La guerre commence à toucher la totalité des royaumes... Etes-vous partisan de l'unification de Westeros par l'Empire ou les Puissances Centrales, ou plutôt attaché à l'indépendance de votre Royaume? Pourquoi?
Le Roi du Nord a créé l'Empire, j'imagine donc que je suis pour l'unification de Westeros, ou en tout cas que je devrais l’être. Le suis-je ? A vrai dire, je n’y entends rien. Je pense qu'il a fait cela pour que cessent les incursions ennemies sur nos terres, pour que les Nordiens puissent vivre en paix. Aussi, même si pour ma famille il est trop tard, nous devons lui en être reconnaissants et je le suis en un sens. Mais tout cela me dépasse, la guerre, toute cette violence. Je ne comprends pas, je ne sais pas pourquoi les hommes s'entretuent, pourquoi ils s’infligent de telles horreurs les uns aux autres. On m'a dit que c'était pour les terres, pour l'or, pour le pouvoir, la gloire, par vengeance. Mais parmi toutes ses raisons qu'on m'a évoquées, quelle est-celle qui peut bien valoir la peine de sacrifier tant de vies ?
Alors oui, peut-être que tout cela aboutira à la paix et sauvera des milliers de vies, mais pour le moment, tout ce que je vois c'est le sang versé et les vies brisées. J'ai beau faire tout mon possible pour panser et soigner les plaies, pour refermer les blessures, pour sauver des vies. D’autres s’ouvrent toujours, tant et plus que tous les remèdes des Sorcières des Bois ne pourront bientôt plus soigner personne dans cet océan de cadavres. Comment faire éclore la vie dans cet enfer mortel ? J'ai l'impression que nous allons davantage vers une destruction totale que vers la paix. Harren le Tyran est mort, ne peut-on pas s'arrêter là ?
Quoi qu’il en soit, je ne connais qu'un seul roi, et son nom est Stark. L’Empire et l’Empereur sont et resteront au Sud, c’est peut-être mieux ainsi. Mais moi, mon cœur est dans le Nord, dans les montagnes et la neige, dans le Bois au Loup, au delà de Moat Caïlin et du Neck, des Tertres et des Rus, là où les frondaisons me parlent dans l’ancienne langue, là où le vent glacial venu du Mur mêlés aux hurlements des loups me murmurent la chanson de l’hiver. Je peux sentir les anciens Dieux ici aussi, mais plus je m’éloigne, moins je les entends. Je voudrais tant retourner chez moi, mais ais-je encore un chez moi ?
Sur les collines boisées au nord du Bois aux Loups, un petit village nommé Iksahkka - “celle qui veille” en ancienne langue - se cache parmi les arbres centenaires. Un ruisseau coule non loin, quelques moutons ici, là un potager, plus loin, des tombeaux surmontés de grandes pierres plates parfois entourées de pierres levées plus où moins taillées. La vie et la mort s’y organise en fonction de la topographie des lieux et surtout de la forêt, omniprésente, préservée, précieuse. La plupart des maisons se résument à des cabanes de bois dont certaines sont perchées dans les arbres. La demeure seigneuriale, elle aussi en bois est plus imposante. La porte du bâtiment principal, en baral, est sculptée de trois lunes bleues, croissante, pleine et décroissante. Là réside le clan Harclay.
Au milieu de la grande salle, une longue table où mangent, boivent et rient les membres du clan, à l’entrée flamboie un important foyer au dessus duquel est suspendue un chaudron plein humant bon le ragoût. Steffar et Iseult président assis sur deux sièges sculptés de même taille. Aux pieds de la matriarche, une louve grise veille, elle s’appelle Luna et suit depuis si longtemps la vieille zoman qu’on ne sait pas si cette dernière utilise encore ses pouvoirs pour la contrôler. Moyra, l’épouse du Harclay est assise à droite de Steffar et Osgat à la gauche d’Iseult. Il en est ainsi depuis la nuit des temps, un homme pour diriger les braves et une femme pour diriger les guérisseuses. L’un et l’autre gouvernent le domaine en collaboration en fonction de leurs qualités respectives, soit en prenant les décisions ensemble, soit en se partageant les tâches. Le patriarche lègue les terres à ses descendants mâles et donne ses filles en mariage aux autres clans, lorsque celles-ci ne se font pas simplement enlever comme il est de tradition chez les Premiers Hommes. Cela arrive encore fréquemment ici, même si c’est généralement en accord avec la volonté de la demoiselle et que les combats qui en découlent font rarement des blessés. La matriarche transmet le savoir des enfants de la forêt à toutes les femmes de la famille, ses filles resteront pour prendre la relève tandis que ses fils grossiront les rangs des soldats. Celles qui sont vouées à quitter le clan et à changer de nom diffusent ainsi la connaissance, leurs filles peuvent choisir de revenir au sein du clan pour suivre la formation pendant le nombre d’années qu’elles souhaitent.
Sur les côtés, de la demeure seigneuriale, de petites alcôves servent de pièces de vie, de cuisine ou de garde manger. Des échelles mènent à plusieurs petites chambres sous le toit. Dans l’une d’elle, Stewyn l’épouse de l'héritier du clan Harclay, Rick, s’est endormie avec son nouveau né blotti contre son sein. Bien couvertes, toutes deux sous des peaux de bêtes et des couvertures. Avec un sourire bienveillant, Ingrid, la sœur cadette d’Iseult qui a assisté la parturiente lors de l’accouchement s'éclipse discrètement pour rejoindre le clan qui festoie en l’honneur de la vie. La mort faisant partie du quotidien dans un environnement hostile et des conditions difficiles, chaque naissance est fêtée comme un don des Dieux, les anciens bien sûr, même si ici, on les appelle simplement les Dieux, les rares fois où on les appelle, car les nouveaux n’existent pas. D’ailleurs, pour l’occasion, Ines et Inke, les petites sœurs de Rick, sont venues avec leurs époux, Robin Wull et Eddard Norroit ainsi que leurs enfants, cela met de la vie dans le village.
__ A Sigorn. Dit soudain Rick en pensant à son frère aîné, emporté par un hiver particulièrement rude avant d’avoir pu se marier.
__ A Sigorn ! Répondent en chœur les autres membres du clan.
__ A Ingheam ! Ajoutent la matriarche en souriant à son neveu.
Du haut de ses trois ans, Ingheam serrait les dents et les poings pour ne pas pleurer alors que le cortège s’ébranlait. Père, oncles, frères, amis. Le Roi du Nord avait appelé les Nordiens sous sa bannière et les Harclay répondaient, comme ils l’avaient toujours fait. Mais le cœur de la jeune fille se serrait. Elle voyait bien, malgré tous les efforts faits pour rester brave, que certains ne reviendraient pas, que la guerre prenait inévitablement des vies. On cherchait à la rassurer, mais elle lisait dans les yeux de ceux pour qui ce départ funeste n’était pas le premier que bientôt des larmes couleraient. Elle n’entendait rien à la guerre, rien à l’ambition démesurée d’Harren, un lointain roi dont elle avait à peine entendu parler et qui soudain, prenait toute la place dans les conversations. Que lui avait-on caché d’autre ?
Quelques mois plus tard, le premier corbeau arrivait annonçant la mort du grand-père d’Ingheam, Steffar. Rick, resté à Iksahkka pour en assurer la sécurité hérita des terres du clan. Les larmes coulèrent et ne cessèrent plus de couler pendant les cinq années qui suivirent. La mort et le chagrin embrumaient le clan, le village, le bois, les yeux. Et la guerre semblait ne plus avoir de fin. La brune assistait, impuissante, à la destruction lente de sa famille, les Harclay tombaient si loin du Bois aux Loups, si loin de chez eux, les Dieux les entendraient-ils ?
L’année suivante le village fut attaqué par un groupe de Fer-nés venus piller la Baie des Glaces. Grâce à Ildegard et à son corbeau qui avait vu les pirates arriver, la population eut le temps d'aller se réfugier dans les bois, recouverts de feuilles et de boue, ils purent se cacher et tuer leurs agresseurs en restant à couvert à l’aide d’arcs et de frondes. Les Fer-Nés préférèrent abandonner la traque, mais le village, les maisons, les réserves et le bétail, tout fut pillé et réduit en cendres. La reconstruction prit près d’un an, un an de travail qui leur permis d’oublier un peu le chagrin et la guerre.
Finalement, cette guerre prit fin et quand les hommes d’Iksáhkká revinrent chez eux, Ingheam prit toute la mesure du sacrifice. La troupe était réduite de deux tiers, les visages étaient marqués, les corps exténués. La joie des retrouvailles fut assombrie par la fatigue et le lourd tribu payé par les Harclay et leurs gens. La blondinette courut au devant des soldats éreintés pour y retrouver sa grande-tante, Ingrid, mais ne l'apercevant pas, elle regarda Iulia et sut que cette dernière y avait aussi laissé la vie. Pour la fillette, le chagrin de cette perte fut terrible, elle était très attachée à celle qui parlait avec les arbres.
Les clans du Bois aux Loups et les Glover avaient toujours été très liés et très unis, la maison Harclay avait donné plusieurs filles et de nombreux soldats à Motte la forêt, et quelques filles Glover avaient épousées des hommes d’Iksahkka. D’ailleurs, les deux Lords s’entendaient très bien et se voyaient souvent, c’est à l’occasion d’un des banquets ou Steffar fut invité avec le clan qu’il emmena Ingheam, désormais en âge de voyager et de participer aux réjouissances. Mais la timide, sortant pour la première fois de son existence de son fief natal où elle se sentait en sécurité et aimée de tous se retrouva au bord de la crise de panique quand elle fut présentée à Lord Galbart au beau milieu d'une grande salle pleine à craquer de gens qu'elle ne connaissait pas. Dès qu’elle le put, elle courut se réfugier dans le seul endroit où elle se sentait vraiment bien, le Bois Sacré. Tremblante de froid et de peur, elle put reprendre ses esprits en chantant des chansons en ancienne langue et en priant les Dieux de lui donner courage.
Alors que sa douce voix s’éteignait sur un chant traditionnel du Nord, elle entendit un craquement et sursauta avant de découvrir Bowen Glover qui l'observait. Rouge comme une pivoine, elle voulut s’excuser d’être partie de la grande salle si précipitamment, ou d’être là, elle ne savait pas trop, mais de toute façon aucun son ne sortit de sa bouche. Voyant qu’il ne semblait pas fâché, elle se calma un peu et le sourire bienveillant du jeune homme ainsi que son silence et sa patience finirent par la rassurer complètement. Après un moment passé avec lui dans le silence relatif du Bois sacré, elle se décida à le suivre dans la grande salle et il resta gentiment avec elle et son grand frère Sam ce qui l’aida beaucoup à surmonter sa peur.
A partir de ce jour, elle lui voua une confiance et une amitié sans faille et il fut la seule personne en dehors de Sam à qui elle put se confier, surtout lorsque, des années plus tard, Rick lui annonça qu’il envisageait de la fiancer à Edwyle, le frère de Bowen. Ce dernier n’ayant hélas pas le même caractère que son aîné et pas la même douceur dans son approche, la jouvencelle avait peur de lui, un peu, de ne pas lui convenir, beaucoup, et de ne pas être assez bien, assez instruite et surtout assez forte, pour épouser un Glover, surtout. Pour autant, elle ne voulait pas décevoir ses parents, son père avait paru si fier de lui porter la bonne nouvelle, et sa mère avait déjà commencé à lui préparer un trousseau. Elle ne sut jamais exactement ce qui s’était passé après sa discussion avec le Glover, lors de leur visite à Motte la Forêt pour les tractation, mais l’idée fut abandonnée et ses parents, bien que déçus, ne semblaient pas trop lui en vouloir.
C’est avec un pincement au cœur qu’elle repense à cette histoire, car elle sait l’honneur qu’aurait tiré son clan de cette union et elle regrette de ne pas avoir été à la hauteur. Elle s’est juré depuis ce temps que sa timidité n’aurait plus raison de sa loyauté et de son dévouement envers sa famille ou envers le Nord, mais ses parents sont morts et ils n’auront pas l’occasion de tirer les bénéfices de ce serment.
__ Suis moi.Une enfant aux longs cheveux blonds clairs et aux yeux gris-bleus encore pleins de sommeil enfila en hâte une chaude robe de laine et rattrapa Iseult qui ne l’avait pas attendue. Elle descendirent l’échelle qui menait aux chambres, traversèrent la grande salle et sortirent de la demeure seigneuriale. Surprise par le ton sans appel de sa grande-tante, ton qu’elle ne lui connaissait pas, Elle d’habitude si douce et attentionnée, la fillette n’osa piper mot, pourtant, mille questions l’assaillaient. Tout le monde semblait dormir paisiblement, la nuit était claire, une nuit de pleine lune sans nuages, mais sous les arbres, la torche que tenait la vieille femme n’était pas superflue.
Toutes deux sortirent bientôt du village et marchèrent le long d’un sentier forestier jusqu'à un cercle de barrals au milieu duquel se dressait un autel en pierre, c’était le bois sacré. Là se tenaient, dans des robes drapées blanches, toutes les femmes de la famille avec des torches. Tantes et cousines. La petite eut un instant d’hésitation devant toutes ses mines si sérieuses alors qu’elle les connaissait rieuses, mais Iseult lui fit signe d’entrer le cercle.
Elles se mirent à chanter dans l’ancienne langue qu’on utilisait encore parfois ici et Iseult, la matriarche interpella la fillette que la louve regardait d’un œil jaune brillant.
__ Ingheam fille de Stewyn, te voilà parmi nous pour devenir l’une des nôtre. Moi, Iseult, matriarche du clan Harclay et protectrice du Bois Sacré, je t’y invite en ce jour de tes 8 ans. Iulia, Ivana, Idalia, Imogen, Ildegard acceptez vous Ingheam ici présente comme apprentie ?
__ Nous l’acceptons.
__ Promettez vous de l'instruire et de la guider de ce jour jusqu'au au dernier ?
__ Nous le promettons.
__ Ingheam jures tu de servir les Dieux et la vie de ce jour jusqu'au dernier ?
__ Je le jure
__ Acceptes tu de recevoir notre enseignement et de t’y soumettre avec assiduité et humilité ?
__ Je l’accepte
__ Promets tu de transmettre notre savoir à tes filles, petites filles, nièces et soeurs quand ton tour viendra ?
__ Je le promets
__ Déshabille toi Ingheam fille de Stewyn et enfile la tunique immaculée car tu es des nôtres à présent.La fillette hésita une nouvelle fois cherchant un peu de courage dans le regard bienveillant de sa grand-mère, puis elle s'exécuta et se drapa dans l’étoffe blanche, aidée par une cousine. Le froid la saisit un instant, mais le chant solennel qui continuait la réchauffait. Une brebis fut amenée jusqu'à l’autel, Iseult la saigna d’un geste sûr et recueilli son sang dans une écuelle avant de laisser partir l’animal qui bêlait. Toutes burent le sang encore chaud et lorsque toutes eurent bu, Ingheam fut invitée à boire elle aussi, elle eut un haut le cœur, mais s'exécuta malgré le dégoût et la peur. Iseult prit alors l’écuelle y trempa la main et macula le visage de sa petite fille avec le sang, puis elle en éclaboussa chaque face sculptée dans les barals autour de l’autel.
Dans le sauvage et impénétrable Bois aux Loups, les traditions les plus anciennes perduraient et se transmettaient de femme à femme depuis toujours. L’art des anciens dieux, une infime partie du savoir des enfants de la forêt. Infime, mais puissante : le savoir des plantes. Tel était l’enseignement que l’on donnait aux jeunes filles depuis la nuit des temps ici. Pas de Mestre et encore moins de Septa, On leur apprenait à peine à lire et à écrire. Pas d’histoire ni de géographie, un peu d'héraldique pour faire bonne figure lorsque elles étaient en visite. Mais les plantes, les décoctions, les infusions, les broyats, les cataplasmes, les mélanges, les remèdes, les traditions ancestrales, parfois sombres, le rite du sang et de la lune, le savoir des femmes, celui de la vie et de la mort. Certaines avaient parfois un don, comme Iseult avec les loups ou encore Ildegard avec les corbeaux. La double vue d’Ingrid n’était pas considérée comme un don, mais plutôt comme une malédiction, elle affaiblissait le corps et l’esprit, c’est pour cela que cette dernière n’avait pas eu d’enfants. Tout au long de leur apprentissage, les Sorcières des Bois tatouaient sur la peau des apprenties des runes issues de l’ancienne langue pour symboliser leurs connaissances. Si bien que les plus anciennes avaient le corps et parfois même le visage recouverts de tatouages. Car elles apprenaient toute leur vie durant. Cela les rendaient presque imprésentables et souvent, on les craignaient et on les rejetaient.
Iseult retint de sa vieille main sèche et ridée la main douce et nouvellement tatouée de l’adolescente.
__ Prends garde Ingheam, si tu mets trop de digital pourpre, tu peux tuer le malade. En toute chose, le dosage est capital et en matière de plantes, ce qui peut soigner peut parfois aussi tuer si on n’y prend pas garde.La brunette terrorisée avait bien grandi et gagné en assurance. Malgré le doux visage encore juvénile qu’elle arborait, c’était presque une femme. Quant à son assurance, elle était plutôt timide et réservée en réalité. Dans son village, là où elle connaissait tout le monde et pouvait faire confiance sans mesure, cela se voyait peu. En revanche, les rares visites aux autres nobles de la région la terrifiaient toujours. Cependant, quand il s’agissait d’apprendre, elle faisait preuve d’une grande attention et d’une curiosité presque téméraire.
__ Est-ce pour cela que nous jurons de servir la vie ?
__ Oui ma chérie, et c’est aussi pour cela que bien des gens nous haïssent. Vois tu, ils nous craignent, ils nous pensent parfois dangereuses, ils ont peur que nous les envoûtions.
__ Mais nous ne faisons pas cela, se serait mal, ce serait trahir notre serment. Le pourrions nous ?
__ Nous le pourrions, le pouvoir des plantes, de la terre, de l’eau, du feu et de l'air, du sang, de la lune et des arbres sacrés est infini. Mais nous ne le faisons pas, car nous servons la vie avant toute chose, avant même nos Seigneurs et nos Rois. Cependant peut être est-ce mieux pour nous qu’ils l’ignorent et qu’ils continuent à nous craindre…
__ Mais si nous servons la vie, nous servons tout le monde. S’ils nous craignent, comment les servir aux mieux ? Je ne comprends pas.
__ Tu comprendras bien assez tôt...Ingheam ouvrit à nouveau la bouche, mais sa grand mère coupa court en lui rappelant de ne pas mettre trop de digital dans le remède et ainsi, la jeune fille continua son ouvrage en silence, comprenant que son aïeule avait décidé qu’il n’était pas encore temps d’avoir cette conversation.
Ingheam était fiancée à Lyonel Lideuil depuis un peu moins d’un an quand celui-ci vint à Iksahkka pour faire connaissance avec sa promise et sa famille avant que le mariage ne soit fêté. Les Sauvageons avaient débarqués il y a peu sur les terres du Nord et alors que le Stark appelait ses troupes, les clans s’étaient réunis dans les montagnes et avaient vus bon nombre de leurs hommes mourir. D’ailleurs, c’est durant leur retraite qu’Inke, épouse Norroit, ralentie par sa dernière fille tout juste née avait perdu la vie plutôt que d’abandonner son nourrisson. Ainsi, le jeune homme avait ainsi été mis à l’abri dans le Bois aux Loups où le clan se croyait à l’abri grâce au bastion des Glover et à l’arrivée prochaine des troupes du Stark. Mais la nouvelle de la chute de Motte la Forêt arriva trop tard à Iksahkka et le clan n’eut pas le temps de plier bagages pour se réfugier comme les autres à Winterfell. L’attaque fut terrible, des centaines de sauvageons fondirent sur le petit village, pillant incendiant tuant et violant la population, écrasant ses maigres défenses. Rick confia la vie de ses filles, de son cadet et de sa femme à son fils aîné, Sam lui intimant l’ordre de fuir le plus vite possible et le plus loin possible. Les fuyards manquèrent de peu d’être rattrapés et ce n’est que la fronde d’Ingheam et l’arc de Sam qui les sauvèrent, ainsi que les poneys rapides qu’ils montaient.
Accompagné de Lyonel et Bjorn ainsi que de tous les hommes valides et de plusieurs femmes du clan sachant tirer à l’arc ou à la fronde, le Harcay fit face à la masse des sauvageons avec le courage du désespoir pour laisser à sa famille le temps de fuir à travers les Bois. Iseult resta elle aussi, et avec Ildegard elles se mirent à hurler, l’une avec sa louve, l’autre avec son corbeau. C’est alors qu’une meute de loups sortit du sous bois et qu’une nuée de corbeaux fondit sur les tireurs. Évidemment, face au nombre, même ces renforts ne suffirent pas et les guerrières du Peuple Libre massacrèrent presque tout le clan. Lord Rick, Lyonel et Bjorn perdirent la vie au cours de la bataille bien inégale. Des deux zoman, Iseult fut la première à tomber malgré la protection acharnée de sa louve qui fut tuée de plusieurs coups de haches. Les loups regagnèrent la forêt, et bientôt, les corbeaux les rejoindraient car Ildegard fut transpercée de plusieurs flèches. Tous sauf un, Shoilleir, le compagnon de la jeune femme qui rejoignit bientôt le petit groupe de fuyard.
Les quelques survivants trouvèrent refuge à Village au Bois, mais malgré les suppliques de Stewyn, Sam et Ingheam refusèrent de rejoindre Winterfell tant qu’ils n’aurait pas pu aller à Iksahkka pour brûler leurs morts et leur faire honneur. Peut-être espéraient-ils aussi retrouver des survivants. Hélas, ce ne fut pas le cas. Lorsqu'ils revinrent sur les lieux du carnage, ce qu’ils découvrirent n’avait rien d’humain. La plupart des corps avaient été brûlés, les maisons et les réserves de provision étaient en cendre et le bétail qui n’avaient pas été volées avait été mangé sur place. Mais surtout, ils découvrirent la tête de leur père sur sa propre lance et le reste des corps des membres nobles du clan. Les hommes avaient été démembrés, torturés, il manquait des morceaux. Ildegard et Iulia gisaient dans des positions qui ne laissaient aucun doute sur le sort qui leur avait été réservé, les jambes maculées de sang, la violence des sévices qu’elles avaient subi se lisait tant sur leur cuisses que sur leur visage. Cependant, ils ne trouvèrent pas trace d’Ivana, Idalia et Imogen. Ingheam préfère croire qu’elles avaient été brûlées avec les autres, mais au fond elle savait ce qui s’était passées, elles avaient été faites prisonnières et ce qu’elle vivaient à présent était pire que la mort. La jeune femme vomit son dernier repas et ne put plus manger pendant quelques jours jusqu’à ce que sa mère lui rappelle qu’elle était désormais l’héritière des Sorcière des Bois et qu’elle devait vivre à tout prix et certainement pas laisser la connaissance du Clan s’évanouir dans un tel carnage.
Quelques semaines plus tard, alors qu’ils se préparaient à quitter Village au Bois pour se rendre à la Ville d’Hiver, le bourg fut attaqué à son tour. La panique gagna Ingheam quand elle se rendit compte que son petit frère et sa petite sœur, Brandon et Isadora avaient échappés à sa surveillance. Lorsqu'elle les aperçut en vie pour la dernière fois, ils courraient vers elle poursuivis par des guerriers sauvageons qui les tuèrent sous ses yeux et s’acharnèrent sur leurs corps d’enfants. Il était trop tard.
Elle recula lentement alors que les Thens arrivaient sur elle, les yeux écarquillés et comme abasourdie par l’horreur dont elle était témoin. Un cor de guerre Nordien venait de sonner et la charge des cavaliers arrivait derrière elle, mais elle était trop choquée pour s’en apercevoir.Lorsque une brute la plaqua au sol, elle ne se débattit même pas. Elle était hors de son corps. Le temps s’était arrêté. Il souleva sa robe, la déchirant partiellement. Le ciel était d’un bleu lumineux, de petits nuages s'effilochaient dans la douce brise d’un été radieux. Le soleil réchauffait son visage de sa caresse. Le corbeau de sa cousine volait au dessus d’elle. Les cavaliers Nordien avaient percé l’ennemi désorganisé. Shoilleir fondit sur son agresseur, retardant l’inévitable de quelques secondes. Ces secondes suffirent à un sergent d’arme pour empaler sur sa lance le sauvageon qui s’était redressé pour chasser le corbeau et quelques autres qui se disputaient la donzelle et déchirait un peu plus sa robe.
En voyant la lance traverser le poitrail du sauvageon, Ingheam reprit ses esprits. Elle se releva prestement, entendit et vit à nouveau tout ce qui l'entourait. Le fracas du choc de la cavalerie Nordienne contre les sauvageons, Shoilleir qui veillait sur elle, les cris de Sam et de sa mère qui l’appelaient, les grognements moribonds des Thens empalés, les hurlements des villageois terrorisés et le rassemblement de l’ennemi. Elle regarda quelques instants le soldat qui lui avait sauvé la vie. Il combattait à côté d’elle, formant une barrière de protection grâce à laquelle elle pu fuir. Jetant un dernier coup d’œil à son agresseur, elle sut qu’il n’y avait plus rien à faire pour lui et prit la fuite. Lorsqu'elle arriva dans les bras de son frère et de sa mère, elle fondit en larmes alors que Sam lui donna sa chemise pour cacher sa nudité dévoilée par sa robe en lambeaux.
__ Je suis désolée, tellement désolée. Isadora, Brandon. Désolée. Je n’ai pas eut le temps. Ils jouaient. Je ne pensais pas… Je suis désolée. Désolée.Mais la mère qui avait bien cru perdre aussi ses deux aînés ainsi que sa propre vie, la prit dans ses bras et pleura en silence, trop soulagée pour en vouloir à sa fille. Seulement il fallait partir, déjà la surprise de la charge était passée et le Peuple Libre s’organisait pour reprendre le dessus. Ingheam courut donc avec tout ce qu'il lui restait de forces, tombant un millier de fois sur la terre durcie par la chaleur, s'écorchant genoux et mains sur les pierres et les racines. Se relevant et reprenant sa course effrénée. Ils tombèrent alors sur l’importante avant garde de l’armée du Nord qui faisait route vers Village au Bois et furent enfin en sécurité. Alors que Stewyn prenait la décision de rejoindre Winterfell, Ingheam mettait ses connaissances au service de l’armée du Nord espérant pouvoir à son tour sauver des vies, comme cela avait été le cas pour elle. Revenue quelques heures plus tard au village où elle avait faillit perdre la vie, elle retrouva le Sergent d’arme qui l’avait sauvée, le crâne fracassé par une hache à côté de son cheval en piteux état et entouré de sauvageons morts. Elle souleva sa tête et le berça contre sa poitrine en murmurant des prières en ancienne langue pendant un moment avant d’être tiré de sa rêverie par des bruits étranges. Levant la tête, elle s'aperçut qu’on malmenait et crucifiait les sauvageons morts. Elle se mit à hurler en courant en tout sens pour empêcher les Nordiens de vider les tripes des guerriers du Peuple Libre.
__ Mais que faites vous ?! Arrêtez ! Ils sont morts, cela ne vous suffit donc pas ? Pourquoi faites vous ça ?Elle ne comprenait pas cette cruauté gratuite et inutile, cette vengeance qui n’avançait à rien. Elle n’entendait rien à la guerre, cela avait toujours été le cas, mais celle-ci, si proche pourtant, si froide et si mortelle, lui paraissaient plus incompréhensible encore que les autres. Que les Thens et autres sauvages du Nord du Mur fassent preuve d’une cruauté sans nom, pille violent torture, massacre, démembrés, elle en avait vomit, mais c’était ainsi, le Peuple Libre était un peuple de sauvages. Mais les Nordiens étaient un peuple rude et fier, mais un tant soit peu civilisé, ils ne devaient pas tomber plus bas que leurs ennemis, même les pires en faisant subir à des cadavres exactement les mêmes services que leurs ennemis. De plus, si tant est qu’elles étaient encore en vie, ce qui était peu probable, cela ne sauverait pas ses cousines, loin de là. Mais tous l’ignorèrent et la poussèrent violemment quand elle tentait de les empêcher d’agir. Sam finit par la ceindre de ses bras et l’emmener à l’écart pour ne pas qu’elle soit blessée par un soldat maladroit. Ils continuèrent leur basse besogne tandis qu’elle se réfugia dans le silence le temps de trouver de quoi se vêtir à nouveau décemment et pouvoir rendre sa chemise à son frère.
Les jours suivant, Ingheam resta à Village au Bois pour soigner les blessés sous la protection de l’arrière garde Nordienne. Elle faisait ce qu'elle savait faire de mieux, soigner, sauver des vies, s’occuper des autres. Cela l’aidait à oublier les horreurs qu'elle avait vécu et que les soldats du Nord avaient commises, à continuer à vivre malgré les pertes subies et son clan dévasté, à assumer sa charge de Sorcière des bois rescapée du clan Harclay. Elle passait le reste de son temps assise les yeux fermer entre les racines d’un Baral à face pourpre et on la retrouvait parfois endormie blottie contre son tronc.
Depuis plusieurs jours maintenant, Ingheam marche avec l’armée du Nord vers le sud-est de Motte la Forêt où les Bois étaient moins denses. Au matin du 24e jour, l’aurore pointe à peine que le camp se met en ébullition tirant la jeune fille de ses cauchemars. Enroulée dans une couverture, elle sort de la tente où elle soigne les blessés et où elle les veille la nuit durant sur une paillasse à même le sol. Elle s’accroupit avec un sourire un peu triste à côté d’un feu fait par ses voisins qui maintenant la connaissent bien et lui donnent du pain et du lait chaud au miel.
Combien d’entre eux seront encore là ce soir ? Elle reste là, assise sur ses talons près du feu avec ce sourire mélancolique qui lui colle aux lèvres depuis quelques semaines maintenant à regarder les soldats se préparer et se mettre en rang. Elle aperçoit un peu plus loin de Roi du Nord passant ses troupes en revues et songe à la lourde charge qu’il porte sur ses épaules.
__ Gudarna är med dig (les Dieux vous accompagnent)
Murmure-t-elle comme une prière qui se perd dans le fracas du départ en ordre de marche des premiers bataillons. Ingheam se lève pour enlacer son frère avant que celui-ci ne rejoigne l’Infanterie commandée par Torrhen. Elle essaye de parler sans trembler, sans que sa voix ne laisse passer la moindre once de toute la peur qu’elle ressent.
__ Je t'aime mon frère, que les Dieux te protègent dans cette bataille.Alors que le Roi du Nord est acclamé par ses hommes, les cors de guerre des sauvageons font sursauter la petite blonde qui, comme à son habitude a recouvert ses cheveux d’un turban. Cela lui rappelle de bien mauvais souvenirs et ne fait qu’ajouter à sa peur et à sa peine. Shoilleir se pose sur son épaule et croasse doucement. Elle lui sourit et lui caresse le cou avec tendresse. Il s’envole alors et plane en silence au dessus de la horde de Nordiens pendant le discours de Torrhen avant de revenir auprès de la jouvencelle qui écoute le Stark, les yeux clos, debout face la masse des sauvageons qui se rassemble. Elle sait ce qu’il adviendra d’elle si les Loups ne tiennent pas, mais ça n’est pas ça qui lui fait verser un larme.
__ Vi är vargarna (nous sommes les loups)
Elle repense à sa grande tante, Iseult et à sa louve, Luna et leur sourit à travers le voile entre la vie et la mort.
Les louves veillent. Alors que le Roi du Nord pose un genoux à terre avec Glace dans les mains pour prier avant la bataille, Ingheam s’agenouille à son tour et prend la terre battue par les sabots des chevaux et des bottes des guerriers, elle s’en couvre le visage et les mains, puis elle accompagne l’armée dans sa prière.
__ Se, jag ser min far. Se, jag ser min mamma och mina systrar och mina bröder. Se, jag ser alla mina förfäder sitter och tittar pa mig. Och där är du. De kallar mig. Och be mig att sitta vid deras sida. I gudarnas palats. Var modiga människor lever för evigheten. (Voyez cela, je vois mon père. Voyez cela je vois ma mère, et mes sœurs et mes frères. Voyez cela, je vois tous mes ancêtres qui sont assis et me regardent. Et voilà. Voilà qu'ils m'appellent. Et me demandent de prendre place à leurs côtés. Dans le palais des Dieux. Là où les braves, vivent pour l'éternité.)
Je ne suis pas brave, je ne sais pas me battre, mais je peux faire quelque chose…Ingheam se relève et ravive le feu, puis va chercher sa fronde, juste au cas où. Elle parcourt les bois alentours et réunit autant de plantes médicinales que possible puis les apporte dans la tente qu’elle occupe depuis quelques semaines maintenant. Cela l’occupe suffisamment pour qu’elle arrête de penser à ce qui est en train de se passer dans le vallon un peu plus loin. Une aube rouge sang c’est levée et le jour avance, ses stocks de feuilles, de racines, de baies de champignons et d’herbes grossissent. Le tambour résonne soudain plus fort que jamais. Que se passe-t-il ? Elle ne voit pas, pas en détail en tout cas et se garde bien de regarder d’ailleurs, mais elle entend, tout. Avec plus d’ardeur encore, elle se met à préparer des onguents, des cataplasme et tout un tas de remèdes qui seront utiles à la fin de cette terrible bataille. Elle nettoie comme elle peut la tente des malades et les lits vacants, elle installe des paillasses supplémentaires et se prépare aussi bien qu’elle peut à accueillir les survivants, à soigner les blessés et à soulager les mourants. C’est alors que les premiers arrivent évacués par d’autres soldats en piteux états, parfois eux même blessés, mais qui retournent aussitôt au combat. Ingheam leur donne des feuilles à mâcher pour la douleur, elle réserve les champignons à ceux qui ont été le plus durement touchés et qui ne peuvent plus se battre. La blonde court partout, assiste le Mestre à sa manière, mais ne suit pas les directives qu’il se garde de lui donner. Lorsque soudain, le silence qui a quitté le camp avec les cris et les grognements des blessés revient, étrange, glaçant. Le Roi du Nord est sur son bouclier. Est-il mort ? Ingheam s’arrête interrogeant du regard les porteurs, mais aussi les autres hommes qui reviennent du champ de bataille, que se passe-t-il là bas ? Sont ils tous morts ? Et son frère, Sam ? Elle entends alors :
__ Crucifiez-les. Crucifiez-les tous. Qu'ils soient la preuve de notre dévouement à nos Anciens Dieux, à nos Ancêtres. Qu'ils soient la preuve pour tout Westeros que le Nord livrera une guerre totale à ceux qui s'élèveront contre lui. Ne pas tous les tuer serait une faute devant l'Histoire. Procédez, messire prévôt. Et amenez moi mes fils... Elle voudrait hurler “non”, mais à quoi bon. Elle tombe à genoux, ses yeux emplis de larmes. Mais déjà on l’appelle pour soigner un moribond. Elle se lève, elle y va. Elle sait qu’il n’y a rien à faire pour lui, elle lui donne un tas de champignons pour l’aider à rejoindre le Royaume des Dieux et ses ancêtres en paix et sans souffrances. Il s’endort bientôt, et ne se réveillera pas. Le Roi du Nord a disparut dans sa tente avec le Mestre, elle s’occupe des autres blessés avec toute l’aide qu’elle peut trouver car il y a fort à faire et elle ne peut être partout à la fois. Mais soudain, on l’appelle. Le Mestre de Winerfell la fait quérir. Elle prend quelques minutes pour donner ses directives aux assistants qu’elle a trouvé et suit le garde qui l’emmène à la tente du Loup. Lorsqu’on la fait entrer, elle s’arrête devant tous ses visages sombres tournées vers elle et manque de s’enfuir. Puis son serment lui revient en mémoire, alors elle sert les poings et s’avance, tête baissée pour ne pas voir.
__ La flèche était empoisonnée, j’ai besoin de vous. le Roi a besoin de vous Lady Ingheam Harclay.Ingheam lève les yeux vers l’homme de science. Le Roi du Nord ou un paysan, cela ne change rien à ses yeux, pas concernant l'énergie qu’elle mettra pour le sauver, par contre, cela change tout en terme d’angoisse. Que ce soient sa garde rapprochée, ses fils inquiets ou le Mestre qui la regarde avec insistance, la présence de tout ce monde l’intimide énormément. Elle murmure.
__ Bowen Glover.Personne ne comprend.
__ J’ai besoin de Lord Bowen Glover.Personne ne bouge.
__ Allez me chercher Lord Bowen !Un soldat sort pour le faire, si la Sorcière des Bois a besoin de Bowen pour sauver le Roi peu importe comment et pourquoi, elle l’aura.
Déjà rassurée par la seule idée qu’il arrive, elle inspecte la plaie que le Mestre lui indique. Elle renifle le visage de Torrhen et au bout de quelques instants, parvient à identifier le poison. Mais le Roi du Nord est couvert de blessure se rend-t-elle compte en s’écartant avec une moue sur le visage car le poison est puissant et risque fort de coûter la vie au Stark. Il faut tout soigner, il aura besoin de toutes ses forces pour lutter contre la toxine. Les linges propres et l’eau sont déjà posés sur la table à côté du lit ou est étendu Torrhen, elle commence à s'affairer pour nettoyer les nombreuses plaies et le sang qui le recouvre. Ce n’est pas le premier corps d’homme dénudé qu’elle voit parce ce n’est pas le premier corps dénudé qu’elle nettoie et qu’elle soigne, elle l’avait déjà fait à Iksahkka, pour préparer les morts à rejoindre les Dieux et pour soigner les malades et les blessés, elle l’a beaucoup fait ces dernières semaines. Elle n’est pas choquée, la nudité n’a jamais été un problème pour elle. Elle est bien plus impressionnée par les regards qui se posent sur elle que par son regard de guérisseuse sur la peau meurtrie d’un guerrier. Elle est concentrée.
Pendant ce temps, elle demande si quelqu’un peut aller lui chercher les plantes dont elle a besoin à l’infirmerie. Le Mestre lui propose d’y aller elle même car il ne les connaît pas toute et il prend le relais pour le nettoyage des plaies. Son assistant ira soigner les autres en attendant. Ingheam sort de la tente et Bowen arrive à ce moment là avec un air renfrogné qu’elle ne lui connaît pas. Elle lui sourit et lui explique la situation, il comprend très vite et l’accompagne en silence, néanmoins, il n’est pas comme d’habitude. Elle s’inquiète sans comprendre.
__ Sam ?__ Il va bien...Lorsqu’elle revient, avec Shoilleir sur l’épaule, Bowen essaye de faire un peu le vide autour d’elle, autant que possible en tout cas. Elle prépare deux onguents tandis que le Mestre finit de nettoyer le blessé. Elle recouvre les plaies simples avec une pâte claire, mais pour la blessure empoisonnée, elle utilise un cataplasme sombre à base de racines qu’elle recouvre de feuilles dentelées. C’est alors qu’elle quitte le blessé pour enlever un tapis et dégager un espace au centre de la tente. Bowen la regarde bizarrement, mais pas plus que les Gardes Loups et le Mestre.
__ Je dois chasser les mauvais esprits qui essayent de l’emmener.Répond-t-elle à leurs regards interrogateurs.
__ Je dois faire un feu, enfumer la tente et… Danser pour les Dieux Aidez-moi.On lui apporte du bois, on allume un feu, elle jette dans les flammes quelques feuilles des esprits, les mêmes que celles recouvrant la blessure.
__ Vous devriez sortir. Les gardes refusent, elle comprend qu’ils ne peuvent pas quitter leur poste. Elle regarde Bowen.
__ Soit. Messire Bowen, ça va aller, merci pour tout.Elle lui sourit alors qu’il prend congé sans demander son reste. Elle s’assoit sur ses talons...
Elle mange un champignon, puis deux, puis quatre. Elle ferme les yeux et se met à faire des sons étranges avec sa gorge pour appeler les Dieux autour d’elle afin de protéger le blessé, mais aussi elle, et les trois autres personnes présentes car elle va déchirer le voile. C’est pour cela qu’elle aurait préféré qu'ils sortent tous, mais elle tâchera de les protéger eux aussi. En aucun cas elle ne veut prendre une vie pour en sauver une autre, même celle-ci. Elle s’entaille les bras et fait couler le sang dans une écuelle puis elle le mélange à la terre. Elle jette une partie de la bouillie dans le feu qui crépite et se remplit d’étincelles puis s’en recouvre le visage. Assise sur ses talons face au feu, elle attend. Elle se concentre. Elle ferme les yeux. Au bout de quelques minutes, elle dodeline de la tête.
Ils arrivent. Elle les voit. Elle mange encore un champignon, différent celui là, et pose une feuille sur sa langue et une sur son front, puis elle colle avec ce qui reste du mélange de sang et de terre une feuille sur le front des Gardes Loups, du Mestre et enfin, une sur celui du Stark désormais allongé sur des peaux de bête au sol près du feu.
Shoilleir pousse un cri strident, il les voit lui aussi, il les sent. Les morts de la bataille des Loups. Elle ouvre soudain de grands yeux, son souffle est coupé. Lorsqu’elle se remet à respirer, c’est pour [ur=https://www.youtube.com/watch?v=wsl-KHGe4Kk]chanter[/url]. Elle se lève et commence à tourner autour du feu et du blessé, l’oiseau noir volette autour d’elle. Elle se met à danser au son des tambours de guerre et des cors, ils appellent le sang et la vengeance, elle voit les hommes tomber et rejoindre la terre dans des mares de sang noir. Elle sourit à présent, car elle n’appelle pas la victoire ou la mort de l’ennemi, seulement la justice des Dieux. Eux seuls savent déjà quelle sera l’issue de la bataille et elle ne danse pas pour la changer, juste pour l’harmonie du monde, des énergies et des éléments, pour que le vent souffle encore dans les frondaisons des arbres du Bois aux Loups, pour que les Barals pleurent encore leurs larmes pourpres, pour que l’hiver rugisse et que l’été réchauffe, le Peuple Libre, les Nordiens, tous.
Le corbeau se pose sur son dos alors qu’elle se baisse pour effleurer la terre du bout des doigts et en jeter en l’air en se relevant d’un coup. Il s’envole puis va se poser sur sa main qui s’attarde vers le ciel alors que l’autre l’unit gracieusement à la terre. Puis il va se poser sur le sol la suivant en marchant dans ses pas dont elle frappait le sol. Elle tourne sur elle même et tout autour du feu qui à présent dégage une épaisse fumée blanche dont elle s’enivre et l’animal vole autour d’elle dans un bruissement d’ailes noires. Shoilleir se pose un instant sur le pied qu’elle vient de jeter en l’air en jetant là tête en arrière, puis sur son crâne lorsqu’elle le redresse et enfin sur la main opposée qu’elle lève lentement. Écartant les doigts vers le toit de la tente, elle appelle le soleil et la lune, les nuages et les étoiles à veiller sur l’esprit des vivants présents dans la tente et à repousser celui des morts hors du corps du Roi du Nord. L’oiseau prend alors autant de hauteur qu’il peut et plane au dessus d’elle un moment avant de redescendre en spirale tandis qu’elle danse au dessus du Roi.
Plusieurs fois elle nettoie le cataplasme et le change, puis elle se remet à danser et chanter.. Elle jette de nouvelles feuilles des esprits régulièrement dans le feux et les soldats et Bowen toussent parfois, mais ils lui semblent protégés. Le rituel dure presque toute la nuit et elle finit par s’écrouler, exténuée, mais suffisamment consciente pour dire aux Soldats que tout va bien, pour elle et pour leur Roi.
__ Remettez le sur son lit.Au petit matin, la fumée s’est dissipée et les esprits, bons et mauvais, qui ont livré bataille sont partis. Ingheam est vidée de ses forces, mais elle va malgré tout voir dans l’infirmerie si tout se passe bien pour les autres blessés. Seulement dans sa transe, elle n’a pas prêté attention aux cris qui s'élevaient dans le vallon et reste quelques instants bouche bée devant l’horreur qui s'étend sous ses yeux, des dizaine de milliers de sauvageons crucifiés et la basse besogne n’est pas terminée. Est-ce pour ça qu’elle a sauvé le Roi du Nord ?
Ingheam aperçoit son ami Bowen en train de planter des clous dans un sauvageon pour l’accrocher à une croix. Elle court pour l’empêcher de sombrer dans l’horreur, pour l’arrêter, elle le prend par les épaules. Mais lorsqu’il se retourne ce qu’elle voit dans ses yeux la fait reculer, terrifiée, cette lueur ne lui ressemble pas. Elle se met à pleurer en le fixant un moment, mais il retourne à son macabre travail et elle va se réfugier sur un baral. Elle a toujours été bonne grimpeuse et elle se perche donc sur une branche pour ne plus rien voir ni entendre d’autre que le vent dans les feuilles pourpres. Seul Sam parvient à la faire redescendre en lui rappelant que des centaines d’hommes ont encore besoin de ses soins. Elle s'exécute, mais son silence est pesant.
Lorsque le Mestre osculte Torrhen, il constate que le poison n’agit plus et que si les autres blessures guérissent normalement, tout ira bien pour son Roi.
Lorsque tous ceux qu’elle avait pu sauver furent tirer d’affaire et que l’armée du Nord rejoignit Winterfell où sa mère séjournait toujours, Ingheam regagna Iksahkka avec son frère. Stewyn les rejoignit et ils entamèrent la lente et amère reconstruction de la demeure familiale. Mais le village restait désert et la petite blonde se réfugiait dans le Bois sacré dès qu’elle ne travaillait pas, ne parlant presque plus, même à Sam. Ainsi, l’annonce d’une nouvelle guerre sonna presque comme une libération. Une terrible sanglante et triste libération. Elle honora son rang, son serment et ses ancêtres en rejoignant à nouveau l’armée du Nord. Elle était la dernière femme à pouvoir servir le Roi du Nord comme les Sorcières du Clan Harclay l'avaient toujours fait. Normalement, au moins une sorcière des bois devait rester à Iksahkka et une autre aller faire son devoir envers les braves. Mais Tout était différent à présent. Sa mère resterait à Winterfell pour s’occuper du domaine tout en restant en sécurité, mais elle, bien qu'elle passerait par Winterfell pour la première fois de sa vie n'y resterait pas. La blonde n’hésita pas longtemps à quitter le fief vide de toute vie à part celle des trois membres survivants du clan Harclay. Cette guerre ne fut pas plus facile à vivre pour elle que la précédente et elle se réfugiait dans sa mission pour ne penser à rien d’autre qu’aux vies qu’elle préserverait…