- Sois fort, Orys.Ce furent les derniers mots qu'elle prononça avant que son souffle ne lui manque. Sa main devint inerte sur ma joue, avant de lentement s'affaisser. Elle était chaude et moite au toucher. Ses traits s'étaient figés dans une expression contrite, presque grimaçante. La mort était laide à regarder en face... Je ne me rendais pas compte que ce visage risquait de me hanter pour de longues années. Je voulais seulement rester auprès d'elle, nier l'évidence qui s'imposait à mon esprit. Elle était encore là, quelque part, j'en étais persuadé.
Quand des bras me tirèrent en arrière, je rompais avec cette immobilité parfaite. Je me débattis vainement pour revenir vers elle... Et finalement, je hurlais cette douleur qui manquait de me faire suffoquer. C'était étrange d'avoir aussi mal, sans en déterminer exactement la cause. Les yeux brouillés par les larmes, je continuais de leur opposer résistance aux hommes en armure, jusqu'à ce que l'un d'entre eux me soulève du sol et me force à le regarder, à ancrer une autre image dans mon esprit. A cet âge-là, il me paraissait immense, avec de grandes mains qui faisaient aisément le tour de mon corps. C'était un contact bien plus rassurant que celle dénuée de vie de ma mère.
- On dirait bien que tu as le Feu Targaryen en toi, mon fils.Mon fils... C'était la première fois que j'entendais ce mot. Je ne comprenais pas de quoi il parlait, je voulais juste...
- Lâche-moi ! J'te connais pas !Son rire trancha net avec mes protestations. Il me reposa au sol mais ne lâcha pas ma main.
- Tu apprendras à nous connaître. Tu viens avec moi.Il avançait vers un puissant destrier, sans desserrer sa prise. Je regardais une ultime fois en arrière, vers le corps baigné de sueur de ma mère. Puis je me détournais pour regarder où ces inconnus m'entraînaient.
Sois fort, Orys. Je devais avancer et arrêter de pleurer.
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- On ne veut pas de toi, Waters... Dégage !Waters... Waters... J'entendais ce nom si souvent scandé sur mon chemin qu'il m'était impossible de le nier. Dans leurs bouches de petits nobliaux pédants, ce n'était rien d'autres qu'une insulte qu'ils me jetaient à la figure pour prouver leur supériorité dérisoire. S'ils voulaient vraiment m'atteindre, ils allaient devoir faire beaucoup mieux.
- De toute façon, c'est nul, votre jeu.Je tournais les talons, sous l'écho de leurs protestations. Je riais. Je m'en moquais. Peu importe ce qu'ils tentaient de faire, Aegon ne s'intéressait pas à eux et ils enrageaient. C'étaient eux, les insignifiants. Je connaissais ma valeur et elle ne se limitait pas à ce mot : Waters. On était beaucoup à le porter, et pourtant, aucun d'eux ne constituaient ma famille non ? Les Targaryens l'étaient et ne doutaient pas de moi. C'était tout ce qui comptait à mes yeux... Même si on me rappelait bien souvent de rester à ma place. Comme si j'en avais une !
Je courrais à en perdre haleine dans le dédale de roche noire de Peyredragon. Je dévalais un escalier, puis un autre, dans la ferme intention de me rendre à la cour où je pensais trouver Aegon en plein entraînement. Je l'avais laissé tranquille plusieurs heures avec son instructeur mais je n'en pouvais plus d'attendre.
J'entendis ma cavalcade se faire ponctuer d'un soupir désapprobateur de la reine avant de me faire intercepter par mon père. Je lui rendis un regard ahuri, les yeux ronds comme des soucoupes. C'était rare qu'il m'accorde de l'attention, avec ses responsabilités, mais il fallait croire que j'étais tout de même prompt à attirer l'attention.
- Orys ! Où cours-tu comme ça ?
- Je vais voir Aegon ! Il a promis de me montrer quelques passes d'armes aujourd'hui.Je lui rendis un grand sourire, fier, renforcé par la lueur d'intérêt que je vis briller au fond du regard de mon père. Je pensais qu'il allait en rester là quand il me tourna la mâchoire d'un geste autoritaire. J'avais déjà oublié ces contusions. J'espérais qu'elles passeraient inaperçues. Comme souvent, le ton de la reine trancha dans l'air, chargé de réprimandes.
- Un vrai petit sauvageon...
- Tu t'es encore bagarré aujourd'hui, Orys ?
- Non.Père attendait. Je n'avais pas menti... Mais je ne tins pas longtemps en place sous son regard perçant.
- C'était hier... Mais c'est leur faute à eux, à me chercher tout le temps.
- Et tu serais prêt à lui laisser une arme en main ?
- Au contraire, un entraînement rigoureux lui ferait passer ses envies belliqueuses et lui enseignerait un peu de discipline. Va rejoindre ton frère, Orys. A partir d'aujourd'hui, vous vous entraînerez ensemble.J'affichais un large sourire avant de partir sans attendre qu'il change d'avis. Je m'étais attendu à une sanction... La Reine disait souvent qu'il me laissait passer trop de choses. Je préférais éviter qu'elle ait son mot à dire... Elle me renvoyait souvent une pâle indifférence, jusqu'à ce que je me fasse remarquer... Souvent en mal. D'autant que je m'entraînais déjà avec Aegon de temps en temps. Désormais, ce serait officiel.
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Aegon me battait souvent à l'épée. Les quelques années qui nous séparaient lui conféraient un avantage certain. Il était plus grand d'une demi-tête, mieux bâti aussi. Sa musculature s'étoffait bien davantage... Il était prêt à monter un dragon, à partir combattre à Essos. Il avait déjà la prestance d'un Roi tandis que je peinais à le suivre, plus en retrait. Aegon m'avait bien proposé de m'opposer à Visenya pour varier les adversaires, mais je n'étais pas à mon aise face à la guerrière. J'avais tenté de frapper moins fort et elle en avait pris ombrage, rompant les hostilités. C'était souvent ainsi, avec mes deux soeurs... Quand Rhaenys nous dessinait, comme ce jour-là, je peinais à me concentrer.
... Mais je n'étais pas le seul.
Nous échangions quelques passes d'armes. Je perdais du terrain, comme souvent, Aegon s'amusant à me pousser dans mes retranchements. Je manquai de perdre l'équilibre sous un coup porté plus violent que les autres et parai avec difficulté, sentant les vibrations de sa lame me remonter jusque dans les épaules. Je savais que le prochain coup risquait de me mettre à terre mais j'attendis sans me démonter qu'il le porte... Jusqu'à apercevoir l'ouverture qu'Aegon laissait dans sa garde. Je lui fauchai les jambes, du plat de la lame, et le fit mordre la poussière. Décontenancé, Aegon se remit pourtant sur pied assez vite pour reprendre nos échanges musclés. Je l'aperçus couler un regard en coin à Rhaenys, un manque d'attention qui lui coûta cher, se retrouvant à nouveau face contre terre. Il multipliait les erreurs et je commençais à comprendre qu'elle en était l'origine, sans être réellement sûr de leur nature exact. Aegon avait voulu s'assurer que sa soeur le regardait au moment de me porter l'ultime assaut...
Je souriais, goguenard. C'était rare que je l'emporte deux fois d'affilée contre Aegon. Je vis son expression impassible commencer doucement à se craqueler pour laisser place à une froide résolution.
- Retire-moi ce sourire de satisfaction, petit frère, ou je te fais ramasser tes dents.Des paroles dites sur le ton de la plaisanterie, mais j'étais désormais assuré d'avoir toute son attention. Mon sourire s'étira au contraire, provocateur, pour révéler une dentition parfaite. Je le vis foncer sur moi à toute vitesse et esquiva de justesse la violence de sa charge. Nous reprîmes notre danse mortelle et je goûtais pleinement l'instant. Pour une fois, les rôles étaient inversés. On me reprochait souvent de combattre avec ma colère plus qu'avec ma lame. J'attaquais avec puissance et vivacité mais je laissais trop d'opportunités à mon adversaire. Aegon était toujours dans la mesure, sauf qu'il laissait maintenant en évidence une faille que je venais à peine de percevoir.
Le crépuscule pointait quand nous cessâmes le combat, l'ultime que je livrerais avec lui avant son départ. J'entendais encore l'écho du rire de Rhaenys dans mon esprit, alors qu'elle était partie bien une heure avant, soi-disant pour laisser Aegon se concentrer sur notre duel. C'était un son plutôt rare, elle qui était si discrète, si réservée, toujours plongée dans son carnet. Je chérissais ce son et compris pourquoi Aegon en faisait autant. Je m'interdis pourtant de l'envier, surtout pas la veille de son départ.
Je m'assis pour reprendre mon souffle. J'avais mal partout, mais Aegon n'avait pas réussi à me priver de ce sourire face à mes victoires répétées.
- Tu as fait beaucoup de progrès, Orys. Je suis impressionné.
- Alors laisse-moi partir avec toi. Tu as peut-être ton dragon, mais tu ne peux pas cracher sur une lame supplémentaire.
- Tu sais bien que ça ne dépend pas que de moi...Il s'assit lourdement à son tour, raide dans ses mouvements. Je sentis son dos offrir un appui bienvenu au mien. Tout serait différence en son absence, mais je ne doutais pas qu'il reviendrait bien vite. Aegon marqua un silence, avant de reprendre sur le ton de la confidence.
- Tu dois continuer à t'entraîner. Tu auras bientôt un rôle à jouer, à mes côtés. Je veux unifier tout Westeros, petit frère, sous la bannière du Dragon. Nous mettrons enfin un terme à ces luttes intestines, par les flammes s'il le faut. Nous pourrons offrir une ère de paix et de prospérité à ces terres... Roi des Sept Couronnes, ça sonne plutôt bien, tu ne trouves pas ?Je le sentis sourire, sans le voir. Je le savais, tout simplement. Ce projet était démesuré, mais j'avais envie de croire aussi en ce rêve d'union. Je n'étais pas vraiment étonné qu'il nourrisse pareille ambition. Quelque part, je l'avais toujours su. Aegon attendait une réaction, en silence. Je levai la tête pour observer le firmament.
- Oui. Ca sonne vraiment bien.~~~~
Je galopai, à brides abattues. Je goûtais à ce sentiment de liberté grisant qui m'envahissait. A une allure si effrénée, je n'entendais plus rien d'autres que le vent siffler à mes oreilles... Et ce grondement sonore propre à vous glacer les trippes. Je retins ma monture au dernier moment. Les oreilles plaquées, elle lâcha un hennissement paniqué et fit un écart quand l'ombre imposante engloutit le soleil. Meraxès nous passa au-dessus. Ses écailles brillaient comme des milliers d'étoiles à la grâce de l'astre. Sa prestance n'occultait pourtant pas celle de sa maîtresse, juchée sur elle. Rhaenys se tourna vers moi, une once d'inquiétude chassant un instant cet émerveillement qui faisait briller son regard. Sa chevelure d'argent volait autour d'elle, lui donnant des allures de Reine. Non, elle ne l'occultait pas : Elle l'embellissait.
- Ne t'arrêtes pas pour moi, continue !J'éperonnai ma monture pour tenter de suivre le rythme. Je ne voulais pas rater un seul instant de ce premier vol et la poussai jusqu'à l'épuisement, jusqu'à ce que nous atteignions les roches noires qui donnaient sur l'océan. Je stoppai ma monture juste à temps tandis que la dragonne continuait et survolait l'étendue aqueuse. Je contemplais ce spectacle depuis la terre ferme, un rien envieux. Les dragons m'étaient tout d'abord apparus comme des menaces, si proches de mes sœurs et pourtant si dangereux... Avant que je ne comprenne le lien tout particulier qui les unissait. J'avais appris à les aimer en même temps que Rhaenys grandissait aux côtés de Meraxès. De la petite fille effacée et secrète que je connaissais, elle était devenue une femme sûre d'elle, flamboyante comme le feu du Dragon. A croire qu'elle n'avait attendu que Meraxès pour déployer ses ailes à son tour...
J'observai la dragonne s'élever dans les airs et fondre ensuite pour suivre l'étendue aqueuse, Rhaenys tout en confiance sur son dos. J'aurais voulu avoir un dragon moi aussi. Après tout ce temps passé aux côtés de mon frère et mes soeurs, j'en avais presque oublié ma condition de Waters. Elle se rappelait à moi quand je songeais aux dragons. Je ne cachais rien à Père. Je m'attendais à ce qu'il me serve le même discours, de rester à ma place... Mais il m'avait simplement demandé d'être patient. Qu'il était temps pour moi de faire mes preuves.
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J'aurais voulu avoir plus de temps pour lui prouver ma valeur, avant que la maladie ne l'emporte. J'avais toujours cru qu'Aerion Targaryen mourrait en guerrier, sur le champs de bataille. Le jour où je m'étais rendu compte que j'avais oublié le visage de ma mère, j'avais aussi voulu oublié à quel point la mort pouvait nous happer aisément. J'étais orphelin. Aegon était constamment occupé depuis qu'il était devenu Roi et je sentais la solitude m'assaillir bien trop souvent à mon goût. Rhaenys s'était renfermée, remise à griffonner son carnet. Visenya s'entraînait sans relâche et m'épuisait tellement que je lui avais conseillé de se trouver d'autres adversaires.
J'avais toujours mal supporté la solitude, la distance. Deux semaines, déjà. Ce silence m'oppressait et je m'étais résolu à y mettre fin avant mon départ. Je savais où trouver Rhaenys quand elle cherchait à s'isoler et comptait bien la sortir de sa retraite. Elle ne m'avait pas aperçu, absorbée par l'écriture d'un poème. Je me glissai dans son dos pour lui arracher son carnet des mains. Elle se leva d'un bond, tout à coup très concernée.
- Rends-le moi, Orys !Je feuilletai rapidement les premières pages, le levant à bout de bras au-dessus de ma tête pour éviter qu'elle ne me le reprenne bien trop vite. J'avais toujours voulu y jeter un coup d'oeil mais Rhaenys avait le don de le subtiliser à mon regard dès que je m'approchais, sélectionnant avec soin ce que je pouvais voir. Je ne connaissais pas meilleur remède pour la sortir de sa torpeur, au risque de l'agacer fortement.
- Voyons voir ça... Un poème... Tiens ? Un dragon... Splendide. Et ça... C'est... Aegon dans une posture un peu...Je me pliai malgré moi quand elle m'enfonça subitement son coude dans le ventre, attrapant le carnet dans la foulée. Elle avait plus de force que je ne l'avais escompté... Je croisai son regard chargé de reproches et me contentai de lui sourire en retour. Je la vis se détendre et me le rendre, plus hésitant. Elle n'avait su résister, quand je lui souriais... Même maintenant. Je ne pouvais pas chasser la douleur avec un simple sourire, mais j'étais persuadé que ça l'aiderait. Je comptais surtout sur mon frère pour prendre soin d'elle. Je n'étais plus vraiment dupe.
- Rhaenys... Je vais devoir partir.
- Quand ? C'est trop tôt Orys...
- Demain, pour les terres de l'Orage.Elle avait vite repris contenance. Je sentais son regard inquisiteur qui m'incitait à parler. Difficile de s'y soustraire.
- Je dois retrouver quelqu'un là-bas.Je n'avais pas envie d'en dire davantage, au risque de l'inquiéter inutilement. Aegon craignait que certains de nos informateurs n'aient retourné leur veste. J'allais devoir les traquer et les éliminer, si c'était la réalité. Rhaenys n'était pourtant pas idiote et savait qu'il ne s'agissait pas d'une simple promenade de santé. Je la sentis, avec étonnement, se presser contre moi dans une brève étreinte. Je posais une main sur sa tête, rassurante.
- Je ne vais pas disparaître, petite sœur... Je reviendrais vite. Aegon sera là pour toi.
- Promets-moi de revenir sain et sauf.J'ouvris la bouche... Et la refermai bien vite, lui adressant un sourire qui se voulait chaleureux. Je n'aimais pas leur mentir. Promettre, c'était comme mentir un peu. On ne sait jamais ce qui peut arriver...
- Promets-le, Orys.
- Je reviendrais. Je te le promets.J'abdiquai dans un soupir. Elle hocha la tête, assurée, et me laissa partir sans un mot de plus.
Je ne me doutais pas qu'Aegon prononcerait les mêmes paroles, peu de temps après, mais ne reviendrait pas.
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J'avais mené ma mission à bien, comme tant d'autres auparavant. Il m'avait fallu quelques semaines supplémentaires pour dénicher ces traîtres et leur faire payer cette défection. Ils devaient s'être douté que je partirais sur leurs traces mais toutes leurs précautions s'étaient révélées vaines. Ces derniers temps, ils étaient de plus en plus nombreux et je ne chômais pas. Je n'aimais pas faire ça. Je leur laissai souvent une chance de mourir l'épée en main, à défaut de leur accorder la moindre pitié quand ils me suppliaient de les épargner. Trahir le Dragon était passible de mort et ils le savaient bien. Ce comportement ne faisait qu'alimenter mon ressentiment à leur égard.
Mais mon cœur s'apaisait en songeant au retour prochain à Peyredragon. Je tenais le dessin de Rhaenys en main, accoudé au bastingage... Celui même qu'elle m'avait laissé ce soir-là, avant que je parte pour des contrées lointaines. Ils étaient là, tous les quatre, couchés sur cette feuille de papier. Le fier Aegon et ses deux soeurs : Visenya, la guerrière, elle, la poète. Je me tenais à leurs côtés, à ma place. J'avais l'impression qu'elle m'assénait une évidence... J'avais finalement toujours su où était ma place, et eux aussi.
J'étais devenu Chevalier du Dragon, sous les ordres d'Aegon. Seuls les Nobles pouvaient normalement accéder à ce titre mais certaines exceptions existaient. J'en faisais partie et peu avaient eu à y redire quand j'étais revenu triomphant contre les pirates de Lys. J'avais mené les bateaux dans leur dernier retranchement, nos troupes exaltées par ma fureur guerrière. Je n'avais pas abandonné avant de voir le dernier d'entre eux exterminé, fiché sur ma lame. Aegon avait tout simplement ri, affirmant qu'on avait finalement trouvé une utilité à cette colère que je brandissais comme une arme, à ce feu qui couvait et ne voulait que s'exprimer.
Mon frère ne savait pas de quoi il parlait. Le Feu, je l'avais senti m'embraser entièrement à l'annonce de sa mort et de celle de Visenya. J'avais traqué les traîtres sans relâche pour nous éviter une dague plantée dans le dos, mais je n'avais pas pu éviter le pire. Ils étaient morts. Je n'avais pas été là pour eux. J'aurais dû me tenir à leurs côtés. Ca n'aurait peut-être rien changé, mais j'enrageais. Je me sentais bouillir de l'intérieur avec ce besoin impérieux de vider ce trop plein. Je frappais des ennemis invisibles en hurlant, tranchant net une table en deux. Saccageant toute la pièce jusqu'à ce qu'il ne reste que des feuilles volantes et des débris de bois amoncelés. C'était bien loin de me suffire... Je voulais sa tête. Je voulais le faire souffrir mille morts... Tué tout ceux qui pouvaient lui être cher sous ses yeux en représailles. Je voulais mettre à feu et à sang sa maudite forteresse d'orgueil, la détruire pierre par pierre. Je me sentais incapable de contenir toute cette rage, de la canaliser. Tout s'effondrait. Il m'avait tout pris... Non, pas tout. Il restait Rhaenys, cette dernière lueur d'espoir.
Ma soeur, ma protégée, la Reine des Sept Couronnes.
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Plus que jamais, j'avais peur de la perdre. Je veillais constamment sur elle, ne la quittant pas des yeux. Encore une fois, elle s'était renfermée et je peinais à percer sa carapace. Je savais qu'elle la gardait à l'abri, lui permettait de tenir et de ne pas s'écrouler... Mais Peyredragon avait besoin d'elle. Westeros même.
Je ne me donnais aucun répit. Je travaillais sans relâche et nourrissais les silences que Rhaenys imposait. Je laissais Deana et son insouciance prendre le relais quand je devais m'éclipser, espérant secrètement qu'elle parvienne à la sortir de sa léthargie. Il me fallait préparer son couronnement à venir. Ce serait sommaire, mais ça conviendrait.
Je n'avais pas pris le temps de pleurer mon frère et ma sœur, même lorsque j'ordonnais froidement d'ériger le bûcher funéraire. Je ne sentais que cette fureur qui brûlait dans mes veines et menaçait de me consumer. Mes phalanges blanchissaient sur le pommeau de ma lame, seul signe visible de ma frustration. Aegon avait toujours été un idéaliste, bien meilleur que moi. Son rêve de paix et d'unité lui avait coûté la vie et celle de Sivenya. Je jurais sur les cendres de mes aînés de le venger, de poursuivre leur œuvre jusqu'à mon dernier souffle, mais à ma manière. Nous ne pouvions unir les sept royaumes que dans le feu et le sang.
A travers les flammes, je rendis un regard empli d'une forte résolution à ma sœur. Dans l'éclat de ses yeux améthystes, j'entrevis le même désir ardent en parfait miroir. Rhaenys était prête à faire front. Elle ne le savait juste pas encore.
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- Honneur et vengeance pour le Dragon !Ma voix tonna avec force, chargée de conviction, la grande salle portant son écho. Je me relevai pour faire face, aux côtés de ma sœur et Reine, Rhaenys Targaryen. La surprise passée face à mon acte qui bousculait toutes leurs chères coutumes, je les entendis bientôt scander à ma suite avec la même résolution féroce.
- Honneur et vengeance pour le Dragon ! La Reine sur le Trône de Westeros ! Vive la Reine ! Vive la Reine des Sept Couronnes !Le Dragon n'était pas mort. La détermination de Rhaenys conjuguée à la puissance de Meraxès auraient raison de tous nos ennemis, j'en étais persuadé. Plus que jamais, je croyais en elle. Nous étions toujours une force avec laquelle il faudrait compter. Je réaliserais la volonté d'Aegon et porterais la bannière des Targaryen jusqu'aux confins de Westeros. L'heure n'était pas aux larmes, mais à la bataille à venir.
Je pensais que nous nous en tiendrons là quand Rhaenys se tourna à nouveau vers moi et fit entendre ses premières volontés en tant que Reine des Sept Couronnes.
- Moi Rhaenys, Reine des Sept couronnes, héritière de Peyredragon, je légitimise Orys Waters, fils d’Aerion Targaryen. Dorénavant, il sera Orys Baratheon premier du nom, protecteur de Peyredragon, et Main de la Reine.Je ne pus empêcher la surprise de marquer mes traits. Je m'étais attendu à tout, sauf à ça. Pourtant, les paroles de Père me revenaient en mémoire... Rhaenys marchait sur ses traces, ouvraient de nouvelles voies même. Elle me conférait plus de pouvoirs que je ne l'avais jamais espéré. Et surtout, un nom. Baratheon... J'appréciais les sonorités de cette nouvelle identité. Je m'inclinai et jurai allégeance à la nouvelle Reine des Sept Couronnes, initiant le mouvement.
Et intérieurement, je me jurai de faire honneur à ce nom, qu'il soit gravé aux côtés de ceux des Targaryen dans l'Histoire de Westeros.