilleuse, mauvaise, jalouse, exigeante et impétueuse. Bien plus que quiconque. Car vous constatez l'oeuvre de ses griffes sur vos hommes. Je me souviens pourtant d'une époque ou tu appréciais mon entrain chevaleresque à dégainer ma lame. Mais, cela remonte à notre adolescence. Les jeunes femmes s'extasient aisément sur le sang versé en l'honneur de l'amour. Je ne serais pas un cadavre venant hanter tes cauchemars et rendent douloureux tes souvenirs. Je te le promets de nouveau ma mie."

Le sourire amusé de ma femme lorsque je fis basculer la discussion dans un sujet plus léger qu'était l'effet que produisait sa présence sur ma virilité ainsi que le feu dévorant que cela ne manquait jamais d'entrainer dans mes veines ne m'indiqua que trop bien que mon assaut se déroulait à merveille. Renard j'étais né et en renard j'agissais non pas par volonté de tromperie mais par pur réflexe à l'instar d'une attitude mécanique ancrée dans ma nature. Le sang de Florys ne saurait guère mentir comme se plaisait souvent à répéter pater avant sa mort. Nos corps se croisèrent afin de laisser libre cours à cette alchimie si puissante que nous cultivions depuis près de vingt ans désormais. Mes bras fermement placés sur ses reins de manière stratégique afin que je savoure la chaleur de ses courbes tandis que ses lèvres jouaient à chercher les miennes avant de les éviter afin de faire monter mon désir de les écraser les unes sur les autres. La situation ne pouvait manquer de s'inverser à présent que la passion se faisait physique. La née du Rouvre aux cheveux de feu comme bien des femmes savait aisément aussi bien qu'instinctivement comment faire tourner la tète de son amant et je n'avais jamais su trouver la parade à ce pouvoir sur moi. La petite tape réprobatrice sur ma joue me tirait un rire puissant, rauque, sincère et solaire. Mais, je gardai le silence face à son accusation quant à la flatterie car nulle défense n'aurait pu m'exonérer de la véracité de cette affirmation. 

"Oui, ma famille maternelle représente un parti particulièrement intéressant ma mie. Les Rowan également et il pourrait nous permettre de sceller une amitié vieille de plusieurs générations cependant je connais Gabhrielle car elle est comme une soeur pour moi. Elle n'acceptera jamais. Non, il vaut mieux chercher ailleurs. Votre famille ma mie les Du Rouvre. A moins que nous ne lui cherchions une Ouestrienne afin de renforcer la diplomatie du royaume ou une Dornienne alliée afin de gagner pied dans un domaine étranger voire une Orageoise une fois que nous aurons fait tomber ce royaume. Dans le pire des cas nous pourrions envisager une union de renforcement de notre emprise sur nos vassaux. J'ai quelques idées à ce niveau dont je dois d'ailleurs vous faire part."

Je savais pertinnement que mieux ne valait guère évoquer le cas de Siam pour le moment face à Louanne alors qu'elle se trouvait dans un tel tourbillon d'émotions puissantes et contradictoires. Lorsque l'on vivait avec quelqu'un durant aussi longtemps, on apprenait nécessairement à composer avec son caractère et il était possible d'anticiper ses réactions. Ma femme avait pour point faible l'amour qu'elle avait pour ses petits. Nous étions des nobles aussi nos destins ne nous appartenaient guère. Il nous fallait nous plier aux obligations de nos rangs. Un sourire guoguenard étira très lentement mes lippes en une moue provocatrice suite à sa menace déplacée. Mes baisers punirent bien rapidement l'incongrue remarque et tandis que mes lèvres caressaient chaque parcelle de ce teint d'albatre tant apprécié les ongles de la Renarde me griffèrent la peau du dos avant que je ne mette un terme à leurs sillons en soulevant mon épouse brusquement. Le vermeil s'était substitué à la nacre alors que je me montrais de plus en plus impudent. 

Plus de vingt ans de relation commune avec ses hauts et ses bas. Vingt longues années de disputes et de crises mais aussi de complicité et d'intimité. Deux décennies de chamailleries conjugales renforcées par la rancoeur d'une faute initiale particulièrement lourde puisque celle ci avait laissé ses traces dans le coeur de la maison mème. Vingt trois longues années d'un amour sincère, brulant, passioné étant devenu plus mature et doucereux au fur et à mesure de la vieillesse s'approchant à grand pas. Une telle durée ne pouvait qu'avoir créer des habitudes et les habitudes ont la dent dure. Elles représentaient une part de notre identité. Aussi, je pense que nous pouvions aisément affirmer que nous nous connaissions à présent littéralement par coeur aussi bien que les enfants que nous avions concu. Louanne savait que je détenais les clés de l'apaisement de ses colères en vertu d'un talent affirmé pour la roublardise verbeuse. Mais, je savais pour ma part qu'elle avait bien souvent raison sur bien des sujets. Ce qui expliquait qu'elle était ma première conseillère mème avant mon frère cadet. Notre association redoutable fonctionnait parfaitement précisement parce que cela faisait une moitié d'existence que nous partagions tout. J'esquissais un sourire amusé face à sa remarque sur le fait qu'elle était la raison incarnée. Je levais les yeux au ciel et maugréais dans ma barbe blonde à l'instar d'un gamin boudeur. Il n'y avait que ma Florent pour parvenir à me faire passer pour un gosse.


"Je sais bien que tu as toujours raison ma mie. Nul besoin de me le rappeler aussi vertement. C'est la nature qui en a voulu ainsi Louanne. Qu'y pouvons nous ? Vieillir à tes cotés est mon rève le plus cher. Te faire rougir est l'un de mes plus grands plaisir." Mon épouse sublime dans sa colère comme dans sa possessivité, dans sa fragilité autant que sa force de caractère se noie sous le tourbillon de mes assauts physiques. Baisers brulants, caresses stratégiques et plaquage de nos corps entremélés. Pour autant, maitresse d'elle mème en bien des circonstances la dame de Rubriant ne perd pas le nord et reprend sur le sujet de sa douloureuse rivale à laquelle je ne saurais me substraire. "Tu es bien plus parfaite qu'une jeune femme. Les jeunes femmes sont insouciantes, délurées, naives, égoistes. Tu es tout ce qu'un homme digne de ce nom puisse désirer. Embellie par l'age assagie par le temps capable de suppléer ton imbécile d'intriguant d'époux...Les mots me manquent pour te témoigner l'admiration que j'ai pour toi. Mes cicatrices sont les symboles de mes victoires sur ta rivale. Elles représentent les preuves de ma volonté indéfectible à te retrouver dès que je suis loin de toi. Et moi, je ne veux pas finir dans sa couche solonelle."

Quant à la question stratégique du mariage de notre premier garcon, je sentis bien que le coeur de sa mater palpitait férocement à l'idée de voir sa place de première femme de son existence arrachée par une rivale plus jeune et à laquelle il finirait par s'attacher davantage comme le voulait la nature elle mème. Sa réaction m'indiqua que ma moitié prendrait le temps de réfléchir avec sérieux et attention à la nécessité de voir notre héritier uni à une jeune courtisane du royaume ou issue de l'un de nos alliés. La guerre pouvait représenter un contre temps notoire mais elle ne me genait en rien. Il ne s'agissait là que de modalités logistiques avec lesquelles nous devrions composer. Un sourire amusé ne tarda point à fleurir sur mes lippes face à son explosion à l'idée que sa belle fille provienne de Dorne. "Il est vrai que les femmes de Dorne sont relativement libérées à en croire la rumeur. Note bien que je n'en sache rien. Il reste néanmoins une princesse en exil si je ne m'abuse. Bien qu'elle soit née batarde elle reste une Martell. Cela nous serait utile pour jouer une partie sur le très long terme. tu imagines notre Kevan prince consort de Dorne." Face à l'envie meurtrière dans les prunelles de l'ètre aimée, je ne tardais pas à maugréer. "Bon. Il existe de bien d'autres options dans tous les cas. Une fois l'Orage devenu allié voire vassal alors les maisons de cette contrée se précipiteront sur nos fils. Mais laissons le sujet pour l'heure. Il y a plus pressant ma mie."

"Des rides et des cheveux blancs mon aimée. Le spectre de la décadence gravé sur mes traits. La crainte de la fin hantant mes derniers jours. Et pourtant, je ne parviens pas à imaginer plus belle manière de terminer mon existence qu'en ta compagnie. Bien sur tu devras prendre soin de moi quand je ne serais plus en age de le faire et quand bien mème je n'aurais plus l'ardeur de te poursuivre de mes assiduités je le ferais quand mème. Un grand père gateux carrément...Puisse les Sept t'entendre et nous accorder tout cela ainsi qu'une myriade de petits enfants."

Un franc éclat de rire se déversa de ma gorge à l'instar du feulement d'un renard. Profond, puissant, grave et sincère ce dernier témoignait parfaitement de la malice que m'inspirait pareil tableau ravissant. Mais mon regard d'acier lui se perdit un instant dans le vide de la grande cour à travers la fenètre se trouvant derrière mon épouse. Je tentai ainsi de m'imaginer dans la perspective décrite et désirée par Louanne. Ma carcasse portant le poids des années, celui de toute une vie plutot que celui des batailles innombrables et des duels. Mon corps n'ayant plus rien d'une arme affutée mais plutot d'un fardeau que je devrais parvenir à supporter sans me plaindre et qui ne manquerait guère de me faire regretter mon impétuosité passée à travers moult et moult douleurs articulaires. Oui, je pourrai parvenir à accepter tout cela pour elle. Seulement pour elle. Par amour de cette femme que j'avais bafoué dans ma folle jeunesse alors que je n'avais jamais cessé d'ètre son favori depuis bien avant notre union. Je lui devais bien cela. Là ou mon caractère et mon sens du théatre m'auraient naturellement poussé à tenter de chercher une mort glorieuse que les bardes ne manqueraient point de chanter et de louer à par delà les ages. Léguer un domaine prospère, grandiose, vaste et solidement défendu à mes enfants. Ainsi que le souvenir d'un pater mémorable méritant que l'on le cite en exemple à ses propres descendants. Ce fut l'évocation de Siam qui me ramena durement au présent.

"En effet ma mie, tu as élevée ma princesse à ton image et j'en suis fort aise. Avec un exemple tel que le tien, elle ne pourra que devenir une grande dame qu'importe son futur domaine. Et son époux fera bien de mesurer l'immensité de l'honneur qui sera le sien sous peine de voir son beau père le lui faire durement regretter à coups de gantelet. Quant aux compliments, mon aimée nul besoin d'en venir à pareilles extrémités. Je vous en offrirai jusqu'à mon dernier souffle."

Je sentis bien que la question Dornienne était à bannir ad vitam aeternam de ma caboche roublarde et ambitieuse car une fois que ma Renarde utilisait son droit de veto au sujet de l'un de mes plans il valait mieux que je m'y conforme sous peine de subir une longue et éreintante guerre d'attrition. Dommage pensais je néanmoins en mon for intérieure. Le Martell ayant renoncé à sa couronne et ses titres en préférant devenir un chien de l'empire Braenaryon les prétentions de sa demi soeur eurent pu trouvé un écho favorable. N'eussais je pas un autre fils à marier. Arthur ne serait jamais accepté par Dorne et la princesse elle mème. Il me faudrait par ailleurs le légitimer. Beau père de la princesse légitime de la Principauté. Un accomplissement incommensurable qui en sus de me rendre incroyablement influent à l'échelle du sud du continent permettrait un apaisement durable des relations entre nos deux contrées résolvant ainsi un fléau durant depuis des siècles. Non pas que ma mie ait tort quant aux moeurs de Dorne mais je gageais que l'intérèt passait avant toute chose. Je gageais qu'une Orageoise serait également difficile à faire accepter à Louanne tant cette patrie avait été désignée comme hérétique par notre culte. Une Ouestrienne ou une Bieffoise bien élevée dans une éducation classique et un cadre rigoureux voilà ce qu'elle souhaitait pour mon héritier.

"Plus tard ma mie. Il y a bien plus d'options que vous ne l'imaginez. Et le rang de Kevan rend son parti extrèmement désirable. Nous allons devoir tirer le meilleur profit de cela. Oh mais ne vous sous estimez ma dame vous ètes une bien meilleure assaillante que défenseresse."

Epuisé, repu, assommé, vidé à l'instar de l'état dans lequel je me trouvais à l'issue d'une bataille ou d'un duel face à un adversaire de valeur je ne parvenais guère plus à bouger mes membres tandis que la cascade de cheveux roux de mon épouse s'étalait en désordre sur mon torse parsemé de taches blondes. Un large sourire de satisfaction aux lippes, je réflechissais au présent que je pourrais ramener de campagne à ma Renarde. Mais, je parvins finalement à la conclusion que tenir ma promesse de revenir en vie et en un seul morceau à Rubriant représentait le plus beau des présents à ses yeux de femme fidèle et énamourée. Aussi, je devrais m'atteler à ne pas prendre de risques inutiles durant la campagne de l'Orage. Or, si j'avais la réputation d'ètre un commandant prudent économe de la vie de ses hommes je n'avais pas celle d'un chevalier couard aussi me porter dans le feu de l'action avait toujours été une habitude. Un coup d'oeil vers le visage tiré par la fatigue de la dame de la maison Florent plus tard, je me promis de respecter ma parole sans pour autant déroger à ma réputation.

"Je t'aime Louanne."

Le long baiser emplit de tendresse dont elle m'assura me fit fondre. Puis, c'est en la serrant fermement contre moi que je nous enjoignais à trouver le sommeil. Demain matin nous parlerions de nouveau de sujets importants tant j'avais des plans par dizaines à évoquer avec elle mais pour l'instant nous allions savourer un repos bien mérité.

Mes yeux s'ouvrirent sur une clarté absolument dévastatrice pour le cerveau embrumé qu'était actuellement le mien. Je sus bien avant de me tourner sur la couche conjugale que mon épouse ne se trouvait plus à mes cotés. Car, ses cheveux ne me chatouillaient plus le torse. Aussi, j'entrepris de bondir hors du lit afin de rejoindre ma famille qui comme à l'accoutumée s'avérait bien plus matinale que moi lorsque je me trouvais à Rubriant. Une fois levé, Tessel mon valet m'aida à me vetir bien que j'eus préféré le faire moi mème ayant toujours trouvé cette coutume inique pour un homme en parfaite santé. Enfilant, une tenue adaptée à la saison je réhaussai le tout d'une fourrure d'ours sur mes épaules ainsi que d'un tabard aux couleurs de ma maison. L'emblème du renard rieur en apanage sur ce dernier. Puis, une fois propre et présentable je quittai finalement mes appartements pour rejoindre la salle commune.

Salle commune dans laquelle je retrouvis mes enfants ainsi que mon cadet et sa propre famille. Il fallait dire que bien que ces derniers aient une vaste demeure dans la cité accollée à la forteresse, j'avais toujours préféré avoir toute ma famille à mes cotés. L'union faisait la force et qu'importe qu'il s'agisse d'une lignée secondaire de la maison Florent. Mon frère Antario était comme mon bras droit bien que Louanne se charge de l'essentiel des taches m'étant dévolue. Embrassant mes petits, je serrais virilement l'avant bras de mes fils ainés et neveux avant de déposer des baisers sur les fronts de ma fille unique et ses cousines. Quant à ma belle soeur un compliment sur sa beauté en guise de salut et un clin d'oeil pour Antario plus tard, je me trouvais attablé et en train de me remplir la panse dans une ambiance aussi chaleureuse qu'affectueuse. Je pris le temps de savourer ces moments à leur juste valeur car lorsque je partirai en campagne je n'aurais que mes souvenirs pour me réchauffer le coeur. Ce ne fut qu'une fois repu et revigoré que je m'échappais de la compagnie familiale pour me rendre dans mon bureau.

Bureau au sein duquel je retrouvais ma mie en compagnie de mon intendant et mon mestre. Saluant les deux hommes d'un hochement de tète, je les laissai s'incliner respectueusement avant de deviner les intentions de mon épouse lorsqu'elle évoqua le mariage de Kevan. Eh bien ! Eh bien ! Qu'en serait t'il lorsque j'en viendrais à évoquer les épousailles de Siam. Epousailles aussi nécessaires que celles de mon héritier car en tant que fille ma petite princesse devenue femme pourrait me permettre de nouer une alliance intéressante. Chaque chose en son temps comme se plaisait à le répéter feue ma mater en son temps. Oh, je pouvais tout aussi bien forcer la décision et imposer mon autorité seigneuriale sur la tablée mais ce n'était guère ainsi que je gouvernais mon domaine, mon fief, mon peuple et ma famille. Aussi, je commencai par retirer la cruche en métal des environs en la saisissant et en la déplacant afin d'oter toute vélléité inconvenante à dame mon épouse. Nous n'étions pas dans nos appartements et pareil spectacle ne manquerait d'affecter l'opinion que nos subalternes se feraient de nous deux. Aussi, après avoir réfléchi longuement je détournais initialement le sujet.

"Ma mie. Lorsque je serais au front. Je veux que vous organisiez un pélerinage à Villevieille avec les enfants. Le grand Septon doit comprendre que la piété de la maison Florent est complète. Ensuite, vous mettrez en place un banquet avec nos vassaux et y inviterez les maisons que je vous communiquerai avant mon départ. Enfin, je souhaite que vous supervisiez la création d'une foire régionale du sud du royaume. Pour en revenir à Kevan, je viens de me souvenir d'un parti fort intéressant. Vous souvenez vous de ma filleule ? La petite Crakehall. Endorya. Il me semble que le courant est fort bien passé avec notre fils lors de son séjour ici il y a deux ans de cela. Elle est Bieffoise par sa mère et Ouestrienne par son pater. Les Crakehall sont la seconde maison la plus puissante de l'Ouest. Qu'en pensez vous ?"

Les doigts agiles de ma Renarde ne tardèrent guère à s'activer face au flot de mes recommandations quant à l'avenir de notre maison. J'avais pleine et entière confiance en mon épouse pour assurer une gestion optimale de notre fief en l'absence d'Antario qui m'accompagnerait sur le front Orageois. Ma mie avait déjà prouvé depuis longtemps qu'elle était plus que capable de me suppléer à la tète de notre domaine. La née du Rouvre ayant eu la chance d'avoir été élevée par un pater s'étant accomodé de n'avoir dans un premier temps que des filles et leur avoir par conséquent transmis bien des compétences. J'échange un regard entendu avec le mestre de notre maison. Le vieux Jonos hoche la tète pour marquer son assentiment. 

Je connaissais suffisamment ma moitié pour savoir qu'elle désaprouvait intérieurement ses dépenses somptueuses qu'elle considérait probablement comme du gaspillage de ressources. Là, ou il s'agissait pour moi de simples investissements en vue de parvenir à mes fins sur certaines questions. L'or n'était pas une fin en soit quand bien mème en posséder le plus possible était une excellente chose tant pour la prospérité de sa maison que celle de son peuple. Non, il ne s'agissait que d'un moyen pour pouvoir atteindre des objectifs à mes yeux. Cependant, étant d'une intelligence aiguisée je ne doutais pas que les rouages du cerveau de Louanne tournaient déjà à plein régime sur les manières de séduire nos vassaux ainsi que les représentants du fief. 

Le haussement de son sourcil au nom de ma filleulle dont j'avais, je devais bien en confesser complètement oblitéré le souvenir jusqu'à aujourd'hui ne m'indiquait que trop bien qu'elle était surprise de ce choix. Ou plutot de ne point l'avoir eu elle mème plus tot dès que j'avais évoqué la nécessité de l'union de mon héritier. Si, je ne me trompais guère le courant était particulièrement bien passé entre ma femme et la jeune courtisane Ouestrienne. Endorya étant une jeune femme bien élevée, vive d'esprit, belle et agréable cette dernière avait rapidement plu tant à Louanne qu'à son fils chéri et j'avais du réprimer leur flirt naissant pour le respect de la bienséance. Un rire sonore, rauque et puissant s'échappa de mes lippes.

"Plaire à Kevan ma mie. Il en était tout tourneboulé. Je me souviens que j'ai du le réprimander pour l'empecher de courtiser ouvertement ma filleule. Ce qui me plait quant à ce choix en sus des qualités d'Endorya est justement cette alchimie bien réelle qui s'est construite entre les deux jeunes gens. L'idéalisme n'est point un mal mais je gage que vous allez lui enseigner les réalités du pouvoir et des responsabilités avec brio. Nous voilà donc d'accord ma dame."

La plume glissa habilement entre les doigts graciles de mon épouse. Pour ma part, je la rejoignis lestement pour déposer mes mains sur ses épaules avant de placer un baiser sur ses cheveux peu géné pour trois sous de la présence du reste du conseil. Enfin, pour ètre précis de deux de ses membres car Antario n'était point présent ni Kevan. 

"En effet ma mie. Vous pourriez acheter un présent symbolique plutot que somptueux pour le grand septon afin de lui témoigner notre respect. Le symbolique de ce dernier prenant le pas sur le prestige du présent servant de rappel du fait qu'il est un guide spirituel et non temporel. Vous avez bien raisonné. Inviter nos vassaux à ce moment nous ferait économiser le déplacement de messagers. Je voulais te le proposer mais je savais que c'était inutile car tu ne pouvais manquer d'y penser par toi mème. Ne pas négliger les représentants du peuple bourgeois autant que représentants des différentes corporations de métier. Nous sommes unis. Auriez vous des idées à me soumettre ma dame ? Des projets potentiels pour le domaine ? Des orientations ? Sinon, il nous faudra disuter de Siam à présent."

Il ne faisait pas le moindre doute dans mon esprit ni dans celui de mon épouse que ma jeune filleule serait une successeure idéale à l'actuelle dame de céans. Si, je n'avais pas pu passer autant de temps avec la Ouestrienne que je ne l'aurais souhaité en raison de la distance séparant mon fief de celui de son pater j'étais au moins parvenu à entretenir une relation de parrain avec cette dernière du mieux que j'avais pu le faire. L'affection que je portais à la jeune femme était bien réelle et fort étendue. Faire d'elle ma bru me permettrait de pouvoir rattraper le temps perdu aussi bien que lui assurer ma protection.

Une question venait d'ètre promptement réglée avec célérité et je ne doutais pas un instant que mon héritier nous serait grée de ce choix imposé. Je me contentais d'hocher la tète de connivence à sa mention de l'aide qu'elle ne manquerait de lui apporter. Mes mains sur les épaules de mon épouse doucement caressées par celles de ma mie, je savoure ce contact à la fois formel et intime avec celle que je ne pourrais revoir avant de longues semaines voire mème mois. Une brève observation du visage radieux de mon épouse m'indique clairement que celle ci s'active déjà les méninges pour tenter de définir le présent idéal à sa sainteté. Je savais qu'elle parviendrait à la meilleure conclusion aussi je ne me tracassai guère outre mesure sur la question.

"Je t'aime pour bien plus que cela ma mie. Mais, c'est pour cette raison que tu es une intendante aussi compétente et efficace. Un manteau en peau de renard serait un magnifique présent. Notre emblème est rare à chasser et le graver de l'étoile à sept branches ne manquerait point de souligner notre immense piété. Tu es formidable Louanne. Ne reste plus qu'à lancer la production. Exactement ma dame. Ce qui fait notre puissance est notre activité commerciale de mème que notre artisanat Je pense que nous devrions chercher à exploiter la proximité des fleuves avec plus d'acuité et financer des recherches de nouvelles techniques d'artisanat. Le travail du cuir pourrait ètre mis à l'honneur."

Les yeux de mon épouse se plantent durement dans les miens lorsque j'ai l'audace de souligner la nécessité d'unir notre petite princesse devenue femme. Sa réaction fort maternelle est parfaitement compréhensible car il s'agit de notre fille unique. Mais, je sais pertinnement que Louanne est une femme intelligente qui connait les réalités de l'échiquier politique. Cependant, rien ne pressait par ailleurs mais en mème temps si. Tout n'était qu'une question de point de vue comme de perspective. L'union de Kevan assurerait un rapprochement avec l'allié de l'Ouest au vu du prestige de nos maisons respectives.

"Ma fille unique ne sera pas bradée ma mie ! Siam n'épousera qu'un seigneur de très haute lignée. Un prince, un roi ou un seigneur de très haute lignée rien de moins. Rassure toi. Elle ne va pas se voir fiancer à la va vite. Nous nous devons de soupeser toutes les options. Par contre nos deux derniers garcons vont se voir promis en dépit de leur jeune age à nos voisins de l'est que je souhaite voir devenir nos vassaux. Il s'agit d'une nécessité absolue afin de s'assurer des liens solides et sincères entre suzerain et vassaux. Je souhaite étendre la suzerainté de la maison Florent vers les maisons Grave et Marteau. Qu'en pensez vous ?"

"En effet, c'est l'idée que je me figure d'une utilisation plus efficiente de notre situation géographique. Notre domaine s'étend entre deux sources fluviales d'envergure. Ne point profiter de cette avantage naturel serait une erreur de notre part. Les Sept nous ont bénis lors de la fondation de notre maison à moins que ce ne fut mon ancètre qui malin comme le renard en bon fils de Florys ait décidé que cette position serait idéale. Bien sur, mais je pense que nos coffres nous le permettent ma mie. Et puis le commerce est ainsi fait que nous sommes obligé d'hypothéquer des sommes pour en obtenir davantage. Nous pourrions également faire payer la traversée ce qui épargnerait un contournement aux voyageurs. Je te conseille de laisser libre cours aux artisans, bourgeois et marchands en leur promettant une récompense exceptionnelle en cas d'idée particulièrement intéressante. Je te fais confiance comme toujours pour le manteau."

L'enchainement des évènements fut aussi brève qu'expéditive. Les prunelles pleines de colère de mon épouse se fichant durement dans les miennes avec la netteté d'un tir d'archer long de l'armée royale. La plume retrouvant sa place près de l'encrier. Sage décision car la pointe était suffisamment pointue pour me faire saigner. Enfin, le geste qui me fit le plus mal au coeur fut la véhémense avec laquelle elle repoussa brutalement mes mains de ses épaules. Chassé comme un vulgaire malpropre d'un territoire allié. Je sus que j'étais allé trop loin et trop vite en besogne pour la mère de famille aimante et férocement décidée à veiller sur ses Renardeaux. J'avais hérité de l'ambition paternelle et espérais que Kevan manifesterait les mèmes aptitudes pour le grand jeu. Nous n'étions pas l'une des plus grandes maisons du Bief seulement en raison de notre ascendance glorieuse ou de notre domaine mais parce que chaque jour je me battais pour nous faire briller au firmament à tous les niveaux. Les émotions et les sentiments ne pouvaient entraver mon jugement. 

"Je pourrais perdre la vie au cours de cet affrontement mortel avec l'empire. Et il est hors de question que je ne lègue pas à Kevan et mes autres enfants une situation plus radieuse que celle dont j'ai moi mème hérité à la mort de mon pater. Je ne le fais pas par égoisme ou autoritarisme. Je fais ce qui doit ètre fait pour que la maison Florent se tienne fière, puissante et redoutable au cours de cette période historique particulièrement sombre. Tout n'est qu'hypothèse mais il se pourrait que des opportunités se présentent ou au contraire que le pire se produise. Cela dépendra de notre efficacité sur le champ de bataille. L'Histoire n'attend guère le bon vouloir des hommes."

Allant me servir une coupe de vin de la Treille dans un ouvrage finement ciselé que je ne tarde pas à avaler entièrement d'une rasade avant de réitérer le geste avec lestance. Puis, je me retourne lentement vers mon conseil réduit. 

"Je crains de ne pas survivre à ce qui s'annonce ma mie. Bien que je vous ai fait une promesse hier soir. Seuls les Sept décident du destin d'un homme. Et je ne suis pas intime de leur lumière pour affirmer que je ne vais pas quitter ce monde en effectuant mon devoir. D'autres ont été fiancés dès leur naissance. Ce sont des enfants. Peut ètre que les Grave et les Marteau changeront d'avis face à des alliances plus intéressantes mais pour l'heure je me dois de les séduire par tous les moyens envisageables. Je sais que cela vous horripile ma mie mais prenez sur vous je vous en prie. Enfin, je vais débloquer des fonds afin que notre domaine et celui de nos vassaux soit fortifié. Forts, Tours de guet, fortins... Si la guerre ne se passe pas en notre faveur je veux que mon peuple soit protégé. Mestre combien de temps pensez vous que cela prendrait ? Ma mie je veux que vous emmeniez Kevan avec vous sur ce projet. Il doit s'en charger."