La première bataille de Vivesaigues était terminée, les combats ne l'étaient pas encore, loin de là. Que ce soit au cœur du Conflans ou ailleurs, la guerre n'était pas prête encore de s'achever, et ce n'est pas parce qu'il avait été blessé cette fois, qu'il allait maintenant se tenir loin du front. Il était conscient qu'il lui faudrait quelques jours pour se remettre de ses blessures, mais il repartirait au combat comme le reste de ses troupes armées encore debout et peut-être qu'il viendrait à y laisser bien plus de choses que précédemment, peut-être au contraire, qu'il parviendrait à s'en sortir sans une seule nouvelle égratignure. Seul les Anciens Dieux savaient ce qu'il lui serait réservé. Une chose, cependant, dont il pouvait être certain, c'est que son retour dans le Nord n'était pas prévu pour tout de suite et il aurait été bien incapable de prédire l'instant où il allait retrouver son foyer. Mais il en était de même pour nombreux d'entre eux qui étaient aujourd'hui coincés autour de la forteresse de Vivesaigues jusqu'à ce que la situation se débloque dans un sens ou dans un autre. La tête en avait néanmoins pris un bon coup, et il avait fini par tomber, avant d'être emmené en sécurité au sein du château. Il s'était reposé, sans pour autant dire combien de temps cela avait bien pu durer, mais dès qu'il s'était senti un peu mieux, bien que le Mestre n'était pas du tout d'accord avec lui, il avait immédiatement décidé de se remettre au travail. Bien que dans un premier temps, cela avait été de réussir à se lever, faire quelques pas jusqu'à un fauteuil qui se trouvait à côté du bureau où on lui avait rapatrié les cartes et les plans de bataille qui était encore dans sa tente de commandement avant qu'il ne lance l'assaut avec ses troupes contre l'un des fortins détenus par les forces de l'Ouest. Il s'était plus avachi qu'autre chose dans le fauteuil en question, le sang semblait décider à taper furieusement contre ses tempes dans sa tête, et la blessure dans son épaule venant à le tirailler également. Puis, il avait commencé à recevoir certains des commandants de division des troupes nordiennes, pour faire un peu l'état des lieux des différentes catégories de soldats et surtout connaître les pertes, qui s'accumulaient à chaque nouveau front, à chaque nouvelle bataille, ce n'était qu'une tragique histoire qui recommençait encore et encore sans parvenir un jour à atteindre le dernier chapitre.

La conversation avec Daemon l'avait laissé songeur face à la réaction d'un de ses plus proches amis, ses réflexions faisant plus ou moins écho à ce que lui même avait pu penser à un certain moment et ce dont il venait à penser encore parfois. Il se sentait à nouveau fatigué, comme s'il avait vieilli d'un coup, mais alors qu'un des membres de la Garde-Loup venait à frapper à la porte pour lui annoncer la venue de Benjen Corbois. Cela lui sembla soudainement faire une éternité qu'il n'avait pas vu son aide de camp, et s'il avait demandé de ces nouvelles à son réveil, il n'avait pas pour autant immédiatement fait appel à lui. Ils n'avaient pas beaucoup d'écart en âge, mais il l'avait vu grandir à ses côtés et il avait donc le désir de le laisser se reposer après le combat. Le Roi n'était de toute manière pas vraiment en état de quitter son lit, alors encore moins la chambre où on l'avait conduit et il n'avait pas envie de se lancer dans une nouvelle polémique en compagnie du Mestre qui s'occupait de lui. Jon lui adressa un sourire léger, fatigué certes, mais un sourire néanmoins quand il entra dans la pièce. Il lui fit rapidement signe pour qu'il se relève après avoir posé un genou à terre devant lui en signe de respect. « Je ne sais pas si on peut appeler véritablement du courage, Benjen, mais j'ai fait ce qui me paraissait être le mieux pour venir en soutien aux troupes de Lord Vance. Mais sans nos frères d'armes, je ne serai sans doute plus en vie aujourd'hui. » Encore une fois, il était loin d'égaler son frère, mais Jon était malgré tout fier de ce qu'il avait accompli contre les forces ennemis, bien qu'il avait fini par céder face au nombre. « Viens t'asseoir avec moi pour le moment, Benjen, et buvons une coupe de vin pour célébrer malgré tout notre non-défaite face à l'ennemi ! »

Bowen avait joué le rôle d'être le tout premier aide de camp que le jeune prince qu'il était alors, avait eu à son service. Il était alors plus vieux que lui, bien mieux formé également pour ce qui était le véritable combat, ce que représentait de se battre contre un ennemi fait de chair et de sang, qui était en armure et qui avait une épée, un arc, une hallebarde en main pour pouvoir se défendre. Le feu lord Glover avait appris aux côtés de Torrhen Stark en personne, là où Jon lui-même, avait été sous bonne garde à Winterfell. Il avait eu de très bons précepteurs mais il avait néanmoins toujours eu l'impression qu'il n'était pas à la hauteur des attentes familiales et surtout des attentes paternelles. Les choses s'étaient déroulées si rapidement après le massacre du Bois-aux-Loups. Un jour, il venait à combattre les Sauvageons et quelques semaines plus tard, il avait quitté le Nord, et il s'était mis à poursuivre les ennemis conflanais en compagnie de dix milles hommes, la première armée qu'il avait dirigé. A bien des égards, c'était Bowen qui avait su le guider, le soutenir, le conseiller aussi bien pour la gestion du royaume, que pour des aspects plus personnels pendant tout ce temps. Bowen était passé du statut d'aide de camp, à ami, puis à Sénéchal du Nord et il avait veillé sur lui comme un frère aîné l'aurait fait avec son cadet. Et sans doute que Jon avait été bien plus proche de ce dernier, qu'il ne l'était de Walton.

Dans le cas de Benjen, c'était l'inverse qui se passait. Certes, le fils Corbois n'avait pas beaucoup d'années de différence avec Jon, mais il n'en restait pas moins plus jeune que lui. Il avait passé du temps à Winterfell et le futur roi du Nord avait eu l'occasion de le voir grandir de loin. Cela faisait maintenant plus de deux ans qu'il avait commencé à l'accompagner partout où il allait et l'appréciait sincèrement. Bien qu'ils étaient liés d'une façon ou d'une autre, il n'était pas dans l'obligation immédiate de se rendre à son chevet pour pouvoir prendre de ses nouvelles. Il savait combien les batailles pouvaient être marquantes et que même si on se sortait de là avec quelques contusions, l'esprit lui pouvait avoir bien plus souffert qu'il n'y paraissait réellement au premier regard. Et quand on combattait aussi longuement, quand on savait que bientôt, il faudrait reprendre les armes, ici ou ailleurs, il ne fallait jamais mépriser l'importance de l'esprit sur le reste. Ce qui le surprenait néanmoins toujours, c'était la façon dont se comportait Benjen avec lui, il était toujours bien trop heureux de le voir, alors que la plupart des gens venait à trouver chez Jon, une capacité à communiquer assez proche de zéro, bien qu'il faisait en sorte de s'améliorer ces derniers temps.

« Je serais presque gêné de savoir que mes soldats viennent à chanter mes louanges. Ce n'est pas une chose véritablement habituelle pour moi. Pour autant, cela me rassure au moins de savoir qu'ils viendront à me suivre lors de la prochaine bataille, qui ne tardera sans doute pas je le crains. » Il le regarda se rapprocher de son bureau de travail et le remercia quand il prit la coupe de vin. Il la leva quelques instants en direction du jeune homme. « Pour le Nord ! » Dit-il avec une certaine fierté dans la voix, puis il but une gorgée dans sa coupe. Fallait-il véritablement considérer cette non-défaite, comme une petite victoire ? Jon avait eu la volonté de faire beaucoup plus pour Vivesaigues. Ce n'était pas une formalité, mais il aurait clairement aimé que cela ne soit qu'une étape et que cela ne se transforme pas en un siège des assiégeants eux-mêmes. Et il était passé à pas grand chose d'y parvenir. Ils avaient manqué un peu de chance sans doute ou de coordination. « Heureusement qu'il y a une personne qui est plutôt optimiste entre nous deux, sinon nous ne ferions que sombrer au vu de mon caractère. Nous avons perdu beaucoup d'hommes pour prendre la rive nord de Vivesaigues, il y en a deux autres à récupérer encore ... » Souffla-t-il.

Jon savait parfaitement que la guerre avait toujours fait partie de l'identité des Stark ou des hommes du Nord, venant un peu plus à les caricaturer comme des hommes rustres, sans véritablement d'intelligence, passant les hommes au fil de leur épée célèbre en acier valyrien ou de tout ce qui pouvait servir pour trancher au cours de la journée sur les champs de bataille. Quant au soir, ils allaient de taverne en fête, profitant allègrement des femmes et de la bière jusqu'à s'effondrer sur une table ou dans une couche. C'était surtout que toutes les personnes qui étaient de la génération du Jeune Loup, n'avaient finalement aucun souvenir de ce que pouvait être le Nord, et maintenant tout Westeros, sans que la guerre ne vienne à rythmer leur quotidien. Les femmes restant en arrière pour assurer les cultures, la survie des familles, pendant que les hommes allaient et venaient dans le royaume au gré des différentes périodes de combat, plus ou moins régulièrement. Trop partaient. Dans des moments bienheureux, ou les Anciens Dieux semblaient être à leur côté, la plupart des combattants finissaient par rentrer chez eux, et dans le cas contraire, il fallait pleurer les morts, prier pour eux et pour leur âme, puis continuer d'avancer. Combien d'hommes, de pères, de fils, de frères étaient portés disparus aujourd'hui ? Combien de femmes, de mères, de filles, de sœurs avaient connu l'horreur de ce que les ennemis pouvaient faire subir à ceux et celles qui restaient en arrière ? Combien d'entre elles survivaient depuis de nombreuses années au lieu de vivre ? Jon n'avait pas toujours été d'accord avec son père, même loin de là, mais il était une chose qui les rassemblaient aujourd'hui, c'est que tout cela devait s'arrêter.

Le Jeune Loup avait envie d'être un Roi de paix, un Roi qui pourrait reconstruire son royaume et parvenir à le faire prospérer sans les menaces du Sud qui semblaient aujourd'hui venir de toute part, ou celle du Nord, des Sauvageons se cachant derrière le Mur et qui avaient fait de lourdes pertes dans la maison Stark la dernière fois qu'ils s'étaient rencontrés. Il voulait entendre le rire des enfants, il voulait surtout entendre le rire de ses enfants, voir leur sourire, les emmener parcourir les bois autour de Winterfell à cheval, les voir s'émerveiller devant les flocons de neige qui tombaient, et même se mettre parfois à désespérer que la neige ne vienne pas à partir. Il voulait tout simplement rentrer chez lui, mais cette guerre ne finissait pas, et sa blessure à l'épaule venait le lui rappeler. Il ne pouvait que le reconnaître, le jeune Corbois était plein de promesses, il avait cette volonté évidente de vouloir combattre pour le royaume qu'il avait vu naître, il était bon au combat et désirait faire ses preuves à chaque nouvelle bataille rangée. Sans doute, Jon ne le disait pas assez souvent, mais il était véritablement heureux de l'avoir à ses côtés. Il hocha doucement la tête à ses paroles. « Personne ne lâchera rien d'un côté comme de l'autre. Pour le moment, je crois que nous ne sommes pas capables de nous remettre en mouvement directement dans les deux camps. Mais cela viendra dans un laps de temps plus ou moins long et nous devons d'être prêts. Je me dois d'être prêt. Il est hors de question que cette blessure et ce coup à la tête ne m'empêchent d'embrocher encore des ouestriens. » Son visage s'assombrit un instant et il lança un regard vers l'extérieur. Il pensait à Jeyne, quelque part, plus à l'Ouest dans son château de Castral Roc et il soupira doucement. « Je sais que plus nous attendons et plus cela laissera de possibilité à l'ennemi ... » Il se tourna vers Benjen et il eut le réflexe de hausser les épaules avant de lui répondre. Il dut se mordre la lèvre alors qu'une vive douleur le reprenait et il prit quelques secondes avant de répondre. « La tête me sonne comme si une énorme cloche venait à y tinter inlassablement. Quant à l'épaule, elle est douloureuse. Mais tu n'as pas à t'inquiéter, j'ai pris plus d'un coup, notamment avec feu ton beau-père, lord Omble, quand il m'entraînait. Seuls ceux qui ne combattent pas, restent entier. » Dit-il avec un petit rire dans la voix.

Bien trop souvent, on oubliait que les hommes du Nord se souvenaient des actions qu'on pouvait mener contre eux, même si cela pouvait prendre de nombreuses années avant d'accomplir sa vengeance, ce n'était pas pour autant que le souvenir s'était estompé. Et l'esprit de Jon Stark était encore jeune, il était donc pleinement en capacité de se souvenir d'événements qui s'étaient passés, il n'y avait pas si longtemps que ça finalement. Jon se souvenait encore d'avoir festoyé au sein même de Winterfell, pour pouvoir célébrer l'union de Jeyne avec Lyman Lannister. Sa sœur était rayonnante alors que lui, il venait déjà à jouer les hommes bougons, bien conscient de son départ prochain et de ce sentiment d'abandon que cela faisait naître en lui. Il avait déjà perdu sa mère, maintenant il perdait sa sœur. Il avait espéré que l'éloignement ne changerait rien dans leur relation mais cela avait été bien le contraire. Toute à son bonheur nouveau et ses responsabilités dans l'Ouest, elle n'avait guère donné de nouvelles et leurs dernières rencontres avaient été tendues alors qu'elle soutenait son époux contre les Stark, contre le Nord. Jon voulait trouver un compromis, mais les Lannister n'étaient pas des gens d'honneur et avant même de leur déclarer officiellement la guerre, ils avaient déjà pris le parti de financer leurs ennemis contre eux. Que Jeyne l'ait décidé ou non, elle participait d'une façon ou d'une autre à mener la guerre contre son sang et cela le rendait fou. Jon aurait sincèrement aimé faire plus à Vivesaigues pour pouvoir se débarrasser des hommes des Terres de l'Ouest. La bataille ne faisait que commencer. Le regard noir dirigé vers son verre, les traits soudainement figés par la colère, Jon finit par redresser le visage et regarder Benjen droit dans les yeux. « Je ne lâcherai rien, je ne lâcherai rien contre l'Ouest tant que je n'aurai pas vu la tête de Lyman Lannister se balancer au bout d'une pique. On ne peut leur faire confiance. Le mariage de Jeyne devait nous permettre de nouer une alliance solide, et ils n'ont eu de cesse de nous trahir jusqu'à finalement nous déclarer la guerre. Je n'aurai de cesse, même si c'est là que je mènerai mon dernier combat, de poursuivre cet homme et de lui faire payer son infamie. » L'Hiver allait venir très bientôt, et Jon ne ferait nul cadeau à celui qu'il avait un jour appeler « mon beau-frère ».

Finalement, il prit le temps de quelques secondes de silence pour pouvoir se calmer un peu, et les mots que Benjen prononcèrent par la suite, vinrent à nouveau à lui arracher un sourire. Il fallait bien le dire, il en avait assez d'être en colère contre tout et tout le monde à longueur de temps. Il savait qu'il se mettait une pression trop forte sur les épaules, mais c'était bien souvent plus fort que lui, et il avait du mal à se contrôler. « Oui, il en faut plus pour pouvoir tuer un loup du Nord. » Il eut un petit rire. « Je me suis dit que les cicatrices et autres blessures de guerre me donnaient une image bien plus royal. Quand on a un père comme le mien, qui a passé la moitié de sa vie à combattre, il faut essayer d'avoir ses propres histoires à raconter par la suite pour marquer un peu les esprits. » Torrhen en avait eu de nombreuses, mais ce n'était jamais lui qui les lui avaient contés. Conrad Omble s'en était bien souvent chargé, ses oncles aussi quand ils étaient en vie. Encore aujourd'hui, il se rendait tristement compte à quel point il méconnaissait son père. Ils avaient passé la majorité de leur existence physiquement loin l'un de l'autre, et ce n'était pas maintenant que les choses allaient s'arranger. Même si la paix venait un jour, et que Fort-Darion serait toujours prête à l'accueillir en tant que souverain fédéré et comme fils aîné de Torrhen Braenaryon, Jon avait bien l'intention de couler des jours paisibles à Winterfell et non pas à l'autre bout de Westeros. La question de la suite des combats fut poser et Jon fixa attentivement Benjen dans les yeux.

La fatigue que Jon ressentait ne pouvait pas expliquer entièrement la douleur qu'il pouvait bien ressentir à cet instant à l'évocation du royaume de l'Ouest ou des Lannister. Il s'était, certes, senti trahi mais surtout, on s'était joué de lui et il avait perdu bien plus qu'un allié dans toute cette histoire. Quand le prince héritier du Nord avait rencontré le prince héritier des Terres de l'Ouest, il avait sincèrement pensé qu'ils pourraient se reposer l'un sur l'autre, rajoutant à ce duo, la personnalité de Ronnel Arryn, il avait espéré pouvoir former un jour ou l'autre, un trio de souverains de la même génération, dont l'âge était à peu près similaire et qui pourraient s'allier pour s'opposer aux menaces qui venaient du Nord, d'au-delà du Mur, des territoires bien plus au Sud, ou encore de ceux qui pourraient un jour venir de terres encore plus lointaines. Rien ne s'était passé comme cela aurait du être le cas. Le Nord, Peyredragon et le Val s'étaient fâchés, bien avant qu'ils ne prennent la décision de s'engager dans la guerre aux côtés des Puissances Centrales, mais au moins eux, avaient eu le mérite pendant un temps d'être véritablement neutre. L'Ouest avait promis à l'un, à l'autre, et discrètement dans le dos de tout le monde, ils continuaient à jouer un double, voir un triple jeu, changeant de politique comme le vent venait à changer de direction. Tout était faux chez eux à part la blondeur de leurs cheveux. C'était le jeu des trônes, de la politique, de la stratégie militaire. Et d'une certaine façon, cela aurait pu passer, même si cela mettait des batons dans les roues de l'Empire, il n'en aurait pas fait un cas directement personnel s'il n'y avait pas eu Jeyne au milieu de tout ce complot. Elle l'avait ignoré pendant une éternité, elle avait fini par renier ses Dieux pour ceux de son époux et elle le soutenait dans cette guerre contre eux. Il savait qu'il se devait d'être plus logique dans toute cette terrible histoire, mais il ne pouvait y parvenir. Dès qu'il pensait à sa sœur, cela le mettait dans une colère noire.

Jon soupira doucement. « Désolé, ce n'est nullement contre toi … Mais le sujet est toujours aussi douloureux. Ce n'est nullement digne d'un Roi, mais quand je pense à ma sœur mariée à cet homme … Je ne saurais dire réellement s'il ne pense qu'à l'argent et à la force. Jordane Lannister a toujours été une femme de caractère, puissante et déterminée, je pense que même si son époux n'est plus de ce monde aujourd'hui, elle doit continuer à manipuler son royal fils d'une façon ou d'une autre. Et son influence n'est guère une bonne nouvelle pour nous. Quant à Jeyne ... » Il soupira doucement. « Je ne doute pas qu'elle a dû avoir des discussions houleuses avec son mari concernant le sujet. La meute des Stark est solide et elle n'a sans doute pas oublié les liens du sang ou du cœur qui nous unissent, mais elle est Reine, et elle est la mère du prince héritier de l'Ouest. Elle doit être piégée entre lui et nous. Entre la famille dans laquelle elle a grandi et celle qu'elle s'est créée à Castral Roc. Surtout qu'elle a un fils à présent, un fils qui héritera de ce royaume quand il en aura l'âge, elle doit également penser à son avenir. Je ne voudrais en aucun cas être dans sa situation, mais la guerre nous pousse à faire des choix, à prendre des décisions, aussi douloureuses qu'elles puissent être. Pour le moment, je ne suis pas prêt à faire des compromis et je crois que c'est la même chose de l'autre côté. La guerre peut durer encore longtemps ainsi et j'en suis profondément désolé. » Jon inclina légèrement la tête devant les paroles de Benjen à son égard. « Tes mots me touchent, et apportent un certain réconfort qui n'est nullement négligeable en cet instant, ici à Vivesaigues alors que l'Ouest est à nos portes. » Il resta silencieux quelques instants après ces paroles, prenant le temps de déguster le vin qui était dans sa coupe avant de répondre à son aide de camp. « Nous ne lâcherons rien, ça, je peux te le promettre. Nos hommes non plus, ils ont la volonté, et encore des ressources pour y parvenir. Et tôt ou tard, nous viendrons à retrouver nos familles. » Il sourit doucement. « As-tu eu des nouvelles de ta mère et de Fort-Darion ? »

Cela ne servait à rien de ressasser le passé, à moins d'avoir l'envie de se faire du mal. Et pour le coup, il s'en était déjà fait depuis assez longtemps comme ça. Car Jeyne n'était pas parti seule, elle avait emmené dans ses bagages, sa cousine Lynara Karstark, avec qui, le futur Roi avait grandit également. L'une comme l'autre, elles avaient épousé un homme de l'Ouest, l'une comme l'autre avaient eu des enfants depuis, et au moins l'une des deux avait même renoncé à ses Dieux pour pouvoir suivre la Foi du royaume. Était-ce une façon de se préserver face à des origines qui devenaient de plus en plus mal vu quand on faisait le parallèle avec la politique que menait les Lannister ? Ou au en réalité, elle avait décidé ce changement par réelle conviction ? Il était fort compliqué pour Jon de comprendre tout ce qu'il se passait que ce soit à Castral Roc ou dans la tête de sa sœur. Même avant la remise en cause de leur alliance avec le Nord, puis par extension avec l'Empire tout entier, les contacts étaient rares et n'avaient pas vocation à donner beaucoup de détails en dehors de prendre des nouvelles la concernant ou concernant sa grossesse en cours. Il avait beau faire le tour, il ne pouvait qu'exprimer le fait que tout cela était un triste gâchis. Mais bien plus que la famille de sang, le plus important était sans doute la famille que l'on choisissait de se créer et des personnes qu'on voulait avoir autour de nous, pour nous entourer. Benjen était un proche de la famille Stark, comme l'était auparavant son père, comme l'était toujours sa mère par ailleurs, bien qu'elle avait trouvé sa nouvelle destinée à Fort-Darion et qu'elle servait l'Empire tout entier et non plus juste le Nord. Cela faisait maintenant un moment que Benjen était à ses côtés et il savait qu'il pouvait compter sur lui. « Et je te remercie de m'accorder une telle confiance. Sache que ça compte bien plus que ce que je puisse le laisser paraître. » Il fit semblant de grimacer et de se tenir le bras comme si c'était là où il souffrait avant de partir dans un rire léger dans sa direction. « Je pense que je vais te garder encore un peu à mon service, tu crois que tu seras prêt à me supporter encore ? »

Jon s'intéressa alors à savoir si son aide de camp avait eu des nouvelles depuis Fort-Darion, après tout, Nelya n'était pas seulement la mère du jeune homme, mais elle était également un soutien précieux pour ceux qui se trouvaient si loin de la capitale. Le Jeune Loup n'était clairement pas un très grand fan de la cité impériale, il fallait bien dire que généralement, les passages qu'il faisait là-bas, avaient toujours été entre deux batailles. Il n'y allait pas pour le plaisir de rendre visite à sa famille, mais pour des besoins politiques et stratégiques, et quoi qu'il fasse, il se retrouvait toujours accablé de remontrance par son père, sa belle-mère ou par les deux. Néanmoins, avec l'entrée de Val au sein des Royaumes Fédérées, l'endroit prenait encore un peu plus une place centrale, notamment par son installation stratégique. Sans doute, si la vie le lui permettait, qu'il lui faudrait se rendre un peu plus souvent là-bas et faire des efforts de diplomatie. « Nelya a toujours été très maternelle, mais que ce soit avec toi, ton frère ou ta sœur, ou ceux qu'elle a vu grandir. Je ne crois pas que tu réussiras à la faire changer. Mais c'est peut-être mieux ainsi, une mère, c'est extrêmement important. Même si tu ne racontes pas tout, donne-lui de tes nouvelles, sinon tu vas finir par la voir débarquer sur le champ de bataille. Néanmoins, je ne doute pas que ta mère et l'Empereur doivent discuter de ce qu'il se passe dans le Conflans, donc d'une façon ou d'une autre, elle se retrouve déjà au courant. En tout cas, si elle se plaît à Fort-Darion c'est la meilleure chose qui pouvait lui arriver et puis maintenant, c'est toi l'Homme des Corbois, c'est toi le Lord. C'est à toi de perpétuer le nom de ta maison. » Il était marrant et touchant de voir la réaction de Benjen vis-à-vis de sa mère. A l'évocation de Conrad Omble, il fut pris d'une légère tristesse pour son ancien instructeur. Trop de grands hommes avaient été perdu. « Je ne devrais pas tarder à en avoir j'imagine. Je n'ai pas eu le temps d'écrire à mon père après la fin des combats, qui se sont terminés il n'y a pas si longtemps que cela. Je sais de son côté qu'il affrontait le Val. Nous aurons l'occasion d'échanger, bien qu'il est toujours compliqué de donner trop de détails par courrier, pour ne pas se faire surprendre par l'ennemi. »

Il était bon pour Jon de savoir qu'il pouvait encore compter sur des gens. Un Roi était terriblement entouré, il était difficile de dire le contraire, un Roi qui se faisait respecter était entouré de gens qui pouvaient l'apprécier, un Roi qui était détesté mais qui inspirait trop de peur pour prendre la décision d'agir, ne vivait que parmi des gens qui faisaient semblants d'avoir un quelconque estime pour ce dernier. Quelle que soit la situation qui était la sienne, le sentiment que le peuple pouvait avoir à son égard, ou celui qu'il pouvait bien ressentir pour ce dernier, la royauté était en réalité source d'une profonde solitude et les gens de confiance, ceux sur qui on pouvait compter, et avec qui on venait à entretenir un véritable lien était bien peu nombreux par rapport à ce qu'on pouvait penser. Ce n'était pas une fatalité, car d'une certaine façon, Jon était seul depuis bien longtemps, même avant d'avoir reçu la couronne du Nord et avoir commencé à porter son poids sur sa tête comme sur ses épaules. Et Jon venait sans doute de perdre son ami le plus proche, celui qui était son frère de cœur, celui avec qui il avait un lien bien plus profond qu'avec son propre frère de sang. C'était terrible à dire, mais le Jeune Loup avait passé bien plus de temps au cours des dernières années avec Lord Glover, parcourant Westeros ensemble et combattant les ennemis qui se présentaient ensemble. Des liens qui ne pouvaient se forger que par le biais de la guerre. Il eut une pensée qui le fit sourire sous cape alors qu'il était en train de se dire que cela faisait de Benjen le plus proche à succéder à Bowen. Cependant, personne ne pourrait totalement combler cette nouvelle perte douloureuse, alors que quelques mois avant, c'était la femme de son Sénéchal, et amie d'enfance de Jon qui passait de vie à trépas. Il avait entouré trop de gens qu'il aimait. Et il comprenait de plus en plus les fantômes qui semblaient peupler le regard de son père continuellement.

Jon hocha la tête avec un rire presque désespéré quand il vint à parler de la question du mariage. « Sur les champs de bataille, tu ne trouveras que de la gueuse, de la pouilleuse, qui sera là pour t'offrir un semblant de réconfort si c'est ce que tu cherches, et sans doute bien plus une petite maladie au passage. Je ne veux m’immiscer là-dedans, je sais que cela peut-être une question délicate parfois. Mais avais-tu des demoiselles en vue avant de partir au combat ? Je ne peux que te souhaiter d'épouser une femme que tu auras choisi, même si cela n'est jamais simple. Sinon je ne doute pas que ta mère se jettera corps et âme dans la recherche de sa future belle-fille. La cause des Corbois lui tient encore très à cœur, et encore plus quand il s'agit de son fils aîné. » Après, c'était à voir si elle prenait la décision de laisser son fils se laisser porter par son cœur ou si la politique viendrait à prendre une place bien plus grande que l'amour d'une mère pour son fils. « Mon mariage est bien différent de ce que j'avais imaginé. Il a mal commencé, mais c'est amélioré avec le temps. C'est loin d'être parfait, mais nous avons fondé une famille aujourd'hui, et nous avons su nous apprivoiser à partir de là. Il faut dire que depuis que je suis marié, j'ai passé plus de temps à des lieues de mon épouse plutôt qu'à ses côtés. Ce n'est pas le plus simple pour nouer quelque chose. Mais nous faisons des progrès. Je ne veux pas te mentir là-dessus. Après, chaque histoire est différente et je ne peux que te souhaiter le meilleur avec celle qui viendra un jour à porter ton nom. » Il était sincère dans ses paroles. Pour autant, il préféra se taire sur la question du manque, mais son regard se fit lointain pendant quelques secondes, imaginant le visage de sa petite princesse, celui de Eléanor et son ventre qui devait être rond maintenant. « Nous finirons par gagner cette guerre, et nous rentrerons chez nous, c'est tout ce qu'il faut se dire. Des jours sombres, nous attendent encore, mais t'inquiète pas, tu auras le droit à la litanie maternelle sur l'importance de te marier. »

Jon était un homme complexe à n'en pas douter, il y avait eu beaucoup de phénomènes qui l'avaient conduit à devenir comme il était aujourd'hui. Cela avait été profondément douloureux, et cela s'accompagnait forcément de regrets, il aurait été idiot de prétendre le contraire. Pour autant, il était le Roi à présent et ce n'était peut-être pas beaucoup plus mal qu'il se soit ainsi endurci, même si ce n'était pas réellement au goût de tout le monde. Et puis, il se devait de répondre à l'image qu'on pouvait se faire des nordiens et de leur engouement légendaire. En attendant, le moment qu'il était en train de passer avec Benjen était agréable et cela lui faisait oublier un peu qu'il n'avait pas pleinement réussi son objectif, qu'il venait perdre un nombre important de soldats dans la dernière bataille et que sur les trois fortins que l'Ouest avaient installé tout autour de Vivesaigues, un seul était maintenant en leur possession. Sans parler de ses blessures, qui n'étaient pas mortelles, bien heureusement mais qui ne manquaient pas pour autant d'être handicapantes. En tout cas, c'était réellement un moment de partage l'un avec l'autre et c'était sincèrement agréable de pouvoir compter sur un ami, car c'était ainsi qu'il voyait le jeune Lord Omble à cet instant, un ami sur qui il pourrait compter dans l'avenir et il espérait inversement, que ce n'était pas seulement un lien par obligation car il avait été placé comme aide de camp de son souverain et qu'il ne répondait qu'à une exigence de vassal à seigneur. Cela aurait été bien dommage aux vus des différents liens que les Corbois, famille de son père, ou les Mormont, maison de sa mère avaient avec les Stark depuis de nombreuses années et pas seulement sur la génération précédente ou celle plus actuelle.

En attendant, ils venaient à aborder un sujet bien plus léger que celui de la guerre, le Jeune Loup venant à taquiner le jeune Corbois sur le fait qu'il serait bientôt temps de penser à se marier. Il était l'héritier après tout, il était même le Lord à présent donc il se devait de former une union qui allait aider sa maison et lui permettre de perpétuer la lignée. Jon avait toujours été un homme fidèle, il n'avait pas fréquenté ces femmes de petites vertus qui accompagnaient les soldats durant les batailles. Même quand son mariage n'était pas des plus ravissants, il n'avait pas cherché de réconfort ailleurs, ce n'était clairement pas sa façon d'agir et c'était sans doute mieux ainsi car cela ça donnait une possibilité pour que son union fonctionne avec la plus grande sincérité. « Je suis bien heureux de voir que je passe avant les pouilleuses de Vivesaigues dans ton esprit. Cela aurait été peu reluisant sinon, pour toi comme pour moi. » Lui répondit-il en riant. Il le laissa alors s'épancher sur des sentiments plus intimes et alors Benjen vint à lui parler d'une jeune femme qui avait semblé attirer l'attention du jeune lord. Jon essayait de ne pas trop sourire pendant que ce dernier essayait de trouver les mots pour pouvoir parler d'elle. Pour autant, quand il entendit son nom, tout sourire et toute joie vint à disparaître de son visage et il remplit une nouvelle fois sa coupe ainsi que celle de son aide de camp avant de se décider à prendre la parole à nouveau.

Pendant une fraction de seconde, il se posa la question de savoir s'il devait lui dire la vérité ou non, mais s'il voulait continuer à protéger le lien qu'ils avaient créé tous les deux, il n'avait pas le choix. Il soupira longuement, prit une gorgée dans sa coupe et il se mit alors à parler. « Tu devrais prendre un peu de ton vin, je ne suis pas certain que les prochaines paroles que je vais prononcer, te plairont malheureusement. » Il laissa quelques instants pour lui faire comprendre que cela était à prendre au sérieux. « Tout d'abord, je commencerai par dire que les inclinaisons sont une chose, mais que le devoir en est un autre. J'ai aimé par le passé, et pourtant, j'ai du laisser l'amour pour accepter le devoir pleinement et entièrement. Tu n'auras peut-être pas le choix en effet, de privilégier ta maison avant ce que ton cœur ne ressente. » Il se mordit la lèvre. « Pour le reste, j'ai une mauvaise nouvelle à t'annoncer. Je ne pensais pas qu'il y avait un lien particulier entre toi et la jeune Khayley Ardoise, sinon nous aurions pu avoir cette conversation bien plus tôt. Déjà, je tiens à te dire que certains éléments à ma connaissance concernant certaines capacités prétendues de la part de cette dernière fait que je ne pourrais approuver pleinement une union entre vous deux. Ce n'est nullement contre toi, je te pris de me croire, mais il y a des choses qui me poussent à la méfiance, voir même à la défiance la concernant. Je n'ai pas forcément à te dire quoi faire, mais je préfère néanmoins te signaler ma position. Sauf que le problème n'est pas vraiment là. Il y a quelques semaines de cela, j'ai été averti que Khayley Ardoise avait été enlevé à Winterfell, la raison du pourquoi, elle a été enlevé, par les forces bieffoises me sont inconnues, mais je me dois de te l'annoncer au vu de ton inclinaison à son égard. Pour le reste, je ne peux réellement faire confiance aux informations qui me sont parvenus. Je suis désolé pour toi, Benjen. »

On venait parfois à oublier que la situation n'était pas seulement tendue directement sur le front, mais que les personnes que l'on laissait à l'arrière, pouvait être elles aussi menacées. Par les espions, par les assassins ou pour une toute autre raison. Jon était bel et bien conscient que le Nord avait été épargné jusque là, enfin épargné c'était bien vite dit. C'était le royaume qui combattait depuis plus d'une quinzaine d'années contre les forces de Harren Hoare, le premier qui s'était retrouvé dans la lutte. Et si à présent, il y avait bien moins de menace directement sur la terre des Loups, cela ne voulait pas dire qu'il ne s'y passait rien. De plus, les soldats nordiens avaient lourdement payé le prix du sang, un peu partout sur les différents fronts au cœur de Westeros et ça, il lui était impossible d'oublier l'investissement de son peuple auprès d'abord de Torrhen Stark, puis ensuite auprès de lui, et par extension de l'Empire. Mais il était illusoire de croire que là-haut tout allait bien, et il avait déjà envisagé de nombreuses choses pour le bien du peuple, pour le bien aussi de sa famille. Qui aurait pu penser que ça soit Khayley qui se fasse enlever. Ça s'était quelque chose qu'il n'aurait pu envisager un seul instant et même avec ce don qu'elle semblait posséder, il avait du mal à comprendre l'intérêt qu'il pouvait y avoir à la kidnapper. Elle était peut-être une des enfants de la maison Ardoise et il pensait à la sécurité entière de son peuple, d'un point de vu purement personnel, cette disparition ne changeait pas grand chose pour lui. Néanmoins, si ces sentiments étaient totalement neutres à l'égard de la jeune femme, il était apte à prendre en compte les émotions et les réactions de son entourage et il tenait sincèrement à Benjen pour avoir l'envie de le ménager et d'être véritablement désolé envers lui et de lui apprendre une telle perte. Et à cet instant, Jon n'était clairement pas à l'aise d'être l'oiseau de mauvaises augures et venir à lui annoncer une telle nouvelle pouvait déstabiliser n'importe qui. Le jeune loup savait l'influence négative que pouvait avoir ce genre d'annonce sur l'esprit humain, mais il ne pouvait pas garder cela pour lui, il ne pouvait pas cacher une telle information à son ami, à son frère d'arme et ils devaient en parler maintenant pour qu'ensuite, Benjen arrive à cloisonner ses pensées et ses états d'âme le plus rapidement possible pour pouvoir continuer.

« Ce qu'elle a fait, je ne sais pas outre mesure … Je ne sais pas si elle vous l'a dit, mais elle prétend avoir le don de vervoyance. Bien que je sais que cela existe pour avoir déjà fréquenté une personne qui avait ce don, je ne peux affirmer ou infirmer que cela est vrai pour cette dernière. Il n'a fait que chercher à me cacher son état si c'était le cas, et un tel manque de confiance envers son souverain est une chose que je ne peux pas oublier. » Il soupira doucement. « Je ne vois que cette explication pour que le Bief vienne à prendre un tel risque, bien que c'est déjà surprenant qu'ils viennent à chercher à l'enlever alors que c'est une jeune femme aveugle, et que sincèrement, il y avait des dignitaires bien plus importants à kidnapper que cette dernière. Sans parler du fait que la vervoyance est un mythe d'une certaine façon. Alors pourquoi, des Bieffois, pleinement plongés dans leur culte de la Foi des Sept feraient une telle action. » Il haussa les épaules, tout cela le dépassait un petit peu et il n'avait finalement pas de réelle explication pour l'enlèvement de la jeune femme. Même avec son don, c'était prendre beaucoup de risque pour pas grand chose. Néanmoins, les choses étaient ainsi et on ne pouvait guère changer quoi que ce soit à présent. Et la suite de la conversation n'allait pas plaire au jeune garçon. Jon se resservit du vin à son tour et en but une longue gorgée. « Nous étions déjà partis quand c'est arrivé. Et si le Bief a agit, ils l'ont sans doute emmené par voie maritime pour la conduire sur leur terre. » Il secoua la tête. « Khayley Ardoise n'est pas ma priorité. Je ne dis pas que si l'occasion ne se présente pas, je ne viendrai pas à agir, mais je n'irai pas engager mes troupes pour cette dernière. Le bien de mon peuple est le plus important à mes yeux, tu le sais, mais je ne peux risquer la vie de plusieurs hommes pour une seule femme. J'espère que tu ne me détesteras pas trop après cette annonce. »

Jon ne pouvait comprendre l'attrait que Benjen pouvait avoir ou pouvait avoir eu à l'égard de Khayley Ardoise. Il fallait dire que jusqu'à aujourd'hui, il venait même à ignorer que les deux jeunes gens s'étaient croisés, qu'ils s'étaient parlés et il était plus que surpris que son aide de camp puisse avoir envisagé cette dernière pour une possible union avec la maison Corbois. Même si les deux faisaient parties de la noblesse du Nord, et même si le Nord en question était peut-être un peu moins formel dans certains cas, sur les questions de mariage ou sur certains principes, il n'en restait pas qu'un tel mariage représentait quelque peu une mésalliance. En tout cas, il connaissait assez bien la mère du jeune homme pour savoir qu'une telle alliance ne pourrait sans doute pas être envisagé. Tout comme la relation des deux nouveaux amants, il n'était clairement pas prêt à juger de la relation entre la mère et le fils mais néanmoins, il était essentiel pour Jon de faire le point avec le garçon qui semblait soudainement si attendri par la fille de la maison Ardoise. Il devait faire part de ses doutes, il devait faire part de ce qu'elle avait bien voulu lui confier, et il devait lui faire part de son enlèvement. Et cela faisait beaucoup de choses à digérer pour un jeune homme qui était aussi idéaliste que pouvait l'être Benjen. Son aide de camp lui rappelait un garçon, un garçon qu'il avait bien connu, un garçon qu'il était encore parfois. A la fois désireux de certaines choses, voulant suivre ses envies et ses espoirs, notamment en ce qui concernait la question du cœur. Et malgré tout cela, il n'en restait pas moins une personne d'honneur, une personne de valeur qui savait où s'arrêtait sa liberté, et où commençait son devoir, ce n'était pas évident, mais c'était aussi pour cela que Jon l'estimait à ce point.

Il n'en restait pas moins que Khayley Ardoise avait été enlevé et que l'explication qui lui avait été apporté, jusqu'à même l'enlèvement de cette dernière était quelque peu rocambolesque. Même s'il était question de son don de vervoyance, et les visions qui pouvaient en effet, être utiles si on parvenait à les interpréter, mais le Bief avait pris là un grand risque pour une personne qui restait confuse dans ses représentations. Dans tous les cas, s'il avait dit l'essentiel des informations à Benjen, il se garda bien de contenir certaines choses qu'il avait pu apprendre, comme l'endroit où elle serait gardée, d'après une lettre reçue par sa cousine qui lui avait été ensuite retransmise. Mais il ne pouvait y apporter plus de crédit que cela pour autant, puisque la jeune femme étant aveugle ce n'était pas elle qui avait du prendre le plume pour lui écrire et cela avait pu être intercepté. « Il est hors de question que je perde qui que ce soit d'autres dans une mission de sauvetage. Même si sa capacité est avérée, même si elle peut transmettre certaines informations à l'ennemi, je tenterai rien. » Et peut-être même qu'elle était bien plus tranquille là où elle était maintenant qu'auparavant dans le Nord. D'après ce qu'elle avait écrit à Lyanna, on la traitait convenablement. « Les rêves ne sont pas sur commande, et je ne pense pas qu'ils soient aussi claires que donner toutes les compositions de nos forces sur les divers fronts, et puis pourquoi ne concerneraient-ils que notre camp. » Cela ne se faisait pas sur commande. « Je te donnerai les informations, si j'en ai, je peux te le promettre. Mais il faudra que tu comprennes, que si nous venons à la retrouver en vie, je ne pourrai juste la ramener à Winterfell et fermer les yeux sur sa captivité. D'une car il serait difficile de risquer qu'une telle histoire se reproduise, et parce que nous ne pourrons savoir jusqu'à quel point elle se sera liée avec l'ennemi. D'autre part, son retour à la Cour sera conditionnée à l'interrogatoire que je ferai personnellement auprès d'elle et au jugement que je retirerai de tout cela. Cela peut paraître dur je sais, surtout après l'enlèvement d'une jeune fille, et je peux comprendre que tu m'en veuilles, mais je ne pourrai laisser un agent dormant du Bief dans ma capitale, sous mon toit, auprès de ma famille. Quelque soit la façon dont elle a pu être compromise. Sous des airs innocents, on peut obtenir des informations plus qu'intéressantes. J'ai dû accepter de couper toute relation avec ma propre sœur, car elle est aujourd'hui dans l'Ouest. Pas parce que je ne lui fais pas confiance, ou que je ne l'aime pas, mais parce que si je venais rien qu'à lui dire que la Reine est enceinte et que cela est intercepté, il pourrait y avoir un complot pour empoisonner celle-ci et notre enfant à naître. C'est ce qui est arrivé à la dernière Reine Hoare, et en temps de guerre, tous les moyens sont bons pour parvenir à atteindre l'ennemi. »