Le Grand Septon froisse la foule de missives reçues. Il sait qu'il n'a pas le choix. En vérité, il l'a toujours su. Toutes les nouvelles qu'il reçoit sont pires, les unes que les autres. Il sait que sa propre vie ne tient qu'à un fil.

Hightower et son hérétique de femme, deux monstres bien différents, incapables de tenir les frontières et qui pourtant se targuent de son aide et de son appui quand il apprend que le Loup et le Dragon dînent à un jour ou deux de Hautjardin. Ils l'accablent et poursuivent le peuple de leurs discours, de leurs imprécations, flattant les ambitions et les loyautés de dizaines de discours et de lettres, envoyées et partagées à tous. Pour tenir le moral de cet édifice si puissant et pourtant si fragile qu'est le Bief, et le nouveau Royaume des Cieux. A ce domaine, le Roi aura plutôt fait miroiter promesses et serments, menaces voilées pour certains, mais le Souverain Pontife sait qu'il a l'habitude de ces écrits aux arabesques presque anguleuses et définitives, signant dans chacun de ses mots la prophétie grandiloquente du règne de la vertu et de la gloire des dieux sur l'hérésie et l'adoration des fausses idôles.

La Reine qui écrit et fait recopier son message au plus grand nombre de roukeries et de fiefs dans tout Westeros, dénonçant les arguments fallacieux qui auront conduit à la fondation de l'Empire, puis à son expansion. Des idées dégoulinant de sang au service des ambitions d'une poignée. La fer-née devenue Reine du plus civilisé des pays dénonce les hypocrisies de chacun, et pour beaucoup, diffusent les preuves de ses dires. C'est ainsi que le Grand Septon sait, déjà, que Lyham Tully a proposé à la Reine Eren de l'épouser, de la rallier pour régner ensemble sur les Îles de Fer et le Conflans. C'est ainsi que la preuve est donnée des menaces de l'Empereur pour une femme et mère de famille, en vertu de son sang. Ou les regrets d'Helena Bracken, que l'on dit vouée à épouser le Tully conspué plus tôt, qui fait part de ses regrets. On retrouve aussi, délicieuses gourmandises, les déclarations de soutien de Lyman Lannister, le Lionceau, qui assure le Bief de sa compassion et de l'assurance de son aide contre les ennemis de l'Empire ou des troublés nés du mercenariat à leur frontière réciproque. Quelle délicieuse sucrerie que cette trahison, quelques semaines plus tard, de ces mensonges étalés au grand jour en contradiction de toutes les règles de diplomatie et de bienséance. Les mots de la Princesse Allyrion, toujours désireuse qu'on la reconnaisse comme suzeraine des terres païennes de Dorne, et vouée à discuter seulement si on lui flatte l'égo de la rebelle déraisonnable qu'elle n'aura cessé d'être.

Personne n'en veut au Grand Septon quand il rédige le document qui excommuniera le Tully, qui aura joui de bien trop de chances de se racheter par le passé, atout possible dans la manche du Pontifex en cas de tractations avec l'Empire ; le Conflans reste terre de Foi après tout.

Qu'il est dès lors facile d'exciter ses masses avec ses septons, dont beaucoup ont montré patte blanche aux autorités de l'Empire et des Fédérés pour continuer à exercer. Que le Nord soit peuplé d'abominables païens et Peyredragon de concupiscents hérétiques, c'était une chose. Que le Val ai trompé tout le monde par veulerie et manque de Foi, c'était acquis. La Durrandon était punie pour ses propres méfaits, son mariage brisé, sa couronne déchue. Le Tully fut dénoncé, enfin, de façon officielle. Pour sa concupiscence notable et remarquée, pour son adoration supposée du Dieu Rouge dont il baisa la servante. Pour son manque total d'honneur, à mentir pour désunir un mariage, une union sacrée, ou à être honnête et ne rêver que de conquêtes par l'épée et la plume, croyant rayer toute résistance d'un vague serment fait aux Septs lors d'une cérémonie d'union, les doigts croisés dans le dos.

Excommunication, alors, et du devoir de tous les fidèles d'assassiner l'impie ou de la présenter à la Foi pour qu'il puisse être purgé de ses péchés. Il sourit, Lycaon, en apposant son sceau. Tous ces souverains arrogants qui passent leur temps à utiliser tous les chemins de traverse et a provoquer les scandales, insensibles qu'ils croient à toute conséquence.

Il y aura des larmes en récompense des torrents de sang qu'ils auront déchaînés.

L'armée Tully n'est même plus chez elle. C'est le moment idéal, alors, même si cela veut dire Grand Danger pour Lycaon et le trône du Bief, car à chaque jour qui passe l'ennemi accumule des forces supplémentaires, qui se rejoignent et se coordonnent.

Excommunication pour le Roi de l'Ouest, aussi, qui aura fait son lit avec une païenne qui faussement convertie, l'aura attiré par ses charmes du côté de l'hérésie et de la forfaiture. Qu'on tue la louve pour en faire une pelisse pour son futur succésseur, et que tout un chacun se rappellent ce qu'il en coûte de s'unir sans foi. Qu'on tue ce Roi poète et qu'on souille ce pourpoint d'or de roses écarlates. Que les bieffois fassent attentat à la vie de l'homme qui ignore encore qui a véritablement tué son père, et qui reste peut être une des dernières cartes à jouer du vieillard béni.

Que tous tremblent devant la Foi des véritables serviteurs des Sept.

C'est ce qu'il leur dit, dehors, sur le Balcon du Grand Septuaire de Villevieille. Et ces milliers de recrues d'une population exsangue, qui faute d'armes et de tenues ont cousu à même leurs vêtements l'Etoile à Sept Branches, à ces familles qui font de leurs enfants des serviteurs de la Foi, des Fils du Guerrier et Pauvres Compagnons. De ces vieux, de ces gens épargnés par la guerre qui prient, qui chantent des cantiques à la Gloire de chacun des Sept à pleins poumons.

La voilà, l'armée qui renversera le monde. Nul dragon, nulle magie. Seulement la puissance incandescente de la Foi, et l'armée présente en ces murs qui double de taille en quelques jours, d'hommes qui se vouent, fanatiques, qui se scarifient le front ou le torse pour signifier à tous leur allégeance divine.

Le Grand Septon a choisi son camp.

Il l'a fait il y a longtemps, déjà.

C'est la Volonté des Dieux. Que la Guerre soit Faite.

Ils l'acclament. Il les salue.

Il met des jours à les bénir, des milliers qui l'attendent en file indienne et qui jurent de combattre l'hérétique, le païen, le traître aux dieux.

Ils sont les instruments de Leur Divine Gloire.

Ils sauveront Villevieille.

S'il le faut, en faisant un rempart de leurs milliers de corps.

Et Dans leur Lumière, ils feront la Gloire des Dieux, et la sienne.