Avaenor

Avaenor est le second de Jentys, et avant cela celui d'Ërinnon, feu l'époux de Jentys. Il a juré à cet homme qu’il prendra toujours grand soin de sa femme et de ses enfants. Depuis, il garde un œil sur cette blondinette. Suite à une bataille navale, Jentys se retrouve les jambes brisées en raison de la chute d’un mât. Les marins des Valtigar pourront s’échapper d’une morte certaine. Les semaines passent et la douleur joue ses tours. Jentys semble prête à craquer.

La vue de la cote familière du nord est de la Principauté m'avait profondément réconforté. Non pas pour une quelconque affection pour ces terres arides et inhospitalières car nulle affection n'émanait de mon coeur envers cette contrée. Mais, seulement parce que ce relief escarpé propre au domaine de la maison Tolland signifiait une chose essentielle à mes yeux de second du Fendeur des Mers. En effet, le retour dans ce port voulait dire que nous allions retrouver la terre ferme. Chose que je n'avais jamais désiré en de nombreuses années de service dans la marine impériale. Seulement, cette fois c'était différent. Ma capitaine était bien mal en point depuis cette bataille navale et chaque instant loin des soins d'un mestre représentait un risque supplémentaire que son état n'empire. Voilà pourquoi le soulagement avait empli mon coeur dès que la vigie avait hurlé à plein poumon Spectremont en vue.

Le débarquement fut supervisé par mes soins avec le plus grand dévouement pour le transport par brancard de Jentys. La féroce meneuse d'hommes offrait un spectacle brisant le coeur de tout ceux qui la connaissait et étaient rompu à sa fougue, sa vigueur et sa verve. Jent était ma priorité absolue. Aussi, avant mème de me préoccuper de l'état du navire ou de celui de nos hommes je désignais deux hommes fortement charpentés pour assurer le transport après avoir oeuvré à placer moi mème mon amie blessée sur le tissu tendu. J'étais déjà déscendu afin de faire préparer les appartements pour la convalescente. Des serviteurs s'activaient à rendre le lieu le plus acceuillant possible alors mème que je menacais Drezo et Tyrark des pires sevices si notre capitaine ne parvenait pas à bon port saine et sauve. Les deux marins acquiésèrent bien vite. J'aurais voulu accompagner la jeune veuve et m'assurer de mes propres yeux que son installation se passait convenablement mais l'on m'appelait déjà pour gérer un problème urgent aussi je déposais un baiser fraternel sur le front de Jent avant de lui promettre de la rejoindre rapidement.

Le reste de ma journée fut marquée par l'organisation des réparations du Fendeur des Mers dans le port de mouillage. J'avais du insisté durement pour que celles ci commencent le plus vite possible mais malgré cela cela n'aurait pas lieu avant plusieurs jours pour ma plus grande frustration. Pour le reste, j'avais fait le décompte de nos morts et envoyé nos blessés se faire soigner par ordre de gravité des blessures. La moitié de l'équipage avait passé l'arme à gauche aussi j'avais déjà entrepris de me renseigner sur les marins volontaires des environs et mème fait passé quelques entretiens. Nous verrions bien ce que cela donnerait. Enfin, j'avais été informé d'une réunion entre capitaines de la flotte qui aurait lieu dans les jours à venir. L'évènement le moins agréable avait été la punition de Tyrark. Informé du fait qu'il avait manqué de faire s'effondrer le brancard et de projeter Jentys infirme sur le sol rocailleux du cru j'avais été contraint de le punir. En effet, les ayant menacé des pires sevices ma réputation comme ma parole de second avaient été mis en jeu. Et puis, nous étions des Valyriens. Bien que comprenant la fatigue de l'homme je ne lui en avais pas moins administré cinq coups de fouets. Notre capitaine était dans cet état gravissime à cause de sa bravoure aussi tout épuisé que nous étions nous n'avions pas d'excuse.

Ce ne fut donc qu'à la nuit tombée que je rejoignis ma capitaine dans sa demeure de fortune d'un pas lent. L'expression de ma capitaine me serra le coeur car impossible de ne point lire la déception sur ses traits. Et tout aussi impossible pour moi de ne pas comprendre qui elle eut préféré contempler passer le seuil de sa porte. Mais, je n'étais pas lui et ne pourrais jamais le remplacer. Je devais bien confesser qu'en de pareils instants mon meilleur ami me manquait terriblement à moi aussi. J'eus au moins le soulagement de constater qu'elle avait été bien installée sur un lit propre et avait déjà été soignée par ce qu'ils appelaient ici un mestre. Cela changeait de la crasse de sa cabine des dernières semaines. Hélas, malgré cette belle apparence je sentis bien l'épuisement complet de la jeune femme. Un épuisement faisant écho au mien. Cependant, nos situations n'étaient guère comparable et si j'avais les traits tirés par la fatigue je ne pouvais mème pas oser me plaindre face à son triste sort. Jentys avait besoin d'extérioriser ce qu'elle ressentait sinon cela risquait de la ronger. Aussi, je m'installais à coté d'elle sur le lit avant de souffler.

"Tu as bonne mine. Le mestre est passé comme je lui ai demandé à ce que je vois. Comment trouves tu tes nouveaux appartements ? Nul doute que cela change du Fendeur c'est bien trop cossu pour nous deux n'est ce pas ? Au moins, on prend bien soin de toi ici. Ils ont plutot intérèt s'ils ne veulent pas que j'en éventre un ou deux. Les hommes sont ils passés te voir ? Je leur ai donné une permission. Ils m'ont dit qu'ils souhaitaient venir voir comment tu allais."

Prenant le temps d'éponger mon front imbibé de transpiration je pris la carafe posé un peu plus loin et la portant à mes lippes craquelées avalais rapidement quelques gorgées salvatrices. Puis, je reportais de nouveau toute mon attention sur ma capitaine.

"J'espère que tu as déjà mangé. Pour répondre à ta question, je me suis occupé à organiser le calendrier des réparations du Fendeur. J'ai pu négocié avec un contremaitre et des charpentiers de marine. Puis, j'ai taché d'envoyer les gars se faire soigner en fonction de leurs blessures. Nous avons un tiers de morts, un tiers de blessés et un tiers de bien portant. Donc, j'ai également commencé à mener quelques entretiens. Il y a une réunion entre capitaines de la flotte dans quelques jours. Je vais m'assurer que tu puisses y assister. Voilà, c'est tout. Tu as besoin de manger Jent."

Appelant une servante j'attendis son arrivée en contemplant le visage éprouvé de ma capitaine.

Le haussement de sourcil de ma capitaine en disait long sur son état d'esprit présent. Le message intrinsèque était on ne peut plus clair : Avaenor cesse moi donc ces fadaises avec lesquelles tu souhaitais me bercer afin que je ne broie pas du noir coincé ici dans cette prison n'ayant rien d'un palais. Une prison parce qu'elle ne pourrait guère la quitter avant de nombreuses lunes indépendamment de sa volonté ou de sa force morale. Pour le vrai, j'avais quelque peu exagéré dans mes propos justemment pour tenter de chasser ses sombres pensées. Ce simple mouvement facial en disait bien long sur la baisse de moral de Jent. Cependant, ce refus d'accepter la diffusion de mon positivisme indiquait également qu'elle possédait encore en elle suffisamment de force intérieure pour ne pas se laisser abuser. Pour autant, je ne pourrais pas faire grand chose pour la mettre dans une meilleure humeur car j'allais devoir la remplacer pour les temps à venir. Une fois de plus la culpabilité la plus féroce m'étreignit le coeur avec l'ardeur d'une tempète des sables soulevant tout sur son passage et mon propre visage se ferma durement sous l'accablement. Mais, je ne pouvais me permettre de demeurer ainsi car c'était bien elle qui était condamnée à ne point pouvoir se déplacer. 

"Je sais parfaitement ce que tu te dis Jent. Que tu n'aurais pas du les laisser te voir dans cet état. Mais tu as tort capitaine. S'ils sont venu c'est par loyauté pour toi. Leur inquiétude est bien réelle et profondément sincère. Leur admiration pour toi ne va pas diminuer en raison de ta blessure. Bien au contraire mème, rassure toi. Quant au mestre, ce n'est qu'un vieillard croulant qui devrait lui mème prendre plus d'un bain par mois." 

Ma pique sur le vieux sage avait pour vélléité de tenter d'arracher un sourire à la jeune femme. Hélas, ce fut une tentative aussi inutile que vaine. Visiblement, son état émotionnel n'était réellement pas des plus positifs. Tant que nous étions sur les flots la Cellarys était parvenue à faire abstraction de son tragique état sans compter le fait qu'elle était alors à bord de son cher Fendeur des Mers en compagnie de sa troupe de gredins. La situation n'avait rien de comparable avec cette reclusion au sein de cette cellule fort sommaire finalement. Ma culpabilité revint me chatouiller les trippes au triple galop. Et, je reposais la carafe d'eau glacée d'un geste empreint de lassitude. 

"Je vais m'occuper de ta transpiration Jent. J'ai pu en rencontrer une dizaine. Des gars solides mais seulement la moitié semble suffisamment habiles pour ètre véritablement utiles sur un navire de guerre. Les autres ne sont que de grosses brutes non dénuées d'une certaine roiublardise au demeurant mais non qualifiés pour oeuvrer avec des cordages, des voilures ou des rames. Je ne garderais que les cinq les plus prometteurs. Tant pis si cela prend plus de temps pour recomposer l'équipage. Nous sommes le Fendeur des Mers. Nous avons une réputation à tenir."

La réaction de la féroce Valyrienne quant à mon évocation de sa présence à la réunion des capitaines de la flotte à venir me fit profondément mal au coeur tracant un sillon invisible sur mon coeur tandis qu'elle se cachait le visage comme si elle souhaitait disparaitre. Je saisissais alors ses mains et les éloignais de sa tète avec une douceur bien sincère. 

"Que tu le veuilles ou non tu restes notre capitaine. Personne ne souhaite prendre ta place et certainement pas moi. Alors à moins que tu ne préfères que le Fendeur des Mers ne soit pas représenté ce jour là tu vas devoir t'y présenter mème si je dois te porter sur mon dos pour que tu t'y rendes." 

Ce fut précisement à ce moment là que la servante décida de ramener son voluptueux minois pour déposer le plateau de mets devant nous sur une petite table attenante. Je lorgnais presqu'immédiatement la nourriture tel un prédateur face à une proie alléchante ne prétant pas la moindre attention à la jeune femme qui s'éclipsa prestement. La remarque de Jentys me déplut amèrement et je ne manquais pas de le lui indiquer. 


"Nous allons manger tous les deux capitaine. Tu as besoin de reprendre des forces si tu veux guérir le plus rapidement possible. Il faut que ton corps ait un repos optimal et soit bien alimenté. Alors, je vais te nourrir s'il le faut Jent. Ce n'est pas comme si tu pourrais m'en empecher. Ne crois pas que tu vas rester ici à te la couler douce pendant que je vais me farcir tout le travail. Tu dois guérir très vite."

Allant chercher le plateau de nourriture, je rompis un peu de pain avant de le porter à mes lèvres puis je repris. Ma provocation me fit me sentir coupable mais j'espérais la tirer de cette dépression latente dans laquelle elle semblait s'engoncer. Mieux valait qu'elle me déteste plutot qu'elle reste prostrée ainsi."Capitaine. Je n'aime pas te voir dans cet état. Parle moi Jentys s'il te plait. Quant à la donzelle, je pense que tu te fais juste des idées."

Avaenor

Avaenor est le second de Jentys, et avant cela celui d'Ërinnon, feu l'époux de Jentys. Il a juré à cet homme qu’il prendra toujours grand soin de sa femme et de ses enfants. Depuis, il garde un œil sur cette blondinette. Suite à une bataille navale, Jentys se retrouve les jambes brisées en raison de la chute d’un mât. Les marins des Valtigar pourront s’échapper d’une morte certaine. Les semaines passent et la douleur joue ses tours. Jentys semble prête à craquer.

La posture défensive aussi bien que résolumment fermée de ma meilleure amie et capitaine ne m'indiquait que trop aisément à quel point sa détresse psychique effleurait à la surface de son esprit. Car, un vieux sage m'avait enseigné un jour il y a bien longtemps en Essos que nos gestes étaient simplement les reflets les plus évidents de nos pensées. Un soldat avait une attitude de soldat et un marin de marin. Ce que nous faisions nous définissaient... Ce qui expliquait particulièrement pourquoi Jentys se retrouvait dans un tel état d'abandon émotionnel. Si sa blessure était notoirement terrible en tant que telle, nous savions pourtant tous deux que c'était l'incapacité à pouvoir incarner son role de capitaine du Fendeur des Mers qui la plongeait davantage dans cette mélancolie lancinante bien dangereuse à mes yeux.

"Personne n'aime paraitre faible devant les autres Jent. C'est encore plus le cas pour les personnes ayant des responsabilités. C'est assez naturel ne t'en fais pas. Tu comprendras une fois remise quand tu liras une admiration encore plus grande dans leurs yeux sur le pont du navire. Encore heureux qu'il soit doué pour cela. C'est son travail après tout ! Il avait tort. Je peux t'assurer que tu ne sentais pas aussi mauvais que cela." 

Finalement, ce fut à travers une brève et discrète observation de ma capitaine la vaillante Cellarys seule femme capitaine de la flotte Valyrienne que je compris un peu tard que la remarque du mestre l'avait réellement touchée. Et je parvins à la conclusion que Jentys avait beau ètre une jeune femme intrépide, courageuse et admirable capable de se jeter au milieu d'un bain de sang durant un abordage entre chebecs ennemis au milieu des océans elle n'en restait pas moins une femme. Or, une femme ne supportait point les mèmes conditions de la mème manière que les hommes. Pour ma part, je pouvais passer des semaines entières dans la crasse et la fange sans que cela ne me dérangea le moins du monde. Bon, je n'étais pas non plus un sanglier humain et appréciais particulièrement les bains d'eau chaude propre à la capitale Valyrienne. Prenant note de m'occuper de la toilette de ma capitaine un peu plus tard, je reposai la cruche d'eau fraiche avant de répondre. 

"Tu as entièrement raison. Toute la flotte fait relache dans cette baie. Les bons marins vont s'arracher comme des petits pains. Le plein emploi assuré pour tous les gredins des environs. En effet, tous équipages ont perdu de nombreux membres. Quoi qu'il en soit, je tacherais de nous arroger l'élite de ce qui se trouve dans les environs."

Bien peu de choses pouvait me troubler en ce bas monde ou me faire mal au coeur car j'étais un saligaud rudement coriace et insensible tel un bon soldat de l'empire Valtigar et corsaire mais la vue de la veuve de feu mon meilleur ami en train de palir de crainte face à la perspective de se rendre dans un sommet de capitaines en faisait foncièrement partie. La jeune femme s'était battu pour parvenir à s'imposer dans un milieu essentiellement masculin et était parvenue à arracher le respect et l'admiration de nombre d'entre nous. Pour moi et ses marins, nous ne voyions mème plus son sexe. Elle était le capitaine voilà tout. Bien conscient du dilemme dans lequel elle devait se trouver car sachant que ne pas s'y présenter reviendrait à un aveu de faiblesse mais que s'y rendre reviendrait à en afficher une. Saisissant ses poignets avec délicatesse mais fermeté, je l'empechai de se masquer le visage à l'instar d'une personne désespérée. 

"Personne n'osera te traiter ainsi ! Certes tu es une femme mais tu as su t'imposer parmi tous ces hommes ! Ta blessure est le rappel de ta bravoure supérieure à celle de certains d'entre eux. Si un seul d'entre eux tentait de te rabaisser je me chargerai de lui expliquer la bienséance avec mes poings."

Une fois la servante de nouveau hors des murs de la chambre de Jentys, j'attaquais le repas sans ménagement pour la nourriture enfournant allègrement des morceaux de pain dans ma bouche non sans agrémenter le tout de lampées de bouillon. Mais, je me retournai vers Jent afin de vérifier si elle mangeait réellement le morceau de pain par trop ridicule qu'elle avait pioché sur la miche. Ma menace de la nourrir de force était bien sincère cependant je ne me permettrais point de m'y prendre ainsi. Il allait falloir que je parvienne à la convaincre de s'alimenter. Que je lui redonne l'envie de combattre. Qu'elle redevienne la Cellarys et non pas cette tragédienne se laissant abattre par ce rude coup du Destin. Ma capitaine fuya soudainement mon regard et je mis fin à ma gloutonnerie lorsque je la vis manquer de verser des larmes intarissables suite à sa dernière remarque. Impuissant durant un long moment, je ne sus véritablement que faire. 

"Oh Jent. Je suis vraiment désolé de te rudoyer ainsi. Je veux juste que tu chasses cette sombre humeur de tes pensées. Cela ne te va pas du tout. Ce n'est pas la Jentys que je connais. Je veux retrouver ma capitaine. Je sais bien que je ne peux mème pas envisager ce que tu dois ressentir en ce moment précis. Je pourrais t'affirmer le contraire mais ce serait mentir et je te respecte bien trop pour me le permettre. J'aurais du prendre ce mat à ta place. C'est moi qui aurais du me trouver à ta place. J'ai manqué à mon devoir et je ne pourrais jamais me le pardonner. Mais sache que tu ne seras jamais inutile. Tu vas de nouveau marcher. Tu vas faire ce pourquoi tu es née. J'ai besoin que tu gardes la foi Jent. Tu comprends. J'en ai besoin. S'il te plait. Si, tu n'as plus la foi alors je ne sais pas ce que je vais devenir. Allez viens là."

Me rapprochant sans sommation ni manières de la jeune femme, je l'enlacai doucement contre moi et entrepris de la réconforter de cette facon dont nous n'étions que peu coutumiers. Ses cheveux n'avaient guère été peignés depuis une éternité et il fallait bien reconnaitre qu'elle n'était pas en très élégante toilette. Cependant, ne m'en formalisant en rien je maintins l'étreinte le plus longtemps possible afin de laisser la Cellarys trouver du réconfort dans ce contact. Puis, finalement et ce afin de tenter de la dérider je lancai une nouvelle pique. 

"Diantre ! Ce vieux charlatan n'a pas tort. Par les Dieux ! Jent tu ne sens pas la rose. Je vais me charger de cela. Tu es prète ?"

Avaenor

Avaenor est le second de Jentys, et avant cela celui d'Ërinnon, feu l'époux de Jentys. Il a juré à cet homme qu’il prendra toujours grand soin de sa femme et de ses enfants. Depuis, il garde un œil sur cette blondinette. Suite à une bataille navale, Jentys se retrouve les jambes brisées en raison de la chute d’un mât. Les marins des Valtigar pourront s’échapper d’une morte certaine. Les semaines passent et la douleur joue ses tours. Jentys semble prête à craquer.

Un certain adage particulièrement au gout de nos ainés qu'importe leur origine affirmait qu'il y avait un temps pour tout au cours de l'existence. En ces instants teintés d'une sombre amertume douloureuse, je ne pouvais nier la véracité tranchante de leur pensée. Car, il paraissait à présent bien loin le temps de la grivoiserie. A présent, nous étions désormais dans celui de la déception et de mélancolie. Contempler ma capitaine dans un tel état de dénuement émotionnel eut pu me mettre mal à l'aise si je n'avais pas partagé toute son existence depuis sa rencontre avec feu son époux. Oh toi mon valeureux frère tu eus pu rassénerer notre impétueuse compagne de batailles et d'aventures. Tu eus pu lui apporter le réconfort nécessaire au maintien de ce feu intérieur dévorant la caractérisant d'ordinaire. Tu eus pu lui transmettre ta force d'ame faisant vibrer les tripes des membres de l'équipage à chacune de tes diatribes enflammées. Hélas, je n'étais pas Erinnon et ne le serais probablement jamais. Il était de ces morts qui bien que trépassés depuis bien des années continuaient de poursuivre les vivants de leurs vertueuses mais néanmoins indésirables assiduités en les écrasant sous leur ombre flamboyante et dominatrice. Le premier capitaine du Fendeur des Mers était de ceux là de cette trempe d'homme qui vous marquait pour toute une vie et ce sans devoir accomplir le moindre effort. Ils étaient simplement exceptionnels sans que l'on ne sache pourquoi. Les Dieux devaient en avoir décidé ainsi voilà tout. Ce fut la mine basse et l'oeil atteint que je subissais la litanie des interrogations de ma capitaine et amie. Une lutte déchirante oeuvrait en mon ètre.

"Je ne dispose d'aucune réponse à ces questions Jent. Et, cela me fait me sentir aussi inutile que sur notre navire là ou j'aurais du veiller sur toi et t'épargner pareille déconfiture. Si tu savais comme la honte étreint mon coeur en cet instant. Je donnerais tellement pour pouvoir voir nos places inversées. Si ce vieillard purulent ne te répare pas alors je lui briserais les deux guibolles afin qu'il se figure son échec avec plus d'acuité. Oh, arrete capitaine tu ne dégages pas encore un fumet de putois faisandé. Je ne puis en dire autant du vieil homme."

Guerre interne à l'issue bien fatale. Littéralement liquéfié dans le plus profond des méandres bien tortueux de ma psychée pourtant élémentaire, je n'en menais guère large car à l'instar d'un chat madré au minaudant sourire de canaille la terreur sourdait dans mon esprit se gausant de mes espoirs réduits à l'état de futile souris prète à détaler face à la menace féline. Que ferais-je si la Cellarys abandonnait purement et simplement face à cette déliquescente situation ? Que pourrais-je faire ? Serait une question bien plus habile. Car, si j'avais toutes les compétences d'un capitaine je ne parvenais foutrement point à m'imaginer faire tout cela sans elle. Elle était mon alpha et mon omega. Je ne savais faire qu'obéir. Et c'était précisement ce qui faisait de moi un commandant efficace car ce n'était qu'à travers le service que l'on apprenait à diriger. Outil désabusé rompu à ètre utilisé d'abord par mon compagnon de toujours puis par sa veuve et héritière, la perspective de me retrouver sans une instance supérieure m'était totalement détestable. La vérité toute crue et nue était que cela avait donné du sens à ma vie.

"Bien sur que ce nobliau sera ravi ! Nous allons le débarasser des ruffians et des traine savattes en tout genre. Si nous pouvions débaucher quelques alguazils en sus de cette engeance là le tableau serait appréciable. De bons spadassins capables de faire des dégats au cours d'un abordage."

Les cafalques s'étaient vu imposés une mise à l'arret nécessaire pour de longues semaines. Il allait falloir recoudre les voiles, remplacer les planches, boucher les impacts d'armes lourdes ennemies ainsi qu'une longue liste d'avanies à régler. Nul doute que les ouvriers des chantiers navals allaient devoir se défausser de la ripaille et de la chaleur de la cuissarde pour des jours et des jours. Pauvres d'eux, cela ressemblait presqu'à une punition martiale. Une véritable tragédie pour les gueuses et les tenanciers. Bah, les marins auraient du temps à revendre à présent et perdu pour perdu les couches ne seraient peut ètre pas si semblables à des linceuls finalement. Tentant de convaincre la plus pourvue en couilles de la flotte Valyrienne de se rendre au sommet des capitaines à venir, je ne pus que constater mon impuissance à lui faire évoluer son jugement.

"Qu'importe la manière dont tu t'y rendrais Capitaine tant que tu y es bien visible. Figure toi que ta vue dans un tel état pourrait avoir l'effet inverse de celui qui te terrifie. Ces nobles capitaines pourraient bien ressentir une bouffée de honte à voir une femme blessée par héroisme là ou ils étaient rentrés en parfaite santé à l'instar d'un banc de sirène des mers d'été."

L'inquiétude me taraudait les entrailles et toujours ce combat intérieur dont l'ardeur ne faisait que se renouveler à chaque remarque abattue de mon amie. Elle ne pouvait pas flancher ! Elle n'en avait pas le droit ! Elle devait rester forte pour ses enfants ! Pour feu son époux qui ne souffrirait de la voir ainsi se morfondre ! Elle devait rester digne et altière pour nous ! Son équipage. Bande de corsaires sans foi ni loi autre que la sienne. La loyauté à l'empire passant bien après celle qui émanait de nos palpitants envers la seigneure des mers aux cheveux couronnés de soleil. Le devait elle vraiment ? Ou au contraire ne nous devait elle rien ? Je n'étais plus sur de moi. Elle qui avait déja tant perdu au cours de cette vie. Elle qui avait déja tant donné. Elle qui avait déjà tant souffert. Elle qui avait déjà tant accompli, tant prouvé tant lutté. Nous devait elle réellement quelque chose cette femme là ? A dire vrai, il semblait bien que non. C'était mème plutot le contraire qui s'imposa à mon esprit désabusé. Je la pris contre moi avec une douceur amène et l'enlacai dans une étreinte fraternelle pleine d'affection libérée. Je découvrais finalement avec une pudeur bien réelle que derrière l'armure infatiguable de la meneuse d'hommes au franc parler se nichait une femme. Une simple femme tout aussi frèle et vulnérable que toutes les autres et ce constat bien loin de me terrifier ou de me decevoir ne fit que renforcer encore davantage l'admiration que j'éprouvais pour la Cellarys. Les perles lacrymales de son desespoir s'abattirent sur mon épaule tandis que je caressai ses cheveux blonds avec tendresse.

"Fais le pour eux Jent. Fais le pour la mémoire d'Eri. Fais le pour tes princesses. Fais le pour les tiens. Tu n'as plus rien à prouver à personne et en ce qui me concerne tu mériterais un havre de paix en compagnie de tes enfants. Prends le temps qu'il te faut et sache que je serais avec toi en toutes circonstances. Tu verras de nouveau le pont du Fendeur des Mers je t'en fais le serment. Nous connaitrons de nouveau le triomphe de la victoire capitaine."

Me relevant prestement comme un oiseau s'élancant de son nid douillet pour se lancer à l'exploration du monde je soulevai la jeune femme dans la foulée avec une délicatesse de bon aloi. Une fois la Cellarys dans mes bras, je la conduisis dans un coin de la petite étable et l'installa sur une chaise dressée là à cette intention. Puis, allant chercher à l'extérieur les sceaux d'eau que j'avais fait tiré par des marins de l'équipage je notai la fraicheur nocturne. Une fois de nouveau auprès de ma capitaine je trempai un tissu dans l'un des sceaux auquel j'avais ajouté plusieurs poudres bien odorantes ainsi qu'une pointe de savon à la lavande. Puis, j'entrepris de me concentrer unanimement sur ma tache. Décrassant, purifiant, nettoyant la blessée avec une mesure pleine de respect. Ce fut mon dévouement qui oblitéra la gène empreinte de malaise que m'inspira la vue du corps de ma capitaine.

"Ne juge pas de mes talents d'aide soignant de manière trop apre Jent. Je fais de mon mieux. Tu veux que je te raconte un souvenir ? Cela pourrait bien te changer les idées ? Je n'en ai parlé à personne pas mème à mon vieil ami."

Avaenor

Avaenor est le second de Jentys, et avant cela celui d'Ërinnon, feu l'époux de Jentys. Il a juré à cet homme qu’il prendra toujours grand soin de sa femme et de ses enfants. Depuis, il garde un œil sur cette blondinette. Suite à une bataille navale, Jentys se retrouve les jambes brisées en raison de la chute d’un mât. Les marins des Valtigar pourront s’échapper d’une morte certaine. Les semaines passent et la douleur joue ses tours. Jentys semble prête à craquer.

La peau d'albatre de la jeune femme est semblable à du parchemin craquelé sous mes doigts fuselés. Chair dont l'épiderme avait déjà tellement subi au cours des années comme ne le témoignaient que trop bien les diverses traces de ses combats passées. Le sillon laissé par le tissu imbibé d'eau savonneuse caresse cette parure par trop délicate ayant été endurcie par les affres des épreuves martiales auxquelles elle avait été confrontée sans la moindre trace d'aménité sur les divers mers et océans du monde connu. Ma main ne se défile guère au moment d'entrer en contact avec les récompenses sanglantes de sa bravoure notoire. Les cicatrices sont également recouvertes par le liquide purificateur de ce bain salvateur. Mon regard se détourne par pur réflexe. Nulle ambiguité entre les deux amis intimes que nous sommes. Et, j'ai déjà accompli cette tache en des circonstances similaires bien que guère aussi tragiques. Cependant, ma pudeur se fait toute vivace lorsqu'il s'agit de la veuve de feu mon meilleur ami. Car, le lien les ayant uni plutot que de souligner la légitimité de ma présence méthodique ne faisait que la rendre davantage douteuse à mes yeux compatissants.

La Cellarys quant à elle ne s'offusque en rien de la responsabilité qui m'incombe. Je ne la percois pas comme une femme en cet instant précis coupant court à toute échapée malavisée. Je ne vois que ma capitaine celle ayant droit de vie et de mort sur moi selon la coutume Valyrienne ainsi que la convalescente que j'ai juré de protéger sur la mémoire de son défunt mari. Elle est devenue comme une soeur pour moi au gré des aventures du Fendeur des Mers là ou Erinnon était devenu mon frère depuis notre première rencontre.

Aussi, je m'attèle à accomplir mon devoir avec une célérité sans équivoque mettant toute la douceur dont le ruffin rugueux et dangereux que j'étais s'avérait capable de déployer. Mes gestes sont lents et méthodiques car je cherche à la débarasser de la moindre trace de crasse. Si, le drame naval l'avait privé de ses traits de caractère les plus impressionnants autant que semillants je ne permettrais jamais qu'elle soit réduite au dénuement le plus détestable. Quand bien mème, je devrais men tuer en prenant soin d'elle malgré l'épuisement procuré par des journées de travail éreintante. J'avais failli sur le pont du Fendeur des Mers ce jour là. Je ne faillirais pas à son rétablissement. Je ne pourrais jamais me le pardonner. Pour l'heure, je m'échine à la rendre aussi propre qu'un sou neuf. Car comme l'avait inculqué Erinnon à ses marins et Jentys après lui l'hygiène était le premier ennemi du soldat. Il était porteur de maladie et de désagrément.

En règle générale la majorité des membres de l'équipage se montraient réceptifs à ces directives bien avisées. Oh, bien entendu une frange de récalcitrants ne manquaient jamais de se déclarer à l'instar d'une purrulente vermine. Mais dans ces moments là, nous nous chargions de les convertir aux bienfaits de la discipline de la manière forte. Une fois contraints de s'adapter à notre vision de la salubrité ces derniers assouplissaient leur position sous peine de se voir mis au ban du navire. Reportant toute mon attention sur Jent, je répondis à son affirmation d'une voix paisible. "Ne me remercie pas d'ètre à tes cotés capitaine. C'est là qu'est ma place naturelle. Je ne parviens pas à me figurer me trouver autre part qu'ici. Je t'aiderais à le batir je te le promets. Quant à moi, je ne suis pas sur de mériter un havre. Je ne sais mème pas si j'en désire un. La guerre, les navires, les combats c'est tout ce que je connais."

Mettant un brin plus d'énergie dans mon nettoyage de la veuve afin de m'assurer de chasser chaque parcelle de saleté accumulée lors des dernières semaines en mer, je réfléchis à la meilleure facon de lui changer les idées afin de chasser la noirceur de ses pensées en mème temps que celle de son corps. Aussi, je fouille dans ma mémoire atrophiée dans l'optique de dénicher une perle d'une valeur inestimable susceptible de l'intéresser ou du moins de la distraire. Et finalement, c'est la révélation. "Je me souviens difficilement de cette époque mais il me reste néanmoins des bribes. Si je n'ai pas raconté cela à Erinnon c'est parce que cela n'avait aucune importance dans notre relation. Je me souviens de ma jeunesse sur mes iles natales. Je me remémore d'un après midi ou je courrais au bord de la plage avec des amis. Nous autres insulaires sommes très atlétiques car nous vénérons le mouvement et la vitesse. Nos navires sont en forme de cygnes parce que ce sont des oiseaux d'une rapidité incroyable sur l'eau en sus d'ètre gracieux. Je revois le sable doré presque blanc, le reflux des vagues d'un bleu turquoise, les palmiers majestueux auxquels nous grimpions pour nous amuser, le soleil sublime et agressif, les navires croissant au large..."

Avaenor

Avaenor est le second de Jentys, et avant cela celui d'Ërinnon, feu l'époux de Jentys. Il a juré à cet homme qu’il prendra toujours grand soin de sa femme et de ses enfants. Depuis, il garde un œil sur cette blondinette. Suite à une bataille navale, Jentys se retrouve les jambes brisées en raison de la chute d’un mât. Les marins des Valtigar pourront s’échapper d’une morte certaine. Les semaines passent et la douleur joue ses tours. Jentys semble prête à craquer.

Si le visage au teint de porcelaine de la jeune veuve reste profondément de marbre face à cette situation tragique, je n'en décèle pas moins une évolution sous jacente de sa macabre humeur. En tant que femme, celle ci avait du supporter encore plus mal que nous autres canailles de fonds marins les affres de l'hygiène douteuse postérieure à notre coup d'éclat naval. Ainsi, encouragé par cet infime réminescence de mon amie traumatisée par le drame je m'applique à lui rendre sa grace naturelle par des gestes aussi méthodiques qu'empreints d'une douceur fraternelle certaine. La satisfaction enserre mon coeur en constatant la disparition des taches brunes sur sa peau marquée par une vie de défis et d'aventures en tout genre. Et la corrélation de ce retour de propreté comme de pureté avec l'amélioration de son état d'esprit me pousse à encore davantage mettre de vigueur mesurée dans l'abattement de ma tache. M'enjoignant à éliminer totalement les traces de ses désagréments de manière implaccable, je me focalise complètement sur le corps de Jentys. Mon masque impavide ne tarde néanmoins pas à se briser lorsqu'elle m'annonce qu'elle souhaite que je fasse partie de ce futur havre dont elle reve.

"Je ne sais pas si j'en mérite un Jent. Le destin d'un guerrier n'est il pas de quitter ce monde en guerrier l'arme à la main ? Il est néanmoins vrai que tu le mériterais plus que quiconque ce paradis reposant. Partout ou tu iras je te suivrais de toute manière. Mème les havres de paix ont besoin de protection. Ah oui, mes turbulents mais néanmoins adorables neveux. Je dois reconnaitre qu'ils ne me le pardonneraient pas."

L'espace d'un fugace instant je me pose une question bien étrange aux yeux du corsaire que je suis. Une interrogation faite d'enfants, de paternité, de filliation et de moments tendres... Je me figure ce qu'aurait été ma vie si j'avais en prenant l'exemple sur mon plus proche ami Erinnon engendré une descendance. Cette perspective me secoue intérieurement sans que je n'en laisse absolument rien paraitre à ma capitaine. Je n'arrive guère à déméler le tourbillon émotionnel dans lequel cela me plonge. Malestrom mélant regrets comme soulagement tandis que je me raccroche à ma raison à l'instar d'un naufragé se rattachant à la dernière planche de son salut. Puis la dureté reprend ses droits sur ma carcasse endolorie. Elle s'insinue dans mon ame telle une vipère plante ses crocs venimeux dans le talon innatentif. Des enfants ? Pour quoi faire ? Je suis un guerrier. Je n'ai ni foyer ni attaches sentimentales. Je n'ai que des missions à remplir et des exploits à batir. Ce que je laisserai derrière moi comme chroniques en mon honneur représenteront mon héritage à ce monde, l'unique leg d'Aveanor le fils de l'été. Et puis les enfants d'Erinnon étaient en quelque sorte devenu les miens par adoption du role d'oncle qu'il m'avait offert depuis leur naissance. J'avais déjà des enfants ou du moins c'était tout comme... Un sourire triste se peint sur mes lippes à la remarque de la Cellarys.


"Mes propres souvenirs s'effacent lentement mais surement au profit de batailles et de bains de sang constituant notre quotidien. Tu t'en souviendras une fois que notre service sera achevé et que tu auras bati ce havre auquel tu aspires t'en. Ne t'en fais pas nous rattraperons cette erreur. Avoir en tète de beaux endroits. Avoir en tète de beaux... Avoir en tète ce genre de lieux c'est comme ètre riche d'un trésor infiniment plus précieux que tout l'or du butin de guerre. C'est un havre intérieur que nul ne peut atteindre. L'assurance de ne jamais oublier que malgré toutes les horreurs de ce monde corrompu il existe encore des endroits épargnés par ce chaos."

Reprenant ma besogne salvatrice de purification du corps autant que de l'esprit de ma capitaine, je jette un coup d'oeil en biais sur les marques de son bras tout en maintenant les mouvements du tissu imbibé d'essences de fleur locales sur le haut de son corps. Tant d'entailles et d'encoches tracées avec une régularité mécanique par Jent elle mème sur sa peau. A l'instar d'une promesse silencieuse et sincère de ne jamais renier le souvenir des personnes l'ayant marqué. Cette jeune femme frèle était une véritable héroine pour avoir accompli et supporté ce que peu de femmes eurent été capable de supporter. Une nouvelle bouffée de compassion ne tarde point à envahir mon palpitant sans crier gare.


"Non Jent, je ne pense pas que tu sois insensible mon amie. Tu n'as rien d'un monstre de froideur. Et tu veux que je te dise pourquoi. Parce que tu te taillades le bras chaque fois que tu perds une personne que tu aimes. C'est la preuve que tu as un grand coeur et une belle ame pour t'auto infliger une telle souffrance par loyauté envers tes proches. Sans compter tes enfants capitaine. Je sais qu'ils représentent toute ton existence. La réelle beauté de ce monde se situe dans les gens que nous aimons et non dans des paysages ou des oeuvres d'art. Et toi tu comprends parfaitement cela. Alors non Jent tu n'as rien d'une insensible bien au contraire. Ou souhaiterais tu batir notre havre de paix ou nous coulerions de vieux jours paisibles avec les enfants ? Certainement pas à Dorne n'est ce pas ?"

Avaenor

Avaenor est le second de Jentys, et avant cela celui d'Ërinnon, feu l'époux de Jentys. Il a juré à cet homme qu’il prendra toujours grand soin de sa femme et de ses enfants. Depuis, il garde un œil sur cette blondinette. Suite à une bataille navale, Jentys se retrouve les jambes brisées en raison de la chute d’un mât. Les marins des Valtigar pourront s’échapper d’une morte certaine. Les semaines passent et la douleur joue ses tours. Jentys semble prête à craquer.

La violence du combat. La fureur des assauts. Le sang, la merde, la boue, la sueur et les larmes. La terreur d'une lutte à mort avec un autre être fait de chair et de sang. Le résumé du monde à une lame devenue le prolongement de sa personne. Les hurlements déchirants des mourants en train d'agoniser. Les cris de rage des combattants engagés dans des affrontements insoutenables. La crainte éternelle de quitter ce monde ainsi transpercé, déchiré ou troué. Les entrailles débordant en dehors des panses. Les yeux crevés et les oreilles arrachées... L'horreur véritable d'un panorama de fin du monde. Les flammes dévorantes des brasiers et l'effluve pestilentielle des cadavres. La joie atroce sans la moindre once d'humanité que l'on ressent au plus profond de soi suite à une victoire. La culpabilité latente bien vite effacée par l'or du butin. Tout cela représentait la routine pour des gens d'épée. Rien de plus qu'un mode de vie différent. Un mode de vie placé sous le sceau de la brutalité sanguinaire des loups en opposition à la docilité imbécile des brebis. Nous n'avions connu que cela Erinnon, Jentys et moi même depuis tellement longtemps que le fait de me souvenir d'une existence dénuée de cette violence m'est compliqué et pénible. Un sourire amusé nappé d'une certaine tristesse apparait sur mes traits graciles. 

"Je sais que tu es une guerrière Jentys. Une guerrière de renom. La plus terrible et brave qu'il m'ait été donné de rencontrer. Alors si les Dieux ont décidés que c'est par l'épée que nous péririons tous deux qu'il en soit ainsi. Je suis venu au monde dans le sang du ventre de ma mère. Je ne ressens aucun souci à le quitter avec le sang de quelqu'un d'autre sur moi. Seulement, tu n'es pas qu'une guerrière Tys. Tu es aussi une mère de famille. Pour cela tu mérites infiniment plus que moi de connaitre cette paix auprès de ta progéniture. Moi, je ne suis qu'un chien de guerre sans attaches ni famille. Et avant que tu n'exploses, je vous considère toi et les enfants comme ma seule famille. Ah bon ? Pelar a dit ca ? Cela ne m'étonne pas de lui. C'est le portrait craché d'Erinnon. Ce serait un immense honneur pour moi cependant je préfèrerai qu'il grandisse encore un peu."


Je connaissais trop bien Jent pour ne pas anticiper sa réponse silencieuse. Il était pour elle hors de question que le jeune Pelar se lance aussi jeune dans une carrière martiale. Car nous savions tous deux que le statut de page n'était que le premier pas avant un autre et ce jusqu'au rang de combattant. Par ailleurs, je ne possédais pas le moindre titre de noblesse et à ce titre ne pouvait prétendre avoir de page. Pour tenter de distraire ma capitaine de sa mélancolie dangereuse, je lui accorde une révélation sincère au sujet de mes origines insulaires. 

"Tu as parfaitement raison. Lorsque le souffle de la guerre souille ton foyer, il est bien difficile d'imaginer un endroit ou trouver la paix. Dorne pourrait certainement plaire aux enfants. Les trois conditions que tu viens d'évoquer sont réunies dans cette contrée. Spectremont possède une cote rocheuse mais les dunes ne sont pas loin dans l'arrière pays et elle se situe au bord de mer. C'est décidé nous allons arracher la forteresse aux Tolland."

Concluais-je dans un éclat de rire tonitruant avant de redevenir un brin sérieux pour réfléchir à la question de ma capitaine et amie tandis que cette dernière semblait chercher à imaginer son havre tant désiré. 

"Eh bien pour ma défense le pont du Fendeur est ce qui se rapproche le plus d'un foyer pour moi et ce depuis tellement d'années que je serais tenté de te répondre cela. Mais, je pense qu'une ile montagneuse me conviendrait parfaitement. L'une de ces iles avec une plage de sable fin et des eaux turquoises. Des terres verdoyantes et forestières En fait, pour être sincère une part de moi aspire à retrouver ce paradis perdu auquel on m'a arraché il y a bien longtemps mais une autre part de moi n'aspire qu'à rester avec toi et les enfants. Là ou vous irez sera mon havre de paix Jentys."

Avaenor

Avaenor est le second de Jentys, et avant cela celui d'Ërinnon, feu l'époux de Jentys. Il a juré à cet homme qu’il prendra toujours grand soin de sa femme et de ses enfants. Depuis, il garde un œil sur cette blondinette. Suite à une bataille navale, Jentys se retrouve les jambes brisées en raison de la chute d’un mât. Les marins des Valtigar pourront s’échapper d’une morte certaine. Les semaines passent et la douleur joue ses tours. Jentys semble prête à craquer.

Tandis que j'œuvre à libérer ma capitaine de la crasse souillée héritée des derniers jours en mer, je peux pleinement ressentir la rage contenue de la jeune femme. Elle ne dit pas un mot allant en ce sens mais je n'ai nul besoin de langage pour connaitre les pensées de la Cellarys. Nous nous connaissions tous deux depuis bien trop longtemps pour que je n'eusse à m'embarrasser de choses aussi vulgaires que des mots pour analyser son état d'esprit. Notre complicité était telle que de simples œillades nous suffisaient pour communiquer sur le pont du Fendeur des Mers. Aussi, je ressens sa hargne de plein fouet à l'instar d'un coup de poing au plexus. N'importe quel autre homme ne pourrait y prétendre mis à part feu son époux mon meilleur ami. Car en apparence Jentys est aussi impassible qu'une statue de marbre de Volantis. Cette tension latente à découper au couteau réveille une fois de plus ma culpabilité écrasante quant aux circonstances l'ayant contrainte à cette impuissance terrible. Mais, je n'en montre rien parce que cela ne ferait qu'obscurcir davantage l'humeur de mon amie. Aussi, je me contente de frotter avec douceur mais fermeté son corps meurtrie. La nudité ne provoque aucun effet car nous sommes comme frères et sœurs.  

Un sourire amusé particulièrement rieur se peint sur mon visage marqué par la concentration suite à sa remarque quant au fait que j'eus pu me récolter un coup de poing féroce dans la mâchoire. Elle en était somme toute parfaitement capable qui plus est et ce indépendamment de son état actuel de faiblesse. Finalement, elle opte pour une méthode plus diplomate et se fend d'un hochement de tète suite à ma rectification de justesse de mes paroles. Bien que je sois déjà au fait de ce lien inébranlable me liant à sa famille, le fait qu'elle le rappelle à haute voix me fait du bien au cœur. Et, je dois masquer mon émotion en fuyant son regard et en tachant de me focaliser sur les taches de sang sur sa peau d'albâtre.

"Je sais Jent. Je te taquinais pour la famille. Vous m'avez toujours accueilli dans la votre comme si j'étais un membre de sang. Je ne pourrais jamais vous montrer l'étendue de ma gratitude. Bien sur Tys. Le plus tard possible. Même à sa majorité s'il le faut."

Je n'avais pas d'enfants mais si j'en avais je pense que je serais entièrement d'accord avec la veuve féroce. Mieux valait éloigner nos progénitures de l'horreur de ce monde le plus longtemps possible. L'enfance était une période si heureuse si éphémère que briser celle ci apparaissait comme un crime. Quoi que je devais avoir semé une belle litanie de batards depuis le temps. Le rire de ma capitaine sonne tel un festin à mes oreilles. Et, je ris à mon tour ragaillardi par cette vision.


"Tu feras une lady absolument épatante Jent. Dangereusement mortelle. J'espère que lord Tolland a les épaules." Les doigts affectueux de la mère de famille se posèrent sur mes cheveux et un sourire amusé ne tarde pas à succéder au rieur. Cela faisait bien longtemps que Tys ne s'était plus montré aussi tactile avec moi. "Bien sur maman. Et je ferais aussi la vaisselle et la lessive." Lançais-je provocateur. Avant de reprendre d'une voix douce. "Je resterais toujours à tes cotés ma sœur. Dans le chaos comme dans la paix. Allez il est temps de te reposer."

Avaenor

Avaenor est le second de Jentys, et avant cela celui d'Ërinnon, feu l'époux de Jentys. Il a juré à cet homme qu’il prendra toujours grand soin de sa femme et de ses enfants. Depuis, il garde un œil sur cette blondinette. Suite à une bataille navale, Jentys se retrouve les jambes brisées en raison de la chute d’un mât. Les marins des Valtigar pourront s’échapper d’une morte certaine. Les semaines passent et la douleur joue ses tours. Jentys semble prête à craquer.

La remarque de ma capitaine et meilleure amie me replonge presqu'instantanément dans un souvenir que je considère comme le plus important de toute mon existence mais que j'avais pourtant paradoxalement oblitéré involontairement. Je me trouve en Essos sur le pont du Fendeur en compagnie de feu l'époux de Jentys. Ce dernier me propose de sceller notre amitié éternelle par un pacte de sang sur lequel j'ai prêté serment devant tout les Dieux du monde connu de toujours veiller sur son épouse et leurs enfants. Ce pacte de sang impliquait des responsabilités bien lourdes mais également des promesses d'assistance mutuelle jusque dans les sept enfers. Il avait représenté le paroxysme de notre amitié fusionnelle. Si, la vie n'avait pas fait de nous des frères de sang nous l'avions fait par nous mèmes. Mon visage d'ordinaire si impassible ne tarde pas à se décomposer tant l'émotion vient me tirailler les entrailles et me remuer les tripes. Erinnon me manque probablement autant qu'il manque à la Cellarys. 

"Si en effet. Nous avons effectué un pacte de sang. Nous étions frères par notre volonté. Nous sommes donc en effet bien une famille Jent. Il est vrai que l'apprentissage des armes ne doit pas ètre accompli trop tard car l'on apprend plus facilement dans la jeunesse. Alors puisse la paix embrasser ce monde."

La remarque sur le seigneur local me fait sourire en coin tant elle est empreinte de véracité. Ce dernier aurait sur les bras une véritable furie si jamais il souhaitait découvrir les charmes de l'autre continent. Je n'apprécierais qu'à moitié au vu de son statut de veuve de mon meilleur ami cependant les humains avaient des besoins.

"Il serait capable d'accepter tout cela tu sais. Les femmes Dorniennes ont leur caractère. Ne me demande pas comment je le sais hein. Et par ailleurs, il a une réputation de lord fantasque. Bien sur qu'il passera par mon examen scrupuleux. Ne t'en fais pas. Je te ramènerai tout ce dont tu as besoin Jent. Ne t'inquiètes pas pour cela. Nous avons du parer au plus pressé mais je vais tout organiser pour que tu sois le mieux possible ici."

Le fou rire qui se déroule dans la foulée me rassure profondément sur l'état émotionnel de la Cellarys. Aussi, je me laisse réprimander comme un vulgaire marmot de bon coeur. Je la taquine encore un peu avant de l'aider à s'installer dans son lit. Ses ongles s'enfoncèrent dans mon dos alors que je la déposais sur la paillasse avec une délicatesse dévouée. Une fois bien installée je la laisse me serrer le poignet avant de lui caresser affectueusement les cheveux puis de déposer un baiser sur son front tandis qu'elle s'endort prestement certainement épuisée par ces quelques efforts titanesques dans son état.

"Repose toi bien capitaine. Je vais poster des hommes ici en faction. Nous nous verrons demain."