- Mon frère est mon héritier légitime, jusqu’à ce que j’ai un fils bien portant. Nulle loi ne changera cet état de fait. Il se peut que je ne revienne pas de ce front et, donc, je peux supposer aisément que le prochain Roi du Val sera trop jeune et inexpérimenté. Je ne veux pas de conflits sur la régence ou des troubles internes car tels ou tels courtisans pensent pouvoir influencer la Couronne. Les erreurs faites durant la régence de la Reine Mère Sharra ne doivent pas se reproduire avec lui. Par exemple, je refuse qu’un régent promet une alliance, et que le Conseil brise ces accords, et le tout au nom du Roi.

L’exemple n’est pas anodin. Il est extrêmement important. Mon fils, ou mon frère, seront épargnés par ce genre de folies et d’inconsistance.

- Si je meurs en laissant uniquement des filles, alors je souhaite qu’elles soient tout autant protégées. Il n’est pas rare que les Princesses de défunts Rois deviennent les malheureux jouets politiques de certains, et n’en retirent aucun bénéfice à leurs comptes. Qu’importe qu’elles héritent, ou non, d’une couronne, je refuse qu’elles soient humiliées.

J’inspire, pesant mes mots.

- Si je meurs au Conflans, je n’aurais pas d’autres choix que les lois de mes ancêtres décident de la succession. Je ne peux qu’imposer le nom d’un Régent. Si Jonos devient le futur Roi du Val et de la Montagne, je vous invite fortement à maintenir votre rôle de conseiller et à accepter l’Amiral Grafton comme régent. Vous partagez le même idéal politique, vous êtes en bon terme avec l’Empereur et, surtout, vous etes familiers de la Maison Arryn. Pendant que l’Amiral s’assure d’endosser des responsabilités, vous surveillerez attentivement les agissements du Conseil et maintiendrez chacun à l’ordre.

Je reprends quelques gorgées de vins.

- Si je reviens vainqueur du Conflans, préparez-vous à ce que je bouscule les traditions ancestrales et à semer un nouveau vent de litiges et désaccords. Si je n’ai pas de fils, j’envisagerai de changer la succession au sein du Val, ou uniquement la mienne. En l’absence d’un héritier male direct, c’est-à-dire un fils, la fille portera le nom et l’héritage. Son futur mari devra abandonner son propre nom et ses propres droits de naissance pour endosser ceux de son épouse. La loi peut être complexe à rédiger, mais elle fait davantage de sens. Une fille de Roi n’est pas moins royale qu’un fils de Roi.

Je refuse de faire tous ces sacrifices pour un héritage qui ne sera pas le mien. Cette volonté est animée par un semblant d’égoïsme, mais également le désir de reconnaitre le travail de toutes ces reines passées.

- Le Conseil du Faucon ne prendra plus la moindre décision au nom du Roi, ou de la Reine. Son rôle est consultatif, et non décisionnaire. Pour autant, je ne suis pas naïf au point de croire que tout le monde respectera cette volonté. Enfin, il y aura des périodes durant lesquelles la Reine ou le Roi peuvent être indisposés. Par exemple, je peux être à la guerre et la Reine peut être alitée pour de multiples raisons. Le Roi et la Reine seront les seuls décisionnaires, mais en l’absence des deux, seule une personne aura le droit d’acter des décisions : Vous. Tout autre personne qui tente de nouer, ou briser, des alliances ou tout autre type d’entente avec quiconque le fera en son nom propre et non au nom du Val et supportera toutes les conséquences liées à l’acte. Pour ma part, je préciserai que la Reine sera seule décisionnaire mais, vous et votre fille, auraient à vous imposer davantage. Puis-je compter sur vous ?

La Maison Royce est puissante, ayant suffisamment de vassaux à sa botte. Aussi, elle peut également compter sur le soutien d’autres maisons fortes comme Grafton. Par contre, elle n’en reste pas moins une maison dévouée aux Anciens Dieux et leur Foi pourrait causer quelques soucis de légitimité.

- Vous et moi savons qu’il existera toujours des voix contradictoires, qui pensent qu’ils auraient de meilleures épaules que moi ou vous ou mon frère pour porter le destin du Royaume. Qu’importe mon discours, en capitulant, nous retournons à la case départ : le Val va se diviser.

Je me tais à nouveau, constatant cet état de fait avec amertume.

- Je confie le Val à vous, et à la Reine. Vous serez libre d’agir comme bon vous semble pour établir la paix et l’unité. Par contre, sachez que je ne ferais plus de concessions ou de compromis, Lord Asher. La neutralité, ou l’inaction, ne sont plus des options. La régence a échoué à prévenir le danger de l’Empire, accueillant sa naissance sans rien faire. J’ai échoué à protéger les intérêts du Val, perdant une guerre par inexpérience et manque d’agressivité, cédant à tous les caprices de l’Empire et des Royaumes Fédérés. Aujourd’hui, je ne répéterai plus ces erreurs. Comme j’écrirais à la Maison Lannister : je n’ai plus rien à perdre, mais j’ai tout à gagner. Cela veut dire que je suis prêt à tout pour assurer que les générations futures auront encore une Maison, une Armée, une Flotte et, surtout, une Puissance. Et j’assumerai tout pour ce futur, sans sourciller, sans scrupule, et sans pitié.

En somme, narcissisme ou folie, j’aime à penser que je suis le plus dangereux de tous. Je ne tiens plus à rien, si ce n’est au futur des miens. Et je suis prêt à endosser les pires horreurs de l’Humanité, si je peux préserver l’avenir de mes enfants et petits-enfants, neveux et nièces.

- Le Val, sous mon autorité, ne capitulera pas une seconde fois, qu'importe que son ennemi est hors ou à l'intérieur des frontières. Sachez le et agissez en fonction.

En somme, je ne pardonnerai pas davantage Lord Asher si ses décisions ne sont que des demi-mesures pour apaiser des idiots, des traitres ou des fauteurs de trouble. Ceux qui veulent la guerre l'auront, ceux qui veulent semer le poison en boiront autant que moi ...

- J’ai déjà perdu de précieux soutiens parmi les maisons ferventes de la Foi des Sept en proclamant la loi sur la tolérance religieuse, et je vais perdre de nouveaux alliés lorsque j’annoncerai la capitulation. Je ne peux pas me permettre de perturber davantage les fondations du Val, et de ma Maison, sur l’hypothèse que j’aurais ou que je n’aurais pas une descendance directe en un temps si court. En prime, une telle loi n’affectera pas uniquement ma lignée mais celle de toutes les maisons valoises, et toutes ne sont pas prêtes à reconnaitre un droit quelconque à leurs filles. Comme vous l’avez si habilement souligné, je dois d’abord regagner le respect et la confiance des miens en prenant l’épée dans quelques batailles.

Je soupire.
Je veux, mais je ne peux pas.
Le sentiment est frustrant.

- Je réfléchis encore à la question. Elle n’est pas totalement close, ou résolue, dans mon esprit. Ma décision finale dépendra de vous et de vos rapports sur la situation du Val dans les semaines à venir. Si la rébellion frappe à toutes les portes, comme avec la Principauté, je ne vais pas donner des raisons supplémentaires à mes ennemis. Au contraire, si le Royaume est plus uni que je ne le pensais, alors nous pourrons envisager de préserver cette lignée directe.

Que ma fille soit couronnée Reine, ou non, que j’ai un fils, ou non, le sang Arryn coulera toujours dans les veines du futur souverain qu’il soit Jonos, ou le fils d’Asher – ou Asher lui-même.

- Mon frère doit encore faire son choix, entre me suivre ou accompagner l’Empereur. Je mets là tout l’avenir de ma Maison en jeu, en éloignant les deux Arryn de sang et en les trainant à la guerre. J’espère qu’il fera honneur à son rang, à son sang et surtout à ses vœux. Car j’ai des doutes, avec lui. Il semble partager l’avis des Croisés. Et il peut être une alternative à mes ennemis. Il est jeune, comme je le suis. Il est influençable, comme je l’étais.

Je tais cet étrange rêve que j’ai fait, il y a longtemps. Lui et Lord Rougefort s’étaient alliés à Harren Le Noir, ouvrant les portes de la Forteresse pour trancher la gorge de la Reine Mère et me poignarder … Le souvenir suffit pour m’arracher un frisson glacé. Est-ce que je peux me confier à quelqu’un à ce sujet-ci sans être traité de fou ou sans jeter un opprobre injuste sur mon propre frère ?

- Bien. Les armées restantes approchent. Demain, j’annonce la capitulation. Soyez prêts. C’est maintenant que nous verrons les conséquences de mes décisions. Et l’ampleur de la tache qui vous attend, vous et votre fille.