Le Nord est parcouru en tous sens, à chaque saison, par quantités de chasseurs et de trappeurs. La terre y est exploitable, mais en tirer le fruit demande tant d’années de travail, tandis que les pillages fréquents des fer-nés et des sauvageons peut remettre en question le sort de villages entiers si leurs cultures sont touchées. Toujours les hommes du Nord, et parfois les femmes, ont traqué les bêtes qui pullulent dans ses sombres forêts ou ses collines venteuses. Cervidés en hardes entières, sangliers, lapins et autres volatiles, tous sont recherchés pour leur viande, leur fourrure ou leurs plumes. Certains chasseurs de renom se sont fait une réputation de légende ; ainsi ce sont des cornes de créatures d’au-delà du Mur ou des crocs de féroces prédateurs qui ornent bien des cheminées des châteaux et demeures du Nord, en particulier chez les clans des Montagnes.
Rien, pas même son habitude des meutes qui l’attaquent parfois, n’aurait toutefois pu amener Thorgan, un chasseur d’Atrès-les-Confins à la rencontre qu’il fit au détour d’un vallon brumeux. Des hurlements à glacer le sang. Les reliefs d’un carnage absolu, les restes de plusieurs bêtes de bétail équarries et dévorées à même le sol. La végétation de la forêt était couverte de sang et le brouillard étouffait peine les grognements de la bête. Par deux fois, une ombre gigantesque passa non loin du trappeur, plus habitué aux ours et aux daims qu’aux loups, depuis longtemps chassé par battues aux débuts du Printemps… Mais cette année, avec tous ces hommes partis faire la guerre au sud, personne pour chasser les meutes et en contrôler un rien la nombreuse reproduction. Un loup ? Un monstre ? Il plaça deux flèches dans l’encolure de la bête. Réfugié en haut d’un arbre, à deux doigts de perdre le contrôle de ses sphincters, l’homme vit la bête se jeter sur le tronc. Un loup qui, debout sur ses pattes arrières, atteignait les branches basses !
Montant plus haut, Thorgan vida son carquois sur le monstre mais rien n’y fit. Le garou lacéra le tronc à l’en faire craquer et le trappeur dû sauter sur l’arbre suivant. Puis encore un autre. Un coup de griffe lui laboura l’épaule ; la plaie abominable ruisselait de sang et l’engourdit bien vite. Désespéré, le chasseur dû se rendre à l’évidence : il était bien moins dangereux et moins rapide aussi que la bête. Conscient qu’il n’allait pas tarder à tourner de l’œil -et à mourir- s’il continuait ainsi sans pouvoir faire un garrot à ses terribles blessures, l’homme franchit un sapin abattu au dessus d’un ruisseau encaissé. La bête le poursuivit et manqua de le happer d’un coup de sa puissante mâchoire… Mais le tronc craqua. De ses mains seules, à bout de forces, Thorgan parvint à se hisser sur le bord du précipice et y sombra dans l’inconscience. A son réveil, des amis l’avaient retrouvé. Porteurs de baluchons de fourrures de Castor, ils avaient fait bombance plus en aval du cours d’eau et avaient entendu le raffut de la terrible lutte entre l’homme et la bête. Accourus aussi vite que possible, ils avaient pu sauver leur compagnon… Et constater le cadavre du monstre, fracassé sur les rochers dix mètres plus bas. Visiblement, la bête n’avait été qu’estropiée durant la chute, et elle avait mis des heures à mourir.
Thorgan survécut, mais de justesse. En cherchant pourquoi le monstre était si loin au sud et pourquoi un pareil carnage, ils découvrirent plusieurs louveteaux. Déjà grands pour des canidés… Et qui ne feraient que grandir. Quand Lady Omble apprit la nouvelle, loin au sud, elle fit envoyer le plus beau specimen à Winterfell, un autre mourut rapidement sans savoir se sevrer de sa mère, et un dernier resta pour le fils que ne manquerait pas d’avoir le Maréchal Omble un jour prochain…
A son arrivée au château, l’animal fut offert en présent à la Princesse Sigyn, qui bien que bambin, semblait vite s’accrocher à la créature. Bien que prudent, le Roi Jon obtempéra au désir de sa femme, et c’est Eléanor avec le maître chasse et le veneur de Winterfell, qui s’occupèrent du petit Loup pour tenter de l’apprivoiser.
Voir la jeune louve caracoler proche de la Reine et de la Princesse raffermit la fierté des sujets du Roi, ils perçurent l’adoption comme un présage de bonne fortune dans les épreuves à venir.
L’Hiver venait peut être, mais un nouvel allié aiderait les Stark à le passer.