Voilà déjà plusieurs jours qu'il se réveillait à Vivesaigues, mais ce matin, c'était la première fois qu'il se réveillait en tant qu'homme nouvellement marié et il ne pouvait pas véritablement dire s'il se réjouissait de cet état de fait ou pas. En réalité, Jon était parfaitement conscient qu'il n'était pas heureux, il n'avait pas réussi à décocher un sourire, un seul minuscule sourire, même pour pouvoir faire semblant. Son attitude avait sans doute marqué tous les esprits, c'était rare de voir un homme tout nouvellement marié, montrer aussi peu d'engouement pour l'événement, pour les festivités qui accompagnaient inévitablement l'événement ou encore pour la nuit de noces qui allait forcément arriver à un moment donné ou un autre, même l'époux le plus alcoolisé se devait de remplir son devoir conjugal dès la première nuit, à moins de ne vouloir voir sa réputation sur un manque de vigueur, être faite en quelques chuchotements à peine. Tout le monde pouvait se rassurer, et c'était sans doute ce qui avait été vérifié en premier au petit matin en allant regarder les draps de la couche du nouveau couple royal, le mariage avait été consommé. Ce qui avait été fait, ce qui avait été dit ou non, personne ne s'intéressait à ça. L'important ne résidait pas dans le mariage en lui même, il était un supplément à un accord que leurs paternels avaient décidé pour eux. « Vois plus loin mon fils, vois plus grand. » Il avait toujours autant l'impression que cette phrase que lui avait dite son père, revenait encore et encore dans son esprit, presque inlassablement. Torrhen était venu, quelques jours, quelques semaines auparavant, le trouver sur le campement militaire où se mélangeait les hommes du Nord et les soldats de Peyredragon. Il avait demandé de le voir à part pour pouvoir discuter. Et c'était là, qu'en une petite discussion, le Roi lui avait proposé la Constitution qu'il avait planifié avec Rhaenys Targaryen pour la création d'un nouvel empire, par la même occasion la couronne du royaume du Nord pour prendre sa succession alors que lui se destinait à autre chose et une fiancée, qui avait vu le jour dans une des maisons du Conflans que le Nord s'était évertuée à combattre au cours de la dernière décennie, et à qui on avait promis la couronne d'un nouveau royaume émancipé de l'oppression des Hoare. Certes, ils avaient été des souverains dans un temps qui remontait, mais Eléanor n'avait pas été élevé dans l'esprit de devenir Reine et ce qu'il avait vu de son épouse jusqu'au jour des noces, ne l'avait nullement rassuré en plus d'avoir fait augmenter un certain sentiment de frustration.

Revenir là-dessus ne servait à rien, ce qui était fait, était fait à présent. Ce mariage n'avait pas grand chose de normal, mais au moins était-il plus agréable que celui de son père entre deux batailles sur un campement militaire. Vivesaigues était la cible de nombreuses menaces, maintenant que les Tully avaient pris le parti de suivre les Braenaryon. Entre ceux qui étaient restés fidèles aux Hoare, et ceux qui ne l'étaient plus vraiment mais qui n'en restaient pas moins jaloux de la toute nouvelle position de la maison. En attendant, par un certain concours de circonstance, l'événement qui s'était déroulé en plein cœur de la forteresse de la truite, avaient réuni de nombreuses personnes de différents royaumes de Westeros. Jeyne Lannister avait été présente, sa douce et adorable sœur avait pu être présente pour ce jour qui comptait tant, mais même sa présence ou celle de son ventre rebondi, signe de la vie qui grandissait en elle, n'avait réussi à le conforter dans ce que l'avenir pourrait lui apporter de meilleur. Loren, le Roi Lion en personne, s'était retrouvé là également. Bien qu'il n'avait fait que chercher sa belle-fille pour la ramener en toute sécurité jusqu'aux Terres de l'Ouest. Ils n'avaient jamais eu véritablement l'occasion de discuter, après tout, la dernière fois qu'ils s'étaient vus, il n'était encore que prince héritier du Nord, et les grandes personnes ne discutaient pas avec les enfants, c'était bien connu. Mais il n'était pas le seul souverain qui avait fait le déplacement, car la belle du Val était présente aussi, Sharra Arryn en personne. Jon n'avait pas été là quand l'alliance entre le Nord, Peyredragon et le Val avaient périclité, mais comme beaucoup, ils en avaient subi les conséquences. Pour autant, la veille au soir, il n'avait pas été question d'en parler un seul instant, et les deux avaient partagé une danse avant que le jeune homme ne vienne à disparaître en compagnie de son épouse pour le coucher des jeunes mariés. Et voilà, qu'alors qu'il était en train d'avancer dans couloirs de Vivesaigues, qu'il la rencontrait à nouveau. Jon s'inclina devant la Reine-Mère du Val. « Votre Majesté, bien le bonjour. J'espère que votre soirée et votre nuit à Vivesaigues furent agréables pour vous. »

Les attentes d'une première nuit de noces n'étaient guère les mêmes que l'on soit une femme ou un homme. Bien souvent, pour la première, les choses de l'amour et ce qui venaient à se passer dans le lit conjugal étaient une grande découverte pour elle, et si au contraire la femme avait déjà connu l'union charnel avec un homme, cela était bien souvent mal vu. Mais en général, tout était fait pour qu'un mariage soit alors contracté avec une famille, avec un homme qui ne serait pas très regardant et qui aurait surtout eu le droit à une belle compensation pour l’impureté de la damoiselle. Pour les hommes, les choses étaient bien moins compliquées. Et cela se passait presque à l'inverse pour eux. Si un homme n'avait pas connu une femme, quelque soit le milieu d'où elle pouvait provenir, on venait à se poser des questions sur sa sexualité. Jon avait vécu sa première passion amoureuse en compagnie d'une de ses amies d'enfance. Elle avait été son tout premier élan romantique et tendre. Et il avait connu d'autres bras par la suite. Sans doute bien moins que la plupart des hommes de son âge, ou ceux de son rang mais cela faisait malgré tout de l'expérience. Pour autant, lorsqu'il s'était retrouvé en tête à tête avec Eléanor, et bien qu'il avait été fort compliqué à gérer toute la journée du mariage, il avait été respectueux avec elle, passant d'ailleurs un long moment à discuter en tête à tête, chose qui avait duré bien plus longtemps que toutes leurs tentatives précédentes. L'un comme l'autre n'avaient pas les mêmes préoccupations et peut-être pas la même sensibilité à ce qui se passait dans leur environnement plus ou moins proche. Sans doute n'avait-elle qu'une idée assez floue ou fausse de ce qui allait l'attendre quand elle serait finalement dans le Nord. Même si lui avait toujours profité des lieux, s'épanouissant dans cet univers qu'il avait toujours connu, il était certain qu'il existe une différence assez marquée entre le Nord et le Conflans sur bien des points. Ils avaient ainsi parlé, jusqu'à ce qu'elle se sente plus en confiance et qu'elle soit décidée à passer un moment plus charnel et sceller définitivement leur unon. Il savait où était son devoir et elle savait où était le sien également, l'espoir était d'avoir rapidement un enfant, et certes, la jeune épouse était jolie, mais leurs divergences de caractère n'invitaient pas forcément au rapprochement et c'est pourquoi, il n'avait en rien pousser la jeune femme pour éviter de la brusquer.

Jon avait attendu qu'elle s'endorme pour se faufiler en dehors de la chambre. Il avait dormi deux ou trois heures à peine avant de se lever et que lord Glover ne vienne à le voir et il lui avait alors appris ce qui s'était joué en coulisses la veille au soir. Il se souvenait parfaitement du départ soudain de son père, Torrhen, et de son beau-père, Lyham Tully alors que les convives profitaient de la musique, de la nourriture et surtout de l'alcool qui ne manquait jamais dans ce genre d'événements. Et pourtant, ils avaient essuyé une tentative d'empoisonnement de l'ensemble des convives présents. Il savait que la Reine du Conflans Libre avait été finalement la plus touchée du lot et que le mestre était à ses côtés pour la veiller. La situation aurait pu dégénérer bien plus que cela et même si Jon était encore un jeune souverain, il était parfaitement conscient de l'incident diplomatique que cela aurait pu représenter avec toutes les têtes couronnées présentes à Vivesaigues. C'était néanmoins une jolie tentative de la part de l'ennemi et heureusement que cela n'avait pas eu l'effet désiré par ces derniers. Cela aurait foutu un sacré bazar, et ce n'était pas ce dont avait besoin l'Empire alors qu'il en était encore aux balbutiements de son existence. D'une certaine façon, on pouvait dire que le jeune Roi était déjà sur le pied de guerre avant même que l'aube ne soit totalement installée. Il avait cela dans le sang et il était difficile de changer une nature profonde, alors qu'il venait rarement à faire de longues nuits, juste quelques heures lui suffisant pour se sentir d'attaque. Et pour peut-être devoir affronter Sharra. La dernière fois qu'ils s'étaient vus, il était encore un simple prince dans l'ombre de son père, aujourd'hui, même s'il était toujours dans l'ombre de ce dernier, il était également Roi et la diplomatie était importante. « Les seuls qui savent réellement s'amuser sont les Nordiens. Dans les pays du Sud, il y a bien plus de convenance que chez nous. La nuit peut être longue, mais on la partage en étant égaux, avant que le jour ne se lève et que les statuts viennent à se redessiner. » Il resta quelques instants silencieux à la question qu'elle venait de lui poser concernant son mariage, son visage presque toujours aussi fermé à l'évocation de son épouse, qui devait sans doute encore être en train de dormir à cette heure-là, en imaginant que finalement, les choses pourraient être plus simples entre eux. « Je ne saurais dire véritablement. Être couronné roi et devenir aussi un mari en quelques jours, semaines d'intervalle sont des tâches importantes. Mais l'une aura toujours plus d'attente que l'autre. » Et pour le moment, c'était plus Eléanor que le Nord qui l'inquiétait, car il connaissait son peuple. « Vous chassez ma Dame ? Voilà qui me surprend. Si nous ne trouvons rien à chasser nous pourrons toujours nous promener à cheval. » Souffla-t-il.

Jon n'avait pas encore eu souvent l'occasion de voyager à travers Westeros. Certains pouvaient dire qu'il n'en était qu'au début de ses pérégrinations au cœur des différents royaumes qui composaient le continent, qu'il était jeune et qu'il aurait le temps de découvrir autre chose que son Nord natal qui apparaissait bien rude, bien austère et sans doute, peu agréable comme terre où vivre. Cela devait pousser les personnes vivants plus au Sud, à croire que personne, à moins d'y être véritablement obligé, ne pouvait avoir le désir de passer son existence entière dans un tel endroit à moins d'être fou. On lui avait conté des merveilles dans le Bief, ou même à Dorne, mais si un jour, il était prêt à aller jusque là-bas pour se rendre compte lui-même de la véracité des racontars, il était et resterait toujours un Stark, et pour lui, il était sûr et certain de toujours revenir à Winterfell, même s'il en revenait mort. Il n'était pas question qu'il soit enterré ailleurs que dans la crypte qui se trouvait sous la forteresse, auprès de ses ancêtres, auprès de ses oncles, mais également auprès de sa mère. Vivesaigues n'était pas chez lui, et même par le mariage, cette terre ne serait jamais chez lui. Il reviendrait sans doute pour le bien de cet Empire que son père et sa nouvelle belle-mère avaient décidé de créer. Il fallait renforcer les liens entre les différents dirigeants, mais le Nord serait éternellement son point de chute et de cela, il n'y avait pas besoin de douter un seul instant. Pour autant, aujourd'hui, il était dans le Conflans, il ne pouvait savoir véritablement où il serait dans quelques semaines ou dans quelques mois, suivant les besoins de l'Empire, pour aller faire la guerre sur des territoires bien à l'opposé de Winterfell. Qui sait, un jour, ses pas pourraient l'amener à nouveau jusque dans le Val. La seule fois où il s'était rendu là-bas, c'était pour les Festivités de Goëville. La guerre, alors, semblait d'une certaine façon bien lointaine, outre les dissensions qui n'avaient jamais cessé entre Harren Hoare et Torrhen Stark. Et il fallait bien avouer qu'à l'époque, cela avait été fort impressionnant pour le jeune prince héritier qu'il était encore alors. « Je me souviens encore de Goëville, votre Majesté. Je dois le reconnaître, vous aviez fait très fort à l'époque, et à quelques exceptions, tout Westeros avait fait le déplacement jusqu'à chez vous pour l'événement. Il est difficile d'oublier le succès que cela avait été alors, et je n'ose imaginer l'organisation que cela a du nécessité pour combler les demandes de chaque royaume, si différents les uns des autres. Vous savez recevoir, nous devons tous le reconnaître. »

Ce qui était dommage, cependant, c'était que les choses n'avaient pas durées par la suite. Quelques petits grains de sable, puis de biens plus gros avaient fait leur office et avaient chamboulé toute l'organisation de Westeros, montant progressivement les différents royaumes, les uns contre les autres. Jon était peut-être un tout jeune souverain, commençant à peine à entrevoir ce que gouverner pouvait signifier au sens large. Mais avec la présence de Loren Lannister à son mariage ou celle de Sharra Arryn, il était parfaitement conscient que derrière les sourires de façade, l'un comme l'autre n'avaient pas dévoilé tous leurs plans. Néanmoins, le Jeune Loup n'avait pas pensé un seul instant qu'il viendrait à évoquer à haute voix, même à mots couverts, les inquiétudes qu'il pouvait avoir concernant son mariage. Certes, il ne fallait nullement être dupes après la mine qu'il avait affiché pendant la cérémonie ou les festivités qui avaient suivi, mais l'exprimer à une personne extérieure à sa famille, c'était une toute autre chose. Il l'observa attentivement, haussant un sourcil surpris alors qu'elle se donna la peine de le conseiller sur le sujet et il ne chercha pas à l'interrompre un seul instant pendant qu'elle s'exprimait là-dessus. « Voilà des paroles pleines de sagesse à n'en pas douter un seul instant. Je ferai en sorte de ne pas les oublier, votre Altesse. » Elle avait sans doute raison, et il ne manquerait pas à son devoir conjugal pour le bien de la couronne mais pour le moment, la notion de plaisir était encore une chose abstraite pour lui. Néanmoins, elle sut encore un peu plus le désarçonner quand elle vint à lui proposer une partie de chasse. Cela faisait une éternité qu'il n'avait pas pratiqué. Entre la bataille de la Mort-aux-Loups contre les Sauvageons puis son départ pour la guerre contre Harren Le Noir, il n'avait pas pensé à prendre un temps pour lui et juste partir à la chasse, mais l'idée était aussi surprenante qu'agréable à envisager. « La chasse au faucon doit être fort intéressante à observer, peut-être que de nous deux, c'est moi qui jouerait les spectateurs. »

Jon inclina la tête en direction de la Reine-Mère du Val et de la Montagne, et il vint à regagner la chambre qui contenait encore toutes ses affaires, et se changea pour l'occasion. Venant à porter une tenue bien moins lourde que dans le Nord pour chasser, puisque là-haut, la neige semblait être une compagne perpétuelle, même à la meilleure période de l'année, il n'en restait pas moins que les alentours de Vivesaigues n'étaient pas encore totalement sécurisés, l'empoisonnement de la veille au soir le prouvait pleinement, il fallait donc être à l'aise et en même temps avoir une tenue qui pourrait le protéger un minimum contre une attaque ennemie. Sharra était déjà en bas quand il la rejoignit et il monta rapidement à cheval à son tour, avant de regarder vers le lointain quand elle parla d'avoir appris à chasser avec son père. « Non, je n'en ai pas eu véritablement l'occasion. Mon père est plongé dans la guerre depuis si longtemps que les moments père et fils ont été peu nombreux. J'ai appris avec mes oncles, et principalement, Brandon pendant mes jeunes années. Mais je n'en reste pas moins formé comme un Stark. » Dit-il en souriant légèrement.

Goëville était un événement qui avait marqué chacune des personnes qui y avaient participé. Tellement de choses avaient changé à partir de ce moment-là, mais il était certain qu'aujourd'hui, plus grand chose n'avait réussi à perdurer dans le temps. Le destin était venu les détourner de ce qu'ils pensaient comme acquis. La guerre se préparait bien sûr, mais ils étaient presque certains que pour eux, ils pouvaient y avoir des alliances plus fortes que d'autres qui leur permettraient d'avancer et de mettre à genoux, définitivement, l'homme, le royaume qui avait décidé de ramener l'obscurité sur Westeros. Harren Hoare avait rallumé le feu de la colère dans le cœur des hommes, et le jeu des alliances s'était alors mis en route. Mais pendant ce cours moment sur les terres valoises, il avait eu un consortium qui avait semblé se créer. Jeyne avait échang son premier baiser en compagnie de Lyman Lannister, Jon avait fait la rencontre de la maison Royce avec qui on avait envisagé une alliance maritale avec la première née de cette famille. Le Nord et le Val semblaient prêts à signer une paix durable, alors que l'Ouest s'apprêtait à venir en aide à sa future belle-famille, tous les Lannister ou presque faisant le déplacement ensuite à Winterfell pour pouvoir combattre les Sauvageons. Qui aurait pu croire que cela allait finalement virer à l'Orage, que le Nord et Peyredragon s'allient et viennent à s'opposer au Val. Que l'Ouest semblait finalement jouer à un jeu dangereux envers les différentes entités de Westeros. Et Harren Le Noir continuait à être un danger qui grandissait et il savait parfaitement que le souverain irait jusqu'au bout s'il le fallait, il ne s'arrêterait pas avant d'avoir éliminé Torrhen Braenaryon ou d'avoir été éliminé par lui. Après tout, c'était une bataille qui durant depuis une quinzaine d'années entre les deux hommes. Le sang avait coulé, beaucoup coulé, mais pour le moment aucun des deux n'avait véritablement pris le pas sur l'autre. « Vous avez peut-être raison votre Majesté, c'est peut-être un vestige du passé, et je trouve ça parfaitement regrettable car je trouve que votre idée était bonne. Malheureusement, la nature humaine est ce qu'elle est et vous ne pouvez pas être responsable des décisions d'autant de personnes profondément différentes. S'il est possible d'avoir des regrets que ce ne se soit pas aussi bien passé que vous l'auriez voulu, au moins n'ayez pas de remords d'avoir tenté une telle action. »

Chacun était parti se préparer pour pouvoir participer à cette chasse, ou à cette balade en tête à tête, un moment politique bien plus intéressant que la brève danse qu'ils avaient pu partager ensemble la veille au soir pendant les festivités de son mariage. Tout juste installé sur son cheval, quand elle vint à poser une question qui ne manquait pas d'être intéressante mais il garda le silence pour réfléchir à la réponse qu'il allait pouvoir lui donner. « C'est une éducation assez stricte, mais ai-je véritablement besoin de le souligner. Être un Stark c'est avoir le cœur noble, tourner sa vie toute entière pour son peuple voir même plus sans doute. Le Nord est une terre rude où il faut apprendre à vivre avec peu de choses. Le sol n'est pas aussi fertile que dans le sud, l'hiver semble toujours être sur le point de tomber sur le royaume mais les hommes et les femmes ont un cœur chaleureux, un feu qui brûlent en eux. Et être un Stark, c'est savoir ravivé la flamme pour pouvoir pousser chacun à se dépasser. La force de la meute est dans le loup. La force du loup est dans la meute. C'est une autre façon de penser, nous sommes profondément soudés les uns aux autres, même si ce n'est pas toujours évident. Mais c'est essentiel car nous sommes faits et façonnés pour la guerre quand celle-ci se présente, venant du Sud ou du Nord, par ces sauvageons d'au-delà du Mur. » Jon ne montra aucune émotion quand elle parla d'un rapprochement entre le père et le fils, d'une certaine façon, c'était déjà trop tard maintenant pour lui, pour eux. « Maintenant, sa vie est loin du Nord, et même après la guerre, elle restera loin du Nord. Il a son Empire à gérer, il a sa nouvelle femme, et bientôt il sera à nouveau père. Il aura bien de choses à s'occuper à Fort-Darion, et moi je désire plus que tout rentrer au Nord. » Rentrer chez lui et surtout y rester.

Jon n'attendait plus que la Reine Sharra et son animal qui allait les accompagner, et ainsi pouvoir montrer un tour de force sur la façon de chasser avec un faucon, un talent que l'on ne connaissait guère dans le Nord et qu'il était fort heureux de pouvoir connaître aujourd'hui. Le temps passé loin de Vivesaigues était une chose forte agréable. « C'est un bel oiseau que voilà. Il semble déjà sur le qui-vive. » Souffla le jeune souverain. Il regarda attentivement les mouvements que fit la Reine Mère du Val et de la Montagne avant d'observer l'envol du faucon. Il inclina doucement la tête devant la petite démonstration, puis ils commencèrent tout juste à se mettre en marche depuis la cour intérieur de Vivesaigues. « Je ne sais si je dois dire que je vous crains ou qu'au contraire que ce n'est pas le cas. Quelle réponse pourrait le plus vous offenser. » Il eut un léger sourire qui disparut presque immédiatement. « Vous savez que la Reine du Conflans est tombée malade hier soir après une attaque pendant le mariage … La situation dans le royaume est encore loin d'être pacifié, et il y a beaucoup de beau monde pour ce mariage, cela peut donc enfiévrer les ennemis de l'Empire. »

Il était ironique aux yeux du tout jeune souverain, et d'encore plus du tout nouveau marié, de plus apprécié un moment de chasse, avec une femme qui se révélait aussi belle en beauté qu'elle pouvait être piquante et pointue en politique. Jon était de ces enfants du Nord qui faisait passer bien souvent leurs devoirs avant toute autre frivolité, il n'y avait qu'à regarder les différents hommes dont il s'était entouré dernièrement, il pensait notamment à celui qui venait de prendre la suite de Conrad Omble, Bowen Glover, qu'il avait personnellement sous-estimé par le passé, ou plutôt qu'il avait trop largement envié d'une place agréable auprès du Roi en personne, auprès de Torrhen Stark, auprès de ce père qui avait été si inaccessible pour lui. Il y avait également Daemon Cerwyn avec qui il avait grandi. Chacun de ses hommes était contrit par le devoir et l'honneur qu'ils devaient rendre à leur famille, à leur maison, et à leur souverain. Après tout, on ne s'entourait bien souvent que des personnes qui pouvaient nous ressembler et qui étaient en capacité de nous comprendre un peu mieux également. En attendant, au lieu de profiter du corps nu de son épouse, et de remplir son devoir conjugal pour le seul plaisir d'être en compagnie d'une femme, il préférait largement être là, en cet instant, en compagnie de Sharra Arryn, bien qu'il savait qu'une telle rencontre, en tête à tête, ne manquerait pas de faire parler, et surtout pouvait être à double tranchants. Par bien des aspects, Jon n'était pas encore pleinement en mesure de capter tous les jeux de pouvoir qu'on pouvait mettre en place, et de ce qu'il s'était passé entre elle et son père, outre qu'ils savaient que leur relation avait dépassé de loin un cadre totalement formel, il n'avait jamais véritablement su ce qu'il s'était passé pour que l'alliance du Nord et du Val ne soit remis en cause. Quand les choses avaient été perdues, il était déjà lui, en mouvement avec dix mille hommes. Si son voyage devait normalement le faire passer par le Val pour ensuite atteindre le Conflans de Hoare, il s'était retrouvé à devoir passer la frontière du Nord et s'était retrouvé face aux Jumeaux, faisant le siège de la cité. Le dernier échange qu'il avait pu avoir, été une missive de la part de Ronnel, lui indiquant qu'un important mouvement de troupes allait lui tomber dessus. Depuis tout lien entre le Val et lui avait été rompu. « Non la dernière chose qui s'éteint quand nous venons à mourir, c'est la reconnaissance de toutes les possibilités que l'on a pu avoir, et qu'on a laissé filer parce qu'au moment où elles se sont présentées, il y avait un million de raisons pour ne pas prendre le risque. Cela peut être le pouvoir, cela peut être l'amour, cela peut être la famille … Personne n'est jamais véritablement en paix avec lui-même quand il passe de vie à trépas. »

Jon pouvait passer pour un homme sombre, mélancolique, voir même désespéré d'une certaine façon, contrit par le pouvoir mais surtout par le poids de ce dernier qui semblait s'être abattu sur ses épaules. Mais il côtoyait la mort depuis longtemps, et quand la nuit était la plus profonde, il souffrait de tout ce qu'il avait manqué, de tout ce qu'il aurait aimé dire ou faire, avec des personnes qui aujourd'hui n'étaient plus de ce monde. A la fin, c'était les regrets qui remontaient, les bons moments ne faisant pas le poids face à cela. Ils continuaient à deviser tout en continuant à avancer sur les terres de Lyham Tully pour cette partie de chasse quelque peu imprévue. Le Nord était un réel sujet de fierté pour le jeune homme. On vivait à la dure là-haut, mais peut-être qu'ils étaient alors bien plus conscients de la réalité des choses face à ceux qui connaissaient plus d'oisiveté dans le Sud. Cependant, la question de son père restait encore un sujet dont il lui était bien plus difficile de parler sans en ressentir une certaine amertume. Si c'était bien le sentiment qui allait avec, car la situation était si complexe avec Torrhen qu'il ne savait jamais comment l'expliquer un tant soit peu cela. « Lui a préféré le devoir à sa famille ... » Souffla-t-il du bout des lèvres, bien plus pour lui que pour Sharra. Néanmoins, quelque chose lui disait qu'il ferait en sorte d'être bien plus présent pour les enfants qu'il aurait avec Rhaenys, il fallait voir l'amour qui transparaissait dans son regard pour elle, chose qu'il ne se souvenait pas d'avoir vu aussi clairement pour sa mère. Il se redressa un peu pour répondre à la Reine-Mère du Val. « Le compromis est difficile en effet, et souvent il est impossible d'empêcher la balance de pencher d'un côté ou d'un autre. Il faut juste apprendre à vivre avec les conséquences de ces choix. »

Pendant quelques secondes, alors qu'il regardait le faucon monté si haut dans le ciel, il se dit qu'il aurait sans doute préféré être un animal comme lui. Certes, il avait été formé, et d'une certaine façon, il était enchaîné également, mais quand enfin on lui rendait la liberté, il pouvait monter dans le firmament, et avoir une sensation d'indépendance, de grandeur, comme les gens d'en bas ne pouvaient en disposer. Jon avait ressenti cela, quand il prenait sa monture dans les terres enneigées du Nord et qu'il partait sans s'arrêter, jusqu'à ce que son compagnon de route soit trop épuisé pour continuer à avancer. Rien était évident, pas plus que cette rencontre, pas plus que cette discussion. Il eut un léger sourire à l'égard de la souveraine du Val. « Nous n'avons qu'à dire que c'est à cause du faucon en effet, que j'ai des raisons de vous craindre. » Tout en avançant, il essayait de garder le regard sur l'animal. « Votre réputation n'est plus à faire votre Majesté, et je ne suis pas assez sot pour me laisser tout simplement conquérir par des mots doux et un joli sourire, que je vous reconnais bien volontiers. Vous n'êtes peut-être pas un dragon, mais vous avez ou avez eu autant de puissance de feu que Rhaenys. Il est toujours problématique quand les sentiments s'insinuent au sein des alliances et du jeu politiques. Je crois que j'aurai pu aimé vous appelez belle-maman. » Lui lança-t-il avec une malice dans la voix qui lui était assez rare. Il était bien d'accord que l'Empire que désirait créer Torrhen et Rhaenys venaient à exiger de chacun une réponse, la sienne avait été de suivre son père, de le suivre lui, bien avant de suivre la Constitution, bien qu'il se plierait à ses droits et devoirs notifiés. Mais quand son père ne serait plus, il faudrait alors réévaluer la situation. « Je suis avant tout le fils de Torrhen Stark, et bien avant l'Empire, cela faisait déjà de moi une cible de choix pour Hoare. Cela se généralise simplement ... » Il porta son regard au loin, avant de hausser les épaules sur la question de Eleanor. « Ce n'est pas parce que je ne me réjouis pas de l'épouse que mon père a décidé pour moi, que je ne peux avoir aucun respect pour elle. Je ne suis point un monstre. Et aujourd'hui, elle est sous ma protection. »

La mort était une vaste question, un sujet que Jon avait souvent cherché à aborder avec lui-même, ne voulant pas s'étaler avec d'autres personnes sur les idées noires qui lui avaient parfois traversé l'esprit. Les nuits étaient fréquemment courtes. Il n'était pas question de se livrer à une quelconque débauche dans l'alcool ou dans la luxure auprès d'une femme de petite vertu, ou même avec une maîtresse un peu plus officielle. S'il avait connu le plaisir dans des bras féminins, ce n'était généralement pas cela qui le tenait éveiller. Jon se posait une multitude de questions, depuis qu'il avait perdu sa mère, depuis que la pression du pouvoir s'était faite de plus en plus grande au cours de son adolescence et de toute la préparation nécessaire pour espérer voir un jour, un homme capable de prendre la suite de la légende nordienne que représentait Torrhen Stark. Le Vieux Loup était toujours debout, et avait réussi à se forger une réputation à toute épreuve, en tout cas sur le terrain militaire ainsi que dans la gestion d'un royaume aussi complexe que pouvait l'être le Nord. Alors, quand il avait été fait souverain sur un champ de bataille, par un père absent qui soudainement lui laissait la possibilité de faire ses preuves, tout en restant là, en tant que nouvel Empereur à la tête d'un empire aussi intéressant que disparate ou complexe. Cela avait diminué un peu plus le temps de repos nécessaire à tout esprit pour pouvoir penser avec un peu plus de clairvoyance, et cela laissait plus de place aux idées sombres. Et penser tout simplement à ce que tout ça pourrait donner quand la fin de la vie viendrait à approcher. Inévitablement le bilan, et pour quelqu'un comme Jon, il ne pouvait que redouter qu'il y ait plus de négatif que de positif dans l'équation que de positif. « Parce que justement, cette vie est faite d'errance et de tension. Vous, sans doute plus que moi, avez dû faire des choix, des sacrifices, est-ce que vous en êtes parfaitement satisfaite ? Il n'y a pas de vie idéale, alors pourquoi le bilan à la fin le serait-il ? Je crains que de toute façon, l'être humain soit bien trop prompt à trouver un moyen de se gâcher l'existence, dans cette vie ou dans l'autre. » Peut-être que la vie, ou plutôt que la mort viendrait à le surprendre véritablement et qu'il parviendrait à lâcher prise totalement pour se laisser emporter ailleurs. Cela serait la plus grande surprise au moment du grand saut. Il n'en restait pas moins un soldat, et au vu de la guerre qui se profilait, il avait plus de chance de laisser sa peau sur un champ de bataille, que de finir vieux, entouré des siens à Winterfell dans son lit. La question ne viendrait peut-être jamais à se poser si le coup était fulgurant.

Jon préféra garder le silence aux nouvelles paroles de la Reine-Mère du Val et de la Montagne, il ne pouvait pas réellement dire qu'il avait eu beaucoup de choix à faire, en tout cas, pas pour cet avenir qui était en train de se profiler. Son père avait œuvré, sans lui en parler directement, pour créer ce nouvel Empire avec Rhaenys Targaryen à ses côtés. Quand le prince était parti de Winterfell, l'idée de la lutte était seulement de contrecarrer définitivement Harren Hoare, il était bien loin d'imaginer un seul instant que tout allait prendre une telle tournure. Que le Val serait mis en porte-à-faux, au profit de Peyredragon rayonnant, que son père viendrait à se remarier, qu'il couronnerait un homme qui avait eu des ancêtres qui avaient régné mais était-il prêt lui-même à le faire face à ses anciens compatriotes ? Sans parler de la passation de la couronne du Nord à son profit s'il acceptait de signer la Constitution, ainsi que ce mariage, avec cette lady qui ne savait pas totalement tenir son rang, ou qui était incapable de le faire seulement quand son fiancé se trouvait dans la même pièce qu'elle. Qu'il était amer après son mariage, il aurait du au moins être en capacité de faire bonne figure, mais il se sentait pleinement pris au piège pour de trop nombreuses raisons pour parvenir à pleinement sourire. Au moins, cette partie de chasse imprévue avait le réconfort de lui faire prendre l'air et de s'éloigner en grande partie de tout le cérémonial obligatoire de Vivesaigues. Jon se tourna, néanmoins, quelque peu surpris par le discours de Sharra. « Dans tous les cas, il nous faudra assurer une descendance pour le bien de la couronne du Nord et au nom des Stark … C'est le devoir de tout à chacun ici bas … Pour autant, qu'est-ce qui peut vous faire penser que je dispose de la fibre paternelle ? Je ne suis pas certain d'être d'accord avec vous à ce sujet, je n'ai même pas su prendre ma part dans la construction psychique de mon propre frère au moment où notre mère a disparu. » Tout le monde faisait son deuil à sa manière, mais aujourd'hui, Jon venait sincèrement à regretter de ne pas avoir fait plus attention à ce petit garçon, qui se retrouvait orphelin comme lui. Il avait estimé à l'époque, que comme il était bien plus jeune, il ne pourrait connaître la même peine que son aîné et cela avait sans doute joué sur le façonnement de leur relation depuis.

Le jeune souverain s'était alors immiscé dans une discussion un peu plus intime qu'auparavant, ou plutôt, sur un sujet qui ne le concernait pas lui, mais son père et cette femme auprès de laquelle il était en train de chevaucher actuellement. Sharra pouvait bien se mettre à rire pour pouvoir cacher ce qu'elle avait envie, il n'était pas assez sot pour penser que la relation que son père et elle avait pu avoir, avait été pleinement platonique. Les rumeurs avaient roulé bon train à Winterfell à l'époque où elle s'était rendue dans la capitale nordienne, et Jon prenait un malin plaisir à observer le comportement des autres en société. Il y avait eu des regards qui en disaient longs à une certaine période, et il était certain que les deux se complétaient plutôt bien. Le feu et la glace. Non, elle n'était pas dragon comme Rhaenys, mais elle était tout aussi capable de faire son œuvre destructrice si elle le désirait, Sharra Arryn n'était pas une femme à sous-estimer loin de là. Quelque part, elle lui rappelait un peu sa propre mère. Il ne considérait pas Rhaenys comme une marâtre insupportable, mais il fallait bien avouer que son attitude ne le mettait pas plus à l'aise que cela. Elle aurait pu être son épouse, et aujourd'hui, elle avait épousé son père et venait parfois à l'infantiliser, d'une façon qu'il n'appréciait guère. Il la connaissait bien peu en réalité et il avait conscience que les nécessités politiques passaient toujours avant les convenances et les espérances personnelles. Les paroles de la souveraine faisaient écho à certains doutes en lui, et cette idée d'Empire que le nouveau couple projetait, était-il finalement si différent de ce que Hoare voulait faire lui-même ? « L'avenir finira par nous dire qui avait tort et qui avait raison dans tout cela. Mais dans tous les cas, la lutte sera âpre et la fin, ne sera certainement pas ce que l'on avait espéré. » Il se mit à suivre Sharra alors que l'oiseau semblait avoir repéré quelque chose et être rentré en phase d'attaque. « Je crois que nous sommes trop jeunes tout simplement, l'un comme l'autre, et trop sensibles sur certains sujets ... » Souffla-t-il plus pour lui que pour elle. Il réfléchit quelques secondes à la question, un sourire amusé se dessinant sur ses lèvres. « Je crois ne pas faire dans le plus original, mais si je pouvais je serai un de ces loups géants, qui passent leur temps dans la neige à traverser les grandes contrées glacées du Nord. Un loup solitaire, entièrement libre. Néanmoins, quand je vois votre faucon, je me dis que de voler, de voir Westeros depuis le ciel, serait une aventure toute aussi palpitante. Et vous, votre Majesté ? »

La destination finale était la même pour tous, ce qui venait à changer était le moyen pour chacun de parvenir à l'étape ultime, le parcours qui a été le sien tout au long de l'existence et qui viendrait à conclure cette traversée dans l'espace et dans le temps. Pour autant, ils étaient l'un comme l'autre nés pour avoir une destinée hors du commun, ils n'étaient pas là juste pour travailler la terre et espérer une bonne récolte le moment venu, et recommencer d'année en année. Ils étaient là pour faire des choses hors du commun, pour pouvoir recueillir les doléances et les espérances de tout un peuple et de faire au mieux pour les réaliser, tout en faisant avec ses propres désirs, ses propres réalités et de voir combien le pouvoir pouvait mener à une solitude extrême. On ne pouvait se couper du monde, car c'était en le regardant, en l'écoutant qu'on parvenait à comprendre, ou tout du moins à essayer de comprendre ce qui était essentiel et ce qui l'était moins. Sharra semblait bien plus flexible que lui, par rapport aux événements et aux embûches qui pouvaient intervenir sur le parcours, elle avait également plus d'expérience et peut-être qu'en gagnant de l'âge, on venait à gagner plus de sagesse également. Quant à la mort, elle viendrait sans doute bien trop vite, ou peut-être bien trop tard, tout dépendait le point de vue. « Je ne peux qu'espérer pour vous, et sans doute pour moi également que le moment venu sera à la hauteur du tableau que vous dépeignez, personne ne devrait partir dans la souffrance et la solitude. » Comme tout nordien, il se doutait d'une certaine façon que sa mort serait sur un champ de bataille, une épée l'aillant traversée de part en part et le laissant agonisant quelques secondes, quelques minutes, les yeux levés vers le ciel, à prier les Anciens qu'ils viennent à l'accueillir de la meilleure des façons. Verser son sang jusqu'à son dernier souffle, à l'image du reste des hommes de sa famille, était sans doute la plus belle des récompenses qu'il pouvait espérer. Mais pour le moment, il avait tant de combats encore à mener, qu'il ne pouvait laisser cette dernière l'emporter aussi rapidement sur la vie. « L'être humain est faillible par nature, c'est une chance autant qu'une malédiction, mais il est certain que pour les grands, on souhaite être à la hauteur, et on attend de nous qu'on soit à la hauteur de la tâche. »

Néanmoins, c'est le sujet du mariage qui revint, car après tout, s'ils étaient là, lui comme elle, c'était parce qu'il venait d'épouser la jeune, la trop jeune et naïve lady Eleanor Tully, pour en faire d'elle une partenaire avec qui régner sur le trône du Nord. La Reine-Mère du Val semblait pouvoir envisager qu'un jour ou l'autre, les deux viendraient à se rapprocher, à trouver un terrain d'entente et elle parvint à lui extorquer un petit sourire quand elle parla d'intuition féminine, sans doute que sa propre mère aurait été capable de lui sortir un tel discours, et là où avec son père, il n'y avait que de l'opposition, parfois farouche, avec Sigyn, il était presque certain qu'elle aurait su trouver les mots pour apaiser un peu plus son fils. En attendant, il était certain d'une chose, il refusait de devenir son père, il refusait de prendre les mêmes décisions, de faire les mêmes erreurs. C'était sûr qu'il viendrait à en faire, personne n'était parfait et il en était pleinement conscient à son sujet, dire le contraire serait une faute. Torrhen et Sigyn s'étaient aimés ou pas, il était difficile de le savoir même si Jon avait vu son père dévasté par la disparition de la Reine. Jon et Eleanor s'aimeraient ou pas, mais il se promettait qu'il ferait tout son possible pour être un père, un véritable père pour ses enfants et non pas la reproduction fidèle de Torrhen dans la façon dont il éduquerait les petits qu'il espérait avoir un jour. « Beaucoup de gens trouvent que je ressemble à mon père. Je ne sais toujours pas, aujourd'hui encore, si je dois prendre cette remarque comme un compliment ou non. » Quant à son frère, il espérait pouvoir parvenir à recoller les morceaux avec lui, ils avaient tant d'années de différence, et cela avait creusé un fossé à la mort de leur mère. Walton n'y était pour rien, pas plus que Jon, l'un était le suppléant de l'autre, et le premier devait se montrer digne d'être roi un jour et le plus vite possible était le mieux. Après le décès de Sigyn, Jon s'était concentré sur ça, et presque exclusivement sur cela.

« Un perce-neige ? Il doit y en avoir un peu dans le Nord, après tout, rien ne perce beaucoup là-haut et la neige vient même à tomber en plein été. Cela est une démonstration de détermination, de persévérance de votre part. Ce qui ne me surprend pas une seule seconde, mais cela a quelque chose de poétique et également, comme vous en réalité. Ne voyez nullement une tentative de séduction de ma part, cela serait inapproprié de ma part, mais … Et j'espère que vous ne verrez pas cela comme une critique ou une quelconque offense, d'un certain côté, vous me faites penser à ma défunte mère. Et cette balade est agréable. » Il était presque certain que cette promenade ne pourrait jamais se reproduire ou pas avant un bon moment mais il avait envie de lui dire que cela lui procurait de bonnes vibrations, même s'il y avait des choses qu'il ne pouvait pas dire ou pas totalement en tout cas. L'oiseau, néanmoins, avait réussi son coup et revenait fièrement auprès de sa maîtresse pour lui apporter sa proie du jour. « Certains ne diront rien, mais je ne doute pas que mon père et ma belle-mère ne seraient pas contents de ce petit tête à tête. Et puis je suppose que mon épouse doit me chercher. Nous ferions mieux de rentrer au plus vite, pour ne pas voir les mauvaises langues parler plus que nécessaire. »