Alea Jacta Est

Rhaenys & Isla & Torrhen

« Je viens m'entretenir avec sa Majesté l'Impératrice. »

Sa voix tonna dans le couloir, rebondissant sur les murs d'Accalmie, sauvée quelques jours plus tôt. Avant de s'éteindre, telle la flamme d'une bougie que l'on venait souffler. Isla se tenait prête. Droite et fière, autant que possible. Aujourd'hui était le jour où tout allait se jouer, et peut-être basculer. Pas plus tard que la veille, elle avait annoncé sa Torrhen ses suspicions de grossesse. Ils avaient parlé, longuement, des options envisageables. Chacune avec sa particularité, son défaut, ou la préférence de l'un, ou de l'autre. Mais dès le début, l'évidence les avait frappé : Rhaenys. Elle était au centre de cette histoire, depuis ses prémices. Elle en était le cœur et l'âme, même si elle était brisée. Qu'ils la retrouvent comme avant, ou qu'ils s'accommodent de cette nouvelle impératrice forgée dans le sang par les épreuves et la douleur, ils le feraient. Rien n'importait plus que leur unité, car ils en avaient besoin. Professionnellement d'abord, et plus personnellement, ensuite. Mais pourtant, rien n'était moins sûr. Déjà éloignée depuis de nombreuses semaines, un fossé semblait s'être creusé entre elles deux. Mais il fallait essayer. Pour leur avenir à tous. Essayer encore, et toujours. C'était avec cette certitude, bien décidée à affronter son courroux - ou pas ? - qu'elle était arrivée devant cette porte, prête à démêler les fils de leur relation, rendus fins et cassants par le temps.

Avant de rejoindre ses appartements la veille, Isla avait posé sur le papier quelques mots. Par le passé, elle avait déjà écrit des dizaines d'édits, de lois, de testaments. Elle avait veillé tard à la lueur d'une bougie, parcourant avec avidité les lignes d'anciens livres juridiques jusqu'à en perdre le sommeil. Et pourtant, aucun écrit ne lui avait posé autant de difficultés que celui-là.

Que dire, alors que tous les mots paraissaient dénués de sens ? Qu'écrire, pour apaiser ses craintes, alors qu'elle avait toutes les raisons du monde de se sentir ainsi ? Que poser sur le papier, pour qu'enfin elle lui pardonne sa trahison, ancienne et pourtant encore bien vivace, alors qu'Isla ne cesserait sans doute jamais de s'en vouloir ?

Lettre:

Isla avait mis tout son cœur dans cette missive, elle avait joué cartes sur table. Une brutale honnêteté, pour elle-même également, qui réalisait bien des choses à mesure qu'elle écrivait ces mots. Etonnement, au début l'encre avait eu du mal à couler sur le papier, mais elle n'avait pas eu à recommencer l'écriture, parce qu'elle n'était pas incertaine. Elle savait ce qu'elle voulait lui dire.

On lui ouvrit la porte, et elle entra, fébrile, malgré tout. Et elle la vit. De dos. Si belle, les cheveux nattés qui descendaient dans son dos. Si forte dans toute sa fragilité. Impressionnante, toujours. Elle inclina doucement la tête même si elle ne la voyait pas, tant pour se donner contenance que pour la saluer, tandis que la lourde porte se refermait derrière elle.

« Merci de me recevoir. »

Isla le pensait réellement, ce n'était pas histoire de parler de la pluie et du beau temps. Rhaenys aurait très bien pu remettre à plus tard. Ou à jamais. Etait-ce sa lettre, qu'elle voyait sur la petite table aux côtés de l'Impératrice ?

« J'ai beaucoup écrit, dans ma lettre. Et maintenant je suis là, face à toi. Juste moi, avec mes espoirs, mes insuffisances et mes regrets. Prête à entendre ce que tu souhaites me dire, répondre à tes questions, ou à souffrir de ton silence. »

L'insulaire prit une douloureuse inspiration. Elle voulait lui demander clairement de lui pardonner, mais ce serait profiter de son ignorance sur le fait principal de sa venue pour obtenir ce pardon qu'elle désirait tant. Pas de ça, pas tout de suite. Si elle la pardonnait, elle devait le faire en tout état de cause. L'insulaire avait néanmoins la sensation de marcher dans le vide, prête à tomber à chaque bourrasque.

« J'ai demandé audience car nous devons parler. On ne le fait plus vraiment, et cela me rend triste. »

Pas un reproche, simplement un fait.

« Torrhen sait que je suis là. Il a demandé à nous rejoindre, après. »

Après quoi, exactement ? Le feu, les flammes ? La colère, la haine ? Les pleurs ou la rage ? L'avenir, ou plutôt Rhaenys, le dirait. Pas question cependant pour Isla de prendre Rhaenys en traitre. Elle préférait tout lui dire, y compris l'arrivée imminente de Torrhen, pour se joindre à leur discussion. Et si cela participait à la méfiance de Rhaenys, alors tant pis. Au moins, elle aura été honnête.

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dark have been my dreams of late

Where now the horse and the rider? Where is the horn that was blowing? Where is the hand on the harpstring and the red fire glowing? Where is the spring and the harvest and the tall corn growing? They have passed like rain on the mountain, like a wind in the meadow. + aeairiel.

hēnkirī:

Alea Jacta Est
SEMAINE 1 DU MOIS 7 DE L’AN 2

Je relève la tête en entendant quelques coups frappés à la porte de cette chambre dans laquelle j’étais obligée de rester enfermée. Dehors le ciel grondait. La pluie ne semblait pas vouloir cesser de tomber, m’empêchant d’aller travailler dehors, au grand air. Je n’aimais pas être ici et j’avais hâte que nous quittions ce maudit château. En attendant, j’alternais la lecture de mon courrier en retard et travail pour l’Empire. Je ne savais pas vraiment où était passé Torrhen. J’étais plongée dans la lecture d’un livre atrocement indigeste si bien que je n’avais pas vraiment fait gaffe à son départ ni même à ce qu’il m’avait dit à ce moment-là. c’était surtout pour cela que je l’entrecoupais de lecture de missive, me reposant un peu l’esprit. Ce n’était pas tant l’ancien Valyrien qui me posait problème que le “style”... très particulier de son auteur. Cet ancien roi n’était vraiment pas fait pour écrire et aurait vraiment dû confier ses pensées et ses mémoires à quelqu’un possédant ce talent qui lui faisait tant défaut. Je tournais mon regard vers le montant, qui s’ouvrit sur l’un des gardes qui entra dans la pièce. Après une révérence, il m’annonça la venue de la conseillère impériale Isla Chelsted avant de me demander si j’acceptais de la recevoir. Je jetais un regard à sa missive que je n’avais pas encore lu, avant de lui indiquer qu’elle pouvait entrer. Cela me permettra non pas de me vider la tête, mais au moins d’avancer sur l’un des nombreux sujets qui m’attendaient encore. Je pensais lui demander de venir à moi dans quelques jours, mais autant battre le fer tant qu’il était encore chaud. Je soupçonnais mon époux d’y être d’ailleurs pour quelque chose même si j’avais été claire avec lui en lui indiquant que je ne voulais pas qu’il interfère. Cela était entre la peyredragonnienne et moi après tout. Je me levais de la chaise mais restais à côté d’elle et du bureau alors qu’elle fit son entrée de manière très officielle. Peut-être m’étais-je trompée sur la teneur de notre échange? Je lui rendis son salut d’un signe de tête tout en attendant d’entendre ce pour quoi elle venait ici. Elle évoqua immédiatement sa lettre, mais je n’eus pas le temps de lui dire que je n’avais pas encore pu la lire que déjà elle continuait de parler. Je hausse un sourcil tout en croisant mes bras sous ma poitrine. Torrhen hein ? Une seconde j'avais cru qu'elle venait réellement me parler, essayer de comprendre ce que je pouvais ressentir, entendre combien elle m'avait fait du mal… mais non. Cet espoir s'était envolé dès qu'elle eût prononcé le prénom de mon époux, son nouveau bouclier. Je secouais la tête en levant les yeux au ciel avant de lui dire, droit dans les yeux. Te rends tu seulement compte qu'en pensant et en agissant ainsi, tu ne fais que creuser un peu plus le fossé entre lui et moi et toi et moi? Tu l'obliges à prendre ton parti, parce que soyons honnête, il prendra toujours le tiens face à moi puisque tu as eu de nombreux mois pour lui sous entendre combien je manque de compassion à ton égard, au point où cela est devenu non plus ton sentiment mais une réalité à ses yeux. Lorsque Torrhen aime, il le fait pleinement. Votre relation est jeune et nouvelle, moins compliquée et plus simple à ses yeux. Tu es plus faible que je ne le suis. Il te défendra donc toujours mais ça je ne t'apprends rien. Tu as une tête bien faite et tu le sais. Je haussais les épaules.Attendons donc le puisque que tu ne sembles pouvoir qu'agir ainsi. Confortez-vous dans une optique où tu as toujours bien agi et dans laquelle je suis la méchante dragonne. Dis moi donc tout ce que tu as à dire en sa présence afin de soulager ta conscience et ton âme et passons à autre choses. La prochaine fois, viens directement avec lui et gagnons du temps pour tout le monde. Ou même mieux, ne venez pas me voir et rester dans votre réalité erronée. Je n'ai jamais été femme à m'imposer et je ne le serai jamais. À quoi bon vouloir discuter puisque ce n'était pas ce qu'elle recherchait ? Elle voulait juste soulager sa conscience, rien de plus. Le fait qu'elle ait besoin de Torrhen pour le défendre ou je ne sais pas quoi en était la plus grande preuve. Je lui tournais le dos et vins m'asseoir de nouveau à mon bureau. Je repris une nouvelle lettre que j'ouvrais, laissant de côté la sienne du coup. Elle avait gagné mais elle voulait sans doute encore plus savourer sa victoire et que l'empereur prenne une nouvelle fois son parti face à moi. Depuis quand était elle devenue aussi… vénale ? Elle s'était déjà immiscée dans le lit puis dans le cœur de Torrhen. N'était-ce pas assez ? Que lui fallait-il de plus? Ce n'était pas faute de leur avoir proposé mon rôle d'impératrice pourtant. Torrhen ne se rendait pas compte de tout ce que je pouvais ressentir puisqu'il ne voyait que le prisme Isla. Je ne lui en voulais pas pour ça mais j'étais juste fatiguée. Qu'ils vivent leur histoire de leur côté et me laisse en paix. J'en avais assez de me battre avec mon époux.

So welcome to the fire

I'm focused ; I've been watching for the omens ; I've been listening to everything you've said ; Its been running through my head ; Locked and loaded ; I've got the feeling that you've noticed ; Yeah I've only just begun ; I won't stop until it's done ; 'Til you're broken ; So welcome to the fire ; I'm the one with the lighter ; Feel the burning through your veins ; As we're walking through the flames ; Getting higher ; So welcome to the fire ; Welcome to the fire ; Feel the burning through your veins ; As we're walking through the flames ; Getting higher ;
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Alea jacta est

Torrhen & Rhaenys & Isla

De toute évidence, l'honnêteté n'était pas le bon choix. La compassion non plus, que Rhaenys avait déjà pris pour de la pitié. Tout comme le mensonge, la trahison, l'indifférence, l'amitié, l'amour, le soutien, l'espace, les caresses, les gifles... Tant de chemins refusés par l'Impératrice. Quoi qu'Isla puisse décider de faire ce n'était pas assez. Quoi qu'elle puisse dire, ou qu'elle veuille taire, ce n'était jamais la bonne façon de s'y prendre. C'en était presque risible.

Mais Isla n'avait pas le cœur à rire. Lorsque la Braenaryon prit la parole pour lui répondre, elle ancra fermement ses pieds dans le sol, prête à affronter la tempête qui rugissait dehors pourtant. Elle s'attendait à une claque, mais au lieu de cela, elle sentit la brûlure, lancinante, le feu de ses mots la consumer petit à petit. Rien d'étonnant. Mais toujours aussi douloureux. Elle la toisa, sourcils froncés, l'écoutant rabâcher les mêmes stupidités qu'elle avait l'habitude de dire depuis quelques semaines maintenant. Elle parlait de son époux, de la manipulation d'Isla pour le ranger de son côté. Cela aurait pu la faire vomir tant ce type d'accusations la dégoûtait. Rhaenys ne pouvait pas le penser, pas vraiment, ou bien elle n'avait rien suivi depuis le début de l'histoire.

L'épilogue de l'impératrice sur Torrhen commençait à l'énerver.

« Me défendre ? De qui, de toi ? Si tu comptes me faire du mal, finissons-en, ça devient long. »

Qu'elle le fasse bon sang, si c'était ce qu'elle voulait ! Cela durait depuis trop longtemps, et la conseillère en avait assez de marcher sur des œufs constamment avec elle. Elle secoua la tête à son tour, affligée par l'entièreté de son discours qui concernait son époux, et quasiment rien sur elles deux. Enfin, une insulte au passage pour Isla, qui était selon elle faible et manipulatrice. Isla n'était pas venue pour parler de Torrhen, mais elles en revenaient toujours vers lui pourtant. Et elle ne pouvait pas laisser couler impunément ces accusations.

« Je ne l'oblige à rien du tout. Ne le traite pas d'homme manipulable, et ne m'insulte pas en me prêtant des intentions qui ne sont pas les miennes. La seule personne qui a tout fait pour le détourner de toi, c'est toi, et malgré ça, il t'a apporté amour et soutien, bien plus que nous tous. Mais je ne suis pas venue ici pour parler de lui, ou en son nom. »

Ses protestations n'eurent que peu de réactions de la part de Rhaenys qui finalement lui tourna le dos pour se rasseoir à son bureau, l'air de rien. Elle attrapa un coupe-papier pour ouvrir une lettre, qu'elle parcourut des yeux sans plus dédier un seul regard à son amie d'enfance. La Chelsted sentit ses nerfs s'embraser. Alors quoi ? C'était tout ? Isla déglutit, douloureusement. Elle n'avait jamais cru que ce serait facile. Mais là, c'était d'un tout autre niveau. Et celle qu'elle était avant tout cela lui aurait probablement laissé de l'espace, aurait reporté la conversation à un autre jour. Pour lui laisser le temps de guérir, de retrouver la raison. Elle aurait tourné les talons, serait repartie, l'air contrite, épuisée, triste. Ce temps était révolu. Elle en avait assez de courber l'échine et d'accepter tant et plus sous prétexte que cela venait de sa tendre amie d'enfance qui n'en avait plus que l'évocation lointaine.

D'un pas vif, elle s'approcha et laissa tomber ses mains sur le bureau, paumes à plat sur le bois, dans un grand bruit, plaquant la lettre que Rhaenys venait d'ouvrir contre la surface.

« Non, pas aujourd'hui. Je ne me débinerai pas, parce que je veux qu'on parle, et on va parler. »

Un coup d'œil à ses côtés lui permit de trouver sa lettre, intacte. C'était donc bien sa missive qu'elle avait vue, juste avant. Mais elle ne l'avait pas lue. Rageusement, elle tendit la main pour l'attraper, glissant ensuite un doigt entre deux pans de l'enveloppe pour l'ouvrir, laissant le précieux coupe-papier à son impératrice.

« J'ai écrit cette lettre. Moi, pas Torrhen. Et je suis là. J'ai demandé ce moment, pas lui. Et toi non plus. Il nous rejoindra quand je l'aurai décidé. Cela ne le concerne pas, et si je t'ai parlé de lui, c'est simplement pour que tu ne sois pas surprise, lorsqu'il viendra. »

Isla laissa tomber l'enveloppe au sol qui virevolta un peu dans l'air avant de s'y poser, et déplia sa missive. Revoir son écriture lui faisait ressentir à nouveau toute la douleur qu'elle avait eue à poser ses mots sur le papier... Et en connaissant le résultat que cela avait eu... Cela lui retournait l'estomac. Elle brandit la lettre qu'elle serrait fort dans sa main :

« Tu ne veux pas la lire ? Très bien, je vais le faire pour toi. "Rhae, Tu le sais, je suis une femme de lettres et d'écrits" ... Oh, c'est d'un ennui. Tu t'en fiches totalement. Je vais passer à la partie qui te donne raison, puisque c'est tout ce qui t'importe. »

Elle parcourut la lettre des yeux, cherchant des passages plus évocateurs. Plus pour prendre le temps de se calmer que par réelle recherche : cette lettre, elle la connaissait par cœur, même si elle ne l'avait écrite qu'une seule fois. Elle fit quelques pas, reprenant ensuite la parole :

« "Ce fossé, je l'ai créé, en te quittant, lorsque je me suis mariée." Tiens, voilà, contente ? "Je regrette chaque jour la distance qui s'est instaurée entre nous, à cause de moi." »

Un sourire triste s'afficha sur ses lèvres et elle soupira.

« "Je regrette de m'être dérobée à ton regard. Je regrette de m'être coupée de nos discussions frivoles autour de tes croquis. Je regrette de ne pas avoir pu t'aider à garder ce rire que j'aime tant. Je regrette de ne pas avoir pu être à tes côtés quand tu en avais besoin. Je regrette de ne pas avoir pu être l'amie que tu méritais." »

Isla ne lisait plus et venait de dire ces mots en la regardant droit dans les yeux. Elle froissa la lettre, en faisant une petite boule déstructurée qu'elle garda dans sa main.

« Attends, le meilleur arrive... "Je veux que nous allions de l'avant, si nous le pouvons, que nous dépassions cet équilibre précaire." Tu as l'impression que c'est pour laver ma conscience que j'ai écrit ça ? Pourquoi je me donnerais la peine, puisque je te considère comme une "méchante dragonne", hein ? Après tout, j'ai ce que je voulais, n'est-ce pas ? J'ai récupéré ton époux, et je t'ai évincée. Pourquoi chercher à soulager ma conscience, surtout auprès de toi ? Tu n'existes plus, à mes yeux. C'est ça que tu veux entendre, Rhaenys ?! »

Isla avait tout essayé pour ne pas envenimer la situation plus qu'elle ne l'était déjà. Mais aujourd'hui, les choses étaient différentes. Il était temps que Rhaenys le comprenne, aussi.

« J'ai peut-être créé ce fossé, il y a deux ans, mais c'est TOI qui l'alimente tous les jours depuis que je suis revenue à tes côtés. Si tu décollais quelques secondes ton regard de ton nombril, tu verrais que tu n'es pas la seule à souffrir ou à avoir changé. Alors par pitié, ne te fais pas plus idiote que tu ne l'es, arrête de te placer en victime ou d'utiliser Torrhen pour te cacher derrière tes sentiments et affronte-les. »

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Alea Jacta Est
SEMAINE 1 DU MOIS 7 DE L’AN 2

Je retiens un soupir quand Isla répond concernant Torrhen. C'est drôle quelque part. Elle se permet de parler de son attitude comme si elle le connaissait bien mieux que moi. Cela faisait à peine quelques mois qu'elle le côtoyait et elle pensait le connaître autant que moi ? Oui c'était drôle quelque part. Mais bien lui en fasse. Je n'avais pas de temps à perdre, vraiment pas. Qu'elle pense et fasse ce qui lui chante. Elle l'avait toujours fait de toute façon. Elle n'écoutait pas ce que je lui disais. Pourquoi être venue dans ce cas là ? Pourquoi ne pas avoir attendu celui derrière qui elle se cache systématiquement ? Je ne comprenais vraiment pas à quoi elle voulait jouer. Tout ce que je savais c'est que moi, je ne jouerais pas. Ce qui se passait entre mon époux et moi ne la regardait pas quoi qu'elle en pense. Elle ne savait pas. Cela faisait longtemps d'ailleurs qu'elle ne savait plus ce que je pensais. Je ne jugeais pas leur relation alors même que j'en avais le droit puisque Torrhen était mon époux avant d'être son amant et que de nous tous j'étais celle qui était trompée. Qu'elle le fasse ne me faisait finalement ni chaud ni froid. Je savais de quoi il en retournait réellement. Que le Nordien lui en ai parlé ou non je m'en fichais. Cela ne la regardait pas, ni même la manière dont j’agissais avec lui. Coucher avec lui ne lui donnait aucun droit sur ce point. Sur aucun d'autres d'ailleurs.

Je coupe court à la discussion et vais m'asseoir à mon bureau pour reprendre mon travail. J'ai de la correspondance en retard que je dois traîter. Quitte à attendre après le Nordien autant le faire de manière utile. Cela me forçait à garder mon calme et ravaler ma colère et ces mots qui brûlaient mes lèvres. Je sursaute quand elle en décide autrement en claquant ses mains sur mon bureau. J'en renversé mon encrier et saisi rapidement ma pile de courrier pour l'éloigner alors que l'encre coule sur le meuble et sur le bas de ma robe. Je relève un regard furieux vers elle. Pour qui se prend elle ? De quel droit de permet elle de s'imposer de la sorte, d'agir comme une gamine faisant un caprice? Car c'était ce qu'elle était. Elle récupère sa lettre que j'avais éloigné plus loin un peu plus tôt et continue dans sa lignée. Je repose les autres sur le meuble à un endroit où elles ne craignent rien. Je suis debout, furieuse. Elle m'offre un spectacle pitoyable, digne des livres qu'elle pouvait me lire parfois. C'en est risible. Je la regarde, bras croisés, visage fermé. Je sens que ma main me démange. Franchement pour qui se prend elle? A-t-elle oublié sa place et à qui elle se permet de parler de la sorte ? Se pense-t-elle intouchable parce qu'elle s'est immiscée dans la couche de l'empereur ? Je ne bouge pas. Durant toute la durée de sa crise, je ne bouge pas. Ça y est ? Tu as fini ta petite crise? Je m'avance.Reparle moi encore une fois comme tu viens de le faire et je te fais jeter au fond d'une cellule. Que tu écartes les cuisses pour l'empereur ne te donne nullement le droit de me manquer de respect. Il n'y aura pas de second avertissement. J'avançais d'un second pas. Tu as écris une lettre ? Tu veux que je te félicite pour cela ? Tu crois que parce qu'elle vient de toi je dois la faire passer en premier, avant les affaires d'états ? Te penses-tu si supérieure que cela ? Je ne savais pas que la vanité faisait partie de tes défauts. Vu désormais dans quel état tu l'as mise je ne risque clairement plus de la lire. J'étais furieuse. Je ne criais pas mais j'étais furieuse quand même. Je fis un pas supplémentaire. Tu prétends savoir ce que je désire ? Laisse moi rire. Qui es-tu pour le savoir ? Encore un dernier pas. Il n'en reste qu'un entre nous. Tu veux savoir ce que je pense de toi? Très bien. Allons y. Tu n'es qu'une femme égoïste et égocentrique qui se morfond de ses propres choix et qui ne les assume pas. TU as fait le choix de suivre les instructions de ton père. TU as fait le choix d'épouser l'homme qu'il t'avait trouvé. TU as fais le choix de quitter le château. TU as fait le choix de ne plus donner suite à mes lettres. TU as fait le choix de nous mentir, de nous cacher ta situation. TU as fait le choix de rester dans une situation misérable et cela pendant des années. Ton époux avait plus d'un tort oui et s'il n'était pas mort je l'aurai tué de mes propres mains pour ce qu'il t'a fait subir. Mais TU as fait le choix de le laisser te violenter. Tu ne me feras pas croire que tu ne savais pas qu'aucun des miens n'auraient jamais toléré cela ni agis. TU as décidé de nous cacher cela. TU as décidé de rompre la promesse que TU m'avais fait en partant. TU as décidé de me briser le cœur toi qui m'avait promis de ne jamais me faire de mal. TU as brisé deux de tes serments. Je t'aimais Isla. Bien plus que tu ne m'aimais je m'en suis rendue compte. J'aurais pu décrocher les astres pour toi. Toi, tu n'as fait que piétiner cette affection que je portais et tout cela pour quoi? Pour préserver ta fierté, ton orgueil ? Que crois-tu que j'ai ressenti quand c'est Torrhen qui m'a parlé de ton époux? Lui pas toi. Sais-tu seulement combien de nuits j'ai passé à réfléchir à tout cela? Elle voulait tout savoir ? Je ne serai pas tendre. Pas après le caprice qu'elle m'avait fait. Je n'avais aucune envie de faire preuve de délicatesse et de compassion Je n'ai pas fini Lui dis-je avant qu'elle n'essaye de répondre ou de se justifier. Je l'avais écouté c'était à son tour Tu m'as abandonné Isla. De la pire des façon qui soit. Sais-tu seulement ce que je le suis dis ? Sais-tu seulement combien j'ai souffert? Sais-tu seulement combien de fois je me suis dis que c'était de ma faute? Sais-tu combien je me suis sentie coupable ? D'abord Orys, puis toi. Ensuite père et mère. Puis Visenya et Aegon. Daena, Yesaminda, Leslyn, Baâl, Viserys. Je lui fais un geste l’intimant à se taire encore une fois. Mais tu vois, tout cela, je l'ai digéré et finalement même si je ne sais pas si je peux de nouveau te faire autant confiance, te laisser prendre place dans ma vue autant que j'ai pu le faire par le passé, ce n'est pas ça le problème essentiel. J'ai eu comme tort de ne pas avoir su te prouver à quel point je t'aimais, à quel point tu étais essentielle à ma vie, et que j'étais là quoi qu'il arrivait, que je t'aurais tiré de tous les épreuves qui se seraient présentées à toi. Je n'ai pas su t'inspirer assez de confiance ni de sécurité pour que tu saches que j'étais là et que tu ne craignais rien. Un demi pas de plus. Il ne reste quasiment plus aucune distance entre nous. Tu as séduit mon époux. Tu l'as séduit, couché avec lui, sans même venir en discuter avec moi. Tu n'as pensé qu'à toi et toi seule. Tu ne t'es pas préoccupée de ce que je pouvais en penser. Tu n'es pas venue me voir pour en discuter avec moi, pour t'assurer que j'étais ok avec ça. Et si Torrhen t'avait menti? Et si j'avais changé de point de vu sur le polyamour? Et si je n'avais pas eu envie de voir une ancienne amante, celle que jadis j'aimais, dans les bras de mon époux ? Y as-tu pensé une seule seconde ? As-tu seulement pensé à ce que je pouvais ressentir, à ce que je pouvais en penser ? Et plus récemment, t'es-tu demandée comment je prendrais le fait que tu ne fais preuve d'aucune discrétion avec Torrhen et que vous vous adonnez à cet amour sous les yeux d'hommes qui assurent ma sécurité et qui, donc, sont constamment à mon contact ? Crois tu que je n'ai pas vu le changement dans leur attitude, dans leur regard? As-tu seulement pensé à ce que je ressentais au fait que vous parliez de fonder une famille alors même que je viens de perdre mon enfant et par la même occasion renoncer au rêve que j'avais d'avoir une famille nombreuse? Je reculais.J'ai conscience que désormais ta priorité et ton cœur sont à Torrhen et que la réciproque est vraie. Je n'ai aucun problème avec cela. Je ne suis pas jalouse, Torrhen ne m'appartient, pas tout comme son coeur. Il est libre d'aimer comme il le souhaite et cela me réconforte quelque part. Parce qu'il le mérite. Je mérite cependant d'être prise en considération également. Pas seulement parce que je suis l'impératrice. Pas seulement parce que je suis sa femme. Je n'ai jamais rien exigé de plus que cela. Je suis prête à accepter bien des choses Isla. Mais que l'on piétine mon honneur, mon intégrité, ma personne non. Je restais furieuse, envers elle, son attitude passée et celle qui avait adopté plus tôt. Cela devait cessait.

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Alea jacta est

Torrhen & Rhaenys & Isla

Rhaenys l'observait, suite à son accès de colère sur le pauvre bureau qui n'avait rien demandé. Isla voyait sans peine son regard, dur et flamboyant, son air sévère, son corps tendu dans une posture agressive. Mais nul besoin de l'observer pour savoir qu'elle était furieuse, Isla se doutait très bien de l'impact que son geste avait pu avoir sur elle, elle l'avait fait en pleine conscience, ayant essayé tout le reste, de l'indifférence au doux toucher, de la compréhension au rejet. Rien ne semblait fonctionner, si ce n'était lui renvoyer l'image qu'elle-même projetait sur les autres : un gouffre de solitude, de souffrance et de colère. Directement, la riposte arriva et l'impératrice monta sur ses grands chevaux pour venir se placer au-dessus d'elle, lui rappelant tout en la menaçant de ce qui l'attendrait si jamais elle agissait à nouveau de la sorte. L'avertissement était brutal, mais pas surprenant pour autant. Cependant, Isla n'avait pas peur d'elle. Qu'elle la jette en prison si ce qu'elle avait à lui dire ne lui convenait pas, cela ne suffirait pas à la faire taire. Trop longtemps elle s'était tue, et trop longtemps elle avait toléré cet éloignement insensé sans rien dire. Maintenant, elle avait l'opportunité de se battre, et quelque soit l'issue de la bataille, elle dirait ce qu'elle avait sur le cœur.

Il était certain que la violence de son geste était dispensable, mais au moins, elle avait réussi à avoir son attention, même si elle n'en était pas fière.

Les mots fusaient dans sa direction, certains plus douloureux que d'autres, certains plus vrais, aussi. Elle ne s'attarda pas sur quelques choix douteux de la part de son amie, comme le terme infantilisant de "crise" ou dégradant "d'écarter les cuisses" qui étaient ainsi formulés pour la faire souffrir et qui n'apportaient rien de constructif. Si ce n'était pour permettre à Isla de voir sa fureur transpirer. Pour quelqu'un qui parlait du respect qui était dû, il était parti bien loin avec l'utilisation de ces mots-là. Pourtant, elle s'approchait, l'impératrice. Un pas après l'autre, tout en vociférant tout ce que sa prestation lui inspirait, sans retenue, envoyant des coups sans se soucier de l'effet qu'ils avaient sur l'insulaire. Isla tenait bon, elle restait droite et fière face à la tempête qui ne faisait que s'accentuer, consciente que le vrai combat n'était pas là, mais sans doute dans ce qu'ils avaient à lui annoncer, après.

Isla doutait, pourtant. A quoi bon ? Tout semblait perdu, Rhaenys restait ancrée sur ses positions. A parler du passé, encore et toujours, et même si elle se livrait un peu plus, comme Isla l'avait demandé, cela faisait mal. Si mal que la colère qui ne s'atténuait pas lui comprimait la poitrine, l'empêchant de respirer autant qu'elle en avait besoin, la rendant nerveuse et fébrile. La Chelsted essuya les insultes, les diminutions, les invectives envers ses actions passées. Sans rien dire. Elle voulut ouvrir la bouche, à plusieurs moments, mais elle se retint, lui donnant le droit de terminer son récit. Mais elle fulminait, sentant l'injustice qui se déroulait sous ses yeux lui brûler la gorge, retenant des mots qu'elle aurait aimé lui balancer à la figure pour ne se sentir bien qu'une seule fois, même si c'était éphémère ou dévastateur. Le clou du spectacle fut lorsqu'elle mit l'accent sur sa responsabilité dans ce que son mari lui avait fait subir. Il fallait bien ne jamais avoir vécu ça pour dire une pareille imbécilité. Isla rongea son frein, encore. Toute intervention à ce stade aurait été futile. Enfin les autres également, visiblement. Rien de ce qu'elle avait lu de sa lettre ne semblait l'avoir émue, ou touché. C'était comme si elle n'avait rien écouté. Et cela plus que tout le reste accentuait le vide qu'elle ressentait.

Mais pourtant, Isla sembla capter quelque chose, dans le flot continu de reproches et d'injures. Une sorte de.. culpabilité ? Là, elle écarquilla les yeux, troublée. De sa faute ? Ne pas lui inspirer assez de sécurité ? Ne pas avoir pu lui prouver à quel point elle l'aimait ? Cela n'était nullement sa faute. Ce choix fait par Isla à l'époque n'était pas du à un manque de confiance envers la famille Targaryen, ni à une insécurité à leurs côtés. Bien au contraire. Là encore, Isla se tut, la laissant terminer, malgré l'envie qui la démangeait au point qu'elle ne tenait plus en place de lui répondre du tac au tac et d'en finir une bonne fois pour toutes avec toutes ces difficultés, inhérentes à leur relation et à ce qu'elle était devenue.

Que dire à présent, alors que déjà elle se détournait pour reculer ? Isla voulut la retenir, et elle esquissa un mouvement qui était trop lent et trop frêle pour avoir un quelconque résultat. Elle se résigna, et croisa les bras à son tour pour ensuite lui répondre, d'une voix sèche.

« Sur mon départ... Tu as raison, c'est un choix que j'ai fait à l'époque, je ne le remets pas en cause. Je l'ai fait pour te protéger. Tu ne me croiras pas, mais c'est la vérité. Je n'ai aucune raison de mentir, de toute façon. Ce n'est pas un fardeau à porter sur tes épaules, mais sur les miennes. Si c'est impardonnable pour toi, alors soit, mais dis-le et finissons-en. J'en ai assez de me le voir reprocher encore et encore alors que je ne peux plus rien y faire. »

Et là, c'était la vérité. Il fallait aussi savoir reconnaître ses erreurs, lorsqu'elles étaient là. Et ses limitations, criantes. Pour le reste...

« Je n'ai pas cherché à te le dissimuler, une fois de retour à tes côtés, Rhaenys. Mais je ne savais pas comment te le dire. Le temps passait, et tu t'éloignais, tant de devoirs à accomplir, et le mal était déjà fait. A tort, encore, j'ai pensé que nous pourrions oublier cela. C'était ce que je voulais, parce que c'était trop dur de s'y confronter. Et cela m'a torturé, de ne pas pouvoir te le dire, que ce soit pendant, ou après. »

Si elle voulait ajouter la lâcheté à sa longue liste de qualités énoncées juste avant, qu'elle le fasse. L'unique raison pour laquelle Torrhen l'avait dévoilé à Rhaenys, c'était dans une optique d'apaiser les tensions entre elles deux. Et cela avait précisément eu l'effet inverse. Elle pouvait reconnaitre ses torts, car elle en avait. Des erreurs, elle en avait faites. Et elle n'était pas la seule.

« Torrhen l'a plus ou moins deviné, et je n'ai pas pu le nier. Mais toi, tu n'as même pas cherché à savoir. Si notre amitié, si notre amour t'étaient aussi importants que tu le dis, pourquoi tu n'as pas essayé de comprendre ? »

Et voilà qu'il revenait dans la conversation. Il en était au cœur malgré leurs efforts pour l'en dissiper, tout en étant le témoin de leurs déchirures successives. Mais là, Isla trouvait Rhaenys franchement injuste. Elle reprit, sourcils froncés à son tour.

« Tu m'as donné ton accord à Herpivoie, Rhaenys. Mieux, ta bénédiction même. Si à un seul moment tu m'avais dit non, jamais je n'aurais continué et tu le sais très bien. Cela m'aurait coûté, mais je l'aurais fait, car je l'avais déjà fait. Pour quelqu'un qui ne t'aimait pas à ta juste valeur comme tu sembles le dire, j'en ai pourtant fait, des concessions, ou bien les as-tu oubliées ? Si tu avais changé de point de vue, tu me l'aurais dit à ce moment-là, ou à n'importe quel autre après celui-là. Il t'aurait suffi de claquer des doigts et je serais apparue, prête à tout pour t'écouter, te soutenir et te plaire. Tu ne l'as pas fait, pas une fois, et pourtant tu prends un malin plaisir à me le rappeler, pourquoi ? Pour me convaincre que tu aurais pu nous nuire mais que tu ne l'as pas fait ? Grand bien nous fasse ! »

Isla sentait la colère remonter, pas progressivement, mais en flèche. Elle serra les poings.

« Si la situation ne te convient plus, alors parlons-en. Mais nous donner ton plein soutien pour ensuite le laisser planer comme une menace au dessus de nos têtes, c'est cruel, et injuste. Ni lui, ni moi n'avions prévu cela, malgré ton insistance à penser le contraire. On a lutté contre ces élans, tant que nous n'avions pas ta permission. Est-ce que tu t'entends seulement ? A insinuer que Torrhen aurait pu mentir sciemment sur quelque chose d'aussi important ? Tu n'en penses pas un traître mot. »

Un autre point lui revint en mémoire et elle revint à la charge, virulente :

« C'est à lui que tu as demandé d'attendre deux ans, Rhaenys. Pas à moi. Tu savais qu'il m'en parlerait, et tu l'as utilisé pour qu'il le fasse. Alors pourquoi ? Tu ne voulais pas me le dire ou bien tu avais peur de ma réaction, de cette conversation ? Que nous parlions enfin de ce qui nous déchire ? Pourquoi, si je suis la source de tous ces maux et que tu es dans ton bon droit ? Et ne me dis pas que j'étais censée le savoir, nous ne parlions plus et je n'ai pas le don de vervue. »

Pour quelqu'un qui ne voulait pas l'impliquer... Isla n'avait fait que des pas dans la direction de Rhaenys alors qu'elle n'en avait fait aucun. Elle restait là, sur son trône de douleur, à la contempler d'en haut et à toujours juger ses faits et gestes. Cela faisait du bien, d'enfin dire tout haut ce qu'elle pensait tout bas. Enfin, c'était aussi agréable que de marcher sur du verre pilé pour se faire masser les pieds ensuite. Elle se calma un peu, voulant appuyer un dernier élément qui lui paraissait bien plus crucial que tout le reste :

« Cependant, je ne suis pas ici pour me dédouaner de ce que j'ai fait, car j'ai fait des erreurs, à commencer par mon choix de ne rien te dire sur ce que je vivais. Et plus récemment, en manquant de prudence et de discrétion. Je n'ai pas pensé à toi, c'est vrai. Je le regrette. Je ne veux pas invalider ce que tu ressens, car c'est légitime. Et tu as raison, tu mérites d'être considérée, toi et tes rêves, et consolée, s'ils ne se réalisent pas. Tu mérites mieux que ce que je t'ai donné jusque là. Je te demande pardon, pour tout cela. »

Isla lui lança un regard triste, consciente qu'elle n'avait fournit aucune raison de la croire. Elle ne s'excuserait pas de sa relation avec Torrhen, ni de la tournure qu'elle prenait. Mais elle pouvait demander pardon pour la forme, imprécise et pressante, déraisonnable, même, qui avait allègrement nié l'existence de Rhaenys. Qu'elle le lui accorde ou non, Isla avait la désagréable sensation que les jeux étaient faits, de toute façon. Rhaenys avait déjà pris sa décision, semblait-il. Cette discussion n'était qu'une maladroite tentative de retrouver quelques atomes crochus. Tout ceci lui rappelait à quel point l'enchainement des événements était terrible. Était-elle une mauvaise personne, pour trouver dans la nouvelle de sa grossesse une once de bonheur, malgré les dégâts évidents à venir sur sa relation avec Rhaenys ?

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Where now the horse and the rider? Where is the horn that was blowing? Where is the hand on the harpstring and the red fire glowing? Where is the spring and the harvest and the tall corn growing? They have passed like rain on the mountain, like a wind in the meadow. + aeairiel.

hēnkirī:

Alea Jacta Est
SEMAINE 1 DU MOIS 7 DE L’AN 2

Je secoue la tête, me pince l’arrête du nez un court instant en fermant les yeux avant de les planter de nouveau dans ceux de la Peyredragonnienne. Du gachis. Il n’y avait pas d’autres mots. Je n’ai pas besoin de tes excuses. Je ne les ai jamais attendu. Me protéger? Me protéger de quoi au juste? Te rends-tu seulement compte que tu m’as brisé le cœur? Que j’ai perdu ma meilleure amie et celle que j’aimais? Et tout cela pour quoi? Parce que tu étais incapable de me dire la vérité. Comprends-tu seulement combien cela remet en cause tout le reste, toute cette relation que nous avions? Que m’as-tu donc caché d’autres? Que ne m’as-tu pas dit? Je te confiais mon âme, tous mes tourments, mes joies, mes peines, mes désespoirs. Tu étais la seule à savoir pour Orys. Je pensais que tu me disais tout aussi, que tu étais sincère, que nous étions l’une pour l’autre un livre ouvert. Je me suis plus que fourvoyé. Tu voulais que je vienne vers toi quand tu es revenu? Alors même que tu m’avais tourné le dos, abandonné? Aegon et Visenya avaient promis de ne jamais le faire et ils m’ont pourtant laissé toute seule. Orys a préféré les cuisses de Dorne à mon amour. Vous m’avez tous laissé tomber, menti, trahie. Et tu aurais voulu que je t’ouvre en grand ma porte comme si rien n’était arrivé? Se rendait-elle seulement compte de la situation qui était la mienne? Je t’ai laissé revenir Isla. Je t’ai laissé quitté Peyredragon et nous suivre. Ce n’était peut être pas suffisant à tes yeux, mais je l’ai fais. Alors que rien ne me poussait à le faire. Pour elle, ce n’était rien à l’évidence. Je lui avais entrouvert la porte. Elle n’avait qu’à faire ses preuves, me montrer qu’elle ne comptait plus partir et que je pouvais lui faire confiance. Tu aurais dû venir me voir. Tu aurais dû venir tout me dire. Mais tu as encore fait le choix de ne rien en faire. Tu t’es confié à un inconnu plutôt qu’à moi, qui, pourtant, d’après tes dires, tu étais venue rejoindre. Rien n’avait de sens dans ce qu’elle avait fait, absolument rien. Quoi alors? J’aurais du le deviner? Alors même que mon regard doit rester constamment braqué sur la guerre, et la sécurité de tous ceux qui ont mis leur vie entre mes mains? Tu as quitté une princesse frivole, sans responsabilité. Et tu as retrouvé une impératrice en deuil qui a en charge des milliers d’âmes et qui doit apprendre tout ce qu’elle n’a jamais appris. N’avais-je pas cessé de lui dire que je n’étais plus la même? A Herpivoie oui, mais cela a commencé plus tôt et tu le sais très bien. Je n’ai jamais remis en question le fait que jadis tu avais de l’affection pour moi. Mais cela n’était pas assez fort, pas assez suffisant pour que tu sois transparente avec moi, et c’est ça le plus douloureux. Je t’aurais confié ma vie. Tu n’étais pas prête à la réciproque. Pire, tu m’as refusé la réciproque. Mais ce qui est fait et fait. J’avais tourné la page. Ce n’était plus aussi douloureux qu’avant. J’avais appris à vivre avec et ce qui s’était passé ensuite m’avait éloigné de cette douleur pour me rapprocher d’autres. Je suis peut-être devenue un monstre Isla, mais je ne nuirais jamais à ceux que j’aime. Jamais. Torrhen est heureux avec toi. Tu es heureuse avec lui. Qui suis-je pour m’interposer? Et je n’ai pas insinué qu’il est un menteur. Mais s’il avait été autre, cela aurait pu arriver et tu n’aurais pas cherché plus loin. Et c’est là ce que je te reproche Isla. Je secoue la tête C’est mon époux. Bien évidemment que j’allais lui demander d’abord à lui plutôt qu’à toi. Il m’a indiqué vouloir t’en parler, lui et je lui ai fait confiance te concernant. Parce qu’il est celui que tu aimes. Et tu l’as bien dit. j’ai “demandé” et non “imposé”. Surtout que je ne leur demandais pas de ne pas avoir d’enfant. J’aurais pu le faire. J’aurais été en droit de le faire. Mais non. Je n’en ferai rien. Je prendrais sur moi le moment venu et j’accepterais cette situation là. As-tu seulement pris la peine, récemment, de te mettre à ma place? As-tu seulement pris en compte tout ce que je suis prête à accepter, non pas pour mon bonheur mais le vôtre? Avouez-vous seulement pensé à moi quand vous avez évoqué ouvertement que vous vouliez avoir des enfants alors même que mon fils vient tout juste de mourir et que je noie dans cette douleur qui ne me quitte pas une seule seconde? Tu veux savoir pourquoi je t’en veux? Je t’en veux d’être égoïste Isla, de dire à tout va que tu es là pour moi, pour m’aider, alors que tu ne penses qu’à toi. C’est si… Contradictoire. Je ne te demande pas de te dire dévouée à ma personne. Je ne te demande pas de dire m’aider. Je n’attends rien de cela. Je n'attends d’ailleurs rien en retour si ce n’est un peu d’honnêteté et de considération. Tu couches avec mon époux. Il est tombé amoureux de toi. Il veut fonder une famille avec toi. Il veut te protéger, et t’offrir une situation stable. Il veut te rendre heureuse. Tu es devenue un havre de paix pour lui. Tu es tout ce que je ne serais jamais plus. Tu es cette lueur d’espoir dans son existence. Vous pouvez vous aimer comme vous l’entendez, autant que vous le désirez. Tout cela je l’accepte. Peu importe ce que cela m’en coûte, je l’accepte. La seule chose que j’attendais de vous, et je dis bien vous et non seulement toi, c’est un peu de considération. Vous avez piétiné mon honneur et ma fierté sans même vous en rendre compte, sans même vous en préoccupez. Et c’est ça qui me rends le plus en colère et qui me blesse le plus. Je n’ai fais qu’une seule demande, celle de patienter deux petites années avant de fonder une famille. Pas pour moi Isla. Mais pour la stabilité de l’Empire, pour la stabilité de ce putain d’Empire que moi, je ne peux pas me permettre d’oublier. J’avais accepté de sacrifier mon bonheur pour lui. J’avais accepté de ne pas pouvoir faire ce que je désirais vraiment, pour le bien de ce royaume. Elle n’avait pas à le faire, et ce n’était pas ce que je lui demandais. Tu dis encore m’aimer Isla? Alors pourquoi agis-tu aussi égoïstement sans même penser une seule fois à préserver le peu d’honneur qui me reste? Je ne pense pas demander la lune. J’estime accepter bien plus que quiconque le ferait à ma place. Je n’aurais jamais leur liberté à eux. Je ne pourrais jamais aimer comme je l’entendais. Je ne pourrais jamais plus être épanouie et totalement heureuse. Je ne serai jamais la mère d’une famille nombreuse. Je ne serai jamais plus l’artiste que j’étais. Je n’étais même plus l’épouse que je voulais être. Je ne serai jamais complète, ni entière. Est-ce vraiment si difficile que cela à accepter? Sais-tu sur quoi je travaillais avant même que tu n’entre ici pour me demander des comptes? Ou plutôt sais-tu sur QUI je travaillais? Parce que tu vois Isla, malgré tout ce que vous avez fait, je fais de votre bonheur à vous deux l’une de mes priorités. J’étais prête à renoncer à ma couronne pour VOTRE bonheur à vous. Pas par envie, pas pour moi ! Si cela vous permettait d’être heureux, alors je l’aurais fait. Tu parlais de concessions Isla. Qui de nous deux en fait vraiment ? Alors même que c’était moi l’épouse de Torrhen. Ce serait à eux deux de justement se mettre en quatre pour que les choses puissent m’aller, pour me préserver et non l’inverse. Mais non. Ils ne pensaient qu’à eux, qu’à leur amour, qu’à leur bonheur. Sans doute une fois de temps à autre, ils se rappelaient que j’étais là, comme un foutu cailloux dans leur botte. Je finis par lui dire Oui, je n’ai pas lu ta lettre. Excuses-moi d’être trop occupée à essayer de gérer - et d'apprendre à le faire d'ailleurs - un royaume entier et à trouver une solution pour que, d’ici deux ans, tu puisses te tenir dignement au côté de mon époux et comme un membre à part entière de sa famille.

So welcome to the fire

I'm focused ; I've been watching for the omens ; I've been listening to everything you've said ; Its been running through my head ; Locked and loaded ; I've got the feeling that you've noticed ; Yeah I've only just begun ; I won't stop until it's done ; 'Til you're broken ; So welcome to the fire ; I'm the one with the lighter ; Feel the burning through your veins ; As we're walking through the flames ; Getting higher ; So welcome to the fire ; Welcome to the fire ; Feel the burning through your veins ; As we're walking through the flames ; Getting higher ;
(c)codage - Kanala - texte (c)welcome to the fire - willyecho

Alea jacta est

Torrhen & Rhaenys & Isla

Isla tenait bon, devant chaque invective de la part son amie de toujours, de sa moitié, du propre reflet de son âme. Elle tenait bon, malgré l'envie croissante de tout lâcher, d'abandonner. Mais l'inquiétude grandissait, accompagnée pourtant d'une sorte de fatalité : à quoi bon ? A quoi bon essayer d'expliquer, quand la version retenue était la pire aux yeux de la Targaryen ? A quoi bon essayer de comprendre, quand l'histoire était refaite en ne prenant en compte qu'une seule vision ? A quoi bon essayer de se retrouver, quand l'impératrice avait déjà décidé que c'était terminé ?

Espérer regagner une quelconque grâce aux yeux de Rhaenys était bien inutile. Le mal était fait, de toute évidence, et leur proximité n'avait plus rien de celle d'antan. Pourtant, Isla avait le sentiment de s'être battue pour la conserver, autant qu'elle avait pu le faire. Alors, la faute à quoi ? Une faute de jeunesse, un choix malavisé qui lui avait tout coûté. La racine de tous les maux suivants, de leur éloignement. Et de cette conversation qui n'en avait d'une que le terme tant la Chelsted avait plutôt l'impression d'assister à son propre procès. Isla avait tout essayé, jusqu'à cette lettre glissée sous sa porte un peu plus tôt. Mais les mots, qu'ils soient couchés sur le papier ou prononcés, semblaient vides de sens, à présent. Ils se perdaient, résonnant à l'infini dans une réalité qui n'existait plus dans l'esprit de Rhaenys. Et chaque tentative d'Isla pour le lui faire prendre conscience se soldait par un échec.

Avaient-elles toujours été ainsi ? Isla n'en avait pas le souvenir. A quel moment avaient-elles changé, alors ? La peyredragonienne ne souvenait pas de sa princesse comme de l'impératrice qu'elle était aujourd'hui : tranchante, rancunière, fermée. Etait-la personne qui avait changé, ou le piédestal sur lequel elle l'avait mise depuis tout ce temps qui s'effondrait ? Et si Rhaenys n'était pas supérieure, mais simplement humaine, comme tout le monde. Et si l'image qu'Isla avait en tête était faussée, depuis le début : essayait-elle de se raccrocher à quelque chose qui n'avait jamais existé ?

Le constat l'ébranla si profondément qu'elle resta silencieuse. Elle écouta, observant la dragonne s'insurger contre les traitements qui lui étaient réservés. C'était la plus longue conversation qu'elles avaient eue, depuis longtemps. Mais l'insulaire n'arrivait plus à savoir si c'était positif ou non, l'impératrice ayant ce don de souvent la prendre à contrepied. Pourquoi essayer de se retrouver quand la prochaine révélation viendrait tout ébranler à nouveau ? L'insulaire eut envie de tout lui dire. De vider son sac, entièrement, honnêtement, brutalement. Au moins, le moment qu'elle redoutait serait passé, et Rhaenys aurait toutes les cartes en mains. Mais elle ne pouvait pas. Torrhen voulait qu'ils lui disent, à deux. Rhaenys allait se sentir isolée, encore plus que ce qu'elle était déjà. Abandonnée, comme si son propre époux créait une famille à côté de la leur, une nouvelle vie à la place de la sienne. Un nouvel enfant, pour remplacer le précédent. Isla se mordit l'intérieur de la joue, s'en voulant de la placer dans cette position. Pourtant, elle ne pouvait pas se résoudre à ignorer ce bonheur caché dans son ventre, cette promesse d'un monde meilleur. Et elle ne le voulait pas non plus. Les derniers mots de Rhaenys déclenchèrent un frisson qui remonta le long de sa colonne vertébrale, hérissant les poils sur sa nuque. Isla se considérait comme faisant partie intégrante de l'équation, maintenant. Et Rhaenys aussi, visiblement.

« Je ne peux pas comprendre ta position car je ne suis pas impératrice, mais j'entends ce que tu me dis. Je ne nie pas mes fautes, ni mes insuffisances. Elles existent. Et elles t'ont causé du mal. »

Isla voulut s'excuser, encore, mais n'en fit rien. Rhaenys n'y croyait pas, et cela n'apportait rien. Elle disait ne pas en vouloir, en plus. Le passé pouvait attendre, c'était le futur qu'il fallait gérer, maintenant.

« Personne n'a besoin de se sacrifier pour que nous réussissions à trouver une façon d'être, tous les trois. Et personne ne le veut, non plus. Torrhen ne le veut pas, je crois, pas plus que moi. Et je pense que toi non plus. Mais nous devons trouver un moyen de parler, pour y arriver. »

Au delà de la princesse, de l'adolescente frivole, de l'impératrice enragée, de la femme blessée, Rhaenys était aussi une conquérante. Leur relation tripartite n'était qu'un projet de plus à consolider, une extension de leur destinée commune et une prolongation de sa dynastie. Dans tous les cas, quelque chose à construire et sur lequel apposer sa marque, plutôt que d'en subir les faits. Cela devait lui parler, au moins un peu.

« Qu'attends-tu, maintenant ? Je ne cesse d'essayer de t'expliquer, de te présenter mes excuses. C'est insuffisant, je le vois bien et tu es en droit de les refuser. Mais dis-moi ce que tu veux, dis-moi ce que je dois faire pour regagner ton amitié. Si c'est de la considération que tu souhaites, je l'ai compris, et je t'ai dit que je ferais mieux. Pour tout ce que nous avons vécu jusqu'ici, en vertu de notre amitié de longue date, s'il te plait, parle-moi. »

Si elle devait offrir ce dernier souvenir en guise de bonne foi pour trouver une solution, elle le ferait. Un appel à la raison, au bon sens. Une énième main tendue qui signifiait que la situation n'avait pas à rester ainsi. Isla s'avança vers elle.

« De ce que tu dis, je comprends que tu réfléchis à un futur. Moi aussi. Mettons en commun nos efforts pour dessiner ensemble ce que nous voulons, et ce que nous ne voulons pas. Faisons-le en toute honnêteté, mais sans jugement les uns envers les autres. »

Les dieux s'en chargeraient pour eux, de toute façon. Quelqu'ils soient. Tentant d'accrocher son regard, la peyredragonienne lui proposa :

« Laisse-moi appeler Torrhen pour qu'il nous rejoigne, et parlons-en tous les trois. »

Rhaenys avait le choix : accepter la venue de Torrhen ou continuer à parler à deux. Dans tous les cas, Isla s'y plierait, même si elle avait de plus en plus l'impression de devoir garder un secret trop lourd pour ses seules épaules.

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Alea Jacta Est

Torrhen Braenaryon & Isla Chelsted & Rhaenys Braenaryon

Accalmie, Terres de l'Orage Fédéré, MOIS 7 SEMAINE 2 DE L’AN 1 DE L’ERE DES LUTTESs

J'attends dehors. Sur un balcon, pas très loin de là où Rhaenys et Isla doivent se retrouver. Le vent qui m'ébouriffe les cheveux poivre et sel, plutôt sel que poivre d'ailleurs, avec le temps qui passe. Je prends le temps, pour la première fois depuis longtemps, de me poser et de réfléchir. Plus que ça, d'écouter ce que me dit mon corps et mes vieux os. D'écouter ce que me disent mes membres et mon cœur. La première chose, c'est une rigidité presque douloureuse de ma carcasse, surtout au niveau des épaules et du thorax. Une cage d'os et d'ivoire qui n'a pas d'organes à maintenir prisonniers, seulement à les maintenir en place pour qu'ils continuent de produire le résultat de gestes et de mouvements mille fois répétés chaque jour, du simple fait de marcher jusqu'aux tailles et parades répétées depuis trente ans. Ce froid, aussi. Nouveau, moi qui l'endurais si bien dans mes jeunes années, et qui cette fois remuerait bien ma silhouette toute entière, malgré son aspect massif et bourru renforcé des cuirs, des plaques d'acier et des peaux de bête en travers des épaules. Les cheveux qui volettent en pagaille, remués par le chaos venteux d'Accalmie. Touffus, encore. A chaque jour qui passent un peu plus gris, et puis un peu plus blancs. Comme la barbe, qui m'aide, là où elle pousse, à camoufler l'éclair erratique qui me fend le visage en boursouflures et en amas cicatriciels, témoins de mon échec.

Le plus sensible, finalement, ce que je ressens le plus, ce ne sont pas les battements de mon cœur. Lents, puissants ; résignés.

Tout ce que je suis et tout ce que j'ai fait m'a conduit ici. Avec surtout cette douleur au genou, lancinante. Elle brûle de l'intérieur, comme si je sentais chaque centimètre d'os et de cartilage qui le composent. Il pourrait très bien se dérober, là, maintenant, sous le poids des équipements, sous la fatigue de mes responsabilités.

Et pourtant là-dessous, derrière les murs de cette ville, les bannières et les oriflammes, les feux de camp et les torches de dizaines de milliers de soldats qui le jour venu, devant mon poing dressé, scandent mon nom et la devise de mon honneur. C'est cela, ce que je suis. Y compris ce soir. Je suis le Vieux Loup de Winterfell. J'ai eu une vie compliquée. Rarement douce, mais toujours satisfaisante. J'ai pataugé dans la neige, dans la boue et dans le sang. Dans les larmes, aussi. J'ai cru longtemps mériter plus de bonheur que ce que le destin m'avait réservé. Et puis, finalement, quand on se retrouve investi du destin de tous ces soldats et d'un ensemble plus vaste encore, on se dit que le mérite ne se mesure pas en éclats de rire et en étreintes, même sincères.

Le mérite se joue dans l'empreinte que l'on laisse dans la mémoire des autres. Et plus que tout, dans l'abnégation à accomplir ses devoirs. Les miens, je les ai accomplis.

Mille fois.

Plus.

Je ne sais plus.

Et je les ai transgressés, aussi, au nom d'idéaux plus grands que ma personne et que les responsabilités qui m'ont vu naître. Je n'ai pas longtemps cru aux chimères de l'amour véritable, et les élancements douloureux de mon cœur quand il m'imagine vieux et heureux sont facilement ensevelis et étouffés comme le corps brisé que j'étais dans la neige et le blizzard écarlates de Buron.Ca ne sert à rien d'espérer. L'espoir fait avancer le cœur des hommes quand on doute. Et puis passé un certain stade, il y a la résignation. Dans la pièce d'à côté, les deux femmes que j'aime le plus dans mon existence. Que j'ai le plus aimées. J'ai entendu les éclats de voix, me suis retourné, et j'ai vu les gardes du couloir se regarder.

Je sais déjà, non, je sens, que notre dernière flèche vient de se consumer, sans rien donner.

Je sais.

Il ne sert à rien de se lamenter. Ce n'était pas mon idée au départ. Ni de m'aventurer sur les territoires de l’extra conjugalité, ni de m'abandonner à l'amour jusqu'à ne plus prendre aucune précaution, ni de me livrer autant à qui que ce soit d'ailleurs, épouse ou pas. Mais pour tout cela il est trop tard d'avoir des regrets.

Sois un homme, fils. Sois l'Empereur.

Tu es mort, papa. Je suis allé plus loin que toi. Et que tous les autres, tes préférés ou non.

Plus loin, et prêt à redonner le flambeau. Jon n'est pas prêt, mais comme moi, il ne le sera jamais. L'expédition contre le Nord achèvera d'en faire le Roi et le Sire de Winterfell que son peuple mérite et le grand homme que le destin le porte à devenir. Il sera le meilleur de notre époque, s'il garde le contrôle de ses émotions. Et Aeden est moins prêt que quiconque à régner. Mais il a mon sang et celui de sa mère. Cela fera bien l'affaire.

Puissent les dieux épargner aux autres le fardeau de régner et de se battre. Walton a déjà vu trop de sang. Jeyne risque sa vie là-bas, loin de nous. Athynéa est en danger rien que d'exister, tandis qu'à la vie que porte Isla...

Je suis l'Empereur, oui. Mais rien qu'un homme, et pas le meilleur.

Il est temps de mettre ses affaires en règle devant les dieux à défaut de pouvoir le faire devant les hommes. Il n'y a pas de solutions. Le penser n'est que se tromper et mettre tout le monde en danger ; il n'y aura pas de mensonges ou d'échappatoires qui nous permette de tourner le dos à nos péchés. Cacher un enfant ne suffira pas à le mettre à l'abri des plus féroces assassins, qu'ils soient Lannister ou Baratheon, ou même d'autres obédiences. Je dois quand même essayer. Par respect et par fidélité, autant pour Rhaenys que je n'ai pas ménagée que pour Isla qui ne mérite pas grand chose de ce qui lui arrive. Je boitille pour rejoindre la pièce quand un Demalion s'avance vers moi. M'appuie sur un cep épais, ramené par une patrouille comme bois de chauffage et que j'ai pris discrètement pour m'en faire une canne ; l'humidité ambiante m'enflamme plus encore le genou que d'ordinaire.

Et j'entre.

Quoique je fasse désormais, je perds Rhaenys qui n'acceptera plus, avec la promesse donnée quelques semaines plus tôt à peine, la perspective d'un enfant hors mariage. Et je peux aussi perdre Isla parce que la réaction ne sera pas à la hauteur du sacrifice ; la perd à terme de toute façon pour ne pouvoir lui garantir son avenir par mes propres moyens.

Qu'il est plus simple d'ordonner des bataillons et de se jouer d'un ennemi, de lui afficher haine et farouche volonté, que d'avoir à se tenir ici, entre un dragon et un écu d'argent.

Leur seul regard me confirme mes soupçons. Confrontation. Mon visage reste neutre, fermé. Mon regard aux prunelles si sombre reste triste, ne sait pas accrocher le leur de prime abord. Et puis, je le relève. J'aime Isla. J'aime Rhaenys. J'ai honte des circonstances, mais pas de ce qui les a déclenchées de prime abord.

Les retrouvailles tant attendues n'auront pas eu lieu, et je sens mon arrivée glacée saisie par la chaleur des échanges ardents dans l'endroit que j'investis.

| Je ne sais pas ce que vous vous êtes dit jusque là. Je ne sais pas quels sont les mots qui vous ont heurtées, ni ceux que vous vous seriez dits pour arranger les choses. Tout d'abord, je voulais venir pour vous présenter mes excuses, à toutes les deux. |

Je me tourne vers Isla.

| A toi, d'abord. Et devant témoin ; pour te dire que je n'ai jamais voulu t'attirer autant de problèmes par mes intentions ni mes désirs, qui je le sais t'auront damnée sous bien des aspects. Je regrette que la bonté dont tu as fait preuve à mon égard ne puisse t'être rendue, ni par moi ni par personne. Je t'aime, et m'incline humblement devant toi. |

Et m'incline, donc, même si c'est gauche et mal assuré, même si je grimace sous la barrière de mes cheveux tombant drus. Je me redresse, et fais face à Rhaenys. Un silence qui s'installe. Et un tic nerveux au coin de mes lèvres ravagées par la cicatrice qui remonte de leur commissure à ma joue.

| Et je tiens à te présenter aussi mes excuses, Jentys-Zaldryze, ñuha jorrāelagon, pour mon comportement. Je t'ai déjà présenté tous mes regrets, pour mes choix et tout ce qu'ils t'ont coûté. Je suis sincère, malgré tout ce que tu t'imagines de moi, et d'Isla et moi. |

Je dégluis et fronce les sourcils, mon apparence se ferme, et je relève le menton. Sans doute n'ai-je jamais autant ressemblé à mon père. Bras dans le dos, j'y camoufle le tremblement récurrent de ma main gauche tard le soir, quand je suis fatigué, que je me traîne aussi depuis Buron.

| J'ai respecté la promesse que je t'ai faite. Isla aussi. |

Elle comprendra le loup. Et je sais que ça la détruira, et qu'alors, c'en sera fini. Mais je n'ai pas le choix. J'ai décidé jadis d'être honnête et droit dans mes bottes, detoujours dire la vérité en dehors de ce qui fut protégé par serment sur le lit de feue ma première épouse.

| Mais nous avons fauté, avant cela. Et c'est à nous d'en payer les conséquences. Et j'en ai peur, c'est plus à Isla d'en payer les conséquences que toi ou moi, si aucune solution n'est trouvée. |

Mes lèvres se serrent, mes sourcils se froissent. Je pourrais craquer, étrangement, ici et maintenant. Mais je ne le fais pas ; la culpabilité m'étouffe mais je la lâche cette vérité.

| Isla est enceinte. De nos œuvres, évidemment. Cela doit remonter au Val, ou à notre départ de Fort-Darion. Avant notre promesse ; je t'en fais le serment, qu'importe l'importance que tu lui attaches encore, c'est la vérité. |

Je regarde Isla. Garde le contact visuel quelques secondes. Je l'aime, et je donnerais tout pour le rêve fou d'avoir un endroit rien qu'à nous trois où nous aurions pu être nous-mêmes, mais de ce que j'ai vaguement entendu ce soir et ce à quoi j'ai assisté les fois précédentes me détourne à jamais de cette douce chimère.

Je n'ai pas le choix que d'hypothéquer cette douce illusion pour la sécurité d'Isla et la dignité de Rhaenys ; mon propre honneur je le retrouverais sur les champs élyséens de mes ancêtres après mon dernier combat, et pas avant.

| Je réitère mes deux propositions ; celle d'accorder la paternité au fils d'une noble maison mort au combat, nombreux sont les impériaux tombés lors de la bataille de la Baie des Naufrageurs, et nombreux sont les combats sur tout le continent depuis des semaines. Ce ne serait pas le premier amour de guerre hors mariage. Autrement, reste l'hypothèse d'un mariage de connivence avec un loyal serviteur de l'Empire, il y en a masse qui ont intérêt et à se marier, et à avoir descendance reconnue. Je ne vous apprends rien en soutenant que les mariages se multiplient juste avant et pendant les prémices d'une campagne ; le cas d'Isla ne serait que noyé dans la masse des intérêts de tous ces soldats et familles qui souhaitent consolider serments, possessions et héritages, avant que les combats ne prélèvent leur dû. |

Je ne peux pas être le père officiel de cet enfant. Pas dans ce monde. Mais je peux encore protéger son avenir, et celui de sa mère.

| J'aurais voulu d'un autre avenir. Pour vous, pour moi. Pour tous les trois. Ce n'est pas possible, alors je dois veiller à ce que la sécurité de chacun soit assurée du mieux possible. Je recueillerais vos avis. Et déciderais demain de la marche à suivre pour solutionner cette situation ; je me dévoilerais le cas échéant à la maison que nous souhaiterions contacter. |

Je suis l'Empereur, et je dois décider, et assumer. Une dernière chose. Qui me glace, immédiatement. Et regarde Rhaenys.

| Tu es libre d'aborder ce secret avec ton frère, évidemment. Mais sache qu'il a proféré des menaces envers cette autre femme que j'aime et les enfants de moi qu'elle pourrait porter, à l'avenir. Je comprends son souci de ta dignité, et évidemment de la stabilité de l'Empire, c'est pourquoi il n'est pas envisageable d'officialiser ma liaison avec Isla. |

Plus maintenant que nous n'aurions le soutien de personne.

| En revanche, sache que malgré tout l'amour que je te porte, s'il devait tenter de passer à l'action, je m'occuperais moi-même de le clouer sur la croix. |

Ceci étant dit...

| Je suis désolé de vous avoir mises, l'une comme l'autre, dans cette terrible situation. J'ai trahi la confiance placée en moi par beaucoup, par amour et par désir, et j'ai conscience que si je ne peux pas réparer ce que ces circonstances vont briser entre nous, je peux au moins vous protéger des plus publiques de leurs conséquences. |

Je n'ai rien dit du sacrifice auquel je consens. De tous les sacrifices, en réalité. Je sais qu'avec ce discours, je perds Rhaenys, et Isla, et la perspective d'être proche de cet enfant. Ca m'arrache les entrailles, et me flanque la plus amère des nausées. Mais je n'ai pas le choix. Tel est le prix de mes actions, qu'il me faut assumer.

(c) DΛNDELION

Fire, Blood & Winter | House Braenaryon
Let it be War

I never wanted this. I never wanted to unleash my legions.
Westeros have only one chance to prosper and if you not seize it, then I will.
So let it be war ! From the skies above the Wall to the dornish sands. Let the seas boil. Let the stars burn.
Even if it takes the last drop of my blood, I will see the kingdoms freed once more.
And if i cannot save it from the felony and the dishonor, then let Westeros burns.

Alea Jacta Est
SEMAINE 1 DU MOIS 7 DE L’AN 2

Je secoue la tête avant de soupirer. Rien. Je n’attends rien. Tes excuses ne sont pas insuffisantes. Ce que je veux c’est que toi, tu arrêtes d’attendre… Je ne sais quoi de ma personne. Tu dois comprendre que les choses ne seront plus comme avant et pourquoi, à mes yeux, ça ne peut pas être le cas actuellement. Je ne t’ai jamais fermé la porte, j’ai simplement… changer de chambre si on reste sur la même métaphore. Je ne suis plus la même et toi non plus. Je n’aurais pas la stupidité de te proposer de repartir de zéro car cela n’est pas possible. Mais de laisser le temps faire son œuvre. Tu as ma confiance sur certains points. Tu ne l’as pas sur d’autres. Accepte le. Et si cela est trop dur pour toi, fais une croix sur le moindre lien entre nous. Nous ne pouvons pas reprendre là où tu as tout arrêté, c’est impossible. C’est à prendre ou à laisser Isla. La décision était entre ses mains désormais. Je ne demandais pas à ce qu’elle la prenne tout de suite. Qu’elle y réfléchisse et nous aviserons ensuite. Je n’étais pas prête à plus de concessions que cela. J’estimais de toute manière que je n’avais pas à en faire plus, pas au vu de sa situation concernant mon époux, pas alors qu’elle avait tout entamé sans venir me trouver, pas alors qu’elle lui avait livré tant de choses avant même que LUI ne me les livre.

En parlant du loup, elle l’évoque à peine qu’il passe le pas de la porte. Je me retourne vers lui, mais ne souris pas. Il n’a pas sa place ici, en cet instant tout du moins. Cette histoire, elle ne le regardait pas et le mettre, une fois de plus, entre nous deux, ne pourrait qu’amener plus de difficultés. Je retiens un soupir tout en l’observant… Et bien évidemment, il se tourne en premier lieu vers son amante. Quelque part, je suis en colère, en colère de le voir plier un genou face à elle. Je le dévisage alors qu’il me présente des excuses. Il déglutit et avant même qu’il me parle, je comprends. J’ai besoin pourtant de l’entendre alors je me tais même si je sais. Je me figeais. Un court instant j'avais l'impression d'être plongée dans un véritable cauchemar, dans une grande farce. Ma bouche s'ouvrait mais je ravalais toutes mes paroles. À quoi cela servirait ? Au fond, je le savais. Je l'avais toujours su. Cette promesse n'en n'avait jamais été une. Ils m'avaient menti. Ils m'avaient trompé. Ils m'avaient trahi. Je m'étais leurré. J'avais voulu y croire et j'en payais une fois de plus les pots cassés. Il détourne le regard pour la regarder elle. Après tout ce qu’ils ont fait, il se permet une telle chose. Pour la soutenir. Encore et toujours. Peu importe ce que je ressens. Finalement c’est uniquement pour faire passer la nouvelle plus facilement qu’elle est venue. Elle avait agi dans le but de me manipuler.

Stupide.

Par tous les dieux, que j'étais stupide. Je lâchais un rire joyeux.

Stupide princesse qui a crû être capable d'évoluer dans un monde bien trop sombre et égoïste.

Stupide.

Stupide petite chose.

Stupide dragon qui n'aurait jamais dû quitter ses terres natales.

Stupide dragon qui fait confiance trop facilement et naïvement.

Stupide stupide stupide.

Je souriais et leur dis Félicitations ! Mon ton était joyeux, euphorie même. Je leur tapais même dans le dos. D'abord Torrhen puis Isla alors qu’être en contact avec eux me donnait envie de vomir. Vous devez être ravis. Loués soient les dieux d'avoir entendu votre volonté et vos plus profonds désirs. Je revois le corps de mon fils. Si beau, si parfait. Ce fils qui n'avait jamais poussé son premier cri. Ce fils qui n'avait jamais connu les bras d'un père qui s'était empressé d'engrosser une autre alors même qu'il venait d'être emporté loin de ce monde si noir. Je continuais de les regarder avec un enthousiasme que je ne ressentais absolument pas. Vous allez avoir fort à faire. Entre changer la constitution, organiser votre mariage et cette naissance… Nulle doute que vous allez devoir vous entourer de politiciens capables de vous aider dans cette tâche. Ce serait dommage que la future épouse et mère ne se fatigue. Je ne mentais pas. Je ne lui souhaitais même pas cela. Un enfant était une bénédiction. Même s’ils venaient de me trahir de la pire des façons possibles, même s'ils l'avaient fait, littéralement, dans mon dos. Je reste debout et me dirige déjà vers mon bureau alors même que ce sourire ne quitte pas mes lèvres ni même ce ton si joyeux. J'ouvre un tiroir et en sort un épais ouvrage valyrien ainsi qu'un carnet de dessin sur lequel j'avais si souvent écrit ces derniers temps Torrhen a été assez clair sur le fait que tu lui appartiens. Il n'est donc pas question qu'un homme se retrouve embarqué dans une histoire qui le dépasse et n'en souffre. Je me gardais bien de dire “Lui aussi”. J'étais détruite, détruite.

Stupide Petite fille.

J’ai crû que leur relation ne changerait rien. Elle restait belle oui et je leur souhaitai d’être heureux. Je n’arrivais pas à les maudire alors même qu’ils venaient de détruire cette relation que je pensais avoir avec eux. Remplacée. Par l’un et par l’autre. Je ne me tenais pas à leur côté, j’avais été remplacée, oubliée, trahie. Je leur désignais ce que j'avais sorti et continuais à tout débiter sur le même ton. Vous allez éditer les lois de notre royaume. J'ai trouvé un vieil ouvrage parlant de l'ancienne valyria. Lord Verdragon me l'a fait parvenir il y a peu. Vous trouverez mes notes et suggestions dans ce cahier. Ne tenez pas compte du déroulé puisque je l'avais imaginé sur deux ans. C'est de cela d'ailleurs dont je voulais vous parler. stupide dragon. J'avais passé tant d'heures à trouver une solution pour eux et à plus grande échelle à Westeros. J'avais demandé à ce que l'on fouille la chambre d'Aegon pour retrouver ce livre, alors même que j'avais demandé à ce qu'elle reste dans le même état qu'il l'avait laissé.
Stupide.
Stupide.
Stupide.

Je reprends une fois de plus.L'empereur et tous hommes titrés du royaume pourront prendre une seconde épouse si la première est inapte à lui donner des héritiers. Nous réglerons ainsi tous les problèmes de succession et nous ne nous retrouverons plus dans une situation comme celle de l'orage. Et par la même occasion Isla va pouvoir être aimée au grand jour par celui qui l'aime. J'ai inclus des clauses pour protéger les épouses afin qu'elles ne se retrouvent pas lésées et y trouvent aussi leur compte. Si je souriais toujours, mon ton était redescendu d’un octave. Il était plus sérieux. J'y avais réfléchi. Pas seulement les concernant mais concernant tout le royaume. Ce qui se passait sur les terres de Peyredragon m'avait également fait réfléchir sérieusement à la question. Par exemple si la seconde épouse, d'origine noble, n'enfante pas et que l'époux s'avère infécond, il devra alors laisser son titre, et verser une indemnité à ses épouses qui pourront alors se séparer de lui et trouver un nouvel époux. Tout en sera bouleversé. Je ne pensais pas mettre cela aussi vite en pratique. Je pensais amener cela en douceur, un fait après l’autre. Deux ans. J'avais demandé deux années mais non, ils n'en avaient eu cure. J'avais marché dans la pièce et j'étais désormais à la porte. Je me tournais vers eux et finis par leur dire. J'irai trouver le mestre de Peyredragon et je le ferai me déclarer inféconde. Il m’accordera cela sans problème. Nous partirons sur une rumeur que nous alimenterons. Je n'étais plus à cela de toute manière. Et ainsi j'enterrinais totalement le fait de ne plus avoir d'enfants. J'avais été si sotte de penser que peut-être je serai capable de reporter un nouvel enfant de Torrhen. Alors même que je me répétais d'accepter cela, il s'était déjà tourné vers Isla pour en avoir un. Lui qui m'avait fait la promesse qu'il avait piétiné. Stupide. Stupide épouse naïve. Il ne valait pas mieux que sa première épouse finalement. Encore une fois félicitations à vous. Je vais réfléchir à qui représentera l’Empire auprès de l’Ouest vu qu’il ne sera pas sage qu’Isla prenne la route. Mieux vaut que tu la gardes à tes côtés Torrhen. Elle aurait besoin de ton soutien, avant et après la naissance de votre enfant. Ma main est posée sur la poignée et je continue de leur dire, sans laisser réellement de temps mort. Vous avez fort à faire. Vous avez beaucoup à lire, trouver des politiques pour vous aider à mettre cela en place puis le faire voter par le conseil. N'oubliez pas d'insister au moment du vote que vous ne pensez qu'à sauvegarder l'avenir de l'empire au vu de mon inaptitude et ne parlez pas de l'État d'Isla. Cela paraîtra moins égoïste. ajoutais-je de nouveau joyeusement en les regardant, toujours souriante.

Stupide dragon.

Je n'aurais jamais dû leur faire confiance, jamais. Le carreau de l'arbalète était moins douloureux que ce que je ressentais actuellement. Je détestais ce château. Je détestais cet endroit. J'étouffais intérieurement. Il fallait que je m'en aille. Ce foutu sourire sur mon visage reflétait tout le contraire de ce que je pensais.

Stupide. Stupide dragon.

Ou plutôt, stupide humaine qui s'est prise pour un Dragon.

Stupide.

Stupide.

Stupide.

Il fallait que je m'en aille d'ici. Je n'avais pas envie de les écouter. Je n'avais pas envie de les entendre se justifier et me balancer une excuse qui ne valait rien pour expliquer cette situation. Je ne croirais plus aucun mot qui sortirait de leur bouche. Plus jamais. Un énorme bruit et un hurlement de fureur me donnèrent l'occasion que j'attendais. S'ils avaient parlé je n'avais rien entendu. Je ne le pouvais pas. Je ne le voulais plus. Ah ! Je crois qu’il y a un problème avec Meraxes. Je ferai mieux d’y aller avant qu’elle ne blesse quelqu’un. Dis-je sur un ton joyeux toujours aussi faux. J’étais devenue ce que j’avais toujours détesté chez les autres : une menteuse, qui jouait la comédie.

Stupide.

Stupide.

Stupide.

Je leur fis une révérence, comme un vassal face à ses souverains avant de sortir de la pièce. D'abord en marchant, puis trottinant jusqu’à me mettre à courir. Mon souffle était court mais je ne m’arrêtais pas. Je manquais de louper plusieurs fois des marches ou de trébucher, me rattrapant au dernier moment. Mes oreilles sifflaient au point ou je n’entendais même pas si les gardes étaient encore sur mes talons, s’ils m’avaient suivi. Je ne m’étais pas retournée, pas une seule fois. Mes pieds bougeaient seuls. Je heurtais ma sœur dans la cour qui grondait furieusement, claquant sa puissante mâchoire dans une direction que je ne regardais pas. Il pleuvait dehors mais je n'étais pas capable de m'en rendre compte. Sa queue m’entoura, me masquant, me protégeant alors qu'elle continuait à gronder furieusement. Je posais mes paumes sur elle. Ce foutu sourire mourut enfin. Je m’y repris à plusieurs fois pour arriver à la chevaucher. Mon corps tremblait de rage, de douleur, de tristesse, de peine et la robe sur je portais n'était pas adaptée. J'avais fini par la déchirer pour arriver à monter sur son dos. Elle s'envola dès que ma prise fut certaine, hurlant une fois de plus. Je ne regardais pas où elle allait. Mon visage était collé à ses écailles alors qu’il se baignait de larmes et de pluie. Je n'avais même pas la force de hurler.

Stupide.

Stupide.

Stupide.

Stupide.

So welcome to the fire

I'm focused ; I've been watching for the omens ; I've been listening to everything you've said ; Its been running through my head ; Locked and loaded ; I've got the feeling that you've noticed ; Yeah I've only just begun ; I won't stop until it's done ; 'Til you're broken ; So welcome to the fire ; I'm the one with the lighter ; Feel the burning through your veins ; As we're walking through the flames ; Getting higher ; So welcome to the fire ; Welcome to the fire ; Feel the burning through your veins ; As we're walking through the flames ; Getting higher ;
(c)codage - Kanala - texte (c)welcome to the fire - willyecho

Alea Jacta Est

Torrhen Braenaryon & Isla Chelsted & Rhaenys Braenaryon

Accalmie, Terres de l'Orage Fédéré, MOIS 7 SEMAINE 2 DE L’AN 1 DE L’ERE DES LUTTESs

Assumer. C’est le maître mot, quand on règne. Je le vois bien dans ses yeux et dans son attitude ; la dragonnière est heurtée et sonnée, et ce qui se casse en elle maintenant jamais ne pourra être réparé. Je déglutis, encore. Pas apeuré à l’idée de l’avoir ainsi brisée, mais coupable et honteux d’avoir laissé quelque chose comme l’amour fracasser le poids des idées que l’on portait ensemble. C’était égoïste, et c’était cruel. J’aurais dû me concentrer sur tellement d’autres choses que la perspective d’un peu d’amour et d’affection que la conclusion de cette histoire devient sordide.

J’ai longtemps cru être différent d’un Loren Lannister, d’un Argilac Durrandon, d’un Harren Hoare, même. D’avoir été plus proche d’un Jehan Arryn, ou d’un Mern Gardener. Et pourtant de me rendre compte que j’ai moi aussi cédé aux sirènes de l’égoïsme et du pouvoir, de l’immunité que je pensais qu’il me conférait. De moindre importance, certes, mais je pensais pouvoir à tout le moins cacher au monde que je n’étais rien qu’un homme.

Le cacher au monde, oui.

Le cacher à ma femme, non.

Et maintenant, il faut en payer le prix.

Mon coeur se brise en même temps que le sien. Tout ce que nous avions espéré avec Rhaenys était mort, désormais, et tout ce que nous nous étions confiés d’un avenir meilleur avec Isla l’était aussi. Maintenant il n’y avait plus qu’à endurer la suite. Et les conséquences de mes errements.

L’Impératrice ne trompe personne. Son sourire a beau l’air sincère et la joie dans son ton sont bien factices ; ses yeux ne mentent pas. Cette femme que j’ai tant aimée je l’ai détruite. Je reste là, raide. Sonné par le tombereau qui tombe et qui n’épargne personne. Je soupire, attristé, démoli, épaules qui s’affaissent et regard perdu quelque part entre elles deux.[/i]

| Il n’est pas question de se marier. De changer la constitution. Je ne suis pas valyrien, et malgré son ascendance, Isla non plus. |

Nous sommes de Westeros. Et ici les règles et traditions sont bien différentes. Il n’est pas question de s’arroger des droits que n’ont pas les autres, pas pour tout l’amour ni tout l’or du monde, pas même pour Isla, ni pour Rhaenys. Pour rien, ni personne. Que l’on me taxe d’une moralité à géométrie variable, j’y suis prêt depuis que j’ai posé mes lèvres sur celles d’Isla pour la première fois. Que l’on remette en question mon éthique de règne, j’y suis infiniment moins apprêté. Je regarde Rhaenys, alors qu’elle égrène ses idées les unes après les autres.

| Il n’est pas question de te déclarer inféconde. Tu ne l’es pas. Et malgré tout l’amour que j’ai pour Isla, elle n’est pas là pour te remplacer. En aucune manière. |

Voilà, nous y sommes donc. Rhaenys qui se met en retrait, cruellement atteinte par la situation et par ses conséquences, vouée comme toujours à endurer ce que je lui ai fait porter sur les épaules. La guerre et tout le reste, et jusqu’à mon propre comportement. Pour le reste, je ne peux pas m’empêcher de garder le silence. Je dois encore méditer sur ce qu’il se passera. Je dois encore décider quels risques devra endurer Isla. Voir avec elle, évidemment. Mais il est désormais exclu de le voir avec Rhaenys ; elle ne fera que prendre des initiatives qui ne feront que l’effacer, renforçant en contradiction frontale nos propres malheurs. Et elle s’esquive, alors que j’allais lui proposer sans aucune conviction de discuter de tout cela ensemble, elle et moi.

Nous nous retrouvons ensemble, avec Isla. Elle que j’aime tant et qui porte mon enfant, maintenant, et qui va aussi porter sur ses minces épaules tout le poids de ma honte et de mon inconséquence.

| Nous ne ferons rien de tout cela. Et j’en suis désolé si parmi toutes ces idées l’une valait ton assentiment. Je vais prendre les meilleures dispositions pour ta protection, et celle de cet amour à naître. Je ne veux pas d’un deuxième enfant qui disparaitrait à cause de moi… Jamais. |

Je me tourne vers la porte, par là où Rhaenys s’est enfuie, marquée du sceau de la honte de l’épouse trompée. J’étouffe de culpabilité, mais pas de regrets. J’aime Isla… Ce qui rend tout cela plus difficile encore ; elle n’est pas la branche que je devrais scier comme l’ont fait tant de souverains avant moi.

| C’est donc ainsi que nous allons jouer cette campagne. Je suis désolé, Isla. D’avoir trahi tes espoirs et tes attentes. Je soignerais à tout le moins mes promesses envers toi et l’enfant, évidemment. |

Le coeur brisé par les conséquences de mes actes, des nôtres, je n’ai pas la force d’aller la voir, de l’enlacer, de la rassurer.

| Il n’y a pas de destin, mais ce que nous faisons. Cela doit rester notre unique leitmotiv. |

Briser le coeur d’un homme tant de fois, et briser celui de ceux qu’il a jamais aimés, c’est toutefois un symbole de l’action des dieux, et de toute la considération qu’ils nous portent.

Qu’ils me portent, en fin de compte.

Il n'y a rien à ajouter, pour le moment. Regard fuyant vers Isla, désolé. Mains dans le dos, mine renfrognée de réflexions. Et me voilà qui sors, continuant de courir après ce destin réaligné sans cesse sur cette plaine désolée et glaciale qui m'a vu naître, grandir et combattre. Il reste des batailles à mener, quantité.

Et sans union pas d'espoir. Mais il faudra bien se battre, malgré tout.

(c) DΛNDELION

Fire, Blood & Winter | House Braenaryon
Let it be War

I never wanted this. I never wanted to unleash my legions.
Westeros have only one chance to prosper and if you not seize it, then I will.
So let it be war ! From the skies above the Wall to the dornish sands. Let the seas boil. Let the stars burn.
Even if it takes the last drop of my blood, I will see the kingdoms freed once more.
And if i cannot save it from the felony and the dishonor, then let Westeros burns.

Alea jacta est

Torrhen & Rhaenys & Isla

Le silence, après les paroles. En temps normal, l'annonciateur du calme, de la réflexion. Rien de cela pour la jeune insulaire, prise entre son amour pour Rhaenys, heurté, détruit, peut être même perdu, mais pour lequel elle avait le sentiment de ne jamais pouvoir cesser de se battre malgré tout ; et celui pour Torrhen, et ce qu'il représentait ainsi que tout ce qu'il ne serait jamais. Lorsqu'il entra, elle se sentit mieux sans pouvoir l'expliquer : il n'avait rien dit, rien fait encore. Elle savait ce qu'il venait pour dire, pour confesser. Et elle ne se leurrait pas sur l'accueil que cette nouvelle recevrait. Alors elle serra les poings, durcit ses traits, en prévision de la plus grose tempête qu'elle n'ait jamais eu a affronter. Seule.

Non, pas seule, voulait-elle se persuader. Torrhen était là, lui.

Si, seule.

Torrhen ne pouvait pas savoir ce qui s'était dit. Mais il devait bien l'imaginer. Déjà au temps de Peuredragon, la discrétion avait été chose ardue, que ce soit pour se cacher d'une quelconque autorité (ce qui n'était pas vraiment au goût d'Isla d'ailleurs) pu que ce soit pour se voler un baiser en cachette. L'insulaire se força a chasser ses moments de sa mémoire ; ce n'était ni l'endroit ni le moment. Ils n'avaient pas leur place. Ils n'avaient plus leur place depuis longtemps. Torrhen devait bien se douter du feu qui les avait animées et consommées jusque là. Et rien qu'en croisant son regard après un moment, elle sut sans l'ombre d'un doute qu'il avait compris. Et qu'il savait les conséquences de ce nouvel échec.

Des excuses, d'abord. Envers elle. Isla ne dit rien, gardant néanmoins son regard sur lui. Son discours ne la surprit pas, elle l'avait deja entendu tant de fois. Elle savait le conflit qui l'animait et ce que leur relation adultérine lui coûtait, aussi pure par les sentiments qu'interdite par les actes. Un léger sourire parcourut son visage néanmoins, lorsqu'elle comprit qu'il ne cesserait jamais de s'en vouloir. Sourire triste, infini. Il se pencha, s'inclinant avec respect, amour, et bien trop d'émotions qui transparaissaient mais qu'elle se refusait a vraiment décoder sous peine de voir toute sa résolution s'effriter. Elle n'en saisit l'essence, néanmoins, et son coeur se brisa en comprenant que cet obstacle là ne saurait jamais être surmonté. Elle savait ce que cet acte lui coûtait physiquement, aussi. Et lui savait qu'elle avait déjà refusé ses excuses, plus d'une fois, car elles n'étaient pas nécessaires. Le fait qu'il le fasse malgré cela n'augurait rien de bon pour la suite.

Isla garda le silence pendant les excuses pour Rhaenys, lui donnant l'espace pour lui de les exprimer, même si elle doutait là-aussi que ce fut la première fois, et pour elle de les assimiler, même si la aussi, elle doutait de leur accueil. Tout cela importait peu, au fond. Un vent glacial la secoua, avant qu'elle ne se rende compte qu'il ne s'agissait que de sa propre expiration qui quittait son corps. Les dés étaient jetés depuis longtemps.

Après les excuses, la révélation. Les mots étaient simples, porteurs de sens. Isla observait l'homme déposer aux pieds de son épouse les faits, presque comme en attente d'un jugement qui viendrait bien vite et de façon bien cruelle, sans doute. Elle se sentait fébrile, incapable de fuir ou d'attaquer, incapable de bouger ou de parler. C'était maintenant. Le moment qu'ils avaient tant redouté, cette crainte alimentée par de nombreuses fautes et imprudences qu'ils n'avaient pas su minimiser. La faute était collective, mais les conséquences seraient bien individuelles, en tout cas pour Isla qui se trouvait dans une situation bien peu enviable. Avait-elle perdu la raison, de ne pourtant rien regretter ou si peu, en comparaison des problèmes qui se dressaient devant eux ?

Le Nordien accrocha son regard, qu'elle soutint. Ils se passaient aisément de mots, pour se comprendre. Elle savait ce qu'il allait dire, ensuite. Pourtant ce regard laissait contempler un abîme, une immensité de conséquences et un puits sans fond d'éternité. Une promesse silencieuse d'un amour infini. Une lueur, à laquelle se raccrocher comme à la folie elle-même. Alors c'est ce qu'elle fit. Isla s'y accrocha, comme un naufragé à un bout de bois flottant, pour y puiser la force de ne pas prendre les jambes a son cou. La jeune femme savait qu'il ne se débinerait pas. Elle ne le ferait pas non plus.

Les deux solutions discutées la veille furent exposées, a nouveau. Isla avait fait son choix, qui vraiment n'en était pas vraiment un. Si elle était condamnée, son enfant n'avait pas à l'être et elle ferait son maximum pour qu'il ne le soit pas. Aucune solution n'était plaisante. Aucune solution n'était envisageable, à ses yeux. Mais l'heure du choix était la, à présent. Ils ne pouvaient plus se cacher et devaient voir la vérité en face.

La nouvelle détruirait Rhaenys. Les conséquences détruiraient Torrhen. Et elle serait à nouveau seule, à affronter l'incertitude de ce monde avec cet enfant presque intangible qu'elle chérissait déjà tant. La tristesse lui enverra le coeur, lui coupant la respiration. Non, pas la tristesse. Le culpabilité, mêlée pourtant à une sorte de confiance, de certitude qu'elle n'aurait jamais voulu vivre les choses autrement. C'était compliqué, bordélique, imparfait, douloureux. Mais c'était aussi quelque chose de beau, de sacré et de fort, une marque d'amour indélébile et intemporelle, une éternité dans laquelle elle se serait plongée sans hésitation avec lui, quelqu'aient été les conséquences.

Le dernier sujet fut mis sur la table, de façon aussi transparente que le reste. Orys et ses menaces qui pesaient bien lourd sur eux, et sur cet enfant. Chaque pas vers Torrhen l'avait éloignée d'Orys mais cette promesse de violence avait parachevé leurs différences, bien trop prégnantes pour être oubliées. Elle avait vu la rage sur le visage de Torrhen, lorsqu'elle le lui avait partagé, la veille. C'en était trop pour lui qui tolérait déjà depuis longtemps cette proximité d'enfance entre les deux Peyredragoniens. La promesse de violence mortifère qu'il asséna en retour lui glaça les os. La messe était dite, dans tous les cas.

Un poids semblait s'envoler de ses épaules, jusqu'à ce qu'elle réalise qu'il n'avait jamais vraiment été le sien. Torrhen avait-il voulu être là pour lui dire pour lui épargner cette difficulté ? C'était loin d'être improbable. Mais Isla ne voulait pas qu'il subisse tout, tout seul. Ils étaient deux. Ils le seraient tout aussi bien dans leur histoire que dans le combat avec celle qui avait pourtant une place éternelle dans leurs coeurs. Que ce soit la colère, l'indifférence, le dégoût, la rage... Elle prendrait tout. Et ils feraient face. Même si Isla imaginait que son traitement a elle serait bien pire, compte tenu de leur précédente discussion. Et puis, compter sur une espèce d'équité entre eux était bien naïf : il était l'Empereur, et elle... Une ancienne amie de l'impératrice qui avait réussi a s'immiscer dans sa couche, comme Rhaenys le pensait. Cette armure n'en était pas une, mais cela n'avait pas d'importance. Car en ce jour elle avait fait front, tenu bon.

Les conséquences étaient déjà décidées, de toute façon. Cela en disait long, cette conviction, elle qui avait toujours cru en son libre arbitre et sa liberté de choix. La réaction de Rhaenys ne se fit pas attendre, après une sorte d'accalmie envers Isla. Mitigée. Factice. Puis un faux bonheur, une fausse allégresse. Qui poignardait la jeune femme en plein coeur. Sa tape dans le dos la désarçonna et elle dut contracter les muscles de ses jambes pour ne pas basculer. Rhaenys débita bon nombre de paroles, bougeant un peu partout dans son bureau, en opposition à Torrhen et Isla, figés. Incapable de bouger, incapable d'articuler quoi que ce soit, la jeune Chelsted la suivait des yeux tandis qu'elle enchaînait paroles et gestes dans le but de leur faire croire à un arrangement qu'elle avait réfléchi dans son coin. Isla n'en croyait pas un mot. Cela la rendait malade, d'entendre ces mots. Imaginer ce qu'elle décrivait était impensable. Et son ton enjoué ne parvenait pas à faire illusion. Elle devait être détruite. Et leur en vouloir, à mort.

Isla serra la mâchoire, attendant que ce moment passe. A quoi bon ? Tant d'actes manqués, tant de refus de sa part, exprimés ou tus. L'insulaire avait tout essayé, et rien n'avait fonctionné. Cette dernière entrevue étant le dernier clou dans le cercueil de cette amitié enfantine, malmenée par le fait qu'elles avaient grandi toutes les deux, et changé. Rien en serait comme avant. Estomaquée, elle ne put rien articuler, rien dire, luttant déjà de toutes ses forces pour chasser les larmes qui menaçaient de couler le long de ses joues. Tout allait vite, trop vite, et elle était condamnée à subir les immondices que l'impératrice balançait à tout va, comme si c'était seulement une solution.

Torrhen restait debout, visiblement abattu. Il rétorqua son opposition aux propositions de Rhaenys, son épouse, restant constant avec la discussion qu'ils avaient eu rien que tous les deux, la veille. Isla admirait la force qu'il avait, de ne pas laisser tomber. Elle n'en était pas capable. Rhaenys sortit, prétextant, ou non, un problème avec Meraxès. Lorsqu'elle passa le pas de la porte, ce fut pour laisser Isla et Torrhen seuls, vidés. Isla s'appuya sur le bureau de l'impératrice, paumes à plat, laissant son regard parcourir les papiers précédemment renverés et encrés par inadvertance. Lorsque l'empereur reprit la parole, elle sursauta, sa voix brisant la bulle d'apaisement dans laquelle elle tentait de se lover.

Isla utilisa ses forces pour se retourner vers lui, tentant d'accrocher son regard qu'elle sentait fuyant. Comment lui en vouloir ? Il avait tout perdu. Tout perdu pour elle, alors qu'il ne pouvait rien construire à ses côtés. Elle déglutit, en entendant ses paroles. Ils semblaient lointains, ses mots. Comme si elle était à moitié endormie, d'un sommeil douloureux duquel elle aurait presque préféré ne jamais se réveiller. Mais il était trop tard pour fuir, les conséquences étaient déjà là. Elle hocha la tête, doucement, sans savoir vraiment à quoi. Se battre et choisir, pour ne pas subir. Pas de destin, mais des choix. Il sortit, lentement, lui aussi. Isla attendit que le bruit de ses pas s'estompe pour sortir à son tour, une fois ses forces regagnées. Le coeur au bord des lèvres, elle quitta ce bureau et tout ce qu'il avait signifié.

(c) a m i t y

dark have been my dreams of late

Where now the horse and the rider? Where is the horn that was blowing? Where is the hand on the harpstring and the red fire glowing? Where is the spring and the harvest and the tall corn growing? They have passed like rain on the mountain, like a wind in the meadow. + aeairiel.

hēnkirī:

Sujet: Re: Alea Jacta Est | feat. Rhaenys & Torrhen

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