Les missives de la Citadelle sont parvenues partout en Westeros en l’espace de seulement quelques jours ; les plus grands volatiles d’une engeance unique annonciatrice d’espoirs, de bilans et dangers. L’Hiver Vient. Les scientifiques de Villevieille sont formels : le jour commence déjà à décliner. Il ne faut pas longtemps pour en voir partout les signes ; les grandes forêts du monde se couvrent d’un manteau qui s’éclaircit de jaune et d’orange, parfois de rouge ou d’ocre et de ses infinies variances. L’humus se charge d’un épais tapis de feuilles mortes, de branchages et de graines. Partout le monde animal est sur-actif : on s’échine à faire des provisions pour l’hiver, ou à faire des provisions de ceux qui font des provisions. Tout le monde aura faim. Tout le monde le sent. Chez les êtres humains, c’est pareil. Partout, les dernières moissons ont été contrariées par le départ des hommes pour la guerre, ou par les intempéries. Par les raids menés au Nord, ou dans le Conflans et l’Orage par les armées en campagne. Vastes nuées de sauterelles qui dépècent littéralement les territoires de toutes leurs ressources ; gibier, grain, fourrage, jusqu’aux matériaux de construction, aux outils et matières premières nécessaires à la population. Des contrées entières ressortent appauvries, leurs réserves à sec.


Les combats ne sont pas finis. Partout encore on se bat. Du Nord lointain où l’on voit des vaisseaux noirs aborder les plages de galets et y répandre la mort et la sauvagerie, jusqu’aux déserts de Dorne où l’on brûle les champs et les vignes, où l’on dévaste l’arrière-pays pour que l’autre crève de faim. L’Hiver sera rude. Tout le monde le sait. Du plus humble paysan au plus grand des seigneurs, tout le monde a été éprouvé par le dernier été, et le printemps qui l’a précédé. Ces saisons auront vu le meilleur de l’Homme, de ses plus grands accomplissements achevés ou lancés ; monuments à la grandeur des hommes ou des idées, des réformes pour paver la voie d’un monde nouveau, ou développement de nouvelles techniques. Il y eut le pire, aussi. Des sièges et des batailles, en grand nombre. Des trahisons et des félonies, des répudiations.


Les Mestres sont formels ; qu’ils soient astronomes ou érudits de phénomènes naturels, observant le vivant, tous évoquent sans doute le pire hiver de mémoire d’homme. Les rapports qu’ils collectent sont sans ambiguïté : gels précoces, aurores boréales plus au sud que d’ordinaire, infestations fongiques sur les céréales du Conflans et de l’Orage gâtées par les pluies, cheminement des astres… Tous en sont à dire qu’il faut craindre l’hiver qui arrive, car il sera sans nul doute le plus rigoureux de mémoire d’homme.


Et partout les combats continuent.