Dans la nuit noire d’un Conflans enneigé, la menace rôde toujours. L’armée du Roi du Conflans Fédéré, Lyham Tully, continuait de camper à proximité de Noblecoeur depuis la campagne d’automne, qui avait vu l’Empire se défaire en fin de compte des armées principales de la dynastie Hoare. La guerre n’était pas finie, car le nouveau Roi Yoren Hoare n’abandonnait pas le continent et il lui restait encore Pierremoutiers et sa région à défendre… A court d’effectifs, le Hoare n’entendait pas laisser l’ennemi se renforcer pendant l’hiver. Il envoya un petit groupe d’hommes sous le commandement d’Orquebois, afin de ravager l’arrière pays et gêner les communications entre l’armée Tully et ses bases arrières, ou au niveau de son ravitaillement.

L’ennemi fédéré était toutefois nombreux et à plusieurs reprises, Orquebois, se sachant repéré, a fait machine arrière. L’espoir de pouvoir infiltrer le Conflans sous la coupe de l’Empire s’amenuisait ; la neige épaisse entravait les mouvements et les hommes transis de froid tombaient malades. Jusqu’à ce que les troupes Hoare se rendent compte que les Tully restaient relativement indolents ; ils essayaient de barrer la route du nord du pays à toute incursion mais sans passer à l’offensive, ni prendre des décisions spécifiques vouées à se protéger de toute attaque. Orquebois décida alors d’en profiter ; s’il était impossible d’éviter cette armée et ses patrouilles mal organisées, alors il fallait passer au travers.

Cet hiver était déjà rude, pourtant. Il neigeait toujours en abondance, et il faisait très froid. La visibilité était réduite, de jour comme de nuit, où soleil et lune ne parvenaient que rarement à transpercer l’épaisse couche nuageuse. C’était là la chance des soldats Hoare, qui profitèrent d’une de ces nuits sans lumière pour s’avancer dans la pénombre, pas crissant sur l’épais manteau blanc. Du côté riverain, on ne se doutait pas un seul instant de ce qui se tramait et les quelques plantons de garde restaient emmitouflés sous d’épais manteaux, frissonnant à chaque coup de vent et eux-mêmes bien couverts de la neige qui continuait de tomber dans le noir.

Et soudain, l’assaut. Des cris de guerre furieux. Des centaines d’hommes qui chargent en hurlant au travers de la nuit et de la neige. Cris d’alerte paniqués, conscrits qui se débandent et combats désordonnés ; les riverains ne tiennent pas bien leur position mais la confusion du combat de nuit provoque de nombreux accidents, de tirs de flèches et de carreaux à l’aveugle ou de coups envers des camarades dont les tabards sont mal reconnus dans les ténèbres. La lutte ne dure pas longtemps, quelques minutes tout au plus. Impossible de se reconnaître avec certitude, ce qui n’empêche pas les soldats des deux camps d’achever tout homme qui a le malheur de glisser dans la neige, rougie de sang et rendue boueuse par les pas précipités des combattants qui se bousculent et s’étripent dans une empoignade extrêmement violente et précipitée, où l’on se bouscule et l’on se renverse plus qu’on ne se livre à des duels impressionnants de virtuosité.


Au sol, des dizaines de corps que la neige contribue déjà à ensevelir. Torches et renforts rameutés, les riverains ne peuvent que constater leurs pertes, et les traces de pas de centaines d’hommes qui s’éloignent vers l’arrière de l’armée. Trop tard, malgré leur immense supériorité numérique, les hommes Tully avaient été surpris et dépassés par la violence de l’assaut.

Ce n’était pas une vraie bataille, ni même un engagement à paraître dans les livres d’histoire. Il n’en restait pas moins qu’Orquebois était passé, et qu’il pouvait maintenant mener à bien sa mission.


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