Alysanne était morte, Lysara avait encore du mal à le croire. Et pourtant, elle l’avait vu, là, endormie, définitivement sr son lit. Elle avait demandé plusieurs fois au mestre pour être certaine que sa belle-sœur n’était plus. Lysara avait longtemps porté le noir et elle le portait encore dans les couloirs de Vivesaigues. Elle avait dû prendre un peu la place d’Alysanne au sein de la forteresse des Tully. Chléa était auprès de la jeune reine du Nord. Eléanor aurait sûrement besoin de tout le soutien que pouvait lui apporter la douairière de la maison de la Truite. Chléa avait tout connu aussi bien la joie de donner un fils à son époux comme celui de voir ses grossesses mal se terminé. Les nombreuses fausses-couches et enfants mort-nés ou en mort en bas-âges expliquait la grande différence d’âge qui existait entre le roi du Conflans Libre et sa cadette. Mais désormais, Lysara devait agir seule, au mieux pour tous ceux qui s’étaient réfugiés entre leurs murs. Alors comme chaque matin ou presque depuis la disparition tragique de la reine des Rivières et des Collines, Lysara se leva rapidement, laissant l’une de ses femmes de chambres l’aider à se préparer. La jeune demoiselle lui releva les cheveux et s’apprêtait à lui tendre l’une des robes noires et bleus sombres que la jeune princesse affectionnait depuis quelques jours lorsque la Truite Argentée la contredit d’un léger signe de tête. Depuis la veille, son frère et son jeune écuyer étaient revenus à Vivesaigues. Alors pour une fois, la princesse des Rivières et des Collines demanda à ce qu’elle lui apporte une robe plus claire.

La jeune femme s’exécuta, évidement, tout en laissant poindre un petit sourire à la commissure de ses lèvres. Elle revint rapidement dans la pièce et aida sa maîtresse et revêtir sa robe et sorti ensuite d’un petit écrin au velours bleu une magnifique chaine au bout de laquelle pendait une petite étoile à sept branches. Du bout des doigts, la Truite Argentée caressa le pendentif avant de se donner du courage pour faire comme chaque jour les tâches qui lui incombaient. Et ce fut au détour d’un couloir qu’elle tomba nez à nez avec le jeune écuyer de son frère. « Ser Sacha Racin. » fit la jeune princesse un maigre sourire aux lèvres et pourtant très sincère. Lysara Tully était évidemment heureuse de voir entre les murs de la demeure de la maison Tully Lyham et le jeune Racin. Elle se sentait alors un peu moins seule. Mais elle savait aussi qu’elle devrait aller voir son aîné et roi. Elle devait lui parler, ils devaient se parler. « Je suis heureuse de vous revoir, malgré les circonstances. » lâcha alors la jeune femme. D’un geste de la main, la princesse des Rivières et des Collines invita l’écuyer à la suivre dans les couloirs de Vivesaigues. « Je devais aller me recueillir pour prier les Sept, m’accompagnerez-vous ? » demanda alors la jeune femme qui avait pris cette habitude depuis le premier jour où son frère et son père avait dû suivre la folie du Noir.

Ordinairement, Lysara Tully aurait souri face à la remarque du jeune Sacha Racin. Mais en ce jour, l’aînée des deux femmes encore présentes entre les murs de Vivesaigues n’en avait pas la force. « Vous le serez bientôt. Je prends seulement un peu d’avance » répondit simplement la jeune princesse des Rivières et des Collines. Evidemment, elle aurait pu être plus bavarde que cela mais la Truite Argentée avait du mal à redevenir elle-même. La perte d’Alysanne était encore vive et Lysara Tully devait composer entre ses tâches et rester à l’écoute des interrogations et des demandes de ses neveux et nièce. S Brandon réagissait comme il l’avait déjà fait lors de la mort de son grand-père, Charissa semblait d’avantage affecté par la perte de sa mère. Elle savait Alysanne proche de sa petite dernière contrairement à sa relation avec Eléanor. Et Lysara devait lui parler régulièrement pour lui expliquer les choses. Trouver les mots pour parler de la mort, du fait que l’Etranger lui avait ravi sa mère était délicat et Lysara ne voulait pas brusquer la jeune princesse du Conflans Fédéré. Alors elle avait pris l’habitude de se recueillir et de prier les Sept devant le petit autel familial qui se trouvait dans une aile de la demeure des Tully.

La princesse des Rivières et des Collines demanda alors naturellement à l’écuyer de son frère s’il voulait l’accompagner. Lysara ne s’attendit pas spécialement à ce que le jeune garçon accepte mais il le fit et cela ravie la Tully. Non pas qu’elle espérait qu’il vienne prier avec elle. Elle ne l’obligerait pas. Sacha était libre de ne pas prier autant les Sept qu’elle-même le faisait. Après tout, son frère lui-même était moins tourner vers les Sept que pouvait l’être sa cadette ou sa mère Dame Chléa Tully. Alors la Truite Argentée fit signe à l’écuyer de l’accompagner dans les couloirs de Vvesaigues. « Comment se porte mon frère ? J’aurai aimé lui apprendre différemment. » avoua la cadette des enfants de la maison Tully. Elle avait dû écrire en urgence à son frère pour lui apprendre l’horrible nouvelle. Elle aurait préféré lui dire de vive voix. Mais Lyham était loin et elle n’avait pas eu d’autre choix que de lui envoyer une missive par messager pour être certaine qu’elle arrive au plus vite. Elle aurait voulu être là lorsque son frère apprendrait la nouvelle mais ce n’avait pas été le cas. Et depuis son retour à VIvesaigues, la jeune femme ne l’avait pas encore vu, ou plus particulièrement, elle n’avait pas encore osé le déranger. « Sacha, la relation entre mon frère et son épouse n’était pas comme toutes les autres. Saviez-vous que leurs noces sont le fruit d’un amour sincère ? Leur union n’est pas le résultat de négociations politiques. » fit la jeune femme en ouvrant la porte et en posant un regard soulagé sur l’autel des Sept. La Truite Argentée avait parcouru d’un bon pas les couloirs et la distance qui la séparait du lieu sacré.

« Je vous en prie, prenez la place qui vous conviendra le mieux. » ajouta avec un peu plus de lumière dans les yeux la princesse. En présence des Sept, Lysara retrouvait un peu de sa force et de réconfort. Beaucoup sûrement ne comprendrait pas mais la jeune femme était ainsi. Et à dire vrai les deux seules femmes à réellement penser comme elle n’étaient autre que sa mère, bien loin en ce moment et sa suivante Lady Bonru. Lady Bonru connaissait bien sa princesse et elle était tout aussi pieuse qu’elle. Elle était à l’origine de beaucoup chose concernant la princesse des Rivières et des Collines. Elle avait d’ailleurs soutenu la jeune femme dans la construction du nouveau Septuaire à Vivesaigues. Et sans sa présence, Lysara Tully se serait probablement écroulée lorsqu’elle avait réellement pris conscience que sa belle-sœur avait été emportée par l’Etranger.

La Truite Argentée marchait aux côtés de l’écuyer de son frère. Elle prenait garde de ne point le perdre dans les couloirs de la forteresse de Vivesaigues. Même si le jeune Racin devait maintenant commencer à bien connaitre les lieux, la princesse des Rivières et des Collines pouvait aisément concevoir qu’il ne sache pas tout de la demeure des Tully. Elle, en revanche, en connaissait les moindres recoins, la moindre porte ou presque. Des lieux qui lui étaient même interdits, elle le savait, il y en avait et elle prenait garde de ne point franchir l’interdit. Soucieuse comme toujours du bien être de ses proches, la jeune princesse finit par demander des nouvelles de son frère. Elle avait eu la lourde tâche de le prévenir par corbeau de la mort de la reine Alysanne. Une missive qu’elle aurait préféré ne jamais avoir à écrire. Elle s’tait d’ailleurs excuser de ne point avoir pu le lui dire elle-même. De ne point avoir pu être là pour le soutenir. Alors lire la surprise sur le visage de l’écuyer de Lyham et puis entendre ce qu’elle savait et ce qu’elle redoutait la plongea dans une grande tristesse. « Je suis contente de savoir qu’il ne l’a pas lu tout seul. » souffla la jeune princesse en guise de réponse à la remarque du jeune Racin.

Puis elle le conduisit jusqu’au petit oratoire où elle avait pris l’habitude de se retirer pour prier les Sept. Elle le laissa entrer et referma la porte derrière eux. Elle alla d’un pas lent jusqu’à l’autel et l’invita à prendre la place qu’il souhaitait. Un peu avant, elle avait confié à Sacha la vérité sur le mariage entre Lyham et Alysanne. Cette union, cet amour, c’était peut-être pour cela que son frère était aussi mal. Alors levant les yeux vers la petite statue de la Mère, elle se signa et prononça quelques paroles. « Ces mariages sont rares et précieux. Et puis… je doute que mon frère trouvera réconfort ici. Je le connais trop bien pour savoir qu’il n’a pas ma Foi. » reprit d’un ton un peu triste la jeune femme. « Il aura besoin de vous. Vous êtes son écuyer, celui qui se trouvera au plus près de lui prochainement. Moi je vais devoir rester ici. Ici est ma place et pourtant j’aimerai pouvoir l’accompagner lorsqu’il repartira de Vivesaigues après les funérailles. » Lysara marqua un silence et se tourna vers le jeune Racin. « Croyez-vous aux Sept ? » sa question était dénuée de tout caractère accusateur. Elle savait son frère peu croyant, elle priait pour deux depuis des années déjà. Elle savait que sa mère en avait fait autant pour leur père. A croire que les femmes de la maison Tully était plus croyante que les hommes ou bien tenait-elle cela de sa mère ? Lysara Tully, princesse des Rivières et des Collines ne le savait pas. Elle ne pouvait que constater. Et elle avait peur que tout ceci n’éloigne qu’un peu plus son frère des Sept là où elle, elle trouvait refuge et force. Et si la Truite Argentée priait en ce moment la Mère pour le repos de sa reine, elle savait que bientôt elle prierait la Jouvancelle et le guerrier.

La jeune princesse des Rivières et des Collines avait conduit l’écuyer de son frère jusque devant les Sept. Elle se tenait face aux statues et les contemplait avec une étrange lueur dans les yeux. C’était comme si la jeune femme ressentait la présence des Sept à ses côtés. Elle eut un fin sourire sur les lèvres alors que le jeune écuyer lui assurait qu’il serait là pour son roi. Elle était heureuse de savoir que Lyham ne serait pas seul lorsqu’il repartirait sur les champs de bataille. Autant venir à Vivesaigues pour les funérailles de la reine du Conflans était une épreuve pour son frère, autant, elle le savait, repartir en serait une autre tout aussi difficile. La Truite Argentée ne quittait que rarement du regard les différentes statues qui représentaient les Sept. Et puis elle finit par demander à Sacha Racin s’il croyait aux Sept. Sa réponse fit tiquer la jeune femme. Elle pouvait entendre que les différents événements aient pu entacher la Foi des hommes et intérieurement, Lysara Tully se félicita presque de prier les Sept pour ceux dont la foi était vacillante que ce soit son frère ou ce jeune garçon. A croire qu’ils avaient vu trop de choses pour garder leur Foi intact ou bien n’avaient-ils tout simplement pas sa Foi à elles, à sa mère et elle. La Truite Argentée ne trouverait probablement pas de réponse à cette question. Et à dire vrai, elle devait avant tout faire barrage à ceux qui oseraient dire que le Conflans fédéré était un royaume d’hérétiques. Elle avait trop fait pour que le Grand Septon voit enfin le royaume de son frère comme un royaume de fidèles des Sept.

Sacha Racin lui affirma qu’il croyait au moins aux dieux mais peut-être pas aux Sept. La princesse des Rivières et des Collines se tourna vers l’écuyer et lui offrit un petit sourire. Et un petit rire s’échappa finalement de ses lèvres entrouvertes lorsqu’il parla des enfers. « Oh non, n’ayez crainte. Cela ne vous vaudra pas les enfers. Les Sept ne sont pas ainsi. Ils pardonneront vos égarements. Comme ils pardonneront un jour à ceux qui ont fait brûler mon père. Ils se sont égarés sur le chemin de la Foi. » Lysara Tully en était persuadée. Et elle passa une main affectueuse comme le ferait une sœur sur la joue du jeune Racin. Combien d’hommes encore seraient envoyés sur les champs de batailles ? Combien de temps devrait-elle encore prier les Sept ? Combien de temps allait-elle rester seule dans la demeure des Tully alors qu’elle ne savait même pas si sa nièce allait mieux, si sa mère s’acclimatait toujours aussi bien à la vie dans le Nord. Si la jeune femme s’écoutait, elle demanderait probablement rapidement à son frère de demander au roi du Nord que leur mère rentre sur leur terre ; Mais elle le savait, Eléanor avait encore besoin de la reine-mère pour l’aider et la soutenir.

« Vous devez me trouver bien dévote à vous avoir amener jusqu’ici. » souffla la jeune Truite Argentée entre ses dents.

La Tully remarqua le rougissement des joues du jeune Racin. Mais la princesse des Rivières et des Collines ne prononça aucun mot. Elle ne voulait pas le mettre encore plus mal à l’aise qu’il ne l’était déjà, de ce qu’elle pouvait en juger. Non elle préféra écouter ce qu’il avait à dire au sujet de la religion. Il ne voulait pas que l’on juge les autres religions. Lysara aurait tendance à dire pareil que lui. Mais elle ne pouvait concevoir qu’il y ait une autre religion à Vivesaigues ou dans le Conflans Libre. Pourtant elle savait que par exemple que l’Empereur ne priait pas les Sept. Dans le Nord les hommes priaient ceux qu’ils appelaient les Anciens Dieux. Son neveu par alliance lui écrivait souvent qu’il priait les Anciens pour elle. Et si elle lui en était reconnaissante, elle espérait pourtant que sa nièce Eléanor prierait encore longtemps les Sept. Et d’ailleurs elle n’avait dire qu’elle n’avait pas que peu de confiance envers cette femme que Eléanor qualifiait de Sorcière des Bois. Elle ne doutait pas d’ailleurs que sa mère, la reine-mère Chléa Tully, ferait en sorte que cette femme n’est qu’un rôle secondaire dans la naissance de l’enfant de sa petite-fille. « Vous avez raisons, nous ne sommes pas jugent ici-bas. Seuls les dieux peuvent nous juger. » souffla alors la Truite Argentée.

La princesse des Rivières et des Collines se retourna vers l’imposante statue de la Mère et pria pour sa reine et sa nièce. Et ce fut à ce moment-là que le jeune Sacha Racin lui indiqua qu’il allait la laisser prier en paix et qu’il se tiendrait seulement à quelques. « Vous sentez-vous aussi mal à l’aise devant eux, Sacha ? » demanda alors, un peu inquiète et sur un ton de l’incompréhension la jeune princesse du Conflans Libre. « Peut-être que vous aimeriez leur dire quelques choses ? » reprit alors la rousse en souriant au jeune écuyer de son frère. Les Sept n’étaient pas jugement ou cruauté. Ils pouvaient aussi écouter les mortels. D’ailleurs la jeune femme leur parlait surement bien plus qu’ils ne lui parlaient. Mais cela importait peu à la jeune femme. Elle trouvait du réconfort auprès des Sept et c’était bien cela qui comptait le plus pour la cadette des enfants Tully. C’était peut-être pour cela que son frère ne les priait pas autant qu’elle. Il espérait peut-être des réponses claires à ses questions ? peut-être qu’ils n’arrivaient pas à leur faire suffisamment confiance pour accepter toutes les épreuves qu’ils leur imposaient, de la mort de leur père sur les bûcher de leur foi à la mort si prématurée et injuste de la reine Alysanne. Lysara Tully pouvait l’entendre mais cela restait inconcevable pour elle d’un jour leur tourner le dos. Là était sans aucun doute la plus grande différence entre Lyham et elle. C’était aussi peut-être parce qu’elle avait été plus élevée par leur mère que Lyham. Chléa avait inculqué à sa fille la Foi des Sept bien plus que la Septa qui était au service des Dames de la maison Tully depuis le mariage de la fille aînée de l’ancien Lord Piper. Chléa Tully était une femme pieuse et elle avait transmis sa piété presque dévote à sa fille. Et la présence de Lady Bonru dans l’entourage de la jeune princesse n’avait fait que renforcé la Foi de la jeune femme avec le temps.

Lady Lysara Tully priait les Sept alors que le jeune écuyer de son frère se tenait non loin d’elle. Elle avait bien senti que le jeune garçon ne semblait pas très à l’aise. Alors la Truite Argentée avait voulu en savoir un peu plus. Non pas pour le juger mais pour comprendre. Mais le jeune Racin se ferma et sa courte réponse laissa sans voix la jeune femme. « Ne vous inquiétez pas. Les Sept veillent sur nous… tous. » répondit avec douceur la princesse des Rivières et des Collines en jetant un regard attendrit et presque maternel sur l’écuyer de son frère. Elle appréciait le jeune garçon et nul doute qu’elle prierait ardemment le guerrier pour qu’il protège son frère le roi et tous ses hommes. Et puis la jeune femme laissa le fils de Lord Racin se retirer tout en priant les Sept pour qu’il trouve un jour la force de leur parler. Les Sept pouvaient se montrer très à l’écoute tout comme s’éloigner à première vue de ceux qui les délaissent. Mais la princesse en était certaine, son père avait trouvé sa place auprès d’eux après sa mort quant bien il ne les avait pas autant priés qu’elle le faisait ou que sa mère le faisait. D’ailleurs, elle se demandait comment sa mère pouvait les prier dans le Nord, si loin d’un autel des Sept. Les Nordiens priaient davantage les Anciens Dieux, elle l’avait bien remarqué après quelques échanges avec son neveu par alliance. Et si cela ne la dérangeait point outre mesure, elle espérait sincèrement que sa mère puisse prier comme elle le souhaitait ses dieux, tout comme sa nièce.

« La reine du Nord, Eléanor Stark, née Tully m’a parlé d’une sorcière des Bois. Avez-vous déjà rencontré une telle personne ? » questionna alors subitement la jeune femme prise d’une certaine angoisse à l’idée que sa nièce puisse un jour renier ses dieux. L’idée lui semblait improbable mais la dernière missive de sa nièce lui laissait penser que la jeune reine s’était un peu trop prise d’amitié pour cette femme qui au regard de la princesse des Rivières et des Collines semblait bien étrange, si ce n’était dangereuse. Elle se demandait d’ailleurs si elle allait aider la reine à accoucher de son enfant malgré la réponse assez stricte à ce sujet que lui avait fait la Truite Argentée. En y repensant, la fille cadette des Tully joua nerveusement avec son collier et le pendentif en forme d’étoile, symbole des Sept qu’elle portait à son cou.

Lysara Tully était nerveuse, cela pouvait se voir. La jeune femme s’était mise à fixer tour à tour les différentes statues des Sept. Elle jouait aussi avec son petit pendentif en forme d’étoile. Sacha Racin le remarqua évidement mais avant de lui demander si la sorcière des Bois était la cause de cette nervosité, il lui répondit au sujet de cette femme du Nord. « Vous semblez l’apprécier, Sacha. Vos mots parlent pour vous. » fit remarquer la jeune princesse des Rivières et des Collines. La Tully se mordit les lèvres alors que le jeune Racin lui confiait que la reine du Nord aurait de la chance de l’avoir à ses côtés. Lysara n’aimait pas cette idée. Eléanor était une Tully avant tout, une fille des Sept et non une nordienne. « Les mestres ont le savoir de la citadelle, jeune Racin. » siffla entre ses dents la Truite Argentée. Comment pouvait-on dire que cette femme avait plus de connaissance qu’un mestre qui avait passé des années à apprendre à la citadelle des mestres. La jeune femme ne pouvait simplement pas le concevoir. « Un mestre a une connaissance que cette femme n’a sûrement pas. Je doute qu’elle est passée une bonne partie de sa vie à apprendre comme l’on fait nos mestres. » ajouta l’air contrarié la fille cadette de Chléa Tully. « Heureusement que Mère sera là pour veiller sur Eléanor. » souffla la jeune femme en levant son regard vers la Mère.

Lysara poussa un soupire avant de répondre à la question du jeune Racin. « Je n’apprécie tout simplement pas qu’une femme comme elle se trouve dans l’entourage de ma nièce. C’est mon devoir de m’inquiéter pour elle. Alors ce n’est pas qu’elle me trouble mais tout simplement que je préférerai qu’elle ne soit pas aussi proche de la princesse du Conflans Libre et Reine du Nord. » Lysara serra le pendentif à s’en faire mal. Elle n’aimait pas cette idée et le fait de le dire n’y changeait rien. Elle aimerait se trouver dans le Nord pour pouvoir veiller sur sa nièce et sa seule consolation était de savoir sa mère sur place. Lysara était aussi pieuse que sa mère. C’était Chléa Tully qui lui avait transmis cette piété et la jeune princesse savait que sa Mère ferait tout pour que sa petite-fille continue de prier les Sept même dans le Nord. « J’ai peur que la reine s’éloigne des Sept à cause de cette femme. » souffla la princesse des Rivières des Collines comme pour confier ses craintes aux Sept.

« Un mestre a des connaissances qu’il a apprises au pris de longue années. Une sorcière fait de la sorcellerie. » lâcha dans un souffle la princesse des Rivières et des Collines jouant machinalement avec son pendentif. Comment pouvait-on comparer les deux pratiques. Lysara Tully ne pouvait le comprendre. Elle ne pouvait comprendre la réaction du jeune Sacha Racin. Le jeune écuyer de son frère semblait totalement sous l’emprise de cette femme. Et ce qu’il lui dit ne fit rien pour rassurer la jeune femme. L’entendre parler ainsi de la sorcière des Bois ne faisait que renforcer ses craintes. Cette femme allait peut-être détourner sa nièce des Sept et personne ne semblait le comprendre. La Truite Argentée se signa rapidement et nerveusement. « Parce qu’elle semble avoir le cœur sur la main et beaucoup d’amour à donner elle serait forcément quelqu’un de bien ? Ceux qui arrivent le mieux à nous nuire n’ont pas le visage de l’Etranger, jeune Racin. C’est mon devoir de me méfier des autres pour mieux protéger les miens, quant bien même cela devait concerner ceux qui nous servent depuis toujours. Et le fait que la reine du Nord, une Tully se trouve loin de nos terres n’y change rien. » répliqua la princesse des Rivières et des Collines. Puis la jeune femme se leva et fixa le jeune écuyer de son frère.

« Ce n’est pas parce qu’elle prie les dieux de nos alliés et qu’elle semble douce qu’elle est forcément bonne ! » lâcha avec froideur la fille cadette de Chléa Tully. Elle s’approcha du garçon et finit par se mettre à sa hauteur à l’enlacer. « Un jour vous comprendrez que se méfier un minimum est gage de survie et de protection. La reine du Nord est ma nièce et j’ai déjà trop perdu de membre de ma famille pour me permettre d’accorder ma confiance à la première venue, surtout lorsqu’on me la présente comme une sorcière. Je respecte ceux priant les Anciens, son époux les prie bien et je sais qu’il a aidé mon frère lors de la dernière campagne. Mais cette femme ne m’a encore rien prouvé. » souffla alors Lysara Tully d’une voix qui se voulait plus douce. Puis elle se releva et jeta un coup d’œil aux statues des Sept. « Vous pouvez me trouver dure et injuste mais je suis la princesse des Rivières et des Collines et si mon frère se bat sur un champ de bataille je dois en faire en sorte qu’il le fasse en sachant que ceux rester en arrière sont protégés. Je ne ferai rien contre elle, mais si je dois dire et redire à ma nièce qu’en tant que reine elle ne peut accorder sa confiance facilement alors je le ferai. » Eléanor avait le privilège de pouvoir faire semblant d’accorder sa confiance mais cela ne pouvait marcher que si elle devenait plus méfiante envers les autres. Et la Truites Argentée ne voulait pas que sa trop grande douceur ne cause sa perte. Si sur les terres du Conflans Libres elle était chez elle, cela n’était pas totalement le cas dans le royaume du Nord. Elle était une reine de naissance étrangère avec tout ce que cela impliquait. Le Nord n’était pas le Conflans de son enfance. Les hommes étaient différents et Eléanor devait s’adapter rapidement mais pas au détriment de sa propre survie.

« Vous savez reconnaître les personnes mauvaises lorsqu’elles ne se cachent pas, Sacha. Votre père ne cachait rien, votre dos s’en souvient encore. Mais certaines personnes sont plus fourbes et masquent leurs réelles attentions derrière des sourires et des gestes doux. C’est de cela qu’il faut se méfier. » répliqua d’un ton peut-être plus dur qu’elle aurait voulu qu’il soit. La Tully ne pouvait s’empêcher de penser à sa belle-sœur qui avait subi une tentative d’assassinat. Elle ne pouvait s’empêcher de penser que le mal était venu de servantes, de gens en qui la maison Tully avait confiance. Alors évidement, le tout avait été commandité par des ennemis mais ceux qui avaient agi. La princesse des Rivières et des Collines serra les poings. Le jeune garçon semblait si sûr de lui et pourtant, au vu des circonstances et de tout ce qui s’était passé depuis quelques mois, la Truite Argentée le trouvait parfois un peu naïf, une naïveté qu’elle avait elle-même parfois mais qui lorsque l’on parlait des siens s’estompait rapidement.

Lorsque le jeune garçon lui rappela qu’elle avait une famille alors que lui n’en avait pas vraiment, la jeune femme laissa une grimace s’étirer aux coins de ses lèvres.
« Ma famille s’étiole avec le temps vous savez. Quant à la vôtre, la famille n’est pas que celle du sang. Vous faites parti des nôtres maintenant. Depuis que vous êtes devenu l’écuyer de mon frère, vous faites bien davantage parti des Tully que des Racin. Ne l’oubliez pas. Et vous faites donc parti des gens que je me dois de protéger même si cela vous déplait. » répliqua la princesse des Rivières et des Collines en se rapprochant de la statue de la Mère. Elle pria la Mère et le guerrier avant de se tourner une dernière fois en direction du jeune garçon.
« Vous ne la connaissez pas assez pour en être certain. N’oubliez pas qu’une pointe de méfiance est gage de survie. Elle n’est peut-être pas mauvaise mais elle n’est peut-être pas bonne ou du moins pas autant que vous le pensez. Elle est nordienne et la reine Eleanor est riveraine, ne l’oubliez pas non plus. C’était votre princesse avant de devenir leur reine. Mais je prierai les Sept pour que vous ayez raison. Parce que dans le cas contraire... » Lysara Tully ne finit pas sa phrase. Le sang de la Truite Argentée ne pouvait souffrir de perdre un autre membre de sa famille qu’importe que le mal vienne d’un royaume allié. Mais elle savait aussi que le roi du Nord, bien que distant envers Eleanor, respectait ses engagements qui incluaient sa protection.

La discussion tournait en rond, la princesse des Rivières et des Collines Lysara Tully le sentait bien. Le jeune Sacha Racin ne comprenait pas mais la jeune princesse des Rivières des Collines ne lui en voulait pas. Il était encore jeune et même s’il avait vécu des choses ignobles il n’avait pas encore la sagesse de ses aînés. Lysara n’était pas toujours aussi forte, aussi déterminées ou aussi adulte. Elle était parfois encore enfantine et elle aimait ces moments où elle pouvait l’être. Mais en l’absence de sa mère et désormais de sa belle-sœur, elle devait endosser leur place et leur faire avec courage. C’était en les Sept qu’elle puisait sa force et cela peu de gens arrivaient ou voulaient le comprendre. Depuis les actions menées par le Grand Septon, beaucoup se détournaient des Sept. Lysara Tully en était attristée. Les Sept n’étaient pas responsables des actes des hommes qui agissaient en leurs noms.

La Truite Argentée sourit aux mots du jeune Racin. Elle comprenait facilement sa volonté de vouloir les protéger. Mais c’était aussi à eux, souverains, famille royale des Rivières et des Collines de protéger ceux qui étaient près à donner leur vie pour eux. La protection était réciproque et un jour Sacha Racin le comprendrait. La cadette des Tully tourna doucement la tête vers l’écuyer de son frère lorsque ce dernier repris la parole et lui confia que tout se passerait bien. Lysara Tully hocha simplement la tête un petit sourire timide aux coins des lèvres. Elle l’espérait réellement. Elle allait lui répondre lorsqu’il devait le rejoindre. Lysara ne bougea pas lorsque le jeune garçon se retira doucement en lui souhaitant une bonne journée. Elle le savait, sur les champs de bataille Sacha Racin devrait protéger son roi mais elle savait aussi que Lyham ferait tout pour préserver au mieux ses hommes. Il n’était pas Harren le Noir, il n’était pas un Hoare prêt à perdre autant d’hommes qu’il le faudrait pour parvenir à ses fins. La jeune femme joua doucement avec son pendentif et replongea son regard sur le guerrier. Puisse-t-il porté chance à son frère dans les jours à venir c’était tout ce qu’elle demandait. Que son frère soit victorieux face à leurs ennemis et surtout qu’il reste en vie. Puis elle se leva doucement, fit un petit signe et finalement souffla une bougie qui finissait de se consumer. Elle jeta un dernier regard aux différentes statues des Sept et quitta les lieux d’un pas peut-être pas aussi léger qu’il aurait pu l’être à cause de sa discussion mais le cœur un peu plus déterminé que la veille à tout faire pour protéger ceux qui venaient de se réfugier entre ses murs. La Truite Argentée parcouru les couloirs de la forteresse de Vivesaigues jusqu’à rejoindre les appartements de son neveu en premier lieu. Comme chaque jour, la princesse rendrait visite à Brandon puis à Charissa. La famille était importante et malgré la disparition de la reine, il était plus que nécessaire qu’elle veille sur eux.