Leur mariage n'avait pas pu être célébré aux Eyrié comme il était normalement de coutume quand il s'agissait d'une union royale. Si cela aurait sans doute été une très grande chance pour elle que son mariage y soit célébré, elle se souvenait encore parfaitement, et d'une certaine façon douloureusement du moment qui avait été celui de Ronnel et de Nymeria en pareille circonstance, elle était consciente que le contexte politique n'était clairement pas le même qu'à l'époque. Toute l'aristocratie, toute la noblesse du Val et de la Montagne n'avait pas pu être présente pour l'événement, car même si cela revêtait être une grande cérémonie, les mariages aussi royaux qu'ils puissent être ne pouvaient faire oublier la guerre et ce qu'elle venait à demander à quiconque y participait de loin ou de près. Pour autant, même si Ysilia avait par le passé, aspirée ou rêvée d'autre chose pour son union, pour cet événement si important pour elle, elle était néanmoins heureuse que cela se soit fait dans le domaine familiale de ses grands parents maternels. Cela lui donnait l'impression que tout était à échelle humaine, que malgré son rôle à venir, cela la représentait plus qu'autre chose. Mais il y avait surtout un élément qui comptait pour elle, elle devait déjà faire avec le fantôme de Nymeria Lannister, avec l'amour que Ronnel continuait à porter à sa défunte épouse, et si leur propre mariage avait dû se dérouler également aux Eyrié, elle aurait dû un peu plus faire avec le souvenir de la jeune femme et ça pouvait être un fardeau qu'elle allait devoir porter jour après jour et elle voulait au moins être tranquille pour le moment de son mariage.

Officiellement l'épouse de Ronnel Arryn, et donc par extension la nouvelle Reine du Val et de la Montagne, elle se sentait pour le moment encore un peu dépassé par les événements, et elle ne se sentait pas totalement légitime à cette place qui était la sienne. Elle savait néanmoins donner le change auprès des invités, recherchant par le regard l'approbation de son père et l'amour de sa mère. Cependant, elle savait que cette soirée était la sienne, et qu'elle se devait d'en profiter avant ce qui allait se profiler dans la chambre à coucher. Même si elle avait eu l'occasion d'en discuter en compagnie de sa mère et d'une de ses amies les plus proches, elle redoutait le moment pour différentes raisons. La première fois était une chose importante, elle ne voulait pas être rejeté par son nouvel époux à cause de son inexpérience. Néanmoins, elle venait tout simplement à se demander si ce dernier avait le désir d'un rapprochement physique avec la jeune femme. Certes, l'obligation du devoir exigeait qu'il se passe quelque chose entre les deux, mais vu la situation de cette union, vu le deuil et la tristesse qu'elle supposait encore présente chez ce dernier, elle avait d'une certaine façon peur qu'il ne vienne juste à l'embrasser sur le front avant de lui souhaiter bonne nuit.

Alors oui, elle profitait de la fête, venant à boire un peu plus que d'habitude, sans pour autant forcer le trait. Elle sentait ses joues se mettre à chauffer un peu, tout comme sa gorge, et elle discutait joyeusement avec ses amies, et celles qui allaient devenir ses nouvelles dames de compagnie. C'est alors que la musique s'arrêta et qu'on annonça le moment fatidique du coucher des nouveaux mariés. Elle eut à peine le temps de lancer un regard à Ronnel, qu'elle fut emmener par ses proches et qu'on vint à l'emmener à l'écart de la salle de réception pour pouvoir la préparer à la suite, à la nuit de noces. Sans trop qu'elle ne comprenne véritablement, sans qu'elle ne fasse totalement attention à tout le cérémonial, elle finit par se retrouver dans la chambre que sa mère avait occupé par le passé dans une simple chemise de nuit blanche, ses longs cheveux détachés dans son dos. Elle referma quelque peu ses bras autour d'elle, attendant la venue du Roi du Val.

Le mariage a été célébré sommairement, entouré d’une poignée d’officiers, de soldats et de gens de Chêne-en-Fer. Si tous les membres de la Maison Royce ont pu être présents, je n’ai guère eu une telle chance. Mère est actuellement à l’Ouest, ou plutôt embourbée auprès de nos alliés. Père a été fauché par Argilac il y a bien longtemps. Enfin, tous cousins ou cousines sont cloitrés dans leur domaine, en attente d’une attaque qui n’arrive pas ! Mes craintes qu’un mariage aussi expéditif puisse être mal accueilli par ma noblesse – ou le fait qu’Ysilia prie les Anciens Dieux – disparaissent à l’instant où je reçois les premières missives. Sourire aux lèvres, je suis ravi. A défaut de gagner une guerre, ou des batailles, j’avais réussi à réunir mes sujets sous une seule et unique bannière … il me faut encore une poignée de mois pour souder les rangs, à travers des actes, des discours ou des décrets. Alors, ni le Grand Septon, ni l’Empire, ni les Puissances Centrales, ni ce Nouvel Empire pourra à nouveau s’immiscer parmi nous : les Rois de la Maison Arryn pourront agir à leur guise, enfin !

La bonne humeur me gagne. J’ai, enfin, quelques bonnes nouvelles et perspectives d’avenir ! Je m’octroie le plaisir de boire quelques chopes de bières. Du coin de l’œil, je m’assure également de la consommation de mon épouse. Je ne compte pas les verres par malice, mais par courtoisie. Je me rappelle encore des conseils de la courtisane payée par ma mère, il y a quelques années. Mortifié et honteux, cette femme avait été assez patiente. Et instructive. Elle m’avait offert quelques conseils pour séduire les demoiselles. Les sens, l’hygiène corporel … et bien d’autres sujets. Evidemment, trop jeune, je n’ai écouté que d’une oreille discrète. Puis, je me suis lié d’amitié à un jeune lord assez dévergondé dont les récits très salaces me déroutent. Enfin, j’ai fini par me marier et faire mes propres armes aux côtés de Nyméria, n’échappant pas à ses commentaires francs sur ce qu’elle apprécie ou non.

Et donc, au milieu de ce brouhaha de souvenirs, je me rappelle qu’il est important d’ajuster sa consommation à l’autre. Si elle boit trois verres, je ne dois pas dépasser quatre. Si elle croque dans l’ail, je ne dois pas y dérober. Et passons. Et inversement, si elle déteste un aliment – ou une odeur - , je dois prendre garde de m’en asperger. Si je n’aime pas Ysilia d’un amour fou, elle n’en reste pas moins une amie que j’apprécie beaucoup et, surtout, mon épouse et ma Reine. Elle a accepté cette lourde charge, malgré les temps difficiles et incertains, sans broncher, sans faire de caprice … Je dois lui montrer, au moins, le plus grand respect. Quand elle s’éclipse, je comprends que l’heure fatidique approche. Et, à nouveau, une pointe d’angoisse se forme au fond de moi. Est-elle prête et, plus important, volontaire ? La question ne s’est pas posée avec Nyméria. Et, je dois avouer que je garde encore un mauvais souvenir de cette nuit avec la courtisane : douée, elle l’était, mais je n’ai guère aimé être forcé à la chose.

On me glisse à l’oreille que la Reine est prête. Et on me traine jusqu’à la chambre nuptiale de fortune. J’ai droit aux tapes et aux brimades … enivré, je suis incapable de maintenir un air sérieux, optant pour un air hagard et simple. Et subitement, je passe du bruit au silence, à l’instant où une porte claque dans mon dos. Et là, je la vois, dans sa plus grande vulnérabilité. Subitement, toute assurance me quitte, me sentant penaud et gauche.  On toque à la porte, me rappelant à un cérémonial des Sept. J’ouvre, à contre cœur cette porte, et déjà un Septon entre. Je m’assoie à côté de mon épouse et attend que l’homme finisse ses bénédictions et prières et disparaisse. Alors, je souffle.

- Je te remercie, dis-je, sachant pertinemment qu’une telle intrusion n’existe pas au sein des croyances  de mon épouse. Le silence s’installe à nouveau. Que faire ? Tenir sa main ? Plonger mon regard dans le sien ? Dire une blague quelconque ? Je ne vais pas être le goujat qui saute sur elle sans vergogne, quand même ! Un nouveau soubresaut de la porte me sauve ! Mon visage s’illumine aussitôt. J’y fonce, entrouvre la porte et récupère deux cages de taille moyenne. Je l’approche près de la brunette, regard amusé aux lèvres. En tant qu’épouse, il est temps que tu rencontres les lynx de notre Maison. Et qu’ils te rencontrent aussi, dis-je, ouvrant déjà la porte de la cage. Les créatures restent à l’intérieur, encore trop intimidés par ce nouveau lieu. J’ai grande hâte qu’ils soient assez grands pour impressionner – et non être impressionnés !

On dit qu’un mariage doit être consommé, en effet. Mais, à l’abri des regards, nous sommes libres d’en décider le moment. Et je me refuse de forcer Ysilia à quoi que ce soit dans cette intimité. Les choses viendront en temps, et en heure. J'en profite pour tendre la main, et l'inviter à s'asseoir au sol, à mes côtés.

Quelque soit le prestige du mariage qu'on faisait, qu'on vienne à manger dans des assiettes en or ou des coupelles en bois, qu'on vienne à boire dans des verres en cristal ou des gobelets de cuivre, finalement si l'union consacrée était une décision politique, commerciale et donc totalement arrangé, l'histoire se retrouvait être la même pour les gens de la haute noblesse, comme les personnes du peuple cherchant juste à améliorer un peu leurs conditions de vie en scellant de nouveaux partenariats. Chaque individu était néanmoins différent et on ne pouvait pas véritablement savoir comment les choses allaient évoluer. On venait souvent à dire que l'homme maîtrisait ce genre de situation, après tout, il était presque le seul et unique maître à bord et il était de convenance dans un tel mariage de ne pas faire de vague, et que si le mari n'était pas heureux, il ne tenait qu'à lui de prendre une ou plusieurs maîtresses qui pourraient le satisfaire en dehors des liens prononcés devant les Dieux et les Hommes. La femme, elle, n'avait guère de liberté dans un sens comme dans l'autre et elle devait faire ce qu'on lui demandait sans venir à protester. Bien évidemment, il était beaucoup plus simple pour Ysilia d'envisager un mariage décidé par sa famille et son futur époux quand on venait à connaître ce dernier depuis l'enfance et qu'on savait qu'il ne vous ferait jamais de mal dans l'intimité ou en public. La jeune fille de la Royce-aux-Runes était forte de cette certitude-là, mais il y avait des moments dans la vie d'une femme, que même la douceur ne pouvait permettre d'apaiser totalement l'esprit qui songeait à la suite des événements. Non, elle n'avait jamais pensé une seule fois qu'elle serait sincèrement aimée par l'homme qu'elle appellerait son mari, mais une petite part d'elle-même avait imaginé néanmoins diverses situations pour un moment aussi important que celui-ci et au final, elle était bien loin de la réalité. Mais c'était sa réalité, et elle viendrait à la vivre avec ce regard clair sur ce qui l'entourait et ce sourire poli à ses lèvres.

Ysilia avait fait quelques pas de danse, avec son grand père notamment, puis son père également, bien que cela avait été très rapide, Asher ne faisant pas parti de ces gens qui appréciaient des choses aussi simples, mais il était ce qu'il était et elle ne doutait pas que cela faisait de lui un merveilleux conseiller auprès de son royal époux, et c'était le plus important. Même si elle faisait en sorte de se montrer joyeuse au cours de la soirée, pour ne pas donner des sujets de discussions ou de polémiques à une Cour qui s'empresserait de colporter tout ce qu'elle pourrait colporter sur le nouveau couple royal. Pour autant, elle ne savait totalement comment agir et réagir vis-à-vis de son tout nouvel époux, car elle ne jouait pas le rôle de l'amie à ses côtés, et qu'elle ne le jouerait plus jamais. Elle osait à peine le regarder et quand elle avait été emmené pour la cérémonie du coucher, il y avait eu pendant une fraction de seconde un certain sentiment de soulagement avant que la panique ne la reprenne à nouveau. Elle savait ce qu'on attendait d'elle, ce qu'on attendait d'eux, mais la plus grande question entre toutes était de savoir ce que lui, le Roi Ronnel Arryn, attendait d'elle pour cette nuit-là. Son cœur manqua un battement, son souffle se coupa quand elle l'entendit passer la porte de la chambre qui serait la leur pour cette nuit. Elle tourna la tête dans sa direction pour le regarder attentivement, mais elle continua néanmoins à lui tourner le dos alors qu'elle n'était pas prête à présenter son corps couvert d'une si légère chemise de nuit blanche. Elle resta silencieuse, se forçant à bouger pour écouter le discours du Septon sans avoir l'impression de réussir à respirer normalement, mais elle se sentit soulager quand il finit par partir.

Ysilia attendait maintenant la suite des événements, totalement immobile, sans parvenir à bouger, sans être en capacité d'y arriver. Elle sursauta presque en entendant la voix de Ronnel s'élever dans la chambre qui lui semblait si froide à cet instant. Elle se mordit la lèvre quelques secondes avant de tourner le visage vers lui et de le regarder attentivement. Prête à répondre, on vint à nouveau à frapper à la porte et elle sursauta, désirant juste que cela s'arrête et que plus personne ne vienne à pénétrer dans ce lieu, comme si tout cela était tout à fait normal. Mais la vision qui s'offrit alors à elle, était si adorable qu'elle eut l'impression que le poids sur ses épaules était un peu moins lourd. Elle récupéra alors une couverture qui traînait non loin d'elle et elle la passa sur ses épaules tout en venant à rejoindre son mari. Elle glissa sa main dans la sienne et s'installa sur le sol à ses côtés. « Puis-je en prendre un dans mes bras ? » Elle se tourna vers lui, les yeux presque larmoyants, quelque peu perdue dans tout cela. « Pourquoi me remercies-tu ? »

Inconsciemment, mon regard se perd sur les courbes de ma nouvelle épouse, et je me surprends à en apprécier le spectacle. Si la morale ordonne la pudeur et la retenue vis-à-vis de cette amie d’enfance, et cousine de surcroît, la nature humaine pousse vers une direction bien opposée, et davantage primaire. Jusqu’à cet instant, j’étais persuadé que la soirée allait être bien froide et gênante, pour nous deux – malgré la grande beauté d’Ysilia. Or, cette vision a amplement suffi à échauffer mon imagination. Je soupire. Je doute que l’affaire soit réciproque. Mes soupçons se confirment dès que je la vois se couvrir avant de s’approcher. Je ne m’en formalise pas, guère étonné. Je suis davantage conforté sur la tournure des événements. J’ai bien fait d’opter pour une autre approche, bien plus sincère et moins protocolaire. J’abaisse le regard vers les bêtes, préférant me concentrer sur un tout autre spectacle et en oublier le précédent pour quelques instants.

- Il faut que je les habitue à toi, d’abord. S’ils ont peur, ils vont se défendre naturellement. Et leurs griffes se sont allongées en trois mois, et se plantent assez profondément maintenant, dis-je, en soulevant les manches de ma propre chemise pour révéler quelques cicatrices légères. Je sors chacun de leurs cages respectives, et les posent devant nous. Mes deux mains posées sur leur col, je remonte petit à petit jusqu’à leurs oreilles pour offrir une gratouille et terminer le tout sur le nez. Approches ta main d’un museau et attends patiemment.

Entre temps, je les libère de mon emprise. Pour autant, je ne les quitte pas du regard. Trois mois que je les traine à mes côtés, trois mois que j’étudie attentivement chaque geste et réaction. S’ils restent des bêtes imprévisibles, ils ont des habitudes greffées dans leur sang même. Et sur ces derniers que je me concentre à cet instant-ci.

- Je n’aime pas les mettre en cage, mais ils ont un grand mal à rester calme quand je m’éloigne longtemps et ils sont encore trop imprévisibles pour que je les amène avec moi pour de grandes occasions, soufflais-je, retenant de préciser qu’ils sont également de plus en plus sensibles à mes propres émotions. Je crains qu’ils attaquent un noble qui m’agace considérablement – mais que je pourrais encore supporter. L’idée me fait rire, malgré tout. Un sourire amusé se dessine sur mes lèvres, malgré moi. Je te présente Cendre, un mâle. Son pelage gris m’a inspiré. Et voici Chance, une femelle. Celle-ci a un don pour se sortir de sacrés guêpiers.

Chance, au pelage un peu plus roux, se montre à nouveau plus intrépide que son frère. Elle se relève et s’approche d’Ysilia. En quelques secondes, les pattes de la bête se sont posées sur les jambes de la jeune fille et le museau est tout tourné vers cette dernière. Son frère ne tarde pas à les joindre mais préfère tourner autour du duo, encore largement méfiant. Mon sourire s’évanouit pour quelques secondes, essayant de deviner s’ils jouent, ou s’ils chassent. Je me détends quand Cendre sursaute en latéral, et se met sur le dos.

- Je te remercie pour avoir supporté le sermon du Septon, finis-je par répondre, profitant pour offrir quelques caresses à l’un des lynx. Et aussi pour avoir été des plus agréables avec chacun, ce soir commentais-je. Tu n’as pas … à être gênée, conclus-je, ne sachant pas moi-même où je voulais en venir exactement.

Ysilia n'était pas assez innocente pour ignorer le regard que Ronnel posa sur elle pendant quelques secondes, peut-être une minute tout au plus. Il fallait dire que le jeune homme avait profité de la célébration des noces pour pouvoir boire et sans doute se donner de l'assurance ou tout simplement réussir à se détendre un peu. La jeune femme n'était pas assez irréfléchie pour être consciente que cette situation était peut-être encore plus complexe pour lui qu'elle ne l'était pour elle. Il avait connu une longue face de deuil, une année entière, et sûrement, vu le niveau de chagrin qui avait été le sien, ce n'était pas encore assez pour pouvoir envisager l'avenir avec une autre femme. Malgré tout, à cet instant bien précis, il semblait que Ronnel n'était finalement qu'un jeune homme qui se retrouvait face à une jeune fille presque totalement dénudée, car le linge était si fin sur elle que cela laissait voir ou plutôt, entrevoir, ses formes féminines qu'elle ne montrait sous aucune raison, même pour jouer avec son cousin lorsqu'ils étaient plus jeunes. Et c'est sans doute ce qui provoqua chez elle une légère chaleur dans le creux de ses reins, mais bien plus encore que cela, l'impression qu'il était possible que ce mariage fonctionne finalement. Mais après la longue discussion du Septon, ou plutôt son sermon donnant l'envie de somnoler, avait quelque peu refroidi la demoiselle et comme les lynx avaient été invités dans la chambre nuptiale, elle préféra mettre une couverture sur ses épaules pour ne pas s'enrhumer dès le premier soir de sa vie de couple.

La jeune Reine souriait à présent, plus détendue sans doute qu'elle ne l'avait été au cours des dernières heures. Le contexte plus intime était rassurant malgré tout, il y avait eu trop de personnes pour les scruter tout au long de cette journée particulière. « J'aimerai, en effet, éviter de saigner à la suite de morsure de la part de ses boules de poils aux dents acérées. » Les lynx étaient la propriété de Ronnel, de ce fait, elle se fiait à ses conseils les concernant et ne voulait pas faire de faux bas. Si l'homme était attaché à ses deux bêtes, elle se devait de se faire apprécier d'eux. Elle tendit alors la main comme il le lui indiqua, en direction des deux petits et attendit. « Je crois qu'ils sont comme des enfants, il faut prendre le temps de les éduquer, de leur apprendre ce qu'ils ont le droit de faire ou non … Après, cela n'en reste pas moins des animaux sauvages qu'il faut domestiquer, ils garderont sans doute toujours une part d'imprévisibilité. » Elle regarda la petite femelle du nom de Chance s'approcher d'elle et venir poser ses pattes sur ses jambes. Ysilia approcha doucement sa main, laissa la petite renifler cette dernière puis elle lui fit une légère caresse sur le sommet de sa tête. Elle les regarda se mettre à jouer joyeusement avant de tourner sa tête vers Ronnel. « Tout ce que j'ai fait aujourd'hui, ce soir, je l'ai fait par devoir et je l'ai fait pour toi … Tu n'as pas à me remercier ... » Elle s'approcha doucement de lui, posant un instant ses mains sur ses joues, puis son front contre le sien et elle resta là un moment en silence. « J'étais gênée quand tu es rentrée, oui. Mais en réalité, j'avais surtout froid … » Elle recula un peu son visage et le regarda dans les yeux. « Merci d'être gentil avec moi, et d'avoir amené cette distraction animalière. Je ne savais pas quoi te dire quand tu es rentré et le Septon était si solennel ... »

En voyant l’un des lynx s’acoquiner avec Ysilia, je me sens comme un gamin à qui l’on va priver d’un jouet. Cette scène me rappelle ma fonction de Roi, et maintenant d’époux – et bientôt de futur père. Je dois sécuriser l’avenir de mon Royaume et, par extension, de ma propre maison. Si j’ai grande confiance au Maitre Espion, le Capitaine de la Garde du Faucon – et par dépit, à mon Conseiller Royal –, nous vivons à une époque ou des hommes et des femmes commanditent l’assassinat d’enfants … Un lynx pourrait apporter une protection supplémentaire. Imprévisible, la bête pourrait mettre à mal les plans de quelques acteurs de l’ombre. Je n’ai aucune raison de craindre d’être la cible d’une telle ignominie et, pourtant, je ne peux pas baisser ma garde. Je préfère rester méfiant tant avec mes ennemis qu’avec mes alliés.

- J’ai déjà commencé à les éduquer … , dis-je, avec une certaine fierté. … et …

Et je me tais. Le geste de la brunette me surprend considérablement. Agit-elle par devoir ? Si oui, je ne désire nullement nous contraindre à davantage. Inversement, est-ce par amour ou par amitié à mon égard ? A nouveau, est-ce « juste » d’accepter un tel sentiment quand je suis incapable d’en offrir en retour ? Enfin, comprend-t-elle ce qu’elle fait, et sous-entend ? Un court instant, je m’interroge sur son passé. A-t-elle aimé quelqu’un ? La jalousie ne me titille pas, même si l’idée m’effleure. L’accord passé entre nos deux Maisons a été soudain, et rapide – comme le mariage. Si jamais elle a un soupirant, j’espère qu’elle a eu le temps de mettre fin à l’affaire et d’en faire le deuil. C’est une chose d’aimer avant le mariage, c’en est une autre après la cérémonie.

- Ils sont toujours solennels …  , répondis-je, subjugué par son regard.

Si ses mains sur mes joues et son front contre le mien éveillent à nouveau un intérêt que je pensais mort et disparu avec Nyméria, celui-ci tient plus d’une faiblesse que d’un coup de cœur. A nouveau, j’aurais pu résiter et patienter. Or, tous ces scrupules s’envolent lorsque nos pupilles se croisent et se fixent durant de longues secondes. Ysilia venait d’abattre mes dernières réticences. Tout naturellement, et presqu’inconsciemment, je me plaque contre ses lèvres. A ce contact doux et sucré à la fois, un frisson agréable me parcourt tout le corps. Malgré moi, je cherche à me montrer plus audacieux, tentant de prolonger ce baiser. La maladresse est de mise, ayant oublié toutes ces choses-là … et toute bonne chose a une fin, n’est-ce pas ? Je finis par mettre fin au baiser. La fièvre ne me quitte pas pour autant. Le rouge aux joues tant par l’excitation que par la pudeur, je la toise.

- As-tu toujours froid ? , glissais-je, la questionnant par la même occasion sur sa volonté et ses désirs. Je peux encore être patient, si elle en a besoin. Si elle insiste, ou joue davantage, je ne saurais pas promettre une telle chose. Nous n’en restons pas moins des humains, avec notre propre part d’imprévisibilité.

La présence des deux lynx venait clairement à apaiser un peu l'atmosphère, à moins que ce n'était seulement son ressenti. Il fallait dire que toute la journée s'était déroulée au pas de course et que même s'il y avait eu le banquet avec le temps de danse, tout cela était réglé à la minute près et si formel que cela venait à perdre un peu son charme. Pourtant, quand on était de l'autre côté, quand on était un invité, on venait à apprécier bien plus aisément ce genre d'événement. Certains pouvaient dire que c'est parce qu'ainsi, ils pouvaient boire et manger sans rien avoir à dépenser, comparant ainsi les banquets pour savoir chez qui on faisait la meilleure ripaille, alors que pour les femmes, les commérages étaient du pain béni. Qui allaient être présent ou non ? Qui aurait la plus jolie coiffure ou la plus jolie tenue ? Et on venait même à faire, bien souvent, des pronostics si le couple qu'on venait à unir devant les Dieux et les Hommes, allaient avoir des enfants, si les mariés allaient être fidèles l'un à l'autre, où si on venait à parier le nombre d'amants et de maîtresses qui ne manqueraient pas de s'infiltrer au fur et à mesure des années. Ysilia avait beau avoir reçu une belle éducation, il lui était arrivé par le passé à venir à participer à de telles médisances, pour l'amusement. Néanmoins, ce soir, elle refusait de faire parti du jeu et de se retrouver au cœur des discussions. Elle n'avait pas été sourde au cours de la journée, et elle n'avait pu ignorer les quelques fois où, non loin d'elle, elle avait entendu le prénom de Nyméria être prononcé du bout des lèvres. Elle n'était que la doublure et elle savait qu'elle ne pourrait jamais ni égaler, ni dépasser la défunte première épouse. Alors oui, la présence de ses lynx apaisait un peu son âme et permettait de créer du lien entre les deux jeunes mariés, au moins pour ce soir.

Pour autant, elle fut soudainement prise d'une envie d'un contact tendre entre Ronnel et elle, juste pour le remercier malgré tout de ne pas faire ressurgir sa peine et sans doute sa déception aussi sur elle, pour le remercier d'être encore un peu le cousin et l'ami qu'elle avait connu par le passé et qui avait toujours été gentil avec elle. Et juste peut-être, parce qu'elle avait besoin de son contact pour se rendre compte que tout était réel, que cette fois elle avait sauté le pas, et cela voulait tellement dire pour elle. Son époux vint à faire une petite boutade en direction des Septons et elle laissa échapper un rire. « Voilà ce que c'est que de se marier sous la Foi des Sept. Aura-t-on droit à un nouveau discours au petit matin quand nous serons dans l'obligation de nous lever et de paraître aux yeux de tous ? » Elle se retint de demander si un Septon allait venir voir dans la chambre nuptiale, et dans le lit conjugal si la jeune femme avait bien perdu sa virginité au cours de la nuit, si le Roi avait fait son devoir auprès de la Reine. Et alors qu'elle était dans ses pensées, le contact des lèvres de Ronnel la ramena immédiatement auprès de lui. Au départ, elle n'osa pas répondre à son baiser. Alors qu'il se faisait plus insistant, elle se laissa aller à fermer les yeux et à profiter du moment. Mais au plaisir de ce premier baiser, vint se rappeler à son esprit la première épouse du jeune homme, et elle sentit son cœur s'ouvrir par la tristesse.

Tout cela était faux. Une larme coula sur sa joue, et alors qu'il se reculait pour leur permettre de reprendre leurs souffles, les joues aussi rouges que celui du Roi, elle détourna le visage pour pouvoir effacer toute trace de ce chagrin. Elle baissa un instant la tête, alors qu'elle venait à tripoter ses mains, essayant de se calmer face aux différentes émotions et sentiments qui venaient à la submerger. Elle aurait aimé lui en parler, elle aurait aimé être honnête, mais si elle abordait le sujet, alors cette nuit serait définitivement gâchée et elle ne voulait pas que son mariage commence avec un échec. Elle finit par redresser un peu son visage, dessinant un sourire un peu penaud sur ses lèvres et répondit alors avec une pointe de malice. « Je dirais que la situation est en train de se réchauffer ... » Murmura-t-elle du bout des lèvres.

La Foi des Sept est mienne, aussi imparfaite et pompeuse soit-elle. Elle fait partie de l’héritage de mes ancêtres. Pourtant, je n’en reste pas moins souverain d’un royaume accueillant, en son sein, à la fois des croyants des Sept et des Anciens Dieux. Par conséquent, j’ai déjà croisé ces arbres blancs à la sève rougeâtre et aux feuillages rosés et je m’y suis assez intéressé dans mon enfance. Or, c’est une chose que d’être curieux, c’en est une autre que de prier. Un récent souvenir s’impose à mon esprit, crispant un brin mes traits. Je me suis déjà égaré, et j’en ai payé un lourd tribut. Aujourd’hui, j’ai largement appris ma leçon, sachant que je ne peux plus commettre une telle erreur.

- Ne pensons pas au matin, quand la nuit ne s’est toujours pas achevée, soufflais-je, subitement agacé de ces considérations.

Le septon, la Foi ou les protocoles me semblent subitement bien désuet et inintéressant en comparaison des perspectives de cette soirée. Inconsciemment, Ysilia a éveillé un appétit que je pensais perdu à tout jamais. Le baiser est maladroit – je le sais –, mais il nous suffit – j’en suis persuadé. La fierté laisse place, assez vite, à l’inquiétude. Elle pleure. Cette petite humidité à sa joue, ou encore sa hâte à porter sa main sur son visage ne m’échappent pas. Ma confusion est totale lorsqu’elle me répond avec sourire, voire malice. Désire-t-elle, ou se force-t-elle ?

- Nous sommes des enfants de parents avec forts caractères, ayant été éduqué pour toujours accomplir notre devoir. Cependant, dans l’intimité de nos appartements ou de tout autre lieu, nous pouvons nous permettre de refuser, ou de nous exprimer librement. Nous n’avons pas à nous étouffer mutuellement avec le devoir. Je ne veux pas que tu te forces, et en garde un souvenir amer. Si ce n’est pas ce soir, ni les suivantes, je peux malgré tout attendre. Je sais que nous finirons par être mari et femme aux yeux de tes Dieux et des miens. Tu as été choisie et couronnée Reine, je suis né et j’ai été couronné Roi. C’es toi et moi, maintenant.

Je peux patienter, malgré tout.

- Je vais remettre les lynx en cage, te laissant le temps de décider. Si tu souhaites que je sois ton époux, ce soir … fais le moi savoir en te débarrassant de cette couverture, dis-je avec un sourire amusé – ou une tentative du moins. Si tu souhaites être courtisé seulement, alors garde ta couverture. Tu en auras grand besoin, car nous parlerons, nous jouerons et nous nous courtiserons toute la nuit.

En somme, il ne sera pas question d’imposer un rude hiver entre nous. Avant d’être ma Reine, ou mon épouse, elle est surtout une amie d’enfance que j’apprécie et que je respecte. A défaut de lui offrir un amour inconditionnel et fou, je lui promets déférence, écoute et amabilité. Est-ce suffisant pour une jeune femme ? J’en doute fortement. Est-ce que je suis fermé à tout sentiment à son égard ? Cette soirée suffit à prouver qu’aucune porte ne peut être close à tout jamais. Qui sait ! Vais-je à nouveau ressentir des émotions vis-à-vis d’elle …

Je me relève, ordonnant aux deux félins de revenir. L’impatiente me ronge, car je n’offre que la vue de mon dos à ma cousine pour lui offrir assez de temps – et de liberté – pour faire son choix. J’entreouvre la porte pour confier les bêtes à un garde, et referme sans tarder. Et alors, je me retourne pour connaître la réponse d’Ysilia.

Ysilia était bien consciente que la question de la religion était un sujet des plus sensibles au sein du Val et de la Montagne. Ronnel était un souverain qui avait décidé de tenter une action, un véritable pèlerinage au cœur de son royaume, et cela n'avait fait qu'augmenter les tensions entre les uns et les autres. Elle ne voulait nullement lui rappeler un mauvais souvenir ou qu'il ne vienne à penser qu'elle méprisait la Foi des Sept. Elle voulait juste trouver un moyen de détendre l'atmosphère alors qu'ils étaient tous les deux tendus malgré l'apaisement que les lynx avaient su leur apporter. Elle se nota, alors, dans un petit coin de son esprit qu'il valait mieux éviter ce genre de propos à l'avenir. Elle savait que d'une certaine façon, elle allait devoir marcher en équilibre au moins les premiers temps, face à la Cour, face au peuple, pour pouvoir prendre cette place en tant que Reine, mais également face à Ronnel, pour obtenir cette place en tant qu'épouse. L'union sacrée par laquelle ils étaient passés, n'était qu'un acte, qu'une prise de décision, mais cela ne faisait pas tout malheureusement. Elle hocha légèrement la tête, tournant à nouveau celle-ci vers Chance et Cendre, comme pour pouvoir puiser d'une simple caresse sur leur pelage doux, un peu de force. « Oui, tu as raison, bien évidemment. »

Le froid ne devait pas s'installer et cet instant de complicité qu'ils avaient créé, ou plutôt, qu'ils avaient retrouvé, avait nettement réchauffé l'ambiance entre les deux jeunes époux. Le temps avait semblé s'arrêter pendant quelques secondes, cela avait été fugace mais pour autant, cet instant volé avait bel et bien existé. Ses lèvres sur les siennes avaient provoqué une sensation extraordinaire dans le cœur de la jeune femme et dans son corps aussi, elle qui n'avait jamais connu autre chose que le baiser tendre d'une mère pour son enfant sur la joue. Elle avait envie de devenir femme, elle avait envie de connaître autre chose, elle avait envie de passer à l'étape d'après, mais il y avait comme une petite voix qui continuait dans son esprit à lui indiquer que tout cela n'était que pure illusion, qu'il n'y avait pas réellement d'envie, qu'il ne pouvait pas y avoir d'envie, car ce n'était pas celle que son époux désirait encore aujourd'hui à ses côtés. Et elle s'était soudainement sentie profondément perdue, alors que son corps et sa tête venaient à réagir de deux façons totalement différentes. Elle essaya de camoufler tout cela rapidement, et d'essayer de rire légèrement après ce baiser échangé. Mais, ce dernier s'effaça légèrement quand Ronnel se mit à lui parler, en toute franchise.

Je ne tarde pas à pousser un dernier râle de plaisir, puis à m’effondrer aux côtés de la brunette. Le souffle court et haché, je suis heureux. Je dirais même que je suis euphorique. J’ai l’impression qu’un long Hiver vient de se terminer, et que l’Eté est enfin là. Je commence à comprendre pourquoi les hommes dépensent leurs soldes en vins et, surtout, en femmes. En une nuit, elles nous permettent d’oublier tous ces tracas du quotidien – ou du pouvoir – et à nous faire envisager le monde d’un œil nouveau, joyeux et presque candide. Est-ce qu’Ysilia ressent la même chose ? Je plonge mon regard dans le sien, à la recherche d’une réponse, d’une émotion ou d’un sentiment. D’autres interrogations ne tardent pas à m’envahir. Par exemple, a-t-elle ressenti autant de plaisir que moi ? Les Sept ont sculpté les hommes d’une telle façon qu’il est aisé de savoir s’ils ont été contentés. A l’inverse, les femmes et leur intimité sont nimbés de secrets et de mystères, leur octroyant le droit de feindre ou non. C’est perturbant et intéressant à la fois. Je suis empli de doute mais tout autant curieux d’essayer à nouveau et de différentes façons pour voir s’il y a un changement dans son expression, sa voix ou ses gestes.

Puis, mon regard s’égare sur ses courbes et ses formes. Une pointe de fierté nait dans mon cœur, à l’idée d’avoir une jolie épouse et bien faite. Et subitement, une question m’obnubile. Comment ai-je pu être aveugle à ces charmes féminins ? Je pousse un soupire, rejetant aussitôt la pensée. Je sais pourquoi je n’ai jamais vu Ysilia, ou d’autres, mais ce n’est ni le lieu, ni le moment de l’évoquer, que ce soit dans ma caboche ou à haute voix.

- Comment te sens-tu ? As-tu mal ? , finis-je par demander, avec une certaine hésitation. Est-ce maladresse ou non d’interroger une dame après un tel instant ? Je ne saurais le dire. Je n'ai connu que trois femmes, en comptant Ysilia même, durant cette courte existence.

Suis-je déçu ? Non, j’ai été plus que satisfait de l’affaire – et à ma propre surprise. Ai-je été passionné ? Je ne saurais pas le dire, refusant de raviver certains vieux souvenirs au risque de gâcher cette euphorie oubliée – mais agréable. Est-ce que la trouve stupide ? Aucunement. Elle exprime simplement ses premiers sentiments, et je suis assez fier que ces derniers soient positifs. Au moins, à défaut d’avoir eu une première expérience agréable, j’ai pu offrir un meilleur souvenir tant à ma première épouse qu’à la seconde.

- Si tu as des doutes sur ma passion, nous aurons suffisamment de nuits pour que tu statues , répondis-je, en la gratifiant d’un sourire charmeur malgré moi.

Je retrouve un mordant que je pensais perdu. C’est bien agréable. Si je lui ai promis que je serais fidèle à nos vœux tant qu’elle m’accepte à ses côtés, je suis assez heureux de constater qu’une telle promesse ne sera pas difficile à tenir. Je connais son caractère, et je sais donc qu’elle sera une amie et une épouse agréable et responsable. Cette nuit m’a davantage conforté à l’idée que nous pouvons espérer un ménage harmonieux – avec la possibilité de s’aimer sincèrement, un jour –, à défaut qu’il soit brûlant de désir et d’amour immédiat.

- Les hommes ne peuvent pas dissimuler leur déception, ou leur plaisir. Nous avons … une virilité … démonstrative, dis-je, choisissant mes mots avec une certaine prudence.

Je ne pense pas que j’ai à développer davantage mes propres avec ce premier échange entre nous.

- Par contre, vous, les femmes êtes plus discrètes. Nous ne savons jamais si vous êtes satisfaites, ou non. Nous sommes bien obligés de retenter nos chances et deviner vos humeurs.

Je me rapproche également d’elle, me collant à nouveau contre elle. J’en profite pour humer encore cette délicate odeur. Malgré moi, un second plaisir semble prêt à animer cette virilité en question. Déjà frémissante, elle menace de retrouver sa vigueur de l’instant. Je me contente de plonger mon regard dans le sien, cherchant à connaître sa réponse. Il n’y a pas besoin de brusquer, pour le moment. Nous avons suffisamment le temps avant qu’une nouvelle mauvaise – ou bonne – ne s’abatte sur mon Royaume.

***

Le matin ne tarde pas à pointer son nez, à ma surprise. La nuit a été courte comme tant d’autres, mais bien plus agréable – presque reposante, même. Un réveil accompagné d’une figure familière, et appréciée, aide davantage à considérer la journée à venir d’un œil neuf – et presque positif. On toque à la porte, mais je leur interdis d’entrer immédiatement d’une voix forte et autoritaire. Tranquillement, je me relève et traverse la pièce pour récupérer quelques vêtements pour moi, ou la chemise de nuit pour Ysilia. Je m’approche de cette dernière pour la gratifier d’un baiser à la commissure des lèvres.

- Je pourrais les faire patienter encore quelques temps pour profiter encore de toi, lui soufflais-je. A moins que je ne me berce d’illusions …, soupirais-je, entendant de nouveaux coups.

Quels soient les événements qui articulent mon existence – le deuil de mon père, de ma première épouse, ou mes deux mariages –, il y a toujours un homme ou une femme pour me rappeler que le temps ne s’arrête pas, que le Royaume doit continuer à tourner. Aujourd’hui, je ne suis plus cet enfant capricieux qui se terre au fond d’une tour. Je suis un homme habitué à sa charge, la portant au mieux.

La découverte avait été loin d'être désagréable, et sans doute que d'une certaine façon, elle s'était inquiétée bien plus qu'elle ne l'aurait dû de ce moment si intime entre elle et son tout nouvel époux. Néanmoins, il y avait eu tellement d'attente autour d'un possible projet de mariage, tellement de pression quand celui-ci se finalisait et que la date des noces approchait, tellement d'inquiétude de ne pas parvenir à être à la hauteur pour la maison Royce, la maison Arryn, pour le peuple du Val, pour le rôle qu'on allait lui confier sans savoir un seul instant si elle était véritablement digne de tout cela, si elle avait les épaules pour. A la fin, chaque petit détail était devenu une source possible d'angoisse pour la jeune fille, car même si toute l'aristocratie du Val et de la Montagne n'était pas présent, on viendrait à la jauger sur sa tenue, sur sa coiffeur, ses gestes, sa diction et même jusqu'à la partie la plus intime de cette union. Dans quelques heures, on viendrait à faire éclater la bulle de bonheur dans laquelle elle se trouvait à présent, pour vérifier si le mariage avait bel et bien été consommé, pour prendre le drap blanc sur lequel le jeune couple se trouvait pour le présenter à toutes les personnes présentes, de la noblesse ou des serviteurs, pour attester que la nouvelle Reine avait bien perdu sa virginité auprès de son mari au cours de la nuit partagée ensemble. Et on viendrait alors à la scruter dans les jours, les semaines à venir, pour voir si elle avait ses règles, ou si le moindre petit retard pouvait présager de la venue prochaine d'un heureux événement.

Chacun de ses mouvements allait être à présent analyser, et elle voulait encore profiter pendant quelques heures de la joie d'une première étreinte qui avait été sincèrement désiré par l'un comme par l'autre. Ce n'était pas parfait sans doute, ce n'était pas passionné, mais elle avait goûté à quelque chose de nouveau qui avait su la charmer. Elle se mit à rire doucement en entendant les paroles de Ronnel. Elle se redressa un peu et elle vint à lui voler un léger baiser au coin de ses lèvres. « Me voilà déjà rassurée, si tu penses à passer plus d'une nuit à mes côtés ... » Son rire se fit encore plus fort alors qu'il parlait de sa virilité. Elle jeta un rapide coup d'oeil en direction de l'attribut en question alors qu'ils étaient encore nus, l'un contre l'autre et elle se mit à rougir tout en relevant le regard en direction de son époux. Cela n'était certes pas très beau, mais quand on savait l'utiliser, cela pouvait apporter beaucoup de bonheur. « Je ferai en sorte, de ne pas vous mentir là-dessus non plus, ou pas trop … Il faut savoir ménager les nerfs de son époux. » Souffla-t-elle doucement, alors qu'elle sentait un frémissement le long de sa cuisse. Elle se mordit les lèvres un instant avant de venir embrasser tendrement le jeune homme. « Je crois que ta virilité démontre, un nouvel envie de moi … Ce serait dommage de s'en priver. » Ses joues brûlaient devant son audace mais pour autant elle ne voulait pas se détourner de cette perspective.

***

Elle ne saurait dire à quelle heure avait-elle fermé les yeux, mais dès que le sommeil l'avait gagné, elle s'était aussitôt endormie, d'un sommeil plus que paisible dans les bras de l'homme qu'elle avait épousé. Elle ne s'éveilla qu'au moment où Ronnel fit comprendre aux personnes qui attendaient derrière la porte, avec une certaine avidité, qu'il désirait qu'on leur laisse encore un peu de temps. Elle se mit à bouger dans le lit, remontant la couverture sur ses épaules alors que son corps nu se rendait compte soudainement de la fraîcheur de la pièce dans laquelle il se trouvait. Elle eut un sourire délicat quand Ronnel vint l'embrasser et elle ouvrit les yeux pour la première fois pour les poser sur son époux. « Si cela ne tenait à moi … J'aimerai que nous passions la journée tous les deux, ici ... » Elle récupéra sa chemise qu'elle enfila avant de soupirer en entendant elle aussi de nouveaux coups. « Je crois, néanmoins, votre Majesté, que nous sommes attendus. » Elle se redressa et passa ses bras autour du cou de son époux, venant l'embrasser avec plus de passion. « Je ne sais ce que la journée nous réserve, mais je sais que nous nous retrouverons ce soir. Et que cela sera le meilleur moment pour moi. » Lui dit-elle doucement.