Il est des accidents du destin qu’on ne peut prévoir.
Ils étaient en pleins repas, les plus riches et puissants souverains de Westeros ; le Roi Ronnel, dit le jeune Faucon, Sharra Arryn la belle, la douairière. Le jeune Prince Jonos et bien sûr, la Reine Nyméria Arryn. Tous profitaient d’un repas après la bonne nouvelle ; l’armée de secours des Montagnes de la Lune avait pu se remettre à l’abri des fortifications du Val. L’armée du Royaume avait peut-être échoué à mettre la main sur les clans des montagnes, mais au moins cette seconde armée avait-elle échappé à la destruction. C’est à la fin du repas que la jeune Reine Nyméria se sentit mal. On crut qu’elle allait accoucher, mais la Reine douairière, Sharra la Belle, avait l’expérience de ces choses. Elle appela à l’aide. La tablée royale fut prise dans la tourmente d’un tourbillon de serviteurs et alors que Nyméria était portée dans sa chambre sous les balbutiements paniqués de son jeune époux le Roi, Sharra ne pouvait s’empêcher de répéter : « c’est trop tôt, c’est beaucoup trop tôt ! » .
Des heures durant, on vint au secours de la nouvelle souveraine du Val. Elle saignait sans arrêt et ni le savoir des mestres ni la compétence des servantes et sages-femmes de la forteresse ne purent l’aider. Elle souffla tout son amour à son époux, et finit par s’éteindre, couverte de sueur et du sang coulant de ses lèvres violacées. Le Roi du Val était secoué de sanglots auprès de sa dulcinée, tandis que le Prince Jonos, éloigné depuis plusieurs heures, apprit la nouvelle à son tour. La Reine Sharra quant à elle, resta comme toujours belle et digne. Elle accepta d’un signe de tête le voile noir qu’une servante vint lui passer sur les cheveux. Elle ne fit rien pour consoler directement son fils, mais veilla debout toute la nuit. Quand le mestre parvint enfin à décrocher le jeune souverain du corps de son épouse, la Reine prit à part le vieux sage. Et lui donna à voix basse quelques ordres.
L’homme travailla un jour et demi, suscitant les interrogations tantôt désespérées, tantôt courroucées du Roi. Mais l’homme refusa d’arrêter son travail, et finit par livrer ses conclusions publiquement, au Conseil Royal. La Reine du Val était morte, mais il n’y avait nulle trace de poison. Les voix s’élevèrent. Comme une jeune femme soignée et surveillée comme la Reine du Val et de la Montagne avait pu mourir, dans ce cas ? Les conseillers royaux pro-croisade hurlèrent que c’était la faute de l’Empire, qui avait dû la faire empoisonner pour fragiliser les Arryn et faire tomber le royaume. D’autres arguèrent que le poison était la méthode des faibles et des lâches, qu’Harren le Noir en usait contre ses ennemis. Le restant argumentait qu’aucune preuve n’ayant été trouvée, il s’agissait d’un revers du destin qui ne devait pas prêter à conséquence.
Des conséquences, il y en eu toutefois. Les rumeurs se répandirent très vite. On dit meurtre, attentat. S’écharpant depuis des semaines à propos d’une troupe Hoare venue demander asile aux Portes de la Lune, les soldats croisés ouvrirent de force les portes au contingent voisin. La situation manqua de dégénérer, faute de commandement centralisé efficace chez les valois. Les Hoare étant étroitement surveillés, les troupes valoises finissent par retrouver leur calme.
Mais ce moment de flottement politique ne se règle que lorsque la Reine Sharra Arryn prend les devants à la cour et remplace le jeune Roi, fortement affecté par sa perte. La Reine-Mère se fait autoritaire, et ramène le calme à la cour. Elle doit néanmoins transiger avec les différents partis qui s’agitent dans le Val. Entre l’Empire fort à ses frontières, la menace du Tigre et les querelles religieuses, la Reine envoie une missive à l’Ouest.
Lui proposant une alliance défensive formelle contre tout agresseur de leur indépendance. Et continue à négocier à huis clos avec les partisans d’un ralliement à l’Empire et ceux d’un ralliement au Bief ou à l’Ouest.