La paix prônée par la Reine Régente n'a été suivie par aucun royaume. Tous complotent, s'allient, luttent et cherchent finalement à faire la guerre. Cela semble être une donnée inéluctable de l'équation à laquelle nous ne pouvons strictement rien. Autant alors s'y préparer car tous peuvent sentir et moi la première qu'aucun peuple, aucun royaume ne sera épargné par les ravages des affrontements à venir.

J'admirais énormément mon oncle, sa mort fut une dévastation pour plus d'un membre de notre famille et je chéris son souvenir. Ma maison et ma personne soutenons sans faille le jeune roi Ronnel, nous avons foi en sa personne et son potentiel est indéniable. Certes il a besoin d'être guidé mais je n'ai aucun doute sur le fait qu'il saura être un souverain que nous serons dignes de suivre et qui saura mener le royaume vers une ère plus sécuritaire et prospère.

La guerre a déjà touché notre royaume, et ce ne sera ni la première ni la dernière fois si elle refait son apparition sur nos contrées. Certes je n'y ai jamais été confrontée personnellement, mais je connais les pertes qu'elle peut engendrer et j'en ai peur sans honte. Cette possibilité me terrorise, mais si cela doit être la volonté des dieux je traverserais l'épreuve avec tout le courage dont je peux faire preuve, pour les miens, pour mon roi.

Les affrontements n'ont pas à faire de nous des bouchers, ou des animaux. Pourtant c'est de ce comportement qu'à fait preuve cet homme qui ose se faire appeler roi. Pour moi ce n'est qu'une manœuvre déloyale, qui n'apporte ni gloire ni aucune conséquence positive. La preuve, il n'a en rien éliminé la menace et n'a fait que déclenché un conflit plus violent encore que celui qui avait pu être présagé. Il a précipité tout Westeros dans le feu par son orgueil et sa stupidité. Car après tout la violence n'est que la réponse des simples d'esprits à un conflit.

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      Mâle ou femelle, tous les êtres humains naissent et meurent dans le sang.

C'est une vérité qui ne plairait guère à beaucoup. Pourtant en chaque naissance se retrouve les mêmes variables, les cris, les efforts et la fatigue qui menace de faire basculer la travailleuse vers le côté bien trop tentant du grand vide mortuaire, mais tellement prometteur dans ses proclamations d'une délivrance sourde. Malgré cela la Lady Royce n'avait pas lâché, elle avait supporté presque avec royauté cet évènement certes plein de bonheur mais qui prélèverait en elle toutes ses forces pour un bon mois. La délivrance se fit au prix d'heures de souffrances, telles qu'elle ne les comptait même plus. Finalement après des mois de soins attentifs et d'un quotidien presque passé assise ou alitée, la nouvelle vie éclata dans le sang et d'autres cris mais qui étaient un concert de ceux maternels et infantiles. Ysilia débuta son arrivée en ces terres dans l'épreuve la plus ardue qui soit. Pourtant au bout du chemin c'était une espérance de jeunesse dorée, protégée, choyée et presque trop adulée.

La matrice originelle était de plus haute noblesse en effet. Ser Royce descendait d'une des plus prestigieuses et anciennes familles du Val, et on récompensa sa loyauté sans faille en lui accordant la main de la fille aînée du souverain alors en place. Megara Arryn, une beauté douce, à la constitution quelque peu fragile, mais qui valait son pesant d'or et avait généré par un seul regard bien des duels. Ainsi la distinction était de poids pour le Lord de Roche-aux-Runes, et les noces ne commencèrent pas sous les auspices néfastes qu'elles connurent plus tard. Le couple ne s'entendait pas mal, mais il était clair que le puissant seigneur ne poursuivait qu'un seul objectif, celui-ci guidant sa relation avec son épouse; faire perdurer sa lignée et surtout son nom. Pourtant l'homme ne portait guère tous les vices en lui, et la raison de cette obsession était vite trouvée. Il avait hérité très tôt de son domaine suite au décès de son père et frère aîné dans les affres de combats sanglants, il connaissait donc plus que quiconque la valeur et l'importance des héritiers, mâles de préférence.  

L'union aurait pu être florissante, et pourquoi pas porteuse d'un amour sincère et loyal. Cependant les dieux en décidèrent autrement, et ce fut aussi simple que l'annonce du sexe de leur première née qui posa la première pierre d'une haine réciproque sans bornes. La grossesse avait pourtant été des plus précoces, on avait félicité maintes fois l'homme de sa virilité débordante, et la femme pour sa fertilité. La communion  de ces êtres semblaient s'annoncer des plus florissantes. Malheureusement ce ne fut guère l'avis de Ser Royce, lorsque après des moments de délectation à la chasse alors que son épouse souffrait milles morts face à un accouchement par le siège, il apprit que cet enfant héritier était né femelle. La colère prit le géniteur, et les infidélités ne se firent même plus cachées. Cependant il ne perdit pas de vue la possibilité de changer cet état de fait par un nouvel essai. Il continua donc de besogner religieusement sa femme, sans envie ni plaisir, par devoir, pour l'honneur, et surtout pour laver la honte et s'assurer enfin une pérennité définitive pour sa lignée. L'infortuné ne fut pourtant pas délivré et au fur et à mesure de passaient les années rien ne sortait plus du ventre dévasté de Lady Royce, pire même les maîtresses du Ser ne donnèrent à leur seigneur que des filles en descendance. C'était une déconfiture trop lourde à supporter pour le fier homme, qui aveugle au joyau que pouvait être son aînée s'enfonçait toujours plus profondément dans les torpeurs de l'alcool et dans les lourds parfums de tous les bordels du Val, sous les railleries de ses vassaux et contemporains.

Malgré cet éloignement caractérisé par toute la cour royale, et le refuge trouvé aux Eyrié de plus en plus souvent par Megara Royce pour échapper aux foudres dévastatrices d'un époux frustré, la Lady de Roche-aux-Runes tomba de nouveau enceinte. Tout d'abord tous crurent que la grossesse ne ferait que se terminer comme les autres, au bout de quelques mois par une fausse couche démonstratrice d'un corps handicapé par la première naissance. Pourtant ce ne fut guère le cas et le fruit de l'acte de chair tint bon. Ce ne fut pas pour autant que la grossesse se passa sous le meilleur jour. Une nouvelle fois Megara dû garder le lit, ne devant qu'à la présence de sa fille, de son frère et de son neveu de garder le moral. Les mestres n'étaient pas du tout optimistes quant à l'heure du terme, ils prédisaient au roi la mort prochaine de sa sœur tant aimée et lui préconisaient même de commencer dorénavant le travail de deuil. Mais la Lady finit par dépasser tous les pronostiques, elle survécut, au prix d'efforts colossaux, mais ce fut une nouvelle fois une fille qui vit le jour par ses soins. Ysilia ouvrit les yeux aux Eyrié, entourée des membres les plus aimants de sa famille, bien que sa sœur aînée ne manifesta qu'un soulagement de la voir née femelle, et se désintéressa bien vite de sa personne. Megara était ravie de pouvoir pouponner à nouveau, et pour la dernière fois selon les hommes de sciences, quant à son géniteur, il faillit commettre un odieux meurtre de rage lorsqu'il reçut la nouvelle. Durant les premiers mois de la vie de la nouvelle Royce il fut même écarté de sa compagnie, le beau-frère royal n'appréciant que très modérément ses manières et ses excès.

Dès ses premiers instants Ysilia fut une enfant calme et attentive, faisant rapidement ses nuits et ne donnant de la voix que dans l'extrême nécessité. Tant par sa naissance dans un sexe faible, que par une position secondaire elle n'était porteuse d'aucun espoir, aucune responsabilité ne pesait sur ses frêles épaules. Elle grandit dans une jeunesse innocente et rythmée par des rires et des études qui la fascinaient. Très vite elle partagea les jeux du jeune prince Ronnel, nouant de véritables liens forts avec son seul cousin. De sa sœur aînée la jeune demoiselle ne connaissait que le bas des grandes robes parsemées de soieries. Lyra n'était en apparence qu'indifférence pour cette sœur de quinze ans sa cadette, cependant elle finit par s'émouvoir de ce petit être curieux qui adorait la suivre partout. Ysilia ne saurait dire ce qui l'attirait chez cette personnalité vive et éclatante qu'était sa sœur, mais dès son plus jeune âge elle ne put s'empêcher de vouloir la suivre, être à ses côtés et surtout marcher dans ses traces. La cadette vivait en effet dans l'ombre de cette future Lady brillante et complimentée dans tous le royaume.
A toujours ne parler que de Lyra, qui attirait toutes les convoitises par sa position et ses ambitions de pouvoir Ysilia fut presque ignorée, passant inaperçue, n'étant remarquée que pour être comparée à sa sœur.

La mère des demoiselles ne fit aucune préférence dans l'éducation de celles-ci et ce dont bénéficia l'une, l'autre l'obtint. Quant au géniteur, il finit par devenir infirme, rongé par une syphilis toute ironique et laissant son cher fief entre les mains de ces femelles qu'il méprisait. Lyra géra merveilleusement bien son destin, et elle offrit même à sa jeune sœur la possibilité d'étudier tous les domaines qu'elle désirait, lui apportant même une tranquillité dont elle n'avait pas elle-même bénéficié. Ysilia laissait avec bonheur son aînée gérer le domaine, elle ne suivit que de loin les affaires maritales de celle-ci, n'étant que trop jeune pour comprendre réellement de quoi il retournait. En parallèle, à l'abri des regards guère soupçonneux Ysilia développa une intelligence vive et une curiosité aiguisée pour toute sorte de domaines. Elle apprit sans difficultés les arcanes pour devenir une parfaite Lady tout comme sa sœur l'avait fait avant elle. Avec les années défilant elle se trouva un goût prononcé pour le grand air et la nature. Elle approfondit donc la maîtrise de l'herboristerie, mais également l'art de la fauconnerie ou de l'archerie. Ce dernier domaine, tout masculin qu'il était ne lui fut pas refusé, car on passait généreusement ce caprice de fille de bonne famille, tant qu'elle n'espérait guère une quelconque reconnaissance. Elle trouva en cette arcane un moyen de canaliser ses émotions et ne tarda guère à y développer un talent certain.

Concernant ses liens avec la famille royale la demoiselle ne développa des liens étroits qu'avec son cousin Ronnel, son oncle et sa tante étaient trop occupés par l'exercice du pouvoir pour ne lui consacrer autre chose que des regards attendris. Malheureusement avec les années même cette relation se fit distendu. Avec la lente agonie de son géniteur, et le mariage de sa sœur aînée devenue officiellement héritière et régente de Roche-aux-Runes Ysilia eut beaucoup moins d'opportunités de retourner aux Eyrié. Elle vécut cet éloignement de son aînée comme une déchirure bien cruelle, et dans sa fureur enfantine elle ne put haïr l'objet de son adulation, elle reporta son ressentiment contre celui qui était le fautif de ce désastre à ses yeux, Asher. Se murant dans le silence et la discrétion qui convenait à son rang elle ne fit par de ses véritables sentiments à personne et se plongea dans ses liens avec les faucons qu'elle éleva en compagnie d'un mestre, reportant son affection sur ces animaux pour compenser. Contrairement à sa sœur aînée Ysilia ne démontrait pas un caractère aussi obstiné ni ambitieux. Elle n'avait pas les répliques acérées et se montrait bien plus timorée, ce qui pousse généralement ses interlocuteurs à la jugée des plus faibles et communes. Pourtant elle cache extrêmement bien son jeu, car la timidité n'est qu'une convenance qu'elle se doit d'entretenir, elle cache un esprit d'aventurière rarement effrayée et des plus ouvertes sur le monde qui l'entourage.

Jamais le pouvoir n'a séduit de son poison l'esprit de la jeune fille devenue femme depuis peu. Mais elle n'a apparemment pas eu à l'appeler de ses vœux pour qu'il frappe à sa porte. Bien entendu Ysilia est au courant de la situation du Val et des différentes intrigues qui peut nouer son histoire. Elle se remet d'ailleurs à peine de la perte de son oncle le roi. Malgré sa distance avec cet homme elle avait appris à l'aimer comme un père lointain, remplaçant le géniteur incapable qui n'avait jamais été à la hauteur du rôle. Elle a toujours montré à Ronnel tout le soutien possible et elle croit beaucoup en lui. Néanmoins les choses ne sont guère simple. Ysilia avait cru un temps aux volontés de pays des différents souverains. C'est avec plaisir qu'elle avait participé aux festivités de Goeville, en faveur d'un rapprochement des peuples et surtout soutenant l'initiative d'éviter au maximum les conflits. Ysilia n'est pas dupe, elle sait que la Reine Régente est terriblement vulnérable, le roi trop jeune et encore inexpérimenté, et elle a bien conscience que c'est uniquement par l'appui du Nord qui a soutenu les prétentions valoises que le royaume n'a pas été la proie des différents pillards étrangers qui regardent avidement la situation dans l'attente d'un signe de faiblesse.

C'est pourquoi la nouvelle de ses fiançailles a quelque peu pris de court la demoiselle. Bien entendu elle savait parfaitement que son temps viendrait, et qu'elle n'avait ni l'assise ni la maturité pour pouvoir effectuer un choix comme ce que sa sœur avait pu manigancer. Elle avait cependant remis son destin entre ses mains en sachant que jamais elle ne flouerait ses intérêts et qu'elle ferait au maximum pour lui trouver un époux adéquat. Pourtant jamais elle n'avait pensé être le pilier qui matérialiserait la bonne entente entre le Nord et le Val. Ce mariage princier est flatteur, et le promis plus que séduisant, mais Ysilia n'est pas sotte et sait que cela ne sera pas sans prix. Elle qui n'avait jamais brillé par elle-même, qui se complaisait volontiers dans l'ombre charismatique d'une sœur ambitieuse va devoir faire ses preuves. Elle manque de confiance en elle, mais peut elle aussi se montrer très tenace et obstinée pour obtenir ce qu'elle désir. Déjà elle songe à tous ce qu'elle devra mettre en place pour faire en sorte que l'entreprise soit un succès retentissant. L'exercice du pouvoir ne lui était pas destinée, mais il se pourrait qu'elle finisse par prendre goût à tout ceci...