L’Empire était en passe de l’emporter. Nord, Conflans, Terres Impériales, Peyredragon et Orage, s’étaient ligués et unifiés pour combattre ensemble Harren le Noir et ses séides. En guerre contre le Sel et le Roc, contre le Bief et contre la Foi, ils avaient aussi dû affronter Dorne, autrefois l’alliée de certaines des puissances aujourd’hui fédérées. L’empire venait d’abattre un ennemi mortel et de s’assurer de la partie continentale du Conflans, après trois campagnes successives en deux ans. Il avait repoussé l’essentiel des bieffois hors de l’Orage, et sa flotte contrôlait le Détroit. De plus en plus, l’Empire n’apparaissait plus seulement comme un idéal de paix et d’unité, mais bien comme une menace à part entière chez les derniers royaumes neutres. Ils estimaient en effet que cette puissance unifiée, rassemblée, ne s’arrêterait peut être pas en aussi bon chemin quant à l’unité de tout le continent… Et maintenant que les Hoare avaient quasiment disparu, que Dorne était secouée d’une véritable révolution pro-impériale et que le Bief apparaissait seul face aux Royaumes Fédérés, les puissances neutres étaient en train de revoir leur position.

C’était notamment le cas de l’Ouest. Pourtant lié au Nord par mariage royal, l’Ouest avait toujours adopté une position ambiguë vis-à-vis de l’Empire. Le Royaume avait soutenu financièrement les Puissances Centrales, avait participé à la Croisade contre Dorne, et laissé les croisés ouestriens passer dans le Conflans impérial pour le ravager. Mais à côté de cela, l’Ouest apaisait les tensions, cherchait à rouvrir le commerce, et continuait d’entretenir quelques échanges avec les Braenaryon. Le Lionceau qui venait de monter sur le trône n’était pas partisan, comme feu son père ou sa mère, la terrible Lannister, d’observer une stricte neutralité et d’attendre la fin des hostilités, ou en tout cas l’émergence d’opportunités impossibles à repousser… Lyman Lannister était plutôt un homme d’action. Il rassembla un petit conseil avec le Roi du Bief et l’ambassadrice des Rivières et du Crépuscule, à Crakehall. Là-bas, il passa plusieurs accords avec les Puissances Centrales, et se décida, malgré le lien de sa femme avec l’Empire, la Reine Jeyne étant née Princesse nordienne, d’entrer en guerre.

Cela se fit par missive officielle aux cours de Fort-Darion, de Winterfell, de Peyredragon, de Vivesaigues et d’Accalmie, et bientôt tout l’Empire apprit qu’il avait un nouvel ennemi. Les rumeurs de mobilisations à la frontière ouestrienne jetèrent un froid au sein de la cour impériale, alors que les différents dirigeants étaient déjà en campagne. La guerre en finirait-elle un jour ? L’Ouest légitimait sa prise de position en faveur des Puissances Centrales pour les menaces qui pesaient sur ses frontières et sur la maison royale ; le Roi du Roc accusait l’Empire de favoriser la sédition sur les terres ouestriennes.

Alors que l’Ouest se préparait à rejoindre le combat, l’Empire déplorait l’émergence d’un nouvel ennemi, intime cette fois. Car la guerre se ferait contre le propre sang du Nord, la Reine Jeyne et son fils n’ayant suffi à assurer la paix entre les deux factions.

La décision fut majoritairement bien accueillie au sein de l’Ouest. Le peuple était très pieux, et sensible aux appels de Croisade du Grand Septon. Le sort cruel réservé aux croisés dans le Conflans par l’Empereur, qui les avait fait crucifier sur la frontière, suffit à légitimer la guerre du Roi Lyman, d’autant que la noblesse brûlait de s’illustrer dans cette Ere des Luttes et que la bourgeoisie, elle, y voyait de nouvelles opportunités de s’élever.




Le Val était lui aussi tiraillé entre sa chère neutralité et l’implication dans les combats pour la suprématie en Westeros. Le pays revenait pourtant de loin. Deux ans plus tôt, il signait une alliance militaire défensive avec le Nord, et projetait de combattre Harren le Noir avec le Nord et Peyredragon. Revenant sur sa parole devant l’ampleur de la tâche et le manque de garanties de ses alliés, le Val s’était mis en porte à faux, et avait trahi sa parole. Les relations s’étaient alors tendues, d’autant plus qu’une partie de la noblesse Valoise souhaitait rester neutre, d’autres voulaient se lancer dans la Croisade et enfin, certains souhaitaient rallier l’Empire, attirés notamment par la liberté religieuse qu’il prônait.

Le pays se fracturait de plus en plus et le Roi Ronnel n’était pas totalement insensible, lui non plus, aux arguments impériaux. La faction des bellicistes à la Cour du Val était néanmoins puissante, aiguillée selon les rumeurs par la Reine-Mère en personne. En sous-main, le Royaume du Val et de la Montagne se préparait déjà au conflit. Et finit par envoyer lui aussi sa déclaration de guerre à l’Empire, copie adressée à chaque capitale fédérée. Par cette déclaration, le jeune Faucon souhaitait unir son pays contre un ennemi commun, alors que sa noblesse se déchirait à propos des décrets pris par le Roi en matière religieuse, et que les tensions restaient fortes dans le pays. Y parviendrait-il ? Cela dépendrait autant de ses réussites militaires que de la réaction de ses ennemis ; l’Empire avait prouvé que plus que la force de ses armes sur le déclin, il savait toutefois très bien jouer sur les dissensions, le rejet des gouvernants et la soif de liberté des peuples qu’il voulait le voir rejoindre.

Beaucoup d’épreuves attendaient le jeune Roi, qui avait bien compris la nécessité de rassembler sa couronne et son pays s’il voulait rester sur le trône, après avoir vu plusieurs dynasties voisines décliner.

Alors que les Braenaryon semblaient sur le point de faire tomber le Sel et le Roc et de plonger la Principauté de Dorne dans la guerre civile, un nouvel espoir renaissait pour les Puissances Centrales. L’Empire, réunissant cinq royaumes, en affrontait désormais quatre. Le Bief restait puissant, renforcé de l’Ouest qui l’était tout autant. Les armées valoises étaient peu nombreuses, mais compétentes, et le pouvoir encore très riche. Dorne semblait disputé, mais décidé à redresser sa situation.

De terribles épreuves attendaient encore Westeros.